Jean-Pierre Cuoni, un banquier de cœur - Christophe Vuilleumier - E-Book

Jean-Pierre Cuoni, un banquier de cœur E-Book

Christophe Vuilleumier

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Beschreibung

Le destin d’un homme se forge au travers de ses réalisations, mais aussi de son attitude à l’égard de la vie, de ses valeurs et de son éthique. Jean-Pierre Cuoni, le créateur de la banque internationale EFG, épaulé par un ami de longue date qui traversa bien des batailles avec lui, Lonnie Howell, éleva comme vertus cardinales l’éthique et la loyauté dans un monde de la finance désenchanté et pragmatique. C’est lui qui fut le père de l’appellation Private Banking et qui révolutionna le modèle de gestion traditionnel de l’institution bancaire en faisant le pari de l’indépendance de ses collaborateurs. Membre du conseil d’administration de l’union des bourses suisses, du conseil d’administration de la chambre de commerce de Zurich, vice-président de la chambre suisse de commerce, vice-président de la British Swiss chamber of commerce, Jean-Pierre Cuoni est resté méconnu du grand public. Parfois décrié, souvent adulé par ceux qui le connaissaient, Jean-Pierre Cuoni fut l’un de ces grands capitaines d’entreprise suisse qui surent bâtir plutôt que détruire, durant des décennies soumises à des instabilités économiques et politiques majeures. Noëlle Demole, la petite-fille ainée de Cuoni, à décidé de faire écrire la biographie fascinante de son grand-père qu’elle adorait tant.

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Couverture

Page de titre

Remerciements

J’aimerais particulièrement remercier du fond du cœur Christophe Vuilleumier, Lonnie Howell, Caroline Demole, Claire-Anne Demole, Marie Demole, Yvonne Cuoni, Guenther Greiner, Thomas Muther, Jean-Pierre Roth, Yves Oltramare, Mats Pehrsson, Ivan Slatkine, Daniela Haesler et bien entendu, la banque EFG. Sans leur précieux soutien durant ces deux dernières années, ce livre ne pourrait pas exister.

Noëlle Demole

Avant-propos

Jean-Pierre Roth

Cher Jean-Pierre,

Nos trajectoires étaient faites pour se croiser !

D’abord nos prénoms, quelle coïncidence, deux Jean-Pierre ! Je ne doute pas que nos parents, les tiens dans la Lucerne traditionnelle et les miens, dans le Valais non moins traditionnel, pensaient que deux saints patrons valaient mieux qu’un. On ne sait jamais. Peut-être que cette protection baptismale nous a conduit tous deux sur le bon chemin, toi vers la banque privée, moi vers le service public de la Banque nationale.

En fait, nous sommes sortis de terroirs bien semblables. Tu viens d’une famille bien ancrée dans les réalités locales mais prête à de plus larges horizons. Tu n’es pas issu d’un milieu aisé, mais d’un milieu où l’on est bien décidé à travailler dur pour que la génération montante ait un avenir meilleur. Tes parents auraient eu plaisir à connaître ma mère, institutrice de formation, et mon père, employé de la poste. J’imagine aisément leurs propos sur la nécessité d’élever leurs enfants dans la discipline, de leur donner goût aux études et au travail, seuls gages d’une réussite future.

Mais une différence majeure marquait d’entrée nos destinées. Tu étais un enfant d’avant-guerre alors que je naissais après-guerre. Cet écart explique peut-être ton esprit toujours critique et vigilant, alors que le mien restait marqué d’une confiance absolue dans la capacité de notre pays d’affronter des vents contraires.

Et puis tu « jouais aux billets » ! Comme moi à qui, mon père, alors responsable du bureau de poste du village de Saxon, confiait la tâche de « faire le coffre », c’est-à-dire compter l’encaisse du bureau avant sa fermeture quotidienne. J’étais fasciné par ces liasses empilées, soigneusement agrafées ; ta vocation de futur banquier était tracée, la mienne de banquier central se dessinait.

