Je est un autre - Gaspard Dancourt - E-Book

Je est un autre E-Book

Gaspard Dancourt

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Beschreibung

Dans cette autobiographie, Gaspard Dancourt témoigne de sa vie en tant que personne bipolaire, illuminée par une foi indéfectible. Je est un autre - Confidences d’un bipolaire est un phare d’espérance dans un univers chaotique en quête de stabilité. Aujourd'hui, son attachement à Jésus-Christ et l’amour dévoué de sa femme lui permettent de maintenir un équilibre certain.


À PROPOS DE L'AUTEUR 


Derrière son désir de raconter sa vie, Gaspard Dancourt perçoit une raison fondamentale de partager son expérience profonde et personnelle qui reflète une existence tumultueuse dans un monde qui avance à l’envers. Je est un autre - Confidences d’un bipolaire évoque alors une conversion, un témoignage de foi et d’espoir, suscitant ainsi des interrogations et stimulant la réflexion.

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Seitenzahl: 113

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Gaspard Dancourt

Je est un autre

Confidences d’un bipolaire

© Lys Bleu Éditions – Gaspard Dancourt

ISBN : 979-10-377-9667-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma femme,

À mes amis : Bertrand, Étienne et Jean-Baptiste,

Aux Docteurs de Boucaud, Royal, Delage, Lehérissier, Oses, Léonard, Martinelli, Lagorce,

Au personnel soignant.

Le temps met tout en lumière.

Thalès

(625-620 av. Jésus-Christ – 548-545 av. Jésus-Christ)

30 juillet 2022

Je m’appelais Gaspard, Alain, Marie, j’avais la cinquantaine et vivais à Monpazier, un petit village médiéval de 700 habitants à une quarantaine de kilomètres à l’est de Bergerac et à 160 kilomètres de Bordeaux, dans le Périgord pourpre. Marié et sans enfant, je travaillais à temps partiel, 30 heures/semaine, pour un organisme de formation dont les bureaux étaient à Paris.

Mon rôle était de contacter les services des ressources humaines des entreprises pour faire le point sur leurs besoins en matière de formation linguistique et, le cas échéant, de convenir d’un rendez-vous avec les attachés commerciaux. Les seuls outils dont j’avais besoin étaient un téléphone, un ordinateur, une connexion internet et une voix enthousiaste.

Cela faisait quatre ans que j’exerçais ce métier pour cette société, d’abord en tant qu’indépendant, puis salarié depuis juin 2021.

Le 30 juillet 2022 était le premier jour de mes congés d’été et je reprenais, enfin, le début du manuscrit que j’avais rédigé plusieurs mois auparavant.

En effet, tout ne me convenait pas dans ce que j’avais écrit. Je devais réorganiser ce que j’avais en tête pour coucher sur le papier toutes ces idées qui me traversaient l’esprit.

Pourquoi écrire un tel ouvrage, en l’occurrence une autobiographie, qui serait l’équivalent d’un « coming out » sur ma bipolarité ?

Je voyais une raison essentielle à ce besoin de raconter ma vie. C’était un partage d’expérience, une expérience riche et personnelle. Le partage d’une vie chaotique dans un monde qui avançait sur la tête, le partage d’une conversion, d’un témoignage de Foi, d’Espérance. Un besoin irrésistible de susciter des interrogations, de la réflexion, de l’espoir.

En décembre 1992, je devais effectuer mon service militaire. Il faisait particulièrement froid lorsque je partais pour Montlhéry, à une vingtaine de kilomètres de Paris, dans un régiment d’infanterie de marine, le Régiment de Marche du Tchad. À l’époque, je fréquentais Christine, une jeune femme étudiante dans une école d’attachée de presse, l’EFAP.

Je l’avais rencontrée suite à un pari idiot avec un cousin, Frédéric. À l’époque, nous faisions tous les deux des canulars téléphoniques à des heures parfois avancées de la nuit. Il me proposait de la contacter, de la faire venir au « O’Neil », un pub du VIe arrondissement de Paris, et là, lui qui la connaissait, devait nous rejoindre. Nous devions alors faire mine, lui et moi, de ne pas nous connaître.

Nous avions nos habitudes dans ce pub. En entrant au « O’Neil », il y avait d’abord une salle sur la gauche dans laquelle je ne me rendais que rarement. Trois cuves destinées à la fermentation du houblon se trouvaient à l’entrée. L’établissement était ensuite tout en longueur, avec un long comptoir sur la droite. Au fond, il y avait une plus grande salle avec également une mezzanine et des tables disposées de part et d’autre. Le gérant, avec sa magnifique moustache parfaitement entretenue, se prénommait Fabien. Karim était un des serveurs.

