Jour nucléaire - Tome 2 - William Mils - E-Book

Jour nucléaire - Tome 2 E-Book

William Mils

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Beschreibung

La pomme fut croquée, la bombe fut larguée, et si j’en crois cela, je me dis que retirer l’homme, la femme de l’équation planétaire, préserverait de bien des maux. William Mils

Avec ce tome 2, vous reprendrez bien un verre de liqueur radioactive bon pour la santé ?
-Tu sais combien coûte une combinaison à pression positive, de classe 5, niveau BSL-4 ? -Avec un peu de chance, le tunnel sera encore praticable, il n’y aura plus qu’à courir vers la lumière. -Hitler avec sa Blitzkrieg aurait sûrement salué le paquet « tout en un » du président Pouline. -Papa, maman ? J’ai une nouvelle chanson pour vous, ça s’appelle : Bombe à hydrogène, je t’aime ! -Ça me fait penser que la semaine dernière, j’ai vu une femme, la quarantaine, avec le sexe qui était en lieu et place de son œil droit.

Nous sommes en 2023 et personne n’a encore envoyé l’entièreté de son arsenal nucléaire sur le voisin d’à côté, c‘est une véritable prouesse ! Qu’il est beau de voir le futur devenir présent, idée tellement éphémère de nos jours que j’en viens à lorgner sur un passé déjà écrit, si rassurant. Ne soyons pas défaitistes, les amis, la vie est belle, les journées sont douces et le vent paisible rafraîchit nos nuits pleines de rêve et d’espoir en un avenir sûrement radieux. Mais au cas où, sortez vos plus belles lunettes de soleil, on ne sait jamais quand le flash de l’explosion viendra heurter votre rétine. William Mils


À PROPOS DE L'AUTEUR 

William Mils est un auteur qui vous veut du bien, qui vous fait du bien. Son esprit, à l'imagination débordante saura ravir vos papilles intellectuelles. Peu importe l'endroit, si vous avez un de ses livres, vous ne serez jamais seul. Écrire le restant de sa vie, mais quelle belle idée! Alors c'est dans cette optique qu'il va encore et encore vous ravir par de futures productions qui n'attendent plus qu'à être couché sur le papier.

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WILLIAMMILS

Jour Atomique

Paris, monamour

–Ça y est, ma chérie, nous y sommes, voici Paris !

La femme ne répondit pas tout de suite à son mari.

Elle aurait bien voulu libérer toutes les émotions qui explosaient en elle à ce moment-là, mais rien ne vint, pas une phrase, pas un mot, pas une syllabe.

Il faut dire que cet instant, Jane l’avait attendu toute sa vie. Elle qui avait grandi dans la petite ville d’Avon dans le Colorado, à plus de deux mille mètres d’altitude, entourée par les montagnes et leur forêt, loin de la ville et de son tumulte. Imaginez-vous sa stupéfaction lorsqu’elle tomba sur un article décrivant Paris, ville lumière de la France, ce fut le coup de foudre immédiat.

Elle n’avait pas plus de 10 ans à cette époque et l’on ne partait pas en voyage comme on le fait maintenant, mais elle en était sûre : un jour, cette ville, elle la rejoindrait.

Les rêves d’enfants sont beaux comme le vent qui court les contrées. Ils sont doux, magnifiques même, mais si loin de la réalité des hommes...

C’est deux ans plus tard, en 1970, que ses parents décidèrent de partir s’implanter dans l’Indiana à plus de deux mille kilomètres de leur Colorado natal, espérant trouver une vie meilleure et moins rude. Adieu l’air pur des montagnes, la fraîcheur enveloppante du matin, les neiges majestueuses de l’hiver ou les nuits de contemplation des étoiles... Adieu tout cela !

Cette nouvelle fut un choc pour Jane qui n’était jamais vraiment sortie des limites de sa ville.

Une date fut décidée, le travail préparatoire au déménagement commença pour un départ prévu trois semaines plus tard, direction l’est du pays.

Mais quelle tristesse dans les yeux de la fillette lorsque les sommets s’échappèrent devant elle, devenant de simples points dans l’horizon, jusqu’à disparaître.

Le périple fut long et fastidieux à bord de la vieille Ford F-100 de quinze ans d’âge.

Le départ s’était fait par un temps tout à fait raisonnable, c’était sans compter sur le retour à la réalité. Ce pays remarquable, assez grand pour y accueillir une multitude de climats, pouvait être capricieux.

La chaleur, oui, celle qui est moite et vous colle à la peau, fut un véritable désastre pour Jane, plus habituée au froid qu’aux températures caniculaires.

À trois dans la cabine, l’atmosphère viciée était étouffante. La benne chargée à ras bord des seules choses essentielles prises par la famille tanguait dangereusement dans les virages. Jane était là, au milieu de la banquette, à se lamenter sur son sort. Par chance, à la nuit tombée les degrés suivirent le soleil, et le vent rafraîchissant diminua la peine qu’elle pouvait alors ressentir.

Par souci d’économie, son père avait choisi de faire deux jours à la belle étoile et une nuit dans un motel de bord de route.

À chaque fois, la jeune fille se sentait revivre littéralement à la vue du parking de l’édifice.

