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La guerre sans merci que les terroristes intégristes ont mené entre 1993 et 1997 contre les journalistes s'est soldée par un bilan effarant que nul autre pays que l'Algérie n'a connu à ce jour : près d’une centaine de journalistes et travailleurs des médias assassinés.
Depuis l'attentat meurtrier commis contre le journaliste et écrivain Tahar Djaout le 26 mai 1993, les terroristes ont mis en application, de manière systématique, un programme d'épuration des membres de la famille journalistique résumé par le sinistre slogan des Groupes islamiques armés : "Ceux qui nous combattent par la plume périront par la lame". Le summum de l'horreur fut atteint le 11 février 1996 lors de l'attaque à la voiture piégée de la Maison de la Presse Tahar Djaout qui la détruisit en grande partie. Cette attaque commise en plein mois de ramadhan coûta la vie à trois journalistes du quotidien Le Soir d'Algérie dont les locaux furent entièrement soufflés. Elle causa aussi la mort de plusieurs citoyens de passage à la rue Hassiba-Ben-Bouali. Cette attaque visait à anéantir le moral des journalistes pour les amener à cesser de pratiquer leur devoir d’informer. Le résultat atteint fut à l'exact opposé du but recherché. Passé le moment de stupeur, les journalistes décidèrent de continuer leur mission. Le travail, un moment interrompu, fut repris et les trois quotidiens touchés, Le Soir d'Algérie, Le Matin et L'Opinion, dans l’incapacité physique de paraître, trouvèrent refuge dans les autres journaux sous forme d'une page quotidienne. Ce fut l'une des plus belles leçons de solidarité que les journalistes donnèrent de leur corporation face à l'adversité.
L’auteur qui a vécu en acteur engagé la décennie 1988-1998 dresse un tableau vivant mais sombre de cette période charnière qui a vu le basculement d’un système de parti unique fermé à un système multipartite ouvert où les journalistes algériens ont joué un rôle décisif pour la liberté de la presse et la liberté d’expression en payant un lourd tribut.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Lazhari Labter, né à Laghouat (Sud algérien), poète, écrivain, ancien éditeur et ancien journaliste. Il a été Coordinateur chargé des projets médias du Centre d'Alger pour le Maghreb de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), membre fondateur du Syndicat national des journalistes (SNJ) et membre fondateur du Conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie des journalistes algériens (CSED). Il est l'auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont des recueils de poésie, des récits, La Cuillère et autres petits riens (2009 et 2011 en Algérie et 2010 en France) et une Somme poétique, Essentiel Désir-Diwan al ‘ishq oua al-Ghazal (2013). Son dernier ouvrage, Hiziya Princesse d’amour des Ziban a été publié en 2017.
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JOURNALISTES ALGÉRIENS 1988-1998
Chronique des années d’espoir et de terreur
Lazhari LABTER
JOURNALISTES ALGÉRIENS 1988-1998
Chronique des années d’espoir et de terreur
2e édition revue et augmentée
CHIHAB EDITIONS
© Éditions Chihab, 2018.
ISBN : 978-9947-39 -249-2
Dépôt légal : juillet 2018.
Tél. : 021 97 54 53 / Fax : 021 97 51 91
www.chihab.com
E-mail : [email protected]
Du même auteur
– Novembremonamour, poésie, Alger, 1978.
– FlorilègepourYasmina, poésie, Alger, 1981.
– Journalistesalgériens, entrelebâillonetlesballes, témoignage,ÉditionsL’Harmattan, Paris, 1995.
– Yasminaoulesseptpierresdemoncollierd’amour, poésie,ÉditionsBarzakh, Alger, 2001.
– RetouràLaghouatmilleansaprèsBeniHilel, évocation, ÉditionsElIkhtilef, Alger, 2002.
– RetouràLaghouatmilleansaprèsBeniHilel(2eédition), évocation, ÉditionsElIkhtilef,Alger, 2002.
– RetouràLaghouatmilleansaprèsBéniHilel (versionarabe), évocation, coéditionElIkhtilef-DarElFarabi, Alger, 2002.
– Lepiedd’ébènedeBilkissurlepavédecristal, poésie, ÉditionsElIkhtilef,Alger, 2005.
– MalikaMokeddem, àpart, entière(avecMalikaMokeddem), entretien, ÉditionsSedia,Alger, 2007.
– Lacuillèreetautrespetitsriens(2eédition2011), récit, Éditions LazhariLabter, Alger, 2009.
– Lacuillèreetautrespetitsriens(préfacedeYasminaKhadra), récit, ÉditionsZellige, Paris, 2010.
– Panoramadelabandedessinéealgérienne1969-2009, Éditions LazhariLabter, Alger, 2009.
– Kalimagier(avecNadiaRomanetMarieMahler), Éditions LazhariLabter, Alger, 2009-ÉditionsduRicochet, France, 2010.
– EssentielDésir-Diwanal ‘Ishqouaal-Gharam, somme poétique, Éditions Hibr,Alger, 2013.
– Hiziya Princesse d'amour des Ziban, roman, Éditions El Ibriz, Alger, 2017.
– Hiziya mon amour, collectif, sous la direction de Lazhari Labter, Éditions Hibr, Alger, 2018.
– Oasis, images d’hier, regards d’aujourd’hui, sous la direction de Lazhari Labter, Éditions Chihab, Alger, 2018.
Ouvrages collectifs et anthologies
– Octobre, ilsparlent, ouvrageconçuetdirigéparSid-AhmedSemiane, ÉditionsLeMatin, Alger, 1998, « Notreplusbelleconquête », entretien, pages216-224.
– 12X12, Poésiecontemporainedesdeuxrives, revueannuelledepoésien° 1, Éditions12X12etAutreSud, Alger-Marseille, 2003 ; pages 58-64.
– Desnouvellesd’Algérie1974-2004, sélectionnéesetprésentéesparChristianeChauletAchour, ÉditionsMétailié, collectionsuites, Paris, 2005, pages 207-210.
– Mamère, textesinéditsrecueillisparLeïlaSebbar, préfacedeSophieBesis, ÉditionsChèvre-Feuilleétoilée, Montpellier, 2008, pages 245-253.
– Anthologie « cbetarota » 2008, Bulgarie, pages 86-92.
– Encyclopédiedelapoésiealgériennedelanguefrançaise, 1930-2008(endeuxtomes) deAliElHadjTahar, ÉditionsDalimen, Alger, 2009.
– Algéries50, ouvragedirigéparYahiaBelaskrietÉlisabethLesne, MagellanetCie, Paris, 2012, pages 93-103.
– Histoiresminusculesdesrévolutionsarabes, sousladirectiondeWassylaTamzali, ÉditionsChèvre-Feuilleétoilée, Montpellier, 2012, pages 179-183.
– Algérie, lanahdadesLettres, larenaissancedesmots, Revuedeslittératuresdelanguefrançaisen° 19, Printemps2015, RiveneuveÉditions, pages 133-138.
– Anthologie « Humanitédanslenoir-Poèmesdepoètesfrancophonesdumondearabe » deThorStefansson, Reykyavik, Islande, 2014, pages 94-98.
– DiwandujasminmeurtrideAbdelmadjidKaouah, Éditions Chihab, Alger, 2017, pages 238-240.
– Eternel Mammeri, un intellectuel pas comme les autres, sous la direction de Amin Zaoui, essai, Éditions Tafat, Alger, 2017.
Auxjournalistesetauxtravailleursdesmédias algériens
tombés en martyrs pourladéfensedelalibertéd’expression
etdesidéauxdémocratiques.