Combien de pintes d’ambrée dans ce pub, combien de litres avalés en une soirée, et pour finir dans quel état… « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans… » à seize ans, je prenais ma première cuite suite à un autre pari stupide, cette fois, avec Jean-Marc, mon meilleur ami de l’époque… Je vous laisse imaginer l’état d’ébriété après avoir bu cul-sec un demi-litre d’un mauvais whisky !

Il n’y avait vraiment pas de quoi se vanter, d’autant que le moment était plutôt mal choisi puisque mon père, à ce moment-là, était hospitalisé pour d’importants problèmes de santé. Ma mère, déjà très inquiète, se demandait si je n’étais pas drogué en me voyant malade toute la nuit… Mon frère aîné, Philippe, tentait de la rassurer en lui disant que je me tenais seulement une bonne cuite, une situation que lui aussi avait dû connaître.

Mais revenons à ma rencontre avec Christine. La difficulté pour moi qui ne la connaissais ni d’Eve ni d’Adam était de la convaincre de me rencontrer.

Mon cousin me briefait. Il l’avait rencontrée à une soirée de la Saint-Sylvestre durant laquelle elle s’était retrouvée un peu éméchée. L’idée était de jouer sur son léger état d’ébriété pour justifier le fait qu’elle ne se souvienne pas de moi. Mon cousin me prévenait, elle était plutôt jolie et il était convaincu que je ne souhaiterais plus qu’il intervienne.

Je décrochai donc le téléphone et appelai Christine qui ne se souvenait pas de moi, et pour cause… Je lui dis alors que j’étais quand même un peu vexé qu’elle ne s’en souvienne pas et lui proposais de nous voir. À défaut de se souvenir, elle me reconnaîtrait.

Contre toute attente, elle accepta de me rencontrer et nous nous fixions rendez-vous en bas de chez elle le lendemain. Elle habitait le XVe, rue Dutot. Le « O’Neil » n’était pas si loin et j’espérais arriver à l’y faire venir.

Le lendemain, je la retrouvais donc comme convenu dans son quartier. Bien sûr, elle ne me reconnaissait pas et je trouvais un stratagème pour l’amener au « O’Neil ». J’avais sur moi un livre que je cachais et je prétextais alors que je devais absolument le récupérer au pub. Elle accepta de m’y accompagner…

Quelques stations de métro et nous arrivions à destination. Karim était derrière son comptoir et, alors que Christine avait le dos tourné, je fis mine de récupérer le livre que j’avais sur moi. Il comprit tout de suite et, solidaire, lança : « Très chouette, ce bouquin, merci de me l’avoir prêté ! »

Nous nous installions tous les deux à une table au niveau de la mezzanine et commencions à discuter. Au bout de quelques minutes, j’aperçus mon cousin qui arrivait en contrebas. Seulement voilà, j’étais tombé sous le charme de Christine… Mon cousin avait eu du nez puisque je prétextais une envie pressante pour le rejoindre et lui dis : « Stop, tu arrêtes tout, elle est canon et je passe un bon moment. Je ne veux plus que tu interviennes ! » Bon joueur, il quitta l’établissement.

Mais revenons à mon incorporation. Au régiment, je devenais, après mes classes, moniteur IEC, l’équivalent dans le civil d’un moniteur auto-école. Ayant passé mon permis poids lourds, je pouvais désormais enseigner aux nouvelles recrues l’art du double embrayage sur les camions de l’armée.

Cependant, pas si loin que cela de la France, un conflit faisait rage en Yougoslavie. Dans mon régiment, on cherchait alors des volontaires pour participer aux opérations sous mandat de l’ONU. Christine, à qui je fis part de ma volonté de me porter candidat, me dissuada de le faire.

J’étais en permission lorsqu’un soir je fus invité à dîner chez ses parents, et au moment du dessert… Avec un manque de diplomatie certain, je lui annonçai, en même temps qu’à ses parents que j’avais signé pour partir en Yougoslavie. Autant dire qu’elle allait m’en vouloir définitivement de ne pas l’avoir écoutée et de m’être engagé. Elle me quitta, elle en avait assez de mes mauvais plans. J’étais seul, malheureux, mais impatient de me mesurer à cette triste réalité à moins de deux heures de vol de Paris.

À tort ou à raison, j’avais fait des pieds et des mains auprès de l’état-major pour qu’il m’envoie prioritairement en Yougoslavie alors que je n’étais que sur liste d’attente. Sans doute égoïste, ma volonté de vivre une aventure humaine peu commune l’avait emporté sur les sentiments que j’éprouvais pour Christine. Je souhaitais effectuer un service militaire digne de ce nom.

Au mois d’avril 1993, j’arrivai en Yougoslavie, à Belgrade précisément. J’étais affecté à l’Escadron de Base Avancée du 403e Bataillon de Soutien Logistique. Tout d’abord vaguemestre, je m’occupais du courrier. Ma tournée consistait à me rendre à l’aéroport, à l’ambassade américaine, à la poste principale et à l’hôtel Yougoslavia où logeaient des observateurs de l’ONU. Je rentrais ensuite à la base de Pancevo, à une dizaine de kilomètres de Belgrade.