Imaginez-vous passer presque trois jours à ne faire que rouler, rouler et rouler encore, avec pour seuls arrêts autorisés le plein d’essence, la pause déjeuner et ceux pour les petites envies pressantes. Dans ces moments-là, prendre sa douche devenait un plaisir incommensurable, jouissif, où Jane pouvait facilement rester une heure. Il fallait en profiter le plus possible, car reprendre la route le lendemain la faisait repartir vers une toilette sommaire, qui la dégoûtait.

Le lit qui l’attendait cette fois-ci n’était ni bon ni très propre, mais elle s’en moquait, un lit c’est mille fois mieux que la banquette du Ford F-100 ou le fin couchage de la tente.

Il leur fallut presque une semaine pour faire deux mille kilomètres et enfin mettre un terme à cet exode.

Entre l’arrêt dans l’état du Kansas pour faire changer une pièce du moteur, un pneu crevé, une commode qui s’était fait la malle sur la route et le soûlard que son père avait bien failli écraser dans la ville de Saint-Louis, tous n’aspiraient plus qu’à la fin de ce calvaire. La délivrance arriva quelque temps plus tard lorsque la petite famille passa le panneau de leur nouveau chez-eux où l’on pouvait y lire : ville de Seymour, Indiana.

Ne lui demandez pas pourquoi ses parents avaient choisi cet endroit précisément, elle ne saurait pas vraiment vous le dire et elle ne l’avait jamais vraiment demandé non plus.

Jane n’avait rien ressenti en particulier face à cette nouvelle ville, mais elle avait bien compris que c’en était fini des montagnes et autres animaux de la forêt, Seymour n’atteignant pas les deux cents mètres d’altitude.

La petite famille s’installa en centre-ville, dans un appartement à l’étage d’environ 80 m², loin de leurs 135 m² du passé, mais pas laid ni dépourvu de charme.

La première chose qui lui sauta aux yeux fut l’agitation incroyable qui régnait dans la rue. Naturellement, Seymour était plus peuplé qu’Avon et cela aurait dû suffire à la fillette pour comprendre l’émoi suscité par un tel rassemblement d’humains. C’était comme s’il y avait quelque chose en plus, presque magique, bouillonnant et crépitant sans cesse, là, pas loin d’elle.

Il faut dire que la ville d’Avon, du fait de sa localisation, ne pouvait pas vraiment rivaliser, permettant ainsi de faciliter la transition assez dure, qui venait de survenir dans la vie de Jane. Les premières années ne furent pas vraiment roses pour elle et sa famille, le père sautait de petit boulot en petit boulot, ses revenus suffisant tout juste à leur maintenir la tête hors de l’eau.

Sa mère essaya elle aussi de trouver un travail pour augmenter leur rentrée d’argent, mais Seymour n’était pas vraiment tendre envers les nouveaux arrivants.

Ils n’avaient pas vraiment eu de chance. Plusieurs histoires d’étrangers ayant semé la terreur auprès des bonnes familles de Seymour avaient éclaté par le passé, maintenant la méfiance au sein de la petite communauté.

Ils eurent cependant une vie heureuse malgré les manques et les privations de tous les jours.

Jane était une élève douce et studieuse, son intégration à l’école se fit dans le calme et la facilité.

Elle n’était pas vraiment belle ni laide d’ailleurs, mais son regard pétillant et ses grands yeux lui donnaient un air tendre et raffiné, jouant en sa faveur auprès des garçons.

Elle devint vite amie avec Suzie, la quatrième fille du pasteur John Wood, fier tenancier de l’église la plus proche de la famille de Jane et sauveur de pêcheurs dans l’âme.

Grâce à cette amitié nouvelle, le père de Jane reçut un coup de pouce du pasteur et fut bientôt embauché à la mairie afin de s’occuper des espaces verts de la ville.

Ce travail lui allait comme un gant. Le salaire, sans être exceptionnel, n’était pas maigre non plus.

Cela donna un nouvel élan à la famille qui quitta son appartement du centre-ville pour rejoindre la petite maison qu’ils venaient d’acheter à crédit, en bordure de centre.

Tout ce changement fit nettement progresser leur statut auprès du voisinage qui leur fit un accueil chaleureux, presque fraternel. Son père instaura deux règles un peu spécifiques pour la maisonnée : ne pas manquer un sermon du pasteur Wood et ne pas se fâcher avec sa fille Suzie.

Les années passèrent dans le calme et la ferveur de Jésus-Christ, personne ne contredisant jamais les deux règles tacites. La mère ne chercha plus de travail, mal vu de ce côté-là de l’Amérique, et s’occupa bravement de la tenue de sa maison. Elle ne manquait jamais de venir en aide aux plus démunis. Ses actions pleines d’amour retinrent l’attention de la femme du bon pasteur qui la prit dans son groupe d’amies.

Jane avait désormais 17 ans, ses formes de femme, fort avantageuses par rapport à ses camarades, firent virevolter bien vite l’œil et le cœur de James, l’un des meilleurs joueurs de foot américain de son école.

Jane n’était pas sourde aux avances un peu maladroites de son courtisan, mais elle s’était mise en tête de devenir infirmière, ne souhaitant clairement pas suivre les pas de sa mère. Un incident rocambolesque fit se rapprocher ces deux-là irrémédiablement et pour toujours.

Un soir, James prit son courage à deux mains. Fort de l’achat d’une bonne bouteille de whisky et d’un joli bouquet de fleurs, il partit sans la permission de sa belle rencontrer sa famille, son père en particulier.

