L'Amant d'éternité - Jean Rasther - E-Book

L'Amant d'éternité E-Book

Jean Rasther

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Beschreibung

Une histoire de rencontres virtuelles qui prennent une place énorme dans la vie de ces personnages...

Il s’agit d’une quête amoureuse, d’un naufrage dans la vénéneuse porosité de deux univers : celui de la réalité qui se plaît à brouiller les pistes et celui que l’on appellera par commodité virtualité ou imaginaire.
Les personnages les plus importants du récit ce sont deux femmes, indubitablement, & non le narrateur que le destin condamne à l’attente, à une forme d’inertie. Deux héroïnes qui pourraient n’en faire qu’une : la « petite Renarde », Lo, et puis Tina.
C’est autour d’elles que se dessine la géographie mélancolique de cette errance des sentiments.
Le roman d’Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, aura été le point de départ de ce projet d’écriture et L’Amant d’éternité lui rend hommage en maints endroits.

Savourez l'univers poétique de Jean Rasther et suivez les quêtes amoureuses de ses personnages !

EXTRAIT

Une correspondance très dense s’était établie entre eux ; sa plume lui plaisait. Mise en confiance parce qu’il la questionnait, se livrant à peine, attentif par affection à ses confessions égrainées sur le chemin de nuits partagées, il parvenait à la comprendre, comblant les manques, replaçant, avec persévérance & passion, les innombrables piécettes du puzzle de sa vie qu’elle lui offrait. Il n’en perdait aucune, les assemblerait dans l’assourdissant silence de son absence, quand elle l’aurait quitté, afin d’éclairer d’une flamme bleutée les voiles de sa mélancolie.
S’esquissait au fil des jours le brouillon fragile & délicat d’une vie.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Une rencontre en classe de Première avec un professeur de Français, Alain Praud, aura suffi à faire éclore chez Jean Rasther l’amour de la littérature et le désir de la transmission auprès de ses élèves.
Et quand son cœur ne vibre pas aux souvenirs des Mers du Sud, il lui arrive de se perdre au bord des canaux de la belle Venise.

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Jean Rasther

L’Amant d’éternité

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean Rasther

ISBN :978-2-85113-867-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants causes, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À LO et Tina qui savent tout ce que je leur dois et que j’aime.

À Jacques Cassabois, pour ses conseils, sa patience, ses encouragements et son indéfectible amitié.

À vous, Émilie Riger-Collins, Élia, lectrices bienveillantes de la première heure.

À Virginie et Jenn qui ont toujours cru en moi.

Reconnaissance, tendresse et affection.

Jean

Préface

Mon cher Jean,

Je ne voulais pas te faire attendre et j’ai profité d’une éclaircie pour te lire.

Une fois ton texte réceptionné, j’ai immédiatement balayé les pages pour me faire une idée. J’ai été vite soulagé. C’était écrit, c’était construit. Une des raisons pour lesquelles je ne veux plus lire de manuscrits c’est le temps que je passais à lire, à comprendre ce que l’auteur avait voulu dire, ensuite à expliquer ce qui n’allait pas, à des gens qui n’arrêtaient pas d’argumenter qu’ils avaient raison. Zou ! Allez vous faire cuire ! Dans ton cas, c’est sans doute ce que j’ai aperçu au premier coup d’œil qui m’a donné envie d’y revenir rapidement.

Je n’ai pas été déçu. Tu écris parfaitement bien (ce qui pour certains ne veut rien dire). Phrases au cordeau, sobriété, pas de lourdeur, pas d’insistance à démontrer, et puis une finesse, une élégance qui dénotent une sensibilité qui frémit, qui tremble, qui cherche la beauté des êtres et qui la trouve, et une fois qu’il la tient, l’exalte, lui fait rendre les eaux, celles de la naissance, car c’est à une naissance que l’on assiste, des eaux qui se changent souvent en nectar, et enfin sait faire partager tout ça.

Voilà, Jean, ce que je peux te dire, à la volée. J’ai terminé hier matin vers 7 h 30, puis je t’ai écrit, et j’ai laissé reposer jusqu’à ce matin.

Ton texte m’a bousculé, obligé à être très attentif. Dans ta façon d’écrire, très peu d’indices qui balisent la narration, qui identifient les personnages. Grande économie également d’indices chronologiques. Qui parle ? (en dehors des passages, mais ils ne viennent pas immédiatement, où tu utilises l’alternance italique - romain) Où sommes-nous ? Les indications sont parfois données une fois pour toutes, mais le récit les fait bouger. C’est comme sur la route. Tu loupes un panneau, parce que tu es distrait (parce que tu explores mentalement tel ou tel détail du texte, tu t’identifies en continuant à lire et que tu n’es plus tout à fait aussi attentif), et paf, tu passes une bifurcation et tu ne sais plus où tu es. Marche arrière pour te repositionner.