À toutes celles et ceux qui perpétuent leur combat.
« La vérité est comme la justice, elle a besoin de témoins…
même les tous petits témoins qui peuvent écrire
des choses qui restent et qui durent. »
SaïdMekbel
« Leurislamestuneidéologiepolitique
baséesurdefaussesinterprétationsduCoran
parlaquelleilsjustifientlemeurtre. »
Mohammad-Saïdal-Ashmawy
Note à la deuxième édition
Cettedeuxièmeédition, revueetaugmentée, attenduedepuisquel’ouvrageestépuisé, coïncideavecladoublecommémorationcetteannée2018desévénementsd’Octobre88quiontouvertlavoie, ilya30ansdecela, aupluralismepolitiqueetmédiatique, etdutragiqueassassinatdujournalisteetpoèteTaharDjaoutenmai 1993ilya25ans.
Depuislapublicationen2005decetouvrage – leseulcompletconsacréàlapériodelaplussombreetlaplussanglantedel’histoirerécentedelapressealgérienne – lasituationaévoluéetbeaucoupdechosesontchangédanslemondedesmédias. Desjournauxontdisparu, d’autresontvulejour ; lechampdel’audiovisuelaétéouvertetdeschaînesdetélévisionprivées – souventparapubliques –,agrééesounon, ontprisplacedanslepaysageaudiovisuelalgérien. Enoutre, uneinstancederégulationdel’audiovisuelaétéinstituée, maisquin’aaucunpouvoirdefaitcommel’arévéléel’affairedelacaméracachée en2017dite « l’affaireBoudjedra-Ennahar TV », enréférenceàuneémissionoùl’écrivains’esttrouvépiégéetviolemmentmalmené ; laloiorganiquesurl’informationn’atoujourspasétéréviséepourêtreconformeauxdispositionsdelaConstitutionréviséeenfévrier 2016quiconsacreleprincipedelalibertéd’expression, toutcommelaloisurlapublicité – toujoursgéréepolitiquementparles « décideurs » parlebiaisdel’Agencenationaledecommunication, d’éditionetdepublicité, l’Anepdépendantdugouvernement – n’apasétéadoptée, etnin’avulejourleConseildel’éthiquequelatutelleveutimposeràlaprofessionendépitdubonsensetdespratiquesdanslemondequiplaidentpourl’autorégulationàtraversunconseiléluparlesmembresdelaprofessionsansingérencegouvernementaled’aucunesorte.
Maislechangementfondamentalaétél’apparition, avecledéveloppementdel’internetetl’accèsquasigénéraliséàsesservicesdanslesannées1990, del’éditionnumériqueenligneetdujournalismeélectroniqueoujournalismeenlignequimenacetrèssérieusementl’existencedelapresseclassiquedontlestirages, danstouslespaysdumonde, necessentdediminuersoussaformepapier, etquiestvouéeàdisparaîtreàplusoumoinslongtermeouàchangerfondamentalementdenature, aprèsavoiraccomplihéroïquementsamissionhistorique, depuissonapparitionautoutdébutduXVIIe siècleenEuropeetcheznousaudébutdesannéesquatre-vingt-dixsoussaformepluraliste, aprèsl’adoptiondelaLoisurl’informationetsuiteàl’adoption en1989d’unenouvelleConstitutiondupaysquigarantissaitleslibertésd’expression, d’associationetderéunion.
Frappésparlacrisequisévitdanslepaysdepuis2014, lerétrécissementdelapublicitéetladésaffectiondeslecteursquiontrecoursàl’internetpours’informer, 60titresdepresse, entrequotidiensethebdomadaires, ontmislaclésouslepaillassondepuis5ansetlatendanceiraens’accentuanttouchantdeplusenplusdetitressurles140quirestentetdontseulementunevingtaineestviable, quiauraientdéjàdisparun’eûtétélesoutiendel’Étatàtraverslapublicité, mêmedeplusenplusrare, etleslargessesdesimprimeriesétatiquesquinesontpastoujoursregardantesparrapportauxdettesdestitres.
Unjournalismedetypenouveau – pratiquédemanièreprofessionnelleounon – quimenaceaussilesordresétablisestdevenulecauchemardesdirigeantsdépassésparcettedéferlantedel’expressiondémocratiqueetdeladémocratieparticipativequ’ilsrefusentetcombattentparlarépressionoulecontrôleaulieudel’intégreretdela « réguler » auprofitdesintérêtsdescitoyensetdespays, entouteliberté, avecpourseuleetuniquelimitelerespectdesrèglesdeladéontologiedanssapratique.
Depuisl’assassinatdeLakhdarMezianedelatélévisionalgérienne,le99ed’unelongueetmacabreliste, le23 septembre1997, ilya21ans, aucunjournalisten’aétéassassinéenAlgériealorsquelejournalismecontinueàêtreunmétieràhautrisquedansbeaucoupdepays, puisquepasmoinsde65journalistesettravailleursdesmédias (50journalistesprofessionnels, 7blogueurset8collaborateursdesmédias) ontététuésen2017dont39assassinésdélibérémentet26mortsdanslecadredeleurmissionsurleterrain, lorsdecouverturedeconflitsetoudeguerres, notammentenSyrie, Mexique, Afghanistan, IraketPhilippines. Quandilsnesontpastués, ilssontembastillés. 326journalistesontétéemprisonnésen2017dont202journalistesprofessionnels, 107blogueurset17collaborateursdesmédias. C’estenChine, enTurquie, enSyrie, enIranetauVietnamqu’onemprisonneleplus,ilsdétiennentàeuxcinqletristerecordde161journalistessouslesverrous. Àcelailfautajouterlesjournalistesretenusenotagesquisontaunombrede54dont44journalistesprofessionnelsparmi lesquels22sontentrelesmainsdeDaesh.
L’Algériequin’estfortheureusementnilaChinenilaTurquieoccupequandmême, selonlerapport2018deReporterssansfrontières, la136eplacesur180pays, loinderrièrelaTunisie, classée97e, etjustederrièreleMarocquioccupela135eplace, etquifiguresurlalisterougedespaysréfractairesàlalibertédelapresseetd’expression.
Oncontinuedeharcelerlesjournalistesetdelespoursuivreenjusticeetilarrivequ’onjettedesjournalistes, desblogueursoudeslanceursd’alerteenprisonetqueçafinissedefacetragique ! Lecas – uniquefortheureusement – dujournalisteblogueurMohamedTamalt, mortendétention, le11 décembre2016, aprèsavoirétécondamnépour « outrageàcorpsconstitué » et « atteinteàlapersonneduPrésident », envertudesarticles 144, 144biset146duCodepénalalorsquesoncasrelevaitduCodeciviletquelaconstitutionréviséeenfévrier 2016interditladétentionarbitraireetinsistesurlecaractèreexceptionneldeladétentionprovisoire, estlaparfaiteillustrationdudécalageentrelediscoursofficieldupouvoirquiveutdonneruneimagedel’Algériepaysdelalibertéd’expressionetlaréalitédecemêmepouvoirquin’hésitepasàemprisonnerdesactivistesdesréseauxsociauxpourdélitd’opinionetdesmilitantsdeladéfensedeslibertésindividuelles. Quoiqu’endisentlespremiersresponsablesdupays. Lapreuveenestquel’Algérieestchaqueannéedésignéepardesorganisationsnationalesetinternationalesdesdroitsdel’hommeetdedéfensedelalibertédelapressepourlespratiquesrépressivesdesesdirigeantsetclasséparmilespaysoùleslibertésindividuellesetcollectivessontbafouéesetsouventréprimées.
