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Existe-t-il une vie après la vie ? Si oui, nos proches disparus peuvent-ils communiquer avec nous ? Après le décès de sa sœur aînée en 2017, Floriane Gérardin, ressentant le besoin d’un contact avec celle qui fut sa confidente et meilleure amie, se lance dans une quête empreinte d’espoir. Son chemin la conduit vers la Trans Communication Hypnotique, un outil qui lui ouvre les portes d’un dialogue inattendu, mêlant signes et synchronicités. Un lien avec l’invisible se tisse au fil des mois et dépasse ses attentes, éclairant son parcours d’une compréhension nouvelle. Ce récit, à la fois intime et touchant à l’universel, témoigne avec sensibilité de cette expérience bouleversante et transformatrice.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Enseignante, formée à la psychanalyse et sensible aux spiritualités,
Floriane Gérardin explore des univers empreints de questionnements résonnant avec l’expérience du plus grand nombre. Elle publie son premier roman, "À ma place, en autoédition" en 2016. "Suivre l’étoile", son troisième ouvrage, témoigne d’un parcours littéraire empreint de profondeur et de quête de sens.
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Seitenzahl: 199
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Floriane Gérardin
Je t’ai revue et j’ai retrouvé
le chemin de ma vie
© Lys Bleu Éditions – Floriane Gérardin
ISBN : 979-10-422-5437-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ancre tes pieds dans la terre
Et connecte-toi aux étoiles.
Là, tu trouveras le chemin
De tous les possibles.
Auteur inconnu
Samedi 29 juillet 2017. Il est près de quinze heures. Installée autour de la table avec ma fille et ses copains jumeaux, je commence à expliquer les règles du jeu Le Cochon qui rit. Le téléphone sonne. Fabien s’affiche sur l’écran. Surprise. Et instantanément, élan de panique. Mon frère ne m’appelle jamais. Quelle catastrophe cette fois ? Je me raisonne aussitôt. Ce peut être pour n’importe quoi. Je décroche. Mon téléphone capte mal. J’entends « commissariat d’Orange… vient de m’appeler… accident ». Et puis plus rien. Je me déplace, vais dans la chambre de ma fille, reviens dans la mienne, le corps en alerte. Commissariat d’Orange… ? Ça capte à nouveau. Je suis enfermée dans ma chambre. Et j’entends mon frère m’annoncer : « Le commissariat d’Orange vient de m’appeler. Laëtitia a eu un accident ce matin. Elle a été héliportée vers l’Hôpital Nord. Ils n’ont pas pu me dire plus. Maman et moi on va y aller. Tu peux venir ? »
Je me suis assise sur mon lit. Mes jambes tremblent. Mon cœur s’emballe. J’ai chaud. « Hôpital Nord ». « Héliportée ». C’est grave ! Pourquoi le commissariat d’Orange ?
La voix tremblante, je réponds à mon frère que je ne comprends pas, j’ai croisé Laëtitia ce matin quand elle est venue se garer sur mon parking. Elles devaient se rejoindre là avec Johanna. Je partais voir un spectacle avec Ava quand elle est arrivée. Mon frère coupe court : « On ne va pas commencer à imaginer le pire. On ne sait pas ce qu’elle a. Tu peux venir ? »
Non, je ne peux pas. Je suis avec ma fille et ses deux copains. Ils viennent d’arriver. Et je ne me sens pas de conduire jusque là-bas. Nous convenons que j’appelle ma tante qui habite à côté de chez ma mère, là où mon frère se trouve. Elle et son compagnon peuvent peut-être passer me prendre. Ça me laisse le temps de m’arranger pour les copains et de contacter le père de ma fille pour qu’il vienne la récupérer plus tôt que prévu. Mon frère et ma mère partent au plus vite. Maman…
Je passe presque une heure à essayer de joindre les uns et les autres. Personne ne répond. Je tourne en rond. Finalement, tout le monde arrive en même temps. Ma tante et son compagnon, le père de ma fille et la maman des jumeaux. Entre-temps, j’ai pris Ava en aparté dans ma chambre pour lui annoncer que tata Laët a eu un accident de voiture ce matin et que je pars la voir à l’hôpital. Aussitôt, elle me demande si elle va mourir. Je ne sais pas…
Il faut une heure depuis Châteauneuf-du-Pape pour arriver à Marseille. Une heure interminable. Sur le trajet, la confusion se mêle à l’angoisse. Tout se mélange : les dernières images de ma sœur, ses mots, « On s’appelle », quand on s’est séparées le matin même (je devais la rejoindre demain en Ardèche) et les précédents trajets précipités vers un hôpital, pour les décès de Papa, Mémé, Pépé. Trois en cinq ans, on a eu notre dose.