Ceci pour te dire qu’il m’a fallu un temps d’adaptation, car, au contraire de ton récit, lorsque j’écris, je ne suis jamais dans le virtuel (même si le virtuel est une variation du réel), je m’efforce de reconstituer un réel et je suis obsédé par la nécessité à laquelle me contraignent mes écrits « pour la jeunesse » (expression pleine de malentendus) d’éviter de laisser le lecteur en carafe. En fait, je ne sais jamais comment réagissent les lecteurs (même quand je les vois dans des classes), mais j’y pense et je sème des indices visibles, je balise le parcours.

L’habitude de te suivre s’installe néanmoins assez vite. Ton récit se déroule comme une rivière paisible, à l’abri des remous et des tempêtes, avec une régularité maîtrisée par le narrateur. Il y a quelque chose d’inéluctable dans ta façon de mener cette aventure amoureuse. Il s’en dégage une sensualité, une attente qui appelle la curiosité, une tendresse faite de retenue, d’une légèreté qui refuse de blesser, de pudeur aussi. Jamais la moindre concession aux facilités licencieuses et salaces. Les amours, comme contraints par l’éloignement des deux interlocuteurs qui n’affrontent jamais l’épreuve de la rencontre, font preuve de patience et de tolérance. Je m’y suis senti bien. À l’abri des coups du sort. Ton récit s’impose par une douceur feutrée qui avance à son pas.

Et puis, vient la surprise de la fin, et la remise en question qui nous prend à froid. Et on se dit : « Mais ces deux femmes, Tina, Lo, est-ce qu’il n’y en a pas qu’une seule finalement ? Et le mari, l’ex, l’enfant, des auxiliaires de l’illusion ? Tous complices d’une virtualité, d’un rêve, chargés d’animer ce théâtre d’ombres comme autant de marionnettes, manipulés par le récitant qui joue à se créer ces amours, récitant lui-même à la merci de l’auteur marionnettiste qui tire tous ces fils, sans jamais les emmêler et avec une habileté consommée.

Pour finir, je suis sorti de tes variations inspirées par Facebook avec des songes que je ne voulais pas transformer en questions, afin de n’avoir pas à leur apporter de réponses, parce que je préférais continuer à naviguer sur des possibles. Et j’ai pensé à ce Japonais, qui a défrayé la chronique, il n’y a pas longtemps, pour s’être fabriqué une amoureuse numérique à sa convenance, un hologramme de femme qu’il avait épousé…

Amicalement à toi.

Jacques Cassabois

1er février 2019

I

Très vite, c’est Le Petit Prince de Saint-Exupéry qui les avait accordés, le miroitement particulier de certaines étoiles aussi, & puis un parfum féminin qu’il méconnaissait jusqu’au nom, Vol de Nuit, de chez Guerlain.

Pour avoir été ébloui par l’escarboucle imprévisible du Destin, il présageait que sa vie ne feuilletterait plus désormais que des sentes buissonnières.

II

Ce matin-là, il désira mourir. Il avait pris sa Dyna, rejoint la RDO qui relie Papeete au District, en direction de Paea, et poussé la machine au maximum de sa puissance. La route est large, elle dessine quelques courbes lorsqu’elle descend vers le Lycée hôtelier de Punaauia et sa plaine côtière, que frange le lagon.

À toute heure du jour, la circulation y est particulièrement dense, surtout le matin, quand des flux ininterrompus de véhicules se déversent dans Papeete, & l’étouffent, dans son écrin souillé de vert et de bleu.

Il avait fermé les yeux. Pas suffisamment courageux pour lâcher le guidon, il désirait que la trajectoire de la moto s’incurve insensiblement et qu’un camion le fauche, que la mort l’emporte à tous les diables. Et il en aurait enfin terminé avec le poisseux désespoir, les dettes amères d’une existence ratée.

Mourir à vingt mille kilomètres de sa patrie, dans ce fenua d’élection qu’il chérissait tant, il percevait toute la bassesse de son acte, puisqu’il abandonnerait derrière lui un fils âgé de sept ans à peine, mais la famille qu’il avait sacralisée, toujours, avait définitivement volé en éclats au cours de leur dernier séjour à San Francisco. Et l’image que lui renvoyait le miroir de sa chambre, émiettements.

Elle le trompait depuis des années ; il avait dû la fuir, un soir où, dans le hall de l’hôtel Donatello, il l’avait une fois de plus surprise conversant avec l’un de ses innombrables amants, sur un site de rencontres.