Sile « délitdepresse » etlamiseendétentiondesjournalistesn’existentplusdepuislarévisiondelaloisurl’informationen2012, iln’enrestepasmoinsqueleCodepénalrestecommeuneépéedeDamoclèssuspenduesurlatêtedesjournalistesquipeuventseretrouverenprisonpour « diffamation », « injureououtrage », voirecondamnésàdespeinesde « réclusioncriminelle » pourdivulgationd’informationsliéesau « secret-défense » ou « apologied’actesubversif ». Envérité, cequelepouvoiradonnéd’unemain, ill’aenlevédel’autre. Onnepunitplusaunomdelaloisurl’informationmaisaunomduCodepénal. Lanceursd’alertes, journalistesetblogueurscontinuentd’êtrejetés enprison.
SelonDjilaliHadjadj, présidentdel’Associationalgériennedeluttecontrelacorruptionetporte-paroledelasectionalgériennedeTransparencyInternational, contrairementàcertainspayscommelaTunisie, leLibanouleNigériaquilesencouragentetlesprotègent, leslanceursd’alertessontsystématiquementréprimésenAlgérie. « EnAlgérie – malheureusementtropsouvent –, ilspeuventsoitperdreleurtravail – cequin’estpasleplusembêtant – soittomberentrelesmainsdesservicesdesécurité. Concrètement, celasignifie : convocation, misesousmandatdedépôt, intimidationdetoutessortesjusqu’àprésentationdevant le juge ou le procureur.
Résultats : licenciements, emprisonnementsharcèlementspoliciers, administratifsetjudiciaires, etc. Lepouvoiretsesdémembrements, notammentdansleswilayaslesplusreculées, s’enprennentsystématiquementàceuxquiosentexprimerunpointdevuedifférentduleur, àceuxquiontlecouragederendrepubliquestoutessortesderevendicationssocialesouéconomiques, voireculturellesetidentitaires. D’ailleurs, prenons l’exempledesdénonciateursdelacorruption : lesreprésaillesàleurencontresontquasisystématiques.
Etlasituationsecompliquelorsquelesactivistesoumêmelesjournalistessontsituésàl’intérieurdupays, loind’Algeretd’unemédiatisationimmédiate. (…) Maistoutecetterépressionnedissuadepascescitoyensdeplusenplusconvaincusquelechangementestencours. » (Cf.LeSoird’Algériedu2 janvier2017).
Jamaislarépressionn’aempêchéleshommeslibresdes’exprimer. Seulesladémocratieparticipative, lalibertéetlacitoyennetépleinementassumées, autrementditlareconnaissancedesindividuscommedescitoyensresponsablesetactifsparticipantàtouslesaspectsdelaviepolitiqueetciviqueetàtouslesniveaux, danslecadred’undialoguepermanententregouvernésetgouvernants, etnondessujetsauserviceduprince, permettentderésoudrelesproblèmesdemanièrepacifiqueetd’avancerpourleplusgrandbiendupaysetdesespopulations.
Puissecettedeuxièmeéditionserviràmesjeunesconsœursetmesjeunesconfrèresd’aujourd’huietdedemainetleurrappelerlelourdtributpayéparlesjournalistesalgérienspourlaliberté – mêmelimitée – dontilsjouissentetqu’ilsdevraientdéfendrepiedàpied, consolidersanscesse, conforteretélargirtouslesjoursavectoutelaconvictionetl’énergienécessaires. Caraucunelibertén’estjamaisdéfinitivementacquise.
Jefaismienscesproposd’AbdelkaderSafir, extraitsde « Lettred’AbdelkaderSafirauxjournalistesalgériens » quifigureenpréfacedecetouvragepourvousdire : « Jeunesconfrères ! Lathématiquedel’œuvrequivousattendestricheetexigeante. Ilfautdelaclasseetdutalent. Ilfaut“le faire”, “le savoir-faire” et “le devoir-faire”devotrejeunesseetdevotreengagement. Vousêtesappelésàlaplusmagnifiquedesaventures. »
Cette « aventureintellectuelle » exaltantedontvosaînésvousontouvertlavoieafinquevouspuissiezycontribuer, àvotretour, envuedel’édificationd’uneAlgérielibre, démocratiqueetsocialeoùleslibertésindividuellesetcollectives, toutesleslibertés, etentêtelaplusprécieused’entreelles, lalibertéd’expression, soitlaconstantedesconstantes, danslafidélitéàlaDéclarationdu1erNovembreetàlaPlateformedelaSoummam.
Lazhari Labter
Alger, le 3 mai 2018
En guise de préface
Lettre d’Abdelkader Safir aux journalistes algériens
Jadisdanslespaysoùlapresseparticipaitàlafoisdelacivilisationetdupouvoir, onnedemandaitpasaujeunecandidatjournalisted’exhibersesdiplômesousesgradesuniversitaires, maisplusimpérativements’ilpossédaitdutalentet, surtout, àquellearmeilsavaitsebattreenduel.
Quand, ilyaplusdequaranteans, j’aifaitmespremierspasdanslejournalisme, lerecrutementnereposaitnisurlescritèresd’escrimeursnisurdesparcheminsde « sorbonnards ».
Onn’avaitpasbesoindediplômepourêtrejournalistesil’onpossédaitunebonnedosedevocation, unebonnedosedeculture, unebonneplume. Lereste, c’est-à-direlefaire, lesavoir-faireetledevoir-faire, devaits’acquériraucoursdetroisansdestagepratique. Cettebonneetvieilleformationavaitl’avantagedefournirdesjournalistesetnondespisseursdecopiefroide, desexégètesdesthèsesdeMacLuhanou, quelquefois, despions, rienquedespionsfatsetbornés.
Pourlejournalismed’engagement, lejournalisteradicalisteoumoderniste, la « valeuror » étaitl’idéaletlafidélitéàl’idéal. Jenepensepasquecettevaleuraitétédépréciéecheznous. Lejournalistealgériendel’après-guerredelibérationdemeureunhommeattachéàdesvaleurssûres. Ilyavaitentrenous, hommesetfemmesdelacorporation, laconfraternité, lasolidarité, cesentimentd’apparteniràunemêmefamille. Etnousnoussoutenionspar-delàlesdistances, par-delàlesdifférencesdecaractèreetdetempérament. Etvoilàqu’aujourd’hui, alorsques’annoncentlestempsdeladémocratie, cetteconfraternitéal’airdevolerenéclatsencertainslieuxinattendus.
Certes, toutnerépondpasànosespérances. L’Algérieesttoujoursàlibérer. Etvous, mesjeunesconfrères, vousêtesrequispourmenerlecombat. Vousavezleprivilègeetlebonheurd’avoircequialeplusmanquéàl’Algériedepuisl’indépendance. J’entendspar-làunepresseindépendante. Mesjeunesconfrères, jevousenvie !
Cardepuislanaissancedelapressedel’Algérielibre, danslechoixdeshommes, lesforcesmaléfiquesinstalléesaucœurdupouvoirn’ontpastoujourssollicitéouretenulesmeilleurs. Danslarépubliquedescopainsetdescoquins, nousétionsdevenusdespions, desimplespionsquel’ondéplaçaitaugrédeshumeurs, auprofitduclan… Parlafautededécideurssansscienceetsansconscience, nousn’avonspasrempliaumieuxnotremissionàlatêtedelapressenationale.