Il s’avança devant le porche de la maison, puis frappa à la petite porte d’entrée.

Pas de chance pour le jeune homme, ses coups venaient de réveiller en sursaut le père de Jane qui se reposait dans son rocking-chair.

Il ouvrit la porte de façon nerveuse et puissante, ce qui permit à James de se rendre compte des 1,90 m et 110 kg de l’homme.

Cette vision le troubla tant qu’il fit un pas en arrière, manquant de ce fait la marche du perron pour se retrouver aussitôt sur le sol, les fleurs éparpillées, la bouteille en morceaux et les jambes en l’air. En bon paroissien qu’il était, devant la détresse du jeune homme, le père de famille le fit entrer chez lui afin qu’il reprenne ses esprits.

Il ne ressortit de la maison qu’aux alentours de 23 h, le cœur léger, sa mésaventure ayant beaucoup fait rire le père et la mère de l’élue de son cœur.

Après qu’ils eurent la bénédiction des deux familles, Jane entra dans une école d’infirmière et James quant à lui devint pompier au sein de la caserne de Seymour.

Ils étaient encore jeunes, pourtant il y avait une telle alchimie entre eux, comme s’ils avaient déjà vécu mille vies ensemble. Jane réussit facilement son cursus d’infirmière, en sortant diplômée avec les honneurs du jury.

James venait de prendre du galon dans son équipe. En trois ans, il avait réussi malgré sa jeunesse à devenir indispensable à sa caserne.

Deux mois plus tard, ils décidèrent de s’unir par les liens du mariage. De mémoire de citoyens de Seymour, jamais une fête n’avait été plus heureuse, plus bénie que celle qui fut la leur.

Autorisation faite auprès du Seigneur, leur amour consommé donna naissance à un petit William, 3,865 kg, aussi brun que son père et aux yeux aussi vifs que sa mère.

Il avait reçu le prénom de son arrière-grand-père paternel qui avait été un saint homme tout au long de sa vie.

Jane aurait préféré un prénom plus actuel comme Jeff ou Ryan, mais devant l’opiniâtreté de son mari, elle avait dû se résoudre à l’accepter.

La vie continua tel un long fleuve, avec des hauts et des bas, apprenant au couple à grandir de ses erreurs en traversant toutes les épreuves que Dieu pouvait mettre sur leur chemin.

Le seul véritable regret de Jane fut l’impossibilité de concevoir un frère ou une sœur à William. Cette époque douloureuse, la plus difficile de toute son existence, fut un combat de tous les instants. Chaque minute, chaque seconde se teintait de rage, d’impuissance, de rancœur et de désespoir devant la disparition du petit être dans son ventre.

Depuis ses 16 ans, Jane s’était peu à peu détournée du Seigneur, de son enseignement et pourtant c’est bien le groupe d’amies de sa mère qui l’aida à accepter cette désillusion.

Depuis lors, la religion fit à nouveau partie d’elle, entière et indivisible de son âme en peine. James avait essayé de lui venir en aide du mieux qu’il l’avait pu, mais il y a des choses qu’un homme ne peut résoudre seul. Il était resté là, en seconde ligne, s’occupant de William, de la maison ainsi que d’un travail toujours plus prenant. Il avait déjà pensé à la quitter, à refaire sa vie ailleurs en emmenant son fils loin d’une mère qui s’était perdue. Un poste de lieutenant vacant dans le comté d’à côté lui aurait permis de s’échapper de tous ces tracas qui lui collaient à la peau.

Mais non, il ne le fit pas, il ne le pouvait pas.

Au lieu de choisir le chemin le plus facile, il prit son courage à deux mains, se rendit chez sa belle-mère afin d’y quérir de l’enseignement et de l’aide.

Ce jour-là, elle l’avait reçu avec beaucoup de bonté et de bienveillance.

Malgré la perte de son époux, retourné au paradis deux années auparavant, celle-ci était restée forte, presque impassible aux choses de la vie.

Elle l’écouta jusqu’au bout sans le couper ni dire mot.

Il faut dire qu’à cette époque les problèmes de couple se réglaient à l’intérieur de la cellule familiale la plus stricte, même les parents n’en avaient l’écho.

Elle lui promit de s’occuper de Jane, le laissant rentrer dans son foyer le cœur moins seul.

Dès le lendemain, une armée d’amies de la paroisse débarqua chez sa fille.

Sa mère à la manœuvre, les petites mains la levèrent, la lavèrent, nourrirent son corps puis la firent marcher jusqu’à l’église pour y emplir son esprit.

Pendant ce temps-là, un groupe de femmes s’affaira au nettoyage de la maison ainsi qu’aux divers travaux ménagers depuis bien longtemps laissés de côté.

James dut partir de la maison avec son fils pendant une période d’un mois pour que Jane puisse jouir d’un repos total.

Ils vécurent donc dans un petit appartement proche de la caserne prêté avec gentillesse par l’un de ses collègues.

Jane ne se releva pas comme par magie, dès le premier jour, non. Ce fut un combat difficile, ardu, douloureux même pour la femme dont la vie s’était stoppée net.

Il lui fallut du temps, beaucoup de temps pour qu’enfin elle puisse comprendre que Dieu l’avait déjà bénie par la naissance de William, son fils vigoureux et bien portant.