Non, pas encore. Pas toi !
Sensation de plonger dans une réalité parallèle. Rien ne colle. Rien ne va avec ce que je connais. Ma sœur va mourir ? Aujourd’hui ?
Trois choses m’interpellent sur le trajet : un cimetière aperçu aux abords de l’autoroute ; un homme au volant d’une voiture que l’on double, faisant un mouvement avec le bras, comme un envol ; la sortie n° 15, Saint-Antoine – le saint patron des causes perdues.
Alors c’est ça ? Ta cause est perdue ?
Hôpital Nord de Marseille. Dix-sept heures. Dans le grand hall, nous retrouvons ma mère et Fabien qui descendent du service de réanimation. Je n’ose leur demander. Ma mère nous dit :
— C’est grave. C’est très grave. On a vu un médecin. Laëtitia est partie en radiologie. Les radiologues essaient de cautériser une artère déchirée au niveau de la tempe droite. Elle a une grosse hémorragie. Inopérable. L’urgence absolue c’est de réussir à boucher cette artère. S’ils y arrivent, ils passent à l’étape suivante. Après on verra. Sinon, elle va mourir. Elle peut mourir d’un instant à l’autre. Son pronostic vital est engagé.
Le temps s’arrête. Le monde autour cesse d’exister.
Nous sommes suspendus au geste des médecins. Laëtitia est arrivée vivante. Elle est sur un fil.
Je t’en prie, accroche-toi à ce fil !
Ma mère et mon frère nous font ensuite le récit des blessures. En plus de cette hémorragie, elle a subi un très important traumatisme crânien. Son nez est cassé ainsi que son bras gauche. Son intestin est perforé. Le tableau est vraiment chargé. Gravissime. Nous remontons vers le service de réanimation. Là, nous parlons au médecin qui a accueilli Laëtitia à son arrivée en fin de matinée, le docteur Malik H. Il dresse de nouveau la liste des blessures. Nous répète que l’urgence est de cautériser l’artère. Je réagis : « Oui, mais si une artère est bouchée, le cerveau ne sera plus alimenté suffisamment. C’est grave. » Il le confirme, mais ajoute que le corps humain est si bien fait que les vaisseaux secondaires peuvent ensuite prendre le relais pour irriguer le cerveau.
Ah oui ? Ce pourrait être si simple ?
L’attente commence. Nous sortons prendre l’air. Trouvons des bancs devant l’hôpital, sous les pins. On s’assoit, on se lève, on marche. Chacun énonce ses questions. Aucun ne peut apporter de réponse. Je saisis ma mère par les épaules. Elle semble si petite.
Je la serre dans mes bras.
Et je pense à toi. Je te cherche autour de nous. Chaque fois, à l’hôpital, tu étais là. Que dirais-tu ? Que ferais-tu ? Pourquoi tu n’es pas là ? Je regarde Fabien. Il manque un morceau à notre trio. On est trois. Je ne peux pas envisager qu’on reste deux.
Nous remontons. Et débute la série des coups de téléphone. J’appelle le père de ma fille. Je lui dis l’essentiel. Puis je parle à Ava, sans lui cacher la gravité de la situation. Oui, tata Laët peut mourir. Les docteurs font tout ce qu’ils peuvent. Ils essaient de la soigner. Mais elle a un gros bobo à la tête. On ne sait pas s’ils vont réussir. Dès que j’en saurai plus, je rappellerai.
Pendant que je suis au téléphone, le médecin vient nous chercher. Les radiologues ont réussi leur geste. L’artère est bouchée. Laëtitia est revenue dans le box de réa. On peut la voir quelques instants. Nous entrons tous les cinq. Je ne reconnais pas ma sœur.
Laëtitia… Ton corps est là. Mais où es-tu ?