Nousn’avonspasétéàlahauteurdenospropresespérances. Commentêtreàlahauteurdesrêvesdetoutunpeuplequenuln’aledroitdetromperoudedévoyersurlavoiedesidéologiesimportées, ousurd’autresvoiesplussidérales.
Maisnosjournauxseront, désormais, leforum, latribuneparexcellenceoùs’exprimerontloyalementlesaspirationsetlesvœuxdecepeupledontlesbesoinssontloind’êtrerépertoriés. Véhiculesdel’opinion, ilstransmettrontàl’Étatlemessagedel’hommedevenucitoyenlibredeseslibertésetdeseschoix. Ils’agitmaintenantd’assurerànotrepeuplelavictoiredanssaluttecontrel’intolérableetlesous-développementquinousdonnentlevertigeetnousfontmesurernotreretardsurnospropresancêtres, concepteursgénéreuxd’unecivilisationquiailluminél’Orientetl’Occident.
Ilfautquecesselejeuirresponsabledesréformettessanslendemainetdesinsuffisancesplusoumoinsconscientes. Ilesttoutjustetempsdemettresurlechantierunepolitiquenouvelle. Delabaseausommet, notrepyramideuniversitairedoitrompreenvisièreaveclepassé. Notresystèmeéducatifdevraêtreporteurd’uneéducationvraie, d’uneinstructionvraie, d’unsavoirvrai. Fautedequoi, leprogrès, cheznous, neseraquelittératureburlesqueetdésenchantement.
Vouloirsesituerloindespartisetloindesluttesestunleurreouunbonheurdébilitant. Lavien’estpasneutre.
Elleconsisteàprendrepartiavecclairvoyance. Danscequ’ilestconvenud’appelernotrepaysagepolitique, jevoisbeaucoupdevestonsetdecravatesàlamode, devisagesrasésquimontentauforum. C’estrespectable. Jevoisaussibeaucoupdekamisquientrentàlamosquée. C’esttoutaussirespectable.
Ilyaaussideshidjabsetdescheveluresàla « lionne ».
L’hommeduforumestmusulman. Ilvitunespiritualitésimpleetémouvanteenrecherchantdessolutionshumainesànosproblèmesexistentiels. L’hommedelamosquéevitunespiritualitédedépassementetchercheànosproblèmesdessolutions, maisqu’ildiluesoitdansdesdiscourspétrisd’unemystiquepureetdure, soitdansdesdiscoursrassurantsoùlescontradictionsnesontpasabsentes.
Ilnousfaudradireàl’unetàl’autrequesilecostumequ’ilsnouspréparentn’estpasànotremesure, nousnel’accepteronspas. Celaveutdirequenousautresjournalistessauronsmettre « lecouteaudanslaplaie » etsifflerlapositiondehors-jeudespartisansdustatuquo, descaciquesduretourenarrièreetdesimprécateursdetoutordre.
C’estavecunecertainetristessequejeconstateaujourd’huiquequelques-unsdeceuxquiontparticipéàl’élaborationdelachartedeTripoli – causepourbeaucoupdedérives – auprèsd’unprésidentBenKhedda (qu’ildemandepardonàDieu), sontmaintenantdanslamouvanceislamisteetprêtsàentrerensembledansleFIS (FrontIslamic du Salut – dissous. NDA). LesanciensduMTLD (MouvementpourleTriomphe des Libertés Démocratiques. NDA) sontàlaporteduFIS. Onnepeut, biensûr, oublierquecepartiadonnéunedynamiqueàl’espritderésistancedenotrepeuple. Maisonnepeutaussioublierqu’iladonnénaissanceauMNA (MouvementNational Algérien. NDA) etàl’arméedugénéralBellounis. Est-ilpossiblequelerestedel’état-majorduMTLD, oucequ’ilenreste, puissepasserparmilesadorateursdulaseretlesdervichestourneursdeAbassiMadani ? Nesommes-nousqu’unpeupledebâtardsnédequelquecatindansunimmenselupanarquiapournoml’Algérie ?
Jeunesconfrères ! Lathématiquedel’œuvrequivousattendestricheetexigeante. Ilfautdelaclasseetdutalent. Ilfaut « lefaire », « lesavoir-faire » et « ledevoir-faire » devotrejeunesseetdevotreengagement. Vousêtesappelésàlaplusmagnifiquedesaventures.
Mesjeunesconfrères, jevousenvie !
A. S.
Avant-propos
Laguerresansmerciquelesterroristesintégristesontmenéede1993à1997, enAlgérie, contrelesjournalistes, demanièreparticulière, etlestravailleursdesmédias, engénéral, s’estsoldéeparunbilaneffarantquenulautrepaysn’aconnuàcejour : près de 100 victimes, desdizainesdeblessés, plusoumoinsatteints, etdesdizainesd’autresayantprislechemindel’exil, auxquatrecoinsdumonde, sousdescieuxqui, leplussouvent, sontloind’êtrecléments.
Depuislejourfunestedel’attentatmeurtriercommiscontrelegrandjournalisteetécrivaindetalentTaharDjaout, le26 mai1993,lesterroristesintégristesontmisenapplication, demanièresystématique, unprogrammed’épurationdesmembresdelafamillejournalistiquerésuméparlasinistredevisedesGroupesIslamiques Armés (GIA) : « Ceuxquinouscombattentparlaplumepérirontparlalame. »
Avec 39 assassinats, contre 9 en 93, 26 en 94, 20 en 96 et 5 en 97, l’année 1995 fut la plus terrible et la plus meurtrière de toutes.
Lesterroristesintégristessesontacharnésdemanièreparticulièresurceuxquiontfaitdumétierd’informerleurcredo. Dansleurfoliemeurtrière, ilsn’ontépargnénirédacteur, nireporterphotographe, nicorrecteur, niadministratif, nichauffeur. Indistinctement, ilss’ensontprisauprofessionnelcommeausimplecollaborateur, auresponsablecommeàl’employé, àl’hommecommeàlafemme.
Contrairementàuneidéerépandue, cetteguerren’ajamaisétésélective. Sescommanditairesn’ontjamaisfaitdedifférenceentreunjournalistefrancophoneetunjournalistearabophone, unKabyleetun « Arabe », lapressepubliqueetlapresseprivée, lapresseécriteetlapresseaudiovisuelle, d’âge, desexeoudepenséepolitiqueoureligieuse.
Letributpayéàladéfensedelalibertéd’expressionetdesidéauxdémocratiquesaétélourd, trèslourd. Ill’auraitétédavantagesilesassassinsétaientarrivésàleursfunestesfinsconcernanttousceuxqu’ilsontdécidédefairetairedéfinitivement. Lenombredejournalistesquiontéchappéàdesattentatsestimportant. Neparlonspasdetousceuxquiontreçudeslettresetdesappelstéléphoniquesdemenacesdemort.
Parmilesjournalistesetlestravailleursdesmédiasassassinés, ilyaàpeuprèsautantd’arabophones (52) quedefrancophones (47), maisbeaucoupplusdejournalistesdelapressepublique (68) quedelapresseprivée (31). Sileurnombreestbeaucoupplusimportantdanslesecteurpublicet la presseaudiovisuelle (41dont26delatélévision, 4d’entreprisesdeproductiondefilmsetdetélédiffusionet10delaradio), celas’expliqueparlesimplefaitquelesjournalistesdupremiersecteuretdansl’audiovisuelsontplusnombreuxqueceuxdusecteurprivéetdanslapresseécrite. Lamêmeraisonpeutêtreévoquéeàproposdunombredefemmes (13) parrapportàceluideshommes (86).