À la fin du mois, Jane avait repris du poil de la bête. La prière du matin et la compagnie des femmes lui redonnèrent la force de vivre pleinement. Elle décida d’elle-même du retour de James et William que la nouvelle réjouit au plus haut point. La petite armée de paroissiennes s’en retourna à ses tâches d’antan, fière du travail accompli. Les retrouvailles se firent sans heurts comme si les questions du passé s’étaient totalement envolées.

C’est à ce moment-là, moins d’une semaine après la réunion de leur couple que Jane, en voyant un reportage sur la France, dit à son époux :

–Quand nous serons vieux, allons visiter Paris, veux-tu ?

James l’avait regardée plein d’amour, acquiesçant de la tête en signe de réponse, renforçant une complicité déjà bien ancrée.

Ce moment, elle l’avait attendu toute sa vie, c’est pourquoi elle n’avait su quoi lui répondre.

Jane n’était bien évidemment jamais venue sur le territoire français, pourtant elle s’était déjà tellement préparée, renseignée, qu’elle faisait déjà un peu partie de ce peuple de l’autre côté de l’Atlantique.

Imaginez-vous une attente de près de quarante ans faite d’espoir, de mythe, de fantasmes aussi, sur une ville qui à ses yeux semblait scintiller de mille feux, insolite, presque irréelle.

Juste le temps de prendre leurs bagages et Jane trottait déjà vers la station de taxis.

Des gens élégamment vêtus et fort chaleureux tentèrent de les diriger vers des services de taxis totalement illégaux, mais Jane avait l’œil vif. Elle sentit aussitôt la supercherie et les éconduit poliment.

Ils entrèrent dans le taxi, une belle allemande rutilante et sentant bon le neuf, qui avait attiré l’œil de James, amateur de jolies mécaniques européennes.

Le véhicule démarra en direction de leur hôtel, laissant Jane regarder avec envie le bouillonnement excessif des automobilistes zélés jouant des coudes pour avancer toujours un peu plus vite.

Elle se tourna, regardant son mari, et dit :

–Ça y est, mon rêve vient de devenir réalité.

L’homme sourit légèrement, c’était sa façon de lui montrer son contentement, son attachement dans cette aventure.

Grâce à une trentaine d’années d’économie, le couple avait amassé un budget conséquent d’environ vingt mille euros, bien assez pour ne se priver de rien.

Arrivée à destination, Jane s’émerveilla devant la façade de l’hôtel comme un enfant le jour de Noël.

Toute la logistique avait été prise en charge par leur fils William, bien meilleur en ce qui concerne les nouvelles technologies comme Internet par exemple. Il avait eu carte blanche sur le choix de l’hôtel et avait déniché un petit manuel de français de base afin qu’ils puissent se faire comprendre dans toutes les situations possible.

Il avait aussi pensé à faire un petit plan des monuments et lieux à voir impérativement sur Paris pour qu’ils ne tournent pas en rond dans cette grande capitale étrangère.

Son choix se posa sur l’hôtel « La Clef Champs-Élysées », une bâtisse de grand standing, ornée de ses 5 étoiles, qu’il avait réussi à négocier à un prix satisfaisant au vu de la qualité des services. Quand ils entrèrent dans le hall, ce fut une explosion d’art, de couleurs, de tendances, toutes aussi belles les unes que les autres. Nous étions bien loin du style de vie de Seymour et ce dépaysement donnait à Jane un léger tournis.

–Madame, Monsieur, bienvenue à « La Clef », je suis Tom, votre majordome. Je vais vous mener à votre chambre.

L’homme d’allure jeune, mais distinguée, parlait un anglais impeccable. Le couple se sentit maintenant presque comme chez lui dans cet endroit à l’exubérance des grands lieux.

–Oh mon Dieu, que c’est beau !

Jamais James n’avait entendu le nom de Dieu hors des prières quotidiennes de Jane, imaginez donc sa surprise en l’entendant le prononcer avec facilité et joie.

Pendant que madame faisait le tour du propriétaire, monsieur, quant à lui, demanda qu’on lui apporte un panel des alcools aimés par les Français. Il ne l’avait jamais vraiment dit à sa femme, mais dans sa jeunesse, James adorait les gens ayant de grandes compétences comme les sommeliers ou les nez. Il s’était lui-même intéressé au milieu viticole, sauf qu’à cette époque, ce n’était clairement pas l’un des atouts majeurs de son pays.

Ses collègues, braves héros buveurs de bière en tout genre sans palais aucun pour les subtils arrangements des spiritueux, ne comprenaient pas vraiment son engouement bourgeois. Ce voyage lui permit de faire de grandes découvertes. Quoi de mieux que la France, patrie internationale des plus beaux arrangements alcooliques, pour aiguiser ses sens déjà en émoi ! Un serveur s’annonça à eux afin d’obtenir son entrée dans la chambre.

–Monsieur bonjour, comme vous en avez fait la demande je vous apporte un assortiment des petits plaisirs que notre pays offre à ses hôtes étrangers.

Devant lui se tenait un chariot en aluminium surplombé d’un plateau délicatement ciselé contenant un total de huit verres de formes et de tailles différentes.

–Monsieur, je peux vous les disposer à votre guise afin de les déguster en toute tranquillité ou je peux accompagner votre dégustation par mes conseils et autres explications sur les breuvages qui se tiennent devant vous.