L’explication avait été violente. Elle éructait ces flots d’insultes qui engluent dans leur mépris. Des promesses de fidélité, vieilles de huit jours à peine, il ne demeurait rien. Trahi, une fois de trop. La côtoyer encore, partager avec elle l’intimité d’un lit, singer le bonheur de vacances mort-nées, il ne voudrait plus. Ces grimaçantes hypocrisies l’écœuraient.

Il partirait.

Leur fils dormait sans doute. Il n’avait pas eu le courage de le réveiller. Ce fils qu’il vénérait, avec lequel il avait réussi à instaurer une aimante complicité que son propre père n’avait su lui offrir, ce fils à qui il avait appris à lire & à écrire, il l’abandonnait à cause d’elle, de ses humeurs malades, de sa malsaine boulimie de peaux qui se frottent.

Il avait pris la voiture et roulé toute la nuit, en somnambule, ne s’arrêtant qu’une fois pour faire le plein et boire un café d’eau brunâtre.

Il s’était garé dans la 3ème rue, à Santa Monica.

La nuit s’échappait à peine sur la ligne d’horizon de l’Océan.

Il espérait que le Deli's serait ouvert. C’est là, aux heures d’un bonheur révolu, qu’ils déjeunaient par habitude, à chacun de leur séjour californien, avec son fils et sa femme. L’intangible rituel du muffin aux myrtilles, du café italien très serré & d’un grand verre de lait froid rassurait sa définition du bonheur.

Mais le Deli's n’ouvrirait pas.

Il avait alors repris la voiture.

Les rues, désertes à cette heure, luisaient dans la lumière vacillante des réverbères. On procédait à la toilette du matin des quartiers commerçants qui bientôt frémiraient de joggeurs et de touristes. De rares noctambules avaient croisé son chemin, indifférents à son épuisement & à sa détresse.

LAX.

La voiture de location rendue, il venait d’embarquer dans le premier avion pour Tahiti.

La touffeur est telle lorsque l’on débarque de l’avion que l’on a l’impression d’avoir la poitrine comprimée sous un étau, expliquait-il. Mais il respirait un peu mieux toutefois, loin d’elle, malgré l’onde de chagrin qui sournoisement l’envahissait. Partout surgissaient les traces vives de son bonheur d’antan, que des larmes n’apaiseraient pas. La fleur de tiaré que la mama venait de lui offrir dans le hall de l’aérogare avait douloureusement infusé dans sa mémoire le parfum délicat du jasmin, dans l’éclosion de ses pétales lactés. Son fils avait un mois quand il lui avait fait sentir pour la première fois ses enivrantes fragrances, & il conservait pieusement sur son bureau une photo sur laquelle un bébé lui souriait, une fleur de tiaré à peine éclose placée derrière l’oreille gauche, celle du cœur…

Dans le journal local, la première petite annonce immobilière qu’il lut proposait un appartement à 90 000 francs, c’était parfait. Il le prendrait.

Le soir même, il emménageait dans un studio vieillot mais propre, spartiatement meublé ; il n’en avait cure car partout avec lui, il emportait un crayon original de Jacques Boullaire qui avait illustré Les Immémoriaux de Victor Ségalen, représentant quatre jeunes vahinés, croquées de dos, nues, drapées de leur lourde toison qui cascade jusqu’aux reins. Elles encerclent, sur le pont du navire, un jeune aspirant français, ébahi par tant de beauté. Ce dessin habillerait suffisamment les murs du nouveau logement & ferait oublier sa misère. Un logement d’expatrié en escale entre deux rives, situé sur les hauteurs de Punaauia.

Les Balcons du Lotus proposaient une grande piscine avec une vue extraordinaire sur le lagon, ouverte, tel un tableau sur l’horizon, offrant au regard la déchirure sauvage et mystérieuse de Moorea l’île sœur.

Mais la vue sur le lagon, la piscine qui ravissait son fils, la table de ping-pong, terrain de jeu de leurssoirées complices ne suffisaient plus à combler le vide creusé en lui, & l’évidence d’un terme avait peu à peu germé dans son esprit…

Il aurait provoqué un énorme embouteillage, interrompant du même coup l’irrigation économique de la ville. De sa moto, les assureurs déclareraient qu’elle était bonne à présent pour la casse. Et lui allait passer un mois interminable à la Clinique Paofai, perforé comme un misérable poulet, de broches dans les bras & les jambes, avec pour uniques distractions les pales d’un plafonnier qui grincent doucement dans leur lente rotation la complainte résignée de ses pathétiques, de ses ridicules échecs, et les rugissements d’ivrognes qui remontent du parking, sous la fenêtre de sa chambre, puisqu’il n’aura même pas été capable de réussir correctement son suicide.

III