Leplusgrandnombred’assassinatsaeulieuàAlger (80). Lerestedansd’autresvillesdupays : 6àBlida, 2àBoufarik, 2àDellys, 2àTiziOuzou, 1 à Chlef, 1àBouSaâda, 1àConstantine, 1àDraâBenKhadda, 1àGdyel, 1àTipazaet1àSkikda.
Àderaresexceptions, c’estprèsdudomicile, quelquefoisàl’intérieurmême, surlechemindulieudutravailouauretour, quelesjournalistesontétésurprispardesindividusarmésdepistoletsautomatiquesoudecouteaux, parfoisdesdeuxàlafois, defusils-mitrailleursquelquefois. Lefaitdevisertoujourslatêtemontrequelesterroristesagissaiententueursprofessionnels, nelaissantaucunechancedesurvieàleurvictime.
L’acharnementquecertainsd’entreeuxontmisàmutilersauvagementlescorpsdeleurvictimedévoileunehaineprofondequines’expliquequeparundérèglementmentalouunepathologiegrave.
Dansunpaysoùlejournalismeétaitdevenu, durantcettepériode, unmétieràtrèshautrisque, c’étaitpratiquementunhommedelaprofessionquitombaitparmois.
Prisentrel’enclumedesterroristesintégristes, quiavaientdécidédeles « éradiquer » jusqu’audernier, etlemarteaud’unpouvoirlongtempshésitantetfrileux, incapabledeprendrelesmesuresquis’imposaientpourleurprotection, maisqui, aucontraire, lesharcelaitdepoursuitesjudiciairesetdemesuresdesuspensiondetitres, lesjournalistesavaientassisté, désespérémentseuls, sansdéfenseetimpuissants, àl’épurationdeleurcorporation.
Faceàcecarnageuniqueensongenredanslesannalesdelapressemondiale, faceàcetteépurationdesjournalistes, laparalysiedespouvoirspublicsnepouvaits’expliquer. Pourtant, lesautorités, auplushautniveau, étaientrégulièrementinterpelléespourprendrelesmesuresqu’imposaitunesituationdontlagravitén’échappaitàpersonne, aussibienenAlgériequ’àl’étranger.
Alorsquedesvoix, deplusenplusnombreuses, aufildesmoisetdesannées, enéchoauxappelsrépétésdel’AssociationdesJournalistes Algériens (AJA) etdeséditeurs, s’élevaientunpeupartoutdanslemondepourapporterleursoutienetleursolidaritéauxhommesdesmédiasalgériens, lepouvoirs’enfonçaitchaquejourdavantagedansunmutismepourlemoinsétonnant.
Etquandilensortait, c’étaitpourbrandirlamenacedelaloioumettrejournalistesetterroristessurunpiedd’égalité, feignantd’oublierquec’étaientlesseconds, armésdecouteauxetdepistolets, quiassassinaientlespremiersquin’avaientpoursedéfendreetdéfendreleurpaysetleurprofessionqueleursconvictionsdémocratiquesetleursplumeslibres.
Faut-ilrappelerquele14 août1994, enpleinjour, aucentred’Alger, enfacedel’entréeprincipaledelaMaisondelapresseTaharDjaout, unjournalisteavaitétékidnappéparungroupedeterroristesintégristesdel’ArméeIslamique du Salut (AIS), laprincipaleorganisationarméeduFIS. Aumomentdeleremettreenliberté, lesterroristesintégristesl’avaientchargéd’unmessageauxprofessionnelsdesmédiassousformede « dernieravertissement ». Lesjournalistesétaientsommésdesetaireoudemourir.
Danssonénièmecommuniqué, rendupublicaulendemaindelalibérationdujournalistekidnappé, l’AJA, encoreunefois, tiraitlasonnetted’alarme : « Lasituationestd’uneextrêmegravité. Leproblèmedelaprotectiondesjournalistes, maintesfoisposé, demeureentier. Lespouvoirspublicsdoiventsedéterminer. »
Deleurcôté, leséditeursavaientinterpellélesautoritésencestermes : « Leproblèmedelasécuritédesjournalistesresteentièrementposé. Lebilanestdéjàtroplourdetl’onsedemandecombienilfaudrad’autresassassinatsoud’enlèvementsdejournalistes, d’attaquesarméescontreleslocauxdelapresse, pourqu’enfinlesautoritéssedécidentàréagir. »
Rienn’yfit. Lesjournalistescontinuaientàêtrelaciblefaciledescommandosintégristesdelamort.
Durantcinqlonguesannées, lesjournalistesontvécu, jouraprèsjour, semaineaprèssemaine, moisaprèsmois, danslahantiseducouteauquitranchelagorgeetdelaballequiexploselatête. L’horreuravaitatteintdesproportionssiinimaginablesquecertainsensontvenusàsouhaiterdemourirsouslesballesplutôtqued’êtrepassésàlalameducouteau.
Ensortantlematin, ilsn’étaientjamaissûrsderentrervivantslesoir. Desdizainesdejournalistesavaientpurementetsimplementabandonnéfamilles, proches, femmesetenfantset « galéraient » telsdesSDFpouréchapperàunefinprogrammée.
Ilfautimaginer, pourcellesetceuxquin’ontpasvéculesévénements, etsesouvenirpourlesautresque, duranttoutesceslonguesannées, permanente, obsédante, l’ombredelamortrôdaitcommeuneépéedeDamoclèssuspenduesurleurstêtes.
Faceàdesmonstresconditionnéspourlogerdesballesdanslestêtesettrancherlesgorges, lesjournalistessetrouvaientcomplètementdésarmés, bienqu’étantàl’avant-garded’uneluttesansmercidontl’enjeun’étaitniplusnimoinsquel’existencedel’Algérieentantqu’Etat-Nationmoderne, républiquedémocratiqueetbastionavancédelalibertéd’expressiondansleMaghrebetlemondearabo-musulman.
Lorsqu’un, deuxoutroisjournalistessontassassinésetquedesmesuresadéquatesnesontpasprises, onpeutmettrecelasurlecomptedutempsderéflexionquel’onsedonneavantd’agir.
Maislorsquecelaprendlesdimensionsd’uncarnageetquetoutelafamilledesmédias, toussecteursconfondus, setrouvesouslamenacepermanentedelamort, sansqu’onréagisseefficacement, l’onestendroitdeseposerdesquestions. Ycomprislesplusgraves. Ilaurafalluattendredesmoispourquelespremièresmesuressoientprises (armementdesjournalistes, logementssécuritaires, etc.).
PolitiquementcouvertsparleFIS, lesterroristesdesGIAetdel’AIS, diviséssurbiendespoints, allantjusqu’às’entretuerparfois, étaientnéanmoinsd’accordsurunobjectif : liquiderphysiquementtouslesjournalistesalgériens, quelsquesoientleurlanguedetravail, l’arabeoulefrançais, leuropinionpolitique, leurdegréd’indépendanceparrapportaupouvoir.