James n’y avait pas pensé, il s’était dit que les goûter les uns après les autres suffirait amplement, mais ici, c’était un hôtel cinq étoiles avec du personnel qualifié à la hauteur de sa réputation. Il se laissa donc tenter par le savoir de l’homme.

–C’est d’accord, racontez-moi tout en détail, je vous prie.

Le serveur, devant ses mots, eut un petit sourire satisfait. Était-il content ? Ou espérait-il une petite compensation à la fin, qui sait ?

–Fort bien. Par ici, monsieur, je vais vous les présenter rapidement puis nous commencerons la dégustation en allant du plus léger au plus vigoureux.

Le serveur installa James dans l’un des gros fauteuils chesterfield se tenant dans la chambre. Jane, tellement béate, ne prêtait guère attention à la scène qui se tenait derrière elle, n’ayant de toute façon aucun attrait pour les boissons alcoolisées.

Le serveur avait tiré une nappe richement ornée d’où l’on pouvait voir les initiales de l’hôtel brodées de la plus belle des façons.

–Monsieur, nous allons commencer par de la bière, mais pas n’importe laquelle, celle-ci a été élue meilleure bière du monde en 2017.

–Oh, dites-m’en plus !

James était déjà fort ravi de débuter par la meilleure bière du monde. Devant sa boisson, son âme ne s’empêcha pas de penser à ses amis buveurs de bière bon marché restés à Seymour.

–Celle-ci est fabriquée au pied du glacier Mont-Blanc, le captage de son eau y est directement fait sur place.

Le serveur lui tendit le verre et James y trempa les lèvres.

–Mais quelle différence avec les nôtres ! se dit-il en son for intérieur.

James n’avait pas encore posé son verre que le serveur lui présentait le second. Étonné par l’attitude de celui-ci, il demanda :

–Ne puis-je pas le finir avant ?

L’homme le regarda un moment, puis répondit :

–Monsieur, j’ai peur que trop d’alcool ne gêne le bon ressenti des arrangements à venir sachant qu’il y a de la force dans les prochains liquides.

James comprit que cela n’était pas la bonne façon de faire ici, sans parler du courroux qui l’attendait s’il se trouvait en état d’ébriété pour le début des visites. C’est ainsi que cette dégustation continua. Après une bière à 5,8°, il lui servit un Hypocras, apéritif médiéval fabriqué en Ariège à 16°. Ce fut au tour d’un floc de Gascogne, celui du domaine de Joy dans le Gers, le délectant du haut de ses 17°.

Il continua par un calvados venant tout droit du château de Breuil en Normandie avec ses 41° et ses douze ans d’âge. La bouche de James se réchauffait toujours plus, ses sens se laissant aller au plaisir de l’alcool délicieux.

Pour le rafraîchir, le serveur lui servit cette fois-ci un Pontarlier anis très frais supporté par de gros glaçons à la forme cubique parfaite. L’homme fut surpris par le goût de l’inconnu, cet anis lui tapait le corps entier. Il ne fut pas étonné d’apprendre que le breuvage, venant de Franche-Comté, atteignait les 45°.

–Pouvez-vous m’en faire monter une bouteille ce soir ?

–Bien entendu, monsieur, cela ne sera pas un problème, je suis heureux qu’un produit tel que celui-ci ait pu attirer votre palais.

–Oui, je dois avouer qu’au début, cette saveur m’a un peu décontenancé, mais au final celle-ci reste en bouche agréablement.

Le suivant fut un armagnac, l’Encantada 1996 du domaine Gascon Lou Pibous, le plus costaud d’entre tous avec ses 55° de pur bonheur.

James n’était pas un petit gabarit, pourtant il commençait à accuser le coup. Le serveur s’en aperçut, lui proposant une pause de dix minutes avant de passer au breuvage final. Il accepta volontiers puis s’enfonça au fond du fauteuil au moelleux incomparable.

Jane regardait quant à elle par la fenêtre l’architecture des alentours et les allées et venues des passants nerveux en contrebas. Elle était prête à découvrir les charmes de Paris, le faisant comprendre à son mari par un bruit de piétinement incessant qui relança rapidement la dégustation.

Le final ne fut pas un alcool plus corsé, non, ce fut un vin blanc, un Jurançon Domaine Cauhapé, Quintessence du petit manseng de 2011 avec seulement 14°, venant tout droit du Sud-Ouest.

–Jane ! Il faut que tu goûtes cela, tu vas adorer !

Sa femme le regarda d’un air dubitatif, surprise par sesmots.

–Allez, juste une petite gorgée, allez c’est Paris qui te le demande. Non, c’est la France qui te le demande !

Elle le regarda avec stupéfaction, ce n’était pas son genre de faire cela, et puis si c’est Paris qui le demandait, elle pouvait bien faire une petite entorse. Elle approcha le verre de ses lèvres et versa le liquide doré jusqu’à ce qu’il emplisse la moitié de sa bouche.

–Mon Dieu, c’est un délice !

Les arômes submergèrent les papilles de Jane, les gardant prisonnières de son goût plein de rondeur et de générosité.

Le serveur lui dit :

–Je pense que Dieu n’est pas à l’origine de la fabrication de ce Jurançon, mais plutôt les nobles vignerons du Sud-Ouest pleins de passion et respect pour cet art qu’est la viticulture.

Jane le regarda alors et le rabroua d’un ton sec :

–Détrompez-vous, Dieu est bien à l’origine de toute fabrication, sans exception.