Sous respirateur. Intubée. Des pansements dans le nez. Les cheveux collés, emmêlés. Inerte sur le lit. Le visage tuméfié. Bouffi.
Comme papa.
Je fais le tour du lit.
Maman te prend la main droite. Je pose la mienne sur ton bras.
Nous restons deux minutes à peine. Je lui souffle à l’oreille « Laët, tu es pleine de pulsion de vie. Mobilise tout ce que tu peux. Fais tout ce que tu peux pour rester. » Je refais le tour du lit et vois la plaie au-dessus de son oreille gauche. Mais pas qu’elle a été arrachée. Mon frère me le fera remarquer plus tard.
L’équipe soignante doit maintenant préparer la pose d’un capteur pour mesurer la pression intracrânienne. En plus de l’hémorragie, les scanners ont révélé un hématome important du cerveau. Sous l’effet du choc, il gonfle. Les petits vaisseaux censés prendre le relais sont « écrasés » et ne peuvent l’irriguer correctement. Si la pression intracrânienne (PIC) augmente, c’est une souffrance supplémentaire pour l’organe sensible qu’est le cerveau.
Nous retournons attendre. Et entamons un marathon pour trouver comment joindre la famille de Johanna dont nous ne connaissons pas le nom de famille. Le commissariat n’a pas réussi à prendre contact avec qui que ce soit. Après plusieurs heures, passant par le père de ma fille et des amis communs, nous obtenons le numéro d’un de ses frères que nous transmettons aux médecins de réanimation. L’état de Johanna est préoccupant également. Son pronostic vital est engagé. Nous ne pouvons en apprendre plus. Je demande au médecin si nous pouvons aller la voir, ne serait-ce qu’un instant. Bien embêté, il me répond que ça n’est pas possible. Seule la famille est autorisée, même en pareilles circonstances. L’amie de ma sœur est seule entre la vie et la mort.
Fabien rappelle le commissariat pour glaner des informations sur les circonstances de l’accident. Il a eu lieu vers dix heures du matin, sur la route d’Orange. À moins de dix minutes de chez moi… La voiture de Johanna aurait fait un écart sur la droite puis serait allée percuter la voiture qui arrivait en face. Pourquoi ? Pas d’élément de réponse. Un témoin a assisté à l’accident. La conductrice de l’autre véhicule est gravement blessée également. Elle a été transportée en ambulance vers l’hôpital de Nîmes. Laëtitia était dans un coma profond dès l’arrivée des secours et saignait abondamment par le nez, la bouche et les oreilles. Elle a été héliportée la première en urgence absolue. Moins de deux heures après l’accident, son admission dans le service de réanimation était enregistrée. Johanna était semi-consciente et a été plongée dans un coma artificiel pour ne pas souffrir.
Vers vingt-deux heures, je décide de partir avec ma tante et Jean-Claude. Ma mère reste sur place cette nuit. Fabien attend encore un peu. Il rentrera plus tard.
Sur le trajet retour, le silence est lourd.
Je rentre chez moi et ouvre les fenêtres sur la nuit, sans allumer les lumières. Les cigales ne chantent plus. La fraîcheur du soir pénètre progressivement dans l’appartement. Je me dirige vers la salle de bain. Sous la douche, je regarde les carreaux blancs, l’eau qui coule. Dans cet univers familier, je ne reconnais plus rien. Je suis ici, la même que ce matin au réveil, la même qu’hier soir, et pourtant rien n’est plus pareil.
Laëtitia, où es-tu ?
Je m’allonge, le téléphone allumé posé près de mon oreiller. Épuisée, je finis par sombrer. Je me réveille deux heures plus tard. Et ne parviens pas à me rendormir. Je serre le coussin-cœur de ma fille que j’ai pris dans son lit avant de me coucher. Cela ne suffit pas. Je « tourniche », les yeux grands ouverts.
Maman n’a pas appelé, tu es toujours en vie.
Je supplie. Je supplie ma sœur, l’Univers, le ciel et les étoiles, de la ramener, de me la ramener.
Reste en vie Laët, s’il te plaît.
Vers cinq heures, je vais me glisser dans le lit de ma fille, m’enveloppant de son odeur, son énergie. Je me rendors jusqu’à sept heures.