Àcetteguerrequileurétaitmenée, lesprofessionnelsdesmédiasalgériens, parlavoixdel’équiperédactionnelled’ElMoudjahid, avaientréponduclairementetfermement, aulendemaindel’assassinatdeMohamedAbderrahmani, directeurdel’undesplusanciensquotidiensalgériens : « Faceauxsicaires, dansl’adversité, lestravailleursdujournaldemeurentsolidairesetsontdéterminésàassumerlamissiond’informeretledevoirdeservirl’Algérie. Notreligneéditorialeestdictéeparladéfensedel’intérêtnational. Cen’estpasunepositionquenousaffichons, maisunerésolutionquenousréaffirmons. Leterrorismenenousferapasplier. »
Pensantjeterl’effroiauseind’unecorporationdurementéprouvée, lesstratègesdelaterreur, lespartisansdunettoyageparlevideetlesexécutantsdeleursbassesœuvresn’ontréussienfait, ens’enprenantauxjournalistes, qu’àresserrerdavantageleursrangs. Leplusbelexempleaétécetteéditionuniquedequinzequotidiensalgériensd’expressionarabeetfrançaiseréunissouslesigleElMoudjahid, titresymboled’unemêmeluttepourlamêmecause : « L’Algérieavanttout. » UneAlgériedémocratique, républicaine, moderne, plurielle. UneAlgériedelalibertéd’expressionsanslaquelleilnesauraityavoirdeliberté.
« Bravantlamortàchaquecoinderue, parfoissurlelieumêmedesontravail, lejournalistenesecontenteplusdeverbiagepourdéfendreunprincipeauqueliln’acessédecroireetpourlequelilestprêtàtouslessacrifices. Lalibertédedire, d’informer, des’interroger (...)Lemessagequevéhiculel’hommedel’informationdérange, effraieplusquelesballesdekalachnikov. Au-delàdesapersonnedontilsesouciedemoinsenmoins, lejournalistecroitdurcommeferàsonmessage. Qu’iltentera, àchaquefois, defairepasser. Pourdiretoutesahainecontrelestueursdelaliberté, toutesasolitude (...) Pourcrierdecolèrecontreceuxquiontorganiséetplanifiésamort (...) quitteàylaissersavie. Etc’estcelaquifait (...) peurauxintégristes. »
Cesmotschargésdecourageetd’espoirsontceuxd’unjeunejournalisteduquotidienLeSoird’Algérie, tirésd’unarticleparuaulendemaindel’assassinatdudirecteurd’ElMoudjahid. Sontitre : « Désormais, ilsnenousfontpluspeur. »
Entrelefracasdesarmesetlestracasd’unquotidienterriblementéprouvant, lescarnagesdesterroristesetlesravagesd’uneloidel’informationplusrépressivequepermissive, plusdérangeantequ’encourageante, lesjournalistesalgériensétaientprisentredeuxfeux. Prèsdedeuxcentsd’entreeuxprirentlechemind’unexilforcéetamer. Lesrédactionssevidaientchaquejourunpeuplus. Et « l’aventureintellectuelle » danslaquelleilss’étaientlancésen1989s’étaittransforméeencauchemar.
Uncauchemardontilssontsortis, éprouvéscertes, maisvictorieux. L’Histoireretiendraqu’ilsontdonnéaumondelaplusbelleleçondedignité, decourage, dedéterminationetdelutte. Pourlalibertédontilsontinscritlenomenlettresdesangsurchaquepagedenotremémoire.
L. L.
Alger, le 1er janvier 2005
Première partie (1988-1992) : Du « chahut de gamins » à « l’aventure intellectuelle »
Déclaration des journalistes algériens du 10 octobre 1988
« Ou bien vous êtes des fous ou bien des génies ! »
Noussommeslelundi10 octobre1988. L’automne, quis’estdéjàdiscrètementinstallé, n’arrivepasencoreàatténuerlachaleurd’unétédesplustorrides. Dansuncielsansnuages, lesoleilmatinaldardesesrayonsbrûlantssurAlgerquiseréveilleausixièmejourd’unesituationdetroublesdontellen’apasencoreidéedesformidablesrépercussionspsychologiquesetdesbouleversementspolitiquesqu’elleaurasurl’avenirdel’Algérie.
Depuisle5 octobre, datedudébutdesmanifestationsalgéroisesviolentesquiontgagnélapresquetotalitédupays, lesjournauxsouscontrôledel’ÉtatetdupartiduFrontdelibérationnationale (FLN) sontrestésétrangementmuets. Aucuneinformation, aucuncommentairesurlasituationgravequevitlepays. Lesraresarticles, dansunelanguedeboischèreauxlaudateursdusystème, jettentl’anathèmesurlesmanifestants.
Emboîtantlepasàl’instancedirigeanteduFLNquiappelleàréagiravecfermetécontre « desirresponsables, instrumentsnaïfsdemanipulationshostilesauprofondassainissementengagéenAlgérie », ElMoudjahid, l’organeofficieuxdel’État, etRévolutionAfricaine, l’organecentralduFLN, parlentde « vandalisme ». SurRadioBeur, le7 octobre, AliAmmar, présidentdel’AmicaledesAlgériensenEuropeetpurproduitdusystème, déclare, dansuneinterview, péremptoireetméprisant : « Pourmoi, c’estunchahut (dejeunes) quiadérapé. Unpointc’esttout. »
Àelleseule, cettephraseestlaparfaiteillustrationdelaphilosophiesimplisteetdelaconceptionimbéciledeshommespolitiquesélevésdansleséraild’unpouvoirdeclansetmouléspar « l’appareil » dupartiunique, deshommescoupésdesréalitésdel’Algérieprofonde. L’avenirlemontreradefaçonéclatante.
Danslessiègesdesjournaux, au20, ruedelaLiberté, sièged’ElMoudjahidetau6, rueBenAbderrezakSiElHouès (ex-GénérauxMorris), àdeuxpasdelaplaceÉmirAbdelkader, siègedeRévolutionAfricaine, lesresponsablesontdécidéd’interdirel’accèsdessallesdetélexauxjournalistes. N’ayantledroitnid’êtreinformésnid’informer, lesjournalistescommencentàs’agiteretlagrognegagnepeuàpeulessallesderédaction.
Encecinquièmejourd’étatdesiège, depuis8 heuresdumatin, parpetitsgroupes, desjournalistesdedifférentsorganess’engouffrentparunepetiteportedansunimmeublesisau7, rueMohamedKhemisti,àquelquesmètresdelaGrandePoste, enpleincentre-ville.
Dansunlocalexigusituéaudeuxièmeétage, quelquesoixante-dixjournalistesentament, dansuneatmosphèretendueetenfumée, desdiscussionssurlasituationdeleursecteuretdupayscommeilsn’enontjamaisconnu. Deloin, leurparviennentdesdétonationsd’armesautomatiques.
Àl’issued’undébathouleuxetpassionné, ilsdécident, àl’unanimité, defaireunedéclarationquivaavoirl’effetd’unebombe, maisdontilsn’ontpas, encemoment-là, mesurélaportée. Envoiciletexte :
« Nous, journalistesalgériens, réunisàAlgerlelundi10 octobreà10 heures :
1) Informonsl’opinionpubliquenationaleetinternationalequenousavonsétéetsommestoujoursinterditsd’informerobjectivementdesfaitsetévénementsqu’aconnuslepays, notammentdepuisl’explosionpopulairedu5 octobre. Dénonçonsl’utilisationtendancieusefaiteencescirconstancesgravesdesmédiasnationauxetce, auméprisdetouteéthiqueprofessionnelleetdudroitélémentaireducitoyenàl’information.
2) Rappelonsavoirdéclarédanslesdifférentsdocumentsadoptésparnotremouvementquelesatteintesdeplusenplusgravesauxconditionsdevieetauxdroitssociaux (...) concourraientàcréerlesconditionsd’unetelleexplosionpopulaire. Etcelaenl’absencedetoutepossibilitéd’expressiondémocratique.
