Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
En s’appuyant sur des récits authentiques tirés de la réalité, Jean-Marc Bazy entreprend un voyage initiatique pour explorer l’identité du « moi » et de « l’autre ». Subtilement tissée dans ses réflexions, sa pratique de la méditation ouvre des perspectives sur notre relation avec l’éthique et les énigmes entourant notre existence dans ce monde. Au fil des pages, il nous convie à remettre en question nos valeurs et à percer les mystères de notre présence ici-bas.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Marc Bazy est maître zen, un des successeurs en Europe du maître japonais Gudo Wafu Nishijima. Il est le fondateur du Temple zen Gudo ji à Lyon Villeurbanne.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 58
Veröffentlichungsjahr: 2023
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jean-Marc Bazy
Je vous zen
© Lys Bleu Éditions – Jean-Marc Bazy
ISBN : 979-10-422-0126-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Qui es-tu ?
Je ne sais pas.
Bodhidarma à l’Empereur de Chine
Vous : Pouvez-vous vous présenter ?
Je : Je ne sait pas vraiment qui est Je.
Je s’appelle momentanément un nom et un prénom, apparu dans le temps repère de heure, date et lieu de naissance, depuis le corps de Elle engendré par Lui.
Je est comme ligoté et structuré de ces informations.
Je a eu une enfance heureuse et inquiète jusqu’à quinze ans, âge auquel sa mère a rejoint le cosmos.
Avant ses quinze ans, Je essayait de se souvenir de sa vie avant sa naissance. Il y parvenait parfois par bribes, éclairs fugitifs et paisibles, puisés dans l’inconscient.
Je avait l’impression d’avoir toujours été là, mais Je admettait pouvoir se tromper, berné par ses sens ou une sorte d’espoir.
Je a, depuis ses quinze ans, beaucoup erré. Son père et ses maîtres des années 1960 après J.-C. en Occident pensaient que le travail, l’effort et l’argent (même si celui-ci était tabou dans son expression) conditionnaient le bonheur.
Mais ses maîtres ne disaient pas à cette époque que le bonheur était le but ultime. Le mot même n’était guère répandu. Mais il était comme certain que le bonheur ne pouvait être atteint que par la satisfaction des besoins. Je avait remarqué qu’il en avait beaucoup.
Je a grandi dans le silence post mortem de la disparition de sa mère, élevé par sa grand-mère et sa grand-tante, jusqu’à ses dix-huit ans.
Je avait été premier à l’école, prix d’excellence et fierté de ses parents. Je recevait des gifles un peu fortes qui brûlaient ses joues et lui tournaient la tête lorsqu’il n’était plus premier en classe.
Je avait peur de mal faire. Sans trop savoir ce que mal était.
Je s’est alors réfugié dans le monde des livres.
Le reflet de la lune dans le fleuve n’est pas la lune
Vous : Qu’est ce que Je a trouvé dans le monde des livres ?
Je : Je a vu que dans le monde des livres une autre vie était possible, plus belle, différente, où franchir un pas de plus était encore faisable, toujours faisable. Je s’évadait. Je fuyait. Je était heureux dans l’autre monde des livres. Je avait moins peur dans le monde des livres. Cet autre monde était réel et non imaginaire.
Je vivait seulement dans sa tête, monde rendu possible par le silence.
Je dévorait tout ce qui lui tombait sous la dent, car Je avait toujours eu beaucoup d’appétit.
Je avait ainsi appris de bonne heure à esquiver le présent absurde ou cruel, les contrariétés, les douleurs, les mathématiques ou l’histoire pour lesquelles Je n’avait aucune mémoire.
Je pouvait pourtant apprendre par cœur s’il le voulait et laisser les choses gravées. Mais Je apprenait surtout à fuir cette réalité qu’il n’aimait pas. Ce père seul qui ne disait rien ; ces professeurs élégants et durs, brillants d’un esprit coupant, magnifiques et frivoles.
Je avait des amis, deux ou trois, qui avaient aussi vu la mort de leur père ou de leur mère et cette solidarité les avait rapprochés pour un temps.
Chacun essayait de s’accommoder de cet accroc, de le ravauder, de l’exorciser.
En fait, Je ne comprenait pas le monde réel.
Je voulait faire du théâtre pour jouer aussi sa vie. Mais son père lui dit que ce n’était pas un métier honnête et Je voulut lui faire plaisir en renonçant à ce projet. Mais Je se vengea plus tard de ce renoncement.
Je ne savait plus si même Dieu existait. Et pourtant, sa mère lui avait appris de bonne heure à réciter tous les soirs le Notre Père et le Je vous salue Marie, à genoux, au pied de son lit, comme une petite mécanique d’horlogerie régulière. Le père de Je, lui, n’y croyait pas.
Je n’adhérait pas non plus à ces simagrées, mais faisait plaisir à sa mère qui semblait y tenir et trouver du réconfort dans cette foi récitée.
La mère de Je avait perdu un enfant à dix ans, de sept ans l’aîné de Je. Cette perte avait saccagé la vie des parents.
Je comprenait ce saccage, accablé du poids de vouloir aider ses parents du mieux de sa présence, à la suite de ce frère mort, entrevu quelques fois, handicapé dans une poussette d’après-guerre.
Je n’avait aucune confiance en lui. Je était timide, mais avait très tôt été ému, touché, bouleversé, intrigué par la gent féminine.
Je avait commencé à explorer le corps de l’autre et avait ressenti de profonds émois troublés à cette découverte. Sa première histoire d’amour fut un rêve de départ. À l’étranger imaginé. Pour fuir, aux antipodes, pour se barricader encore davantage.
Je était amoureux et Je y croyait. Je se maria dès qu’il le pût. Seule solution à l’époque pour habiter avec une fille.
Je passa un concours administratif, le réussit, ce qui lui donna une certaine indépendance et Je s’inscrivit à l’Université. Droit, psycho & socio.
Je réussissait dès qu’il décidait qu’il le voulait. Je avait remarqué cela : il suffisait de se concentrer sur son but, d’y penser, de s’y fondre, et il pouvait le toucher, l’étreindre et l’obtenir. Cela le réconcilia avec le monde extérieur, légèrement.
Car Je avait toujours peur. Peur de ne pas y arriver, peur de ne pas toucher, peur de ne pas obtenir. Et cette inquiétude le rongeait.
À l’époque, l’obtention de Je consistait à vouloir décrocher son droit. Puis en route arriva l’idée de devenir avocat. Mélange de théâtre, de jeu d’échecs permettant de mater le monde, et parfois même de le changer pour les gens. Aider les gens, s’occuper de leurs problèmes semblait important à Je. Je n’était pas non plus insensible au prestige et à l’ascenseur social.
Je qui ne connaissait personne dans cette honorable profession alla rencontrer son Professeur de droit international privé, un poète que Je admirait pour lui demander si Je pouvait y arriver.
La blessure fut profonde lorsque le Professeur lui fit une réponse sceptique : si Je ne connaissait personne (ce qui était le cas), son devenir était aléatoire, incertain, sans succès. Il fallait appartenir à une caste pour percer.
Le Professeur était lui aussi dans une bulle, se trompait, mais Je l’ignorait.