Au réveil, j’appelle Gilbert Roux, mon psychanalyste. Je lui raconte l’accident. Tout. Ça me fait du bien. Il me demande de le tenir au courant. Il connaît Laëtitia. Il faisait partie du même Centre de Formation de Psychanalyse et de Psychothérapie. Il l’a connue élève analyste. Elle a, depuis, obtenu son diplôme de psychanalyste. Gilbert me recommande de conduire prudemment sur mon trajet vers l’hôpital.
Avant d’y aller, je veux voir ma fille. J’envoie un texto à son père pour le prévenir que je vais passer. Je dois déposer chez lui des affaires pour elle. Ils partent en Corse dans deux jours. Hier, elle a quitté notre appartement sans rien.
J’achète le journal au bureau de tabac en face de chez moi. En descendant sur mon parking, je trouve l’article relatant l’accident. Et je vois la photo. Un carnage ! Ce ne sont plus des voitures sur l’image. C’est de la ferraille. Des carcasses écrabouillées. Comment trois personnes ont-elles pu survivre à un tel choc ? La violence inouïe se lit sur les amas de tôle fracassée. Je m’effondre sur le siège conducteur.
Quand je reprends mes esprits, le cœur et le corps lourds, les yeux bouffis, les larmes prêtes à déborder encore, je file vers Orange. Il est à peine neuf heures. Le père de ma fille ouvre et m’invite à m’installer dans le salon. Nous parlons un moment. Puis il va chercher Ava. C’est si bon de la voir. Elle demande des nouvelles de sa tante. Comme la veille, je ne fais pas de détours. La situation est grave. Tata Laët est encore vivante, mais on ne sait pas si elle va s’en sortir.
Il m’est très difficile de quitter ma fille. Je voudrais qu’elle ne parte pas en Corse. Devrais-je la garder ici ? Peut-être vaut-il mieux qu’elle soit avec son père. Je serai plus disponible pour ma sœur. Mais nous ne savons pas comment vont évoluer les choses. Jusqu’à quand sera-t-elle là ? Et si elle mourait pendant les vacances d’Ava avec son père ? Nous aviserons si nécessaire. Une chose à la fois.
À mon arrivée à l’hôpital, ma mère est seule. Elle a passé une nuit d’angoisse. Allongée sur les bancs de la salle d’attente de la réa. Le médecin est venu la voir plusieurs fois. Il lui a appris que Laëtitia a une vertèbre lésée, chose qu’il avait oublié de nous dire la veille. Au milieu du reste, on peut le comprendre. Le neurochirurgien a posé le capteur de la PIC. Au vu des données, il a été décidé de procéder à une opération pour décomprimer le cerveau en très grande souffrance. Laëtitia est sortie du bloc. Ma mère a pu la voir.
Les parents de Johanna sont arrivés dans la nuit. Prévenus par leur fils que la réa a appelé grâce au numéro que nous avons dégoté dans la soirée. Ils habitent à Lyon. Ils ont reçu l’appel vers minuit. Je n’ose imaginer dans quelles conditions ils ont fait le trajet de plusieurs heures avant d’arriver à Marseille sans connaître l’état de leur fille.
Nous nous saluons. Ils m’apprennent qu’elle a été opérée pendant la nuit, de multiples fractures aux jambes et au bras gauche. Les médecins essaieront de la réveiller dans la journée. Nous partageons les maigres informations que nous avons sur l’accident. Je propose l’article du journal à chacun. L’état des véhicules catastrophe tout le monde.
Nous attendons le rendez-vous avec le médecin. Chaque jour, nous pouvons nous présenter à midi trente pour faire un point avec le médecin de garde. Ces rendez-vous s’avéreront précieux pour suivre l’évolution de l’état de santé de Laëtitia au fil des semaines qu’elle passera ici.
Aujourd’hui, c’est « docteur Sophie ». Nous sommes trois à nous entretenir avec elle. Fabien est arrivé peu après moi avec la brosse à dents, le produit pour les lentilles, les lunettes de vue et des affaires de rechange pour notre mère.
« Docteur Sophie » n’y va pas par quatre chemins. Elle refait l’inventaire des blessures de Laëtitia et ne cache pas son inquiétude et celle de l’ensemble de l’équipe médicale. Le pronostic n’est pas bon. Au vu des œdèmes du cerveau et de l’étendue des lésions, les médecins craignent qu’elle ne se réveille pas. Et si elle se réveillait, elle aurait des séquelles importantes. Lesquelles ? Impossible à dire. On encaisse.