3) Condamnons, decefait, l’utilisationviolenteetmeurtrièredelaforcearméeetl’inconséquenceaveclaquellel’ordreatentéd’êtrerétabli.
4) Demandonslalevéeimmédiatedel’étatdesiègeafinderétablirlescitoyensdansl’exercicedeleursdroitsconstitutionnels.
5) Exigeonslalibérationdel’ensembledesdétenusd’opinion, arrêtésdefaçonarbitraireàlafaveurdestroubles (...). Exigeonslalibérationdescitoyensarrêtéslorsdesmanifestations.
6) Demandonsl’établissementdeslibertésdémocratiquesdansleurtotalité (...) ».
Lesjournalistesprésentsonttenuàpréciserl’heuresurladéclarationpourmarquerleurpositionparrapportaucontenu, quelqu’ilsoit, dudiscoursqueleprésidentdelaRépublique, ChadliBendjedid, devaitprononcerenouverturedujournaltéléviséde20 heures.
Aumomentmêmeoùcettedéclarationestadoptée, lesintégristesorganisent, sousl’impulsiond’AliBenhadj, unemarchedansl’espoirderécupérerunmouvementpopulairequ’ilsn’ontnipréparénilancé. Endébutd’après-midi, justeàlasortiedesmosquées, prèsde10 000personnes, encadréespardesintégristes, sedirigentdeBelcourtversBabElOued. ArrivéeàlahauteurdusiègedelaDirectiongénéraledelasûreténationale (DGSN), lamanifestationestbloquéeparlescordonsdesforcesdepolice. Alorsquecesderniersdemandaientauxmanifestantsdesedisperser, descoupsdefeu, partisonnesaitd’où, éclatent. Etc’estladébandadeetlecarnage. Desdizainesdemanifestantstombentsouslesballes.
Sid-AliBenmechiche, journalistedel’AgenceofficielleAlgériepresseservice (APS), dontlelocaloùilss’étaientrassemblés, porteraplustardlenom, tombaitaussi, criblédeballes. C’étaitlapremièrevictimedelaprofession. Beaucoupd’autres, tuésparballesouégorgés, allaientsuivre. Maiscela, lesjournalistes, prisdanslatourmentedecesterriblesjournées, nelesavaientpas. S’ilsavaienteuàcemoment-làlapossibilitédelirel’avenir, ilsauraientététerrifiéspar cequ’illeurréservait.
Remiseàl’AgenceFrancePresse (AFP), cettedéclarationferatrèsviteletourdumonde. Uncitoyen, àquielleaétédonnéepourinformation, auracetteréflexionrévélatricedelacomplexitédelasituationetdesréflexesdepeuretdedéfiancechezdesgens, dontl’espritcritiqueetd’initiativeaété « anesthésié » parlachapedeplombimposéedepuisdelonguesannées : « Dedeuxchosesl’une, dira-t-il, oubienlesjournalistesquiontfaitcettedéclarationsontdesfousoubiencesontdesgénies ! »
Enfait, ilsn’étaientnilesunsnilesautres. Ilsontsentisimplement, demanièreconfuse, certes, maisjuste, quelesconditionsétaientmûrespourdesbouleversementsprofondsdanslepays. Etcecis’expliqueparlefaitque, travaillantdansunsecteurconsidérécomme « névralgique », ilssontplusprèsdes « pulsations » delasociétéetenmêmetempsplusexposésqued’autresàlacensure, àl’interdit, àl’humiliation, auxbrimades. Maisaussiqu’ilssontlesporteursd’unniveaudeconscienceassezélevéacquisdurantprèsd’uneannéedeluttesaussibiend’ordrerevendicatif (conditionsdevieetdetravail) quepolitique (cadred’organisationpolitiquehorsdesstructuresparalysantesetasphyxiantesdes « organisationsdemasses » duFLN).
Eneffet, depuislafindel’année1987, desjournalistes, peuaudébut, deplusenplusnombreuxparlasuite, ontcommencéàs’organiserfaceàl’arbitraireduministèredel’Informationetàlapressiondesservicesdesécurité. Decommissionsparitairesenregroupementspluslarges, lecadredecoordinationetderencontresévolueetsetransformeenmouvementfonctionnantdemanièredémocratique, sanschefs, surlabasedel’assembléegénéralesouveraineetdotéed’unbulletindeliaisonintituléInterorganes.
DanssonouvrageInformation, lafacecachéedumensonge, AbderrahmaneMahmoudinote : « Aussi, lesassembléesgénéralesetlesrencontresauxquellesn’assistaientpasplusdequatre-vingtsjournalistesissusenmajoritéduPAGS,d’ElMoudjahid, deRévolutionAfricaine, d’Horizons, d’AlgérieActualité, deschaînesIIIetIVdelaradioetunoudeuxjournalistesdelatélévision, setransforment-ellesenassembléesgénéralesgéantesauxquellesaffluelaquasi-majoritédesrédactionsdupays. Surlesmillejournalistesquecomptelaprofession,plusdelamoitiéestprésenteàcesassembléesgénérales. Cequiexpliquequelapremièreplate-formecommuneadoptéeparleMJA, le9 mai1988,reflèteassezfidèlementlanaturedesproblèmesrencontrésdanslesecteurdel’informationettémoignedelaqualitédesrevendicationsquirestentglobalementéquilibrées, entrelesexigencesd’ordrematériel, etcellesàcontenunettementpluspolitique. »Àvraidire, leMouvementdesjournalistesalgériensdontnombredeleadersetd’adhérentsétaientmilitantsousympathisantsduPartidel’avant-gardesocialiste (PAGS), clandestindepuis1966, maistrèsprésentdanslesmilieuxouvriersetintellectuels, agrandementbénéficiédesonprécieuxcapital-expérience.
À20 heures, le10 octobre, levisagelivide, lestraitstirés, lavoixchevrotante, leprésidentdelaRépublique, ChadliBendjedid, danslapluscourteinterventiondesalonguecarrière, annoncequed’importantes « réformespolitiques » allaientêtremisesenœuvre.
Sansêtredesgénies, lesjournalistesontvujuste. Lasuitedesévénementsallaitleurdonnerraison. Etlesmettre, àleurcorpsdéfendant, aucentred’unformidablebrasdeferauquelilsvontpayerunlourdtribut.
LelendemaindudiscoursduprésidentdelaRépublique, à23 heures, desmembresdesservicesdesécuritéseprésententaudomiciledeDahbiaYacef, unejournalistedel’APS, membredynamiqueduMJA, etprocèdentàsonarrestationsousprétextededétentionetdedistributiondetractsportantatteinteàlasûretédel’État.
Elleestrelaxéeaprèsqu’unedélégationduMJAs’estrendueauministèredelaDéfensenationaleetàl’état-majorgénéraletqueleMouvementadécidéderesterenassembléegénéralepermanentejusqu’àsalibération.
Uneannéeaprès, les13et14 octobre1989, dansuneconférencenationaletenueàlasalledecinémaAtlas, danslequartierdeBabElOuedoùSid-AliBenmechicheavaittrouvélamort, leMouvementsestructureets’organiseenvuedemenerdansdesconditionsmeilleureslesluttesfutures.
Àl’issuededeuxjournéesdedébatsoùlesproblèmesdusecteursontpassésaupeignefinpardesdizainesdeprofessionnels, lestravauxsontcouronnésparlanaissanceofficielleduMJA, premièreorganisationlibredesjournalistes. Faittrèssignificatif, c’estunefemme, M. Z., quis’étaitinvestiecorpsetâmedanslesluttesdesjournalistes, avantetaprèsoctobre 1988, quiarriveentêtedeladirectionduMJA, laDélégationexécutiveprovisoire, avecleplusgrandnombredevoix.