Nous étions faits, chacun à sa manière, pour des formations commerciales : toi à l’École de commerce de Lucerne, moi en préparation de la maturité commerciale à l’Abbaye de Saint-Maurice. Pour nous, pas de latin, de grec ou de philosophie, mais de la comptabilité, du droit et l’étude des pratiques commerciales. Que du concret, ce qui est resté une marque de nos caractères qui a permis ultérieurement de nous retrouver et de forger notre amitié.

Nos trajectoires allaient bientôt suivre des cours bien différents, mais une étape supplémentaire devait encore être franchie : la formation militaire. C’était une réalité incontournable de nos familles. Ton père, officier comme le mien, t’avait inculqué le sens du devoir envers la communauté. Une vie professionnelle accomplie sans carrière militaire parallèle ne pouvait se concevoir. Tu choisis l’infanterie, moi l’artillerie. Soldats, puis sous-officiers, officiers ensuite avec tous deux le grade de capitaine. L’armée fut une école d’engagement et de dépassement de soi, une étape de vie.

C’est alors que nos histoires, jusque-là bien parallèles, se séparent, semble-t-il irrémédiablement, du fait de ton envie de grand large. Te voici parti pour Paris, puis pour les États-Unis, entamant ce qui allait devenir ta carrière de banquier international. Moi je reste dans le droit chemin d’une carrière de service public : formation universitaire en économie monétaire se clôturant par un doctorat dans ce domaine. Tu te formes aux mécanismes de la finance, j’apprends à comprendre les rouages de l’économie suisse.

Malgré ces trajectoires maintenant bien éloignées l’une de l’autre, je ne doute pas que nos yeux se tournaient vers les mêmes réalités du monde financier. Les années 1970 sont bien mouvementées sur le plan monétaire avec l’abandon de l’étalon-or et l’effondrement des parités fixes de Bretton-Woods. Un défi, pour toi, banquier, soucieux des affaires de ta banque et de tes clients. Une interrogation pour moi, futur banquier central, inquiet du devenir de l’économie suisse. Tant d’années agitées, mais tant d’années formatrices aussi ! Nous en ressortons plus forts, toi dans ton métier de banquier privé, moi dans ma maîtrise des réalités macro-économiques.

Nos trajectoires devaient se retrouver ! Au début des années 1980, tu es désigné vice-président puis président de l’Association des banques étrangères en Suisse (ABES) ; je viens d’être nommé membre suppléant de la Direction générale de la BNS. La tradition veut qu’une délégation de l’ABE et la Direction générale de la BNS se rencontrent deux fois par an pour un échange de vues. J’y participe, toi également ! Je te vois encore aux côtés d’Ernest Schaad, président de l’Association, lui tout en rondeur, toi aux interventions pointues. Nos échanges de vues sont fort conviviaux, l’Association s’interroge sur le cours futur des taux d’intérêt et des taux de change et la BNS, sans révéler quoi que ce soit de ses intentions, langue de bois oblige, fait part de son appréciation de la situation générale.

C’est ainsi que nos trajectoires ont commencé à s’entremêler. Nos liens deviennent de plus en plus étroits et amicaux en dehors même de ces réunions un peu formelles. Combien de fois ne nous sommes-nous pas retrouvés dans le train, aux heures matinales, toi arrivant un peu hagard de Suisse romande, un lundi matin, moi montant à Berne pour rejoindre mon bureau de Zurich. C’est dans ces moments privilégiés que j’ai découvert ton caractère jovial, ton sourire et tes bons mots toujours présents. Nous nous découvrons mutuellement, sentant que nos racines sont communes et nos antennes vibrant à l’unisson.

Cette amitié se renforce au fil du temps. Ta carrière se poursuit : Citibank, Natwest, Coutts, moi je monte dans les échelons de la BNS. L’année 1995 voit la concrétisation de tes rêves, la réalisation d’un projet, attendu depuis toujours et dont tu ne pouvais en parler sans passion : European Financial Group (EFG). Un modèle original de banque privée te permettant de mettre en pratique toute l’expérience accumulée depuis trente ans. Hasard extraordinaire, tu décides d’implanter ta banque au bas de la Bahnhofstrasse de Zurich, à un jet de pierre de la BNS. Je ne manque jamais de lorgner un peu à l’intérieur de tes locaux à chacun de mes passages quotidiens sur le chemin de mon bureau. Il y a toujours une belle œuvre d’art moderne à admirer. C’est la marque d’un patron qui vise l’excellence !