Alors quoi, tu ne parleras plus ? Tu ne verras plus. Tu seras handicapée ? Quoi ?
S’ajoute à cela l’hémorragie importante qui a comprimé le cerveau. Celui-ci a d’autant plus souffert. La mesure de la PIC a déterminé le choix de l’intervention à effectuer : les neurochirurgiens ont enlevé le volet droit du crâne de Laëtitia. Fabien demande à quoi cela correspond. « Docteur Sophie » dessine, sur son propre crâne, d’un geste de la main, la moitié droite du crâne. On encaisse encore. Elle nous explique ensuite que désormais, ils peuvent suivre l’évolution de cette PIC grâce au capteur qui est resté en place. Cela leur permet de vérifier qu’elle n’augmente pas et que le cerveau ne subit pas de souffrance supplémentaire. Elle nous précise qu’une pression correcte – ou acceptable – se situe autour de douze (d’une unité dont j’ai oublié le nom). Ils « tolèrent » qu’elle fluctue jusqu’à seize voire vingt. Fabien demande alors quelle était cette pression avant l’opération. « Docteur Sophie » répond, sans ciller, d’un ton franc et grave : quarante-cinq. On encaisse toujours.
Ton cerveau est mort alors ?
Visiblement, non. Les pupilles sont réactives. C’est signe que le cerveau continue de fonctionner. Mais nous comprenons tous les trois, sans l’intégrer encore ni en prendre toute la mesure, qu’il est extrêmement endommagé.
Au sortir de cet entretien, ma mère demande si je veux aller voir Laëtitia. Non. Je veux fuir. Je veux partir loin. Sortir de ce cauchemar. Je veux ma sœur. Celle que j’ai quittée hier matin. Celle qui était à la plage avec moi la semaine dernière. Celle qui m’a lancé « On s’appelle » quand je suis partie vers Avignon et qu’elle posait sa voiture sur mon parking. Non ! Je veux être seule. Mes yeux s’emplissent de larmes. J’ai encaissé trois uppercuts d’une violence inouïe. Je file vers les ascenseurs aux noms si évocateurs : AVA 1, AVA 2 et AVA 3. Je laisse ma mère et mon frère rejoindre celle que je ne connais plus. Cette Laëtitia qui n’est plus ma sœur. Celle qui est là sans être là. Je dois évacuer. Mon corps n’est plus mon corps. Il est un paquet de douleur insupportable – et le mot est trop faible. J’arrive dans le hall. Je voudrais me cacher. Aucun endroit à l’écart. Pas moyen de s’échapper. Je file derrière une pancarte de photos. Et j’éclate en sanglots. Un déferlement de larmes. Je ne suis plus que pleurs, hoquets et soubresauts.
Ma sœur ne reviendra pas. Je ne reverrai plus jamais celle que j’ai connue.
Dans l’après-midi, à l’ombre des pins devant l’hôpital, je te fais une promesse. On ira voir la mer. Qu’importe ton état. On ira voir la mer.
Laëtitia passera huit semaines et deux jours dans le service de réanimation. Avant son décès prononcé le 25 septembre 2017. Huit semaines et deux jours totalement dingues. Huit semaines et deux jours au cours desquels les rendez-vous avec les médecins s’enchaîneront, les informations se compléteront ou se contrediront. Huit semaines et deux jours que nous vivrons à son rythme, nous organisant autour d’elle. Nous relayant pour qu’elle ne soit jamais seule, tant que nous le pourrons. Huit semaines et deux jours de douleur, d’espoirs, d’accablement, de prise de conscience, de lente acceptation, d’intégration des informations, de retours en arrière, de complications, d’infections, de traitements, d’opérations prévues, reportées, annulées. Huit semaines et deux jours où nous tisserons un autre lien avec la belle endormie. Celui des mots sans réponse, des gestes pudiques. Celui des tentatives de contact ou de réveil. Je soulèverai plusieurs fois ses paupières pour voir le bleu de ses yeux, placerai mon visage devant le sien en lui intimant de me regarder, de me voir. Je lui lirai un livre trouvé à la boutique de l’hôpital dont je découvrirai, en l’ouvrant la première fois, qu’il est pour Laëtitia. Huit semaines et deux jours où nous aurons la chance de pouvoir échanger « à volonté » avec Gilles, le psy du service, à l’écoute, réconfortant, accompagnant. Nous trouverons une équipe professionnelle et disponible. Au fil des jours, nous constaterons que les infirmières et infirmiers, les aides-soignantes et aides-soignants, les médecins, ne cesseront jamais de considérer Laëtitia comme une personne.