Le serveur comprit son erreur et s’excusa platement.

Quelques minutes plus tard, celui-ci sortit de leur chambre plus riche d’un billet de cinquante euros habilement gagnés.

–Alors mon chéri, cela valait-il le coup ? demanda-t-elle.

–Oui ! Jusqu’à la dernière goutte, lui répondit James ravi de son escapade intime.

Cette réponse contenta la femme qui partit prendre son sac pour finalement se diriger vers la porte de la chambre en disant :

–Moi aussi je veux m’enivrer de cette ville, tu viens ?

James se leva doucement, au cas où, puis la rejoignit le sourire plein de gaieté.

Il était déjà 16 h 30, elle avait de l’énergie pour faire le tour de la capitale au moins une bonne dizaine de fois.

–Et si l’on essayait ça ? demanda-t-elle à James en montrant un parc de trottinettes électriques.

–Je ne sais pas vraiment, Jane, avec toute cette circulation, dans une ville où l’on ne connaît ni la façon de conduire ni les coutumes de la rue, cela me fait un peu peur. Peut-être plus tard dans un endroit plus intimiste.

Jane s’était emportée, elle le savait pourtant que son James, malgré un corps encore en forme, n’était pas loin des 70 ans. Même si l’on pouvait croire que cela n’est pas si vieux, James n’avait pas passé toute sa carrière derrière un bureau, non, son mari avait sauvé d’innombrables vies au péril de sa santé, de sa propre vie. Cela vous marque irrémédiablement le corps et l’âme.

–Je rigolais bien sûr ! Tu nous vois déambuler sur ces engins de malheurs ? Non, c’est bon pour les jeunes, ça. Je n’ai pas envie de connaître les hôpitaux français, je préfère connaître leurs restaurants !

C’est ainsi qu’ils repartirent main dans la main, le cœur accroché l’un à l’autre vers une direction qu’ils ne connaissaient pas eux-mêmes.

Jane, durant ses années d’attente, s’était initiée à la langue française. Elle arrivait facilement à déchiffrer les mots inscrits un peu partout autour d’elle, mais lorsqu’elle demanda son chemin, la femme comprit vite que la réalité était tout autre. Heureusement pour eux, la personne était jeune, avec une connaissance modérée de l’anglais certes, mais suffisante pour la comprendre et lui répondre.

–Mais que c’est difficile le français, il a été gentil, mais j’ai bien vu qu’il n’avait pas compris une seule de mes phrases.

James, qui ne connaissait pas un seul mot de français, avait essayé le petit dictionnaire préparé par son fils, sauf que dans le feu de l’action, celui-ci n’avait servi à rien.

–Si la langue de France était facile, nous l’aurions sûrement déjà conquise, non ?

Après avoir dit cela, l’homme s’était mis à rire bruyamment, ce qui la gêna un peu.

La journée continua paisiblement. Jane, débrouillarde, était capable de prendre bus, tram, métro, sans se tromper ni jamais se perdre, James suivant tout simplement sa muse.

Grâce à ses belles dispositions, du lundi de leur arrivée au vendredi, ils se promenèrent partout, connaissant presque mieux Paris que les Parisiens eux-mêmes.

Les visites s’étaient enchaînées jour après jour sans contretemps. Cerise sur le gâteau, le temps avait été clément, n’offrant ni grisaille ni pluie, un véritable petit miracle, merci mon Dieu. Le vendredi soir, James sentait la fatigue lui parcourir le corps. Jamais il n’avait eu autant à marcher, autant à attendre, autant à rester debout, mais en la voyant si heureuse, cela n’était finalement pas important.

En cinq jours, ils avaient visité l’Arc de Triomphe, le musée de l’Armée, celui du quai Branly, le jardin des Tuileries, le musée du Louvre bien entendu, celui d’Orsay, Picasso, Eugène Delacroix, la Cité des sciences et de l’industrie, la tour Saint-Jacques, la Flamme de la Liberté, le Mémorial de la Shoah, la fontaine des Innocents, la maison de Victor Hugo, le pont Neuf, et bien d’autres.

La ferveur de Jane pour sa religion n’avait bien évidemment pas été mise de côté. Tout monument chrétien à portée de la femme fut obligatoirement visité, décortiqué et prié. Un cierge y fut chaque fois allumé afin de faire s’envoler ses prières aux bonnes oreilles du Seigneur. Elle regretta l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame, rendant son cœur amer de ne pouvoir la visiter. Elle laissa deux cents euros à son entrée afin de soutenir l’œuvre de reconstruction du saint édifice.

Passant partout, scrutant les moindres recoins et avec l’aide « des endroits à visiter » de William, la prospection s’était poursuivie dans les petites rues comme celle des Thermopyles, des Barres, Montorgueil, Saint-Rustique ou de Beaujolais. Grosse préférence pour celle du square Montsouris, avec sa rue en pente joliment pavée, d’un charme fou avec sa végétation harmonieuse.

–James, un jour, vendons tout et venons vivre dans cette rue, je suis certaine que nous y serons heureux !

–Oui, c’est vrai que cet endroit est beau, ma chérie, mais laisse-moi mon Amérique, laisse-la-moi jusqu’à mon départ, après tu pourras revenir ici.

Il l’avait dit sur le ton de la rigolade, mais ses paroles avaient quand même assombri le cœur de Jane. Car oui, tout avait une fin dans notre monde, laissant Dieu seul observateur de notre court passage sur les terres de sa création.