Toi à la tête d’EFG, moi président de la BNS, nous nous retrouvons régulièrement au Club du Baur au Lac. Tu me fais part de tes soucis et de tes expériences, moi, novice en la matière, j’écoute et apprends beaucoup. Je garde de ces échanges un sentiment d’originalité, de créativité jamais ressenti dans mes rencontres avec d’autres représentants de la branche. C’est que tu as toujours été « hors normes », issu non pas des milieux financiers traditionnels de Genève, Zurich ou Bâle, mais de ta terre natale lucernoise, maté de culture anglo-saxonne. Un enracinement solide qui te donne une vue bien originale des choses.

La retraite arrivant, nos liens deviennent de plus en plus amicaux, élargis à ta chère Yvonne et à Floriane, mon épouse. Les bords du lac de Zurich sont abandonnés pour les magnifiques rives du Léman à Founex. Que de belles soirées ! Que d’amis chers qui vous entourent ! Que d’excellents repas organisés avec tant d’attention ! J’entends encore ton rire sonore déclenché par une bonne blague. Je revois tes yeux écarquillés devant les belles œuvres d’art si soigneusement choisies et que tu commentes avec tant d’ardeur. Et ce Buchet qui me fais tant rêver au-dessus de ta cheminée…

Cher Jean-Pierre, tu nous as quitté trop vite et si abruptement. Mais ta personnalité était si chaleureuse et forte que tu restes bien présent dans nos cœurs.

Jean-Pierre Roth

Yves Oltramare

Avant d’être un nom, Cuoni est pour moi un symbole – représenté par un faisceau de trois flèches, si solidement liées à leur base que rien ne peut les séparer encore moins les briser, même le Ciel !

Cuoni : trois flèches et un lien qui ont pour prénoms Yvonne, Jean-Pierre et Caroline

Cuoni, une triade :

Yvonne l’inspiratriceJean-Pierre le réalisateurCaroline le lien

Cuoni, c’est d’abord, il y a de cela plus de 40 ans, le mystère radieux de la rencontre de deux jeunes filles, Caroline et Arielle.

C’est grâce à ce lien indéfectible entre nos deux filles que, par des voies mystérieuses, il nous a été donné, à mon épouse Inez et moi, de partager avec Yvonne et Jean-Pierre un long chemin d’amitié.

Avec les années les souvenirs s’estompent, alors c’est l’empreinte que m’a laissée la personnalité de Jean-Pierre que je désire évoquer ici.

Si notre amitié trouve son origine dans celle qui unissait nos deux filles, c’est essentiellement sur le terrain professionnel qu’elle s’est approfondie.

Quoique de douze ans son aîné, ce qui m’a probablement tant séduit dès notre première rencontre était notre fascination commune pour New York.

J’y avais débuté ma carrière américaine dans les années 1950 à l’époque où « sky’s the limit » et au temps des « Trente Glorieuses ».

Nous avions tout appris de notre premier employeur : Lehman Brothers pour moi, National City Bank, dix ans plus tard, pour Jean-Pierre. Au-delà du dynamisme de Wall Street, nous nous sentions subjugués par la vitalité de cette culture américaine, la chaleur de l’accueil, cette passion pour l’innovation, une largesse d’esprit que nous ressentions comme un ballon d’oxygène alors que l’Europe pansait ses plaies de la Seconde Guerre mondiale et cherchait son destin. Nous avions certainement une vision par trop idéalisée, mais elle avait le mérite de nous avoir fait mesurer l’immense retard qu’avaient pris les banques européennes par rapport aux États-Unis face aux techniques modernes de la gestion de fortune et du « marketing », mot considéré comme barbare à l’époque. Cette américanisation allait avoir un impact mondial et inspirer, dans les années 1960, « Le défi américain » de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Tiré à 10 millions d’exemplaires et traduit en quinze langues il nous avait enthousiasmés, Jean-Pierre et moi, tant il correspondait à ce que nous ressentions : l’écart entre la superpuissance nord-américaine et le reste du monde.