Le23 février1989, lanouvelleConstitutiondupaysestadoptée. Lesarticles 39surlagarantie « deslibertésd’expression, d’associationetderéunion » et40sur « ledroitdecréerdesassociationsàcaractèrepolitique » ouvrentgrandeslesportesàl’avènementdumultipartismeetd’unepresselibre.
Alger républicain renaît de ses cendres
« 24 Ans de silence et on retourne ! »
ÀlasalledecinémaEl-Mouggard’Alger, le29 juin1989, setientuneassembléegénéraledesamisd’AlgerRépublicain, quotidiennationald’informationanticolonialisteetprogressistefondéen1938, interditde1939à1955parlesforcesd’occupationcoloniales, etparlespouvoirsalgériensde1965à1989aprèssareparutionen1962. Cetteassembléegénéraleaboutitàlacréationde1’Associationdesamisd’AlgerRépublicain, chargéed’œuvreràrassembler « lesmoyenshumainsmaissurtoutfinanciers » pourlareparutiondujournal.
Aun° 61FduboulevardMohamed-V, dansunappartement, autourdeAbdelhamidBenzine, quelquesvieuxroutiersdujournalismeetdenombreuxjeunesdumétier, enmajoritémilitantsousympathisantsduPAGS, s’attellent, dansl’enthousiasmeetlajoie, avecd’énormesdifficultéscependant, àlatâchederenoueravec « lagrandeaventured’AlgerRépublicain » tellequecontéeparAbdelhamidBenzine, BoualemKhalfaetHenriAllegdansunlivre, portantcetitre, paruen1987auxÉditionsMessidor, enFrance.
Aumoisd’octobre 1989, tiréà15 000exemplaires, unnumérod’essaisort, venduessentiellementparlesamisd’AlgerRépublicain, lesmilitantsetsympathisantsduPAGS. C’estavecunegrandeémotionqu’ilseraaccueilliparlamajoritédesjournalistes, parcequecejournal, liéintimementàl’histoiredel’Algérie, tientuneplaceparticulièrechezlesintellectuels (yontcollaboréKatebYacine, MohammedDib, AlbertCamus, M’HamedIssiakhem, MohamedKhaddaetautresécrivainsetartistesprestigieux) etaussiparcequ’ilouvraitlavoieàcequ’onallaitappeler « l’aventureintellectuelle », selonlasibyllineformuleduPremierministred’alors, MouloudHamrouche.
« 24ansdesilenceetonretourne », annoncelejournalàlaune. Sousletitre « Fidélitéàl’avenir », AbdelhamidBenzine, écrit : « Aprèsunsilencebientroplong, notrejournalreparaîtetlagrandeaventured’AlgerRépublicainrecommence. Parunhasardheureux, cenuméroparaîtentredeuxgrandesdatesdel’histoiredenotrepays. Letrente-cinquièmeanniversairedenovembre 1954etlepremieranniversaired’octobre 1988. » FatihaBenchicou, dansunarticleintitulé « Sid-Ali », simplement, rendhommageencestermesaupremiermartyrdelaprofession : « Lejouroùtunousquittas, peut-êtreàlaminutemême, soixante-dixjournalistesétaientréunisdanslasallequiporteaujourd’huitonnom, pouradopterl’unedesplusbellesetdespluscourageusesdéclarationsdelaprofession (...). Tuterappelles ? Cejour-làturentraisdecongéetpourcommencer, ilyavaitcetévénementàcouvrir : lamarchedemilliersdejeunes, demilieuxpopulaires. Toutecettefouleétaitpasséesouslesbalconsdel’agence, certainsnoussaluaientd’ungestedelamain, d’autresnousdéfiaient : “Écrivez, écrivez !”Ilfallaitcouvrircettemarchepacifique : “T’enfaispasSid-Ali, sijamaistumourais, onaccrocheraituncadreavectaphotosurlemur !”, t’avaitlancéuncollègue. (...) Sansvoustous, victimesd’Octobrequiavezoffertvotrevieàladémocratie, iln’yauraitpaseuleretourd’AlgerRépublicain, decejournald’oùj’aiput’écrire. »
Égalàlui-même, provocant, sceptique, Slim, lecaricaturisteleplusenvuedesvingtdernièresannées, s’afficheàlaune. Dansunautoportraitencasquetteetgrosseslunettes, ildéclaredevantsafeuilleblancheetunechopedebière : « Onm’ademandédefaireundessinpourlauned’AlgerRépublicain. Aprèsmûreréflexionetvingt-cinqansd’autocensure, jecroisquejeneleferaipasoutoutaumoinspaspourcenuméro !... »
Le18 janvier1990, lenumérounestdansleskiosques. C’estlepremierquotidiend’unepresseindépendantedessecteursdel’Étatetdupartiunique.
AbdelhamidBenzine, lucide, sousletitre « AlgerRépublicainquelavenir ? » s’interroge : « Aprèslesdeuxnumérosd’essai, aveccequ’ilsontcomportédesatisfactionetd’insuffisances, voicidonclenuméround’AlgerRépublicain, nouvellesérie. Aucundecesnumérosn’auraitpuvoirlejoursanslesoutienmoraletfinancierdenosamis, leurmobilisation, sansledévouementexemplairedenotreéquipe.
Notredevoirdetransparenceetdevériténousobligecependantàdirequel’avenirdenotrejournalestloind’êtreassuré. Beaucoupd’incertitudesmenacentencorelapoursuitedecettenouvelleetbelleaventured’AlgerRépublicain. Lavolontéetl’engagementinestimablesdeshommesetdesfemmesquifontcejournalindépendantdespartisetdesmilieuxd’affairesnesuffirontpaseneux-mêmesàsurmonterlesgrandesdifficultésauxquellesnotreéquipeestconfrontée. Ilnousfautbeaucoupdemoyens, carlesproblèmesàrésoudresontencorenombreuxetardus.
Dansdetellesconditions, quelavenir ? »
Loi sur l’information du 3 avril 1989
« L’aventure intellectuelle » a des ratés
Ilaurafalludeuxannées, sixprojets, desdébatshouleuxetinterminablesanimésparleMJA, desbrasdefermémorablesentrelesreprésentantsdesjournalistesetceuxdedeuxgouvernements, cesderniersetceuxdel’Assembléepopulairenationalepourquelaloisurl’informationsoitenfinadoptéeofficiellement.
PubliéeauJournalofficieldu3 avril1990, elleseradénoncéeparlesjournalistescommeun « codepénalbis » àcausedesoncaractèrerépressif (23articlespourlesdispositionspénales).
Malgrécela, cetteloiouvrequandmêmeunesecondebrèchedanslesystèmedupartietdelapenséeuniquesparsonarticle 4quiautoriselacréationdejournauxindépendants. Unebrèchedanslaquelles’engouffrerontdenombreuxjournalistespourtenter « l’aventureintellectuelle » àlaquelleonlesinvitait.
Eneffet, dansunecirculairedatéedu19 mars1990, adresséeauxdirecteursdesentreprisesdontdépendaientlesjournauxdel’Étatetdupartiunique, lechefdugouvernementdel’époqueleurdemandedemettreenapplicationlesmesuresoffrantlapossibilitéauxjournalistes « d’œuvrerauseindelapressedepartioud’opiniondeleurchoix » ou « deconstituerdescollectifsprofessionnelspourlacréationetl’éditiond’untitreindépendant ».