Pendant ce temps, nous serons en contact avec le commissariat. Mme J. m’apprendra que la conductrice qui arrivait en face était sous l’emprise de l’alcool et que son compteur kilométrique affichait 120 kilomètres/heure. C’est elle qui est venue percuter la voiture conduite par Johanna dont le compteur bloqué affichait 82 kilomètres/heure. L’amie de ma sœur est restée sur sa voie et n’a pas fait d’excès de vitesse. Elle est hors de cause. Nous sommes très heureux de ça. Elle n’a pas freiné, car elle n’en a pas eu le temps. Tout s’est joué en une fraction de seconde. J’apprendrai, des mois plus tard, que Laëtitia a crié « Attention ! » juste avant le choc.
Johanna se réveillera le lendemain de l’accident. Demandant, sans pouvoir parler, des nouvelles de son amie. Nous pourrons la voir ensuite, dès qu’elle sera sortie de réanimation. Trois semaines après l’accident, elle sera transférée dans un hôpital de Lyon pour être plus proche de sa famille. Elle ne reverra jamais Laëtitia. Nous entamerons une relation téléphonique qui se poursuivra bien après le décès de ma sœur.
Au cours des semaines d’hospitalisation, vont apparaître les premiers signes. Je vais recevoir des messages de Laëtitia, sans le savoir. Du moins, sans oser y croire. Sans mettre des mots dessus. Deux signes qui m’interpelleront longtemps et dont je n’oserai parler qu’à mon psy.
Avec mon parcours analytique, j’ai été sensibilisée aux signes et aux synchronicités. J’ai appris à mettre du sens sur les événements qui se produisent. Et à décrypter des messages de mon inconscient. Je ne me doutais pas qu’un jour je ferais le lien avec les défunts. Que ces signes et ces synchronicités peuvent aussi passer des plans subtils au plan terrestre. Le parcours de ma sœur m’a amenée bien plus loin que j’aurais pu l’imaginer. Je l’ai suivie. Et guidée par elle, je me suis ouverte progressivement à un monde inexploré.
Le lendemain de l’accident, en rentrant chez moi autour de vingt et une heures trente, j’ai ouvert les fenêtres, comme la veille. Le ciel rosissait. Les hirondelles effectuaient leur vol habituel devant mes yeux. Je suis restée quelques instants à regarder le paysage, la plaine castel-papale éclairée par la douce lumière du ciel pastel. J’ai ensuite préparé une assiette de melon frais et suis revenue me poster devant la fenêtre, debout face au paysage. J’ai alors senti un frisson. Sur l’extérieur de mon bras gauche. Un frisson qui n’en était pas un. Plutôt un frôlement. Une caresse du bout des doigts, remontant du coude vers l’épaule. Sensation très nette. Inhabituelle. J’ai regardé mon bras et la distance qui le séparait du bord de la fenêtre ouverte. Je me suis retournée vers le salon. J’ai fini le tour sur moi-même et repris ma position initiale. Mon assiette de melon toujours dans la main, je suis repartie vers l’intérieur. J’ai reproduit le trajet que j’avais fait en avançant vers la fenêtre et me suis approchée du battant ouvert. Je l’ai frôlé pour vérifier si la sensation se répétait. Rien. Ce n’était pas de l’électricité statique ressentie au contact du PVC. Je me suis écartée. J’ai recommencé. Toujours rien. Il n’y avait pas un souffle d’air. Pas de vent. Alors, qu’était-ce ?
Au moment de la sensation, j’ai pensé à toi. Comme un flash. Se peut-il que tu m’envoies un signe ?
Je n’ai pas voulu y prêter plus d’attention. Mais je n’ai pas oublié cet instant.
Quelques semaines plus tard, un autre fait va m’interpeller et me bouleverser.