Âgé de 25 ans, Jean-Pierre est envoyé à Genève pour préparer le terrain de l’expansion de Citibank en Europe. Evoquant nos parcours de vie, nous avions la certitude d’avoir apporté une valeur ajoutée dans nos nouvelles fonctions.

Il n’est pas dans mon propos d’illustrer ici la brillante et passionnante carrière de Jean-Pierre Cuoni ; sa petite fille Noëlle s’en charge dans cette belle biographie. Je terminerai cette brève introduction en évoquant l’homme que j’ai connu sur le terrain lorsque Jean-Pierre, en 1985, m’a rejoint au Fonds de pension du BIT où nous avons siégé ensemble pendant plusieurs années.

Ses exposés sur la situation économique et boursière étaient toujours d’une grande clarté, exprimant une opinion volontiers un peu provocatrice sortant du consensus. Dans les périodes d’incertitude, alors que certains adoptaient une attitude frileuse de repli, la nature positive de Jean-Pierre se manifestait par sa vision optimiste de l’évolution du monde à long terme.

Mais le vrai charisme de Jean-Pierre était pour la gestion de fortune. Elle alliait sa chaleur humaine et son intérêt pour les rencontres, à travers le monde, avec – il le disait lui-même – « des personnalités intelligentes et cultivées ». Cet attachement affectif à sa clientèle jointe à une compétence professionnelle unanimement reconnue ont fait de Jean-Pierre un redoutable concurrent dans le cadre de la profession.

Il le prouvera par l’attachement que lui a témoigné sa clientèle en le suivant lors de ses changements d’établissements. « Le client appartient au gestionnaire et non à la banque » aimait-il à répéter. Et de rajouter : « C’est une différence considérable, presque philosophique, que mes concurrents refusent d’admettre ».

En affaire, Jean-Pierre n’était pas un sentimental : il avait appris en Amérique !

Jean-Pierre, c’est la cohérence d’une vie qui trouve son unité entre la chaleur d’un foyer et sa vocation professionnelle. C’était un battant au lumineux sourire.

Yves Oltramare

Préface

J’ai mis en œuvre ce projet de livre en mémoire de mon grand-père, Jean-Pierre Cuoni, mon Papou que j’aimais tant, et dont le destin tant personnel que professionnel mérite d’être raconté ; une vie qui, je l’espère, restera gravée dans des annales plus larges que celles de notre famille.

Cette existence emplie de positivité et d’ambition, mon grand-père l’aura menée exactement de la manière dont il la souhaitait. « Regarde, la vie est si belle » me disait-il souvent, et il est vrai qu’il sut se forger une destinée extraordinaire.

Toujours chaussé de ses grandes lunettes tombantes sur son nez, crâne dégarni avec les mêmes gros sourcils que moi, yeux bleus comme le ciel, démarche d’un « chef » et petit sourire au coin des lèvres, Papou aimait les gens avant tout. Ce grand-père qui fut pour moi une référence, un âtre auprès de qui me réchauffer, un fondement, détenait un secret, celui du bonheur : aimer ce que l’on a et, toujours, avoir une faim inextinguible pour la vie. Quel modèle cet homme si humble et si lumineux représenta-t-il pour mes sœurs et moi ! Ses récits, racontés au détour d’un voyage ou d’une veillée, m’ont marquée, durablement, si profondément que déjà enfant j’imaginais qu’il faudrait écrire un jour l’histoire de sa vie pour, les années passant, ne pas en perdre une bribe.

Mon grand-père est parti bien trop vite, mais il sut du moins profiter de chacun des jours qu’il consacra à son métier ou qu’il passa auprès des siens. Une vie réussie à bien des égards, c’est, je crois, ce que mon Papou a su démontrer. Les obstacles et les désillusions ne l’épargnèrent pas, comme chacun d’entre nous bien entendu, mais il parvint à ne retenir que le meilleur et à oublier le reste, sans se départir de son sens de l’humour. C’est, j’en suis persuadée, une force de caractère rare permettant de surmonter les écueils et de rendre possible ce qui semble être utopique.