James ne viendrait clairement jamais vivre de ce côté du monde bien que le charme de cette ville ne l’eût pas laissé indifférent. Les restaurants, les bars, les magasins d’épicerie fine, tout ce qui pouvait se boire ou se manger à proximité de lui avait été essayé. La majorité du temps, il avait trouvé cela très bon et à de rares occasions... immondes. Les escargots par exemple ne rentreraient plus jamais dans sa bouche, mais les cuisses de grenouilles quant à elles furent totalement adoptées par le sexagénaire gourmand.

Le samedi matin, Jane partit faire un tour au marché implanté non loin de l’hôtel, laissant James dormir encore un peu, préférant le confort du room service et de la télévision qui retransmettait les nouvelles de son pays.

Dès son départ James commença à remballer leurs affaires. Il avait un peu de temps devant lui, mais avec une Jane si imprévisible, il valait mieux se hâter.

Il avait réussi à garder un petit secret, un tout petit, un à six mille euros.

À Seymour, tout le monde avait connaissance du souhait dévorant de Jane. La femme n’en parlait que rarement, mais si quelqu’un mettait le mot « Paris » dans la conversation, elle pouvait voir les yeux de la femme briller intensément.

C’est dans cette optique, lorsque tous apprirent que Jane cherchait enfin à partir en France qu’une cagnotte avait été mise en place. Juste un petit cadeau de remerciement pour tout ce qu’elle avait bien pu faire pour sa communauté.

La somme incroyable de six mille euros avait été rassemblée, somme largement supérieure à ce qui avait été imaginé en amont. Ayant déjà mis suffisamment de côté pour ce voyage, James ne savait vraiment que faire de tout cet argent. Ne voulant surtout pas dépenser pour dépenser la gentillesse de tous, il demanda à son fils.

William proposa alors de trouver une chambre d’hôtel au plus proche de la tour Eiffel servant d’ultime cadeau pour sa mère. Ce fut l’option retenue par l’homme qui se mit en quête de la perle rare. Que ce fut difficile ! Soit les chambres étaient hors de prix, soit elles n’étaient accessibles qu’en période hivernale, hors période de fêtes évidemment.

Alors il tenta le tout pour le tout, il n’avait de toute façon rien à perdre à tenter sa chance. Il prépara donc un mail à l’hôtel Shangri-La, l’un des plus beaux complexes de tout Paris. Les photos sur leur site montraient une vue sur l’édifice à couper le souffle. Alors qu’il allait envoyer le mail, une idée originale lui vint à l’esprit. Il rassembla une trentaine de personnes parmi celles qui avaient cotisé afin de réaliser une vidéo pour amadouer le palace. Ce fut simple, chaleureux, émouvant, ce fut vrai, comme la vie de sa mère.

Deux semaines s’étaient écoulées, William balançait entre incertitude et désespoir quand vint à lui une réponse. Le palace avait bien reçu ses doléances, il l’avait étudiée avec sérieux et respect, mais il était dans l’impossibilité de trouver de la place sur ce type de produit extrêmement demandé. Ce fut la douche froide pour William qui en avait les larmes aux yeux tant il avait cru en sa bonne étoile.

Deux jours passèrent encore, un nouveau mail du Shangri-La arriva dans sa boîte mail et ô miracle, un couple de Russes s’étaient déprogrammés en juin, laissant un week-end de libre.

Le directeur de l’établissement avait dit qu’il devait y avoir une puissance supérieure agissant en coulisse pour que sa mère puisse venir. Il ne remit pas les places en ligne, les laissant à William pour six mille euros, soit deux jours pour le prix d’un.

Cela faisait une bonne demi-heure que James avait tout rassemblé, trié, rangé, quand Jane revint dans la chambre tiraillée par la faim. Elle fut surprise de voir tous les bagages en ordre devant la porte, il restait pourtant deux jours de visite.

–Peux-tu me dire pourquoi nos affaires sont dans les sacs ? Je te laisse à peine plus d’une heure et voilà que tu deviens fou ! Pourquoi cela, mon chéri ?

–Ça, c’est un secret.

–Comment ça, un secret ?

–Un secret est un secret, ne pose pas de questions, suis-moi, nous partons.

James avait de la peine à masquer son petit sourire coquin, voir Jane aussi décontenancée le rendait fier de lui. La femme se tut, elle le suivait, mais avec une pointe d’inquiétude dans l’âme.

Les employés les saluèrent à leur sortie, le groom déposa les affaires dans le taxi qui les attendait déjà puis ils partirent. Jane n’eut pas à attendre longtemps, le Shangri-La n’était pas vraiment loin, pourtant cela allait faire toute la différence. La voiture ralentit, s’engouffra dans une petite cour privative. Le personnel de leur nouvelle demeure, tout en les faisant descendre de la voiture avec déférence, leur souhaita la bienvenue à l’hôtel Shangri-La.

Jane regarda son mari droit dans les yeux pour lui envoyer un :

–Tu te fous de moi ? Le Shangri-La, vraiment ?

C’était comme si elle avait reçu un coup sur la tête, la prestigieuse adresse l’avait déjà sonnée.

James la regarda inquiet par sa réaction disproportionnée, il dut intervenir pour ne pas que la surprise devienne empoisonnée.