Après plusieurs semaines passées à Pancevo, les Français devaient quitter la Serbie pour se replier sur la base de Pleso où se situe l’aéroport de Zagreb en Croatie. C’était François Léotard, alors ministre de la Défense, qui en avait donné l’ordre. Il souhaitait ainsi éviter aux soldats français d’être pris en otage. À la télévision française, on nous disait encerclés. La réalité était quelque peu différente… En effet, un seul char faisait des mouvements réguliers autour de la base… C’est le regard baissé et sous les huées de la population locale que nous partions alors pour Pleso où je fus alors affecté à l’Escadron de Transport en tant que conducteur de poids lourds. C’était néanmoins une bonne nouvelle dans la mesure où j’allais enfin pouvoir bouger, « voir du pays ».

Sur le moment, c’était effectivement une bonne nouvelle, mais avec un peu de recul, je n’en sais finalement rien. Étais-je déjà bipolaire à cette époque et ne le savais pas ? Il ne m’était jamais rien arrivé. Pas de phase euphorique, de dépression ou encore de délire… Toujours est-il qu’à ce moment-là je n’avais pas encore été diagnostiqué bipolaire. Cela viendrait quelques années plus tard.

J’étais donc affecté à l’Escadron de Transport lorsqu’un matin, au rapport, le capitaine annonça les noms des conducteurs de poids lourds pour le prochain convoi de Sarajevo. J’étais cité et partirai donc pour la Bosnie, en binôme avec un sergent. C’était mon premier convoi et j’étais excité à l’idée de partir pour cette ville quelque part un peu mythique.

Il fallait plusieurs jours de convoi avant d’arriver à Sarajevo, et donc marquer des étapes pour se reposer ou passer la nuit. Au début, tout se passait bien puisque dans les régions que nous traversions le risque d’être pris à partie était nul. Mais plus nous nous rapprochions de notre objectif, plus l’inquiétude chez moi commençait à se faire sentir. Le sergent qui était en binôme avec moi restait serein. Engagé dans l’armée alors que je n’étais qu’un simple appelé, il devait être rompu à ce genre de situation.

Paradoxalement, ce fut lorsque nous reçûmes l’ordre d’enfiler nos gilets pare-balles que je commençai à m’inquiéter vraiment. Il y avait bien une raison pour que l’on nous donne cet ordre, la zone dans laquelle nous étions ne devait pas être des plus sûres… Et, en effet, quelques kilomètres plus loin, j’entendais les premiers tirs, plus ou moins bruyants, plus ou moins proches, certains tellement proches que je ne pouvais m’empêcher de sursauter. On ne tirait pas sur le convoi, mais cela rajoutait tout de même à mon stress.

Ce n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attendait à Sarajevo. Nous nous y rendions pour apporter l’équipement nécessaire à l’installation du 21e Régiment d’Infanterie de Marine.

Nous arrivions dans la ville olympique de 1984, également celle de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914 et qui déclenchera la Première Guerre mondiale, en toute fin d’après-midi. Les opérations de déchargement de nos containers pouvaient commencer malgré la présence de quelques tirs sporadiques. Cependant, ils s’intensifiaient et je commençais à ne pas en mener très large. La nuit tombait et un dangereux son et lumière s’était mis en place avec pour son les tirs de mortiers et pour lumière les balles traçantes. Ils devenaient particulièrement denses, aussi, ordre fut donné de cesser les opérations et de nous mettre à l’abri derrière les blindés. J’étais dans l’habitacle de mon camion et, dans la précipitation du repli, je chutai la tête vers le bas en voulant en sortir. Une jambe prise par la lanière de mon Famas, lui-même coincé dans la cabine, le poids de mon gilet pare-balles, je ne parvenais pas à me sortir de cette situation on ne peut plus inconfortable, voire dangereuse. Autour de moi, le son et lumière se poursuivait et c’est alors que l’idée de la mort me traversa l’esprit. Je n’allais tout de même pas mourir ici !

Non, je n’allais pas mourir ici ! J’arrivai tant bien que mal à m’extirper du camion et allai me mettre à l’abri derrière les VAB (Véhicule de l’Avant Blindé). J’en étais quitte pour une belle et vraie frayeur, une frayeur telle que l’on s’imagine que notre heure va bientôt sonner. Une frayeur longue et intense, qui laisse le temps de penser à sa famille, à ses amis, qui pose la question de savoir si l’on a eu raison de se porter volontaire. La cause méritait-elle d’être défendue ? Sans doute, et ce, quelles que soient les critiques portées sur l’efficacité des Casques bleus… Étais-je prêt à mourir ? Non, je n’avais que 22 ans !