–C’est un cadeau de nos amis, tu sais, tous ces gens géniaux laissés au pays. C’est la façon qu’ils ont trouvée pour te remercier de tout ce que tu as fait pour eux, alors calme-toi et profite.

Jane venait de comprendre, cela lui fit monter les larmes aux yeux inéluctablement.

–Je peux te dire qu’ils vont entendre parler du pays ceux-là ! Ils vont voir ces brigands, c’est... c’est... un cadeau dans un cadeau, c’est merveilleux, merci, mon Dieu !

–Et de trois ! se dit James en entendant encore sa femme donner le nom du Tout-Puissant. Décidément Paris la mettait vraiment dans tous ses états.

Cette réponse avait redonné des couleurs au visage de Jane, elle souriait enfin de cette situation rocambolesque.

–J’espère que tu n’as pas fait tout cela pour me demander en mariage ?

L’homme sourit :

–Si j’avais attendu tout ce temps pour faire de toi ma femme, alors je serais le plus grand des idiots que la Terre ait portés. Jane souriait avec ce sourire qu’ont les enfants, sans gêne ni arrière-pensée aucune, un sourire pur qu’elle n’avait plus montré depuis des décennies.

L’hôtel précédent était classieux et plaisant, mais là, nous n’étions plus sur la même planète ni la même gamme de prix évidemment.

–Mais que c’est beau, génial, magnifique ! C’est ça, James, le Paris de mes rêves, merci, merci de tout mon cœur !

–Il ne faudra pas que tu oublies ton fils, c’est lui le grand architecte de notre venue ici.

–Je vais le punir ce chenapan, tu vas voir. Famille de cachottiers, je vous aime tant !

Le service impeccable ressemblait à une chorégraphie, tout simplement magique.

La porte de la chambre s’ouvrit comme leurs yeux, ébahis par tout ce luxe.

Jane fila droit devant elle et James crut qu’elle allait se jeter sur le lit, mais non, Jane avait vu quelque chose de plus incroyable, de plus divin... la terrasse. Cela, James ne le savait pas non plus, ce fut la dernière surprise laissée par leur fils, fantastique jusqu’au bout. James rejoignit Jane dehors, la retrouvant comme hypnotisée, il demanda :

–Tout va bien ?

Sans bouger d’un pouce, elle lui répondit :

–Regarde James, elle est là, juste devant nous, la Dame de fer elle nous salue !

–Pas trop j’espère, je ne souhaiterais pas qu’elle tombe à cause de nous.

–Elle ne tombera jamais, Gustave Eiffel n’a que trop bien fait son travail.

–Si tu le dis, ma chérie.

Jane aurait pu rester ici à la contempler pour l’éternité sans jamais se lasser, son rêve venant de prendre forme dans sa réalité.

Au bout de vingt minutes, il arriva tout de même à la faire rentrer, non sans mal. L’intérieur avait du charme, celui à la française, reconnaissable entre tous, si glorieux et statutaire que l’on pouvait le comprendre rien qu’en regardant la baignoire. Ils n’avaient pas l’habitude de déjeuner à 13 h, cela faisait un peu tard pour le couple, mais cette folle journée avait ouvert l’appétit de Jane.

–Inutile de demander, je pense que nous allons manger sur la terrasse.

–Il ne peut qu’en être ainsi, mon chéri !

La commande faite, ils sortirent pour y chercher l’essence même de Paris.

–Mais que cette semaine fut déraisonnable ! Jamais je n’aurais pensé vivre cela, oui, moi la petite Américaine de Seymour, je suis aux anges.

James la prit dans ses bras, serrant fort comme s’il avait peur qu’elle ne s’envole, puis l’embrassa d’un baiser plein de l’amour des premiers jours.

Le repas fut servi quelques minutes plus tard, contenant des plats jamais vus par le couple ni de la majorité des Parisiens. Il y eut des moments où les noms des plats, voire les explications elles-mêmes, échappaient aux deux tourtereaux malgré un anglais parfait de leur interlocuteur.

Cela ne les empêcha pas de finir absolument toutes les denrées passées devant eux. Le dessert fut l’apothéose de ce repas, son nom : le Paris-Cazette. Un délice ne pouvant exister que dans ce type d’établissements, un mets tout bonnement royal.

–Je ne sais pas si maintenant je vais pouvoir trouver quelque chose de bon à notre retour.

James la regarda moqueur et lui annonça :

–Promis, à notre retour, je te laisserai choisir notre fast food.

Cela le fit rire et pour une fois elle se joignit à ses éclats. Le repas se termina, Jane sirota un Perrier citron, James une eau-de-vie de framboises sauvages, rien ne pouvait être plus parfait qu’à cet instant précis.

–James, je crois que je t’aime, un peu.

–Jane, je crois que je t’aime beaucoup.

–James, je crois que je t’aime à la folie.

–Jane, je crois que je dois aller au petit coin.

Il éclata de rire fort heureux de l’avoir fait encore grimacer, puis réalisa que ce voyage lui avait permis de retrouver un peu de son âme d’enfant, ce qui le fit rire de plus belle.

Jane s’était rapprochée de lui pendant ce temps. Toujours alerte, elle se faufila sur ses genoux, le bloquant de tout mouvement, puis luidit :

–Tu n’es pas près de les voir, tes toilettes.

–Ah bon ? lui répondit-il, l’air amusé.