L'Amant de Pénélope - Tome 1 - Arria Romano - E-Book

L'Amant de Pénélope - Tome 1 E-Book

Arria Romano

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Beschreibung

Tout commence avec un baiser volé, dans une bibliothèque, par un bel inconnu...

Partir en Grèce pour une semaine de vacances ? Le paradis pour une passionnée des vases antiques, telle que Pénélope. Y retrouver sa sœur fraîchement mariée avec un jeune milliardaire ? Encore mieux. Cependant, Pénélope s'attendait à tout sauf à ce baiser grisant, volé par un inconnu dans les recoins sombres d'une bibliothèque... pour ensuite se rendre compte que cet inconnu n'est autre que l'archéologue qui l'accompagnera durant son périple. Un baiser peut-il vraiment tout changer ?

Découvrez la nouvelle romance passionnée et passionnante d'Arria Romano, qui vous fera voyager sous le soleil de Grèce et les richesses archéologiques qui l'entourent !

EXTRAIT

Depuis la poupe du caïque, Pénélope admira ce tableau inédit d’un œil avide, puis se tourna vers Andreas, tout sourire.
— C’est vraiment charmant.
— Oui, j’aime beaucoup cette ville.
— Vous y venez souvent ?
— Oui, grâce à mes interventions au musée archéologique d’Héraklion ou à l’université. Vous voulez boire quelque chose avant de découvrir les trésors que nous ont laissés les Minoens ?
— J’ai une bouteille d’eau dans mon sac, ne vous en faites pas, Andreas.
— Comme vous voudrez, ma belle.
Ce ton chaud, charmeur. Le foyer de picotements s’agrandit dans son ventre et davantage lorsqu’il lui présenta une main pour l’aider à se remettre sur pieds. Plus par envie que par politesse, elle accepta son assistance et se retrouva bientôt à quelques centimètres de son corps, si petite en comparaison. Si elle avait voulu se lover contre lui pour se repaître de son parfum affolant, sa tête ne dépasserait assurément pas ses larges épaules de lutteur.
Sans crier gare, il se permit de remettre derrière l’oreille de la jeune femme une petite mèche blonde, échappée de sa natte ébouriffée par son somme.
Pénélope eut du mal à déglutir et s’attendit à ce qu’il lui vole un baiser quand il se pencha un peu plus dans sa direction, mais il ne fit qu’ôter ses lunettes de vue de son visage, avec une délicatesse qui la tétanisa d’émerveillement. Là, l’archéologue se mit à inspecter sérieusement les verres un peu sales, puis les embua de son souffle, avant de les essuyer à l’aide de sa chemise en lin bleue.
Seigneur, il le fait exprès !
Cela ne pouvait qu’être un autre tour pour mieux refermer le piège de la séduction autour d’elle.
Gênée et toujours immobile, Pénélope se retint de respirer quand il repositionna ses lunettes sur son petit nez, avec le soin que prendrait un archéologue minutieux face à un objet fraîchement trouvé, qu’il fallait excaver de terre sans le briser. Dans ses mouvements, ses doigts épais effleurèrent ses oreilles fines, le haut de sa nuque et l’extérieur de ses joues.
— C’est parfait maintenant.
Un peu interdite, elle ne put que souffler un simple « merci ».
— Le site archéologique de Knossos se trouve à une vingtaine de minutes d’ici en voiture. Nous allons prendre un taxi.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après U.S. Marines et Autumn, Arria Romano étudiante en histoire militaire à la Sorbonne et passionnée de littérature et d’art, a développé une passion pour l’écriture. Ses récits voyagent à travers le temps et les intrigues, tant que l’amour reste au premier plan !

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Chapitre 1

Juin 2010

Pénélope sortait à peine du petit aéroport de l’île grecque qu’une voix féminine, enthousiaste et familière, la hélait déjà en balayant avec violence la langueur laissée par une récente sieste :

— Pénélope !

Derrière les verres opaques de ses lunettes de soleil, l’interpellée cloua aussitôt son regard sur la svelte silhouette de sa sœur aînée, une trentenaire à la pointe de la mode qui agitait énergiquement son bras pour se faire remarquer à une dizaine de mètres de distance. Comme si cet avion de chasse, dénommé Ariane et enveloppé d’une robe d’été saumon, pouvait passer inaperçu dans ce décor idyllique où le bleu et le blanc prédominaient.

Ariane était comme une boule à facettes ambulante, hypnotique et aveuglante par sa beauté solaire, sempiternellement soulignée d’un assortiment de bijoux aussi élégants qu’imposants, aux étincelles miroitantes.

Heureusement que j’ai mes lunettes de soleil, ne put s’empêcher de plaisanter Pénélope pour elle-même.

— Viens, ma chérie !

Pénélope ne se fit pas prier pour traverser l’écart qui l’éloignait d’Ariane, hissée près d’une reluisante BMW noire, de laquelle un chauffeur sortit comme par magie. Il n’avait pas l’uniforme très sombre et protocolaire que Pénélope s’imaginait, mais se présentait bien et lui adressa un sourire affable quand elle arriva à leur hauteur. Là, elle releva ses lunettes sur son front haut et pâle, surmonté d’une crinière désordonnée de cheveux blonds, qui lui tombaient en mèches ondulées jusqu’au bas du dos en alourdissant le poids de sa tête sur ses épaules, puis posa sur le beau visage de sa sœur un regard affectueux. Dans un élan irrépressible, elles s’étreignirent tendrement, désireuses de rattraper le temps perdu par les absences récurrentes de l’aînée. Ariane embaumait le parfum capiteux Jaïpur de Boucheron, dont elle s’aspergeait amoureusement les cheveux et le corps, tandis que Pénélope avait la désagréable sensation de sentir sur sa peau moite l’odeur fanée de son eau de Cologne à la fleur d’oranger, mêlée à celle, très aseptisée, de la solution hydroalcoolique qui recouvrait encore ses mains.

— Comme je suis heureuse de te voir ! avoua Ariane en relevant la tête pour considérer de ses grands yeux bruns et malicieux, dont la forme ressemblait au dessin d’un poisson renversé, le portrait encore poupon de Pénélope. Comment tu fais pour garder cet air de jeune vierge toute fraîchement sortie du couvent à vingt-sept ans ?

La cadette se contint de lever les yeux au ciel, puis arbora un sourire las qui bomba ses lèvres naturellement charnues et roses. C’était peut-être le détail qu’Ariane préférait dans ce jeune visage à la blondeur angélique, qui lui rappelait tellement celui de leur mère, décédée quelques années plus tôt d’un cancer du sein. Pénélope avait une bouche merveilleuse, qui s’épanouissait telle une azalée à l’arrivée du printemps lorsqu’elle souriait.

— Peu importe, ton air candide fait ton charme. Tu dois avoir un parterre de mecs à tes trousses…

Ariane ne cachait jamais son admiration pour sa petite sœur, qu’elle trouvait, depuis sa naissance, à croquer. Avec sa peau de pêche, si fragile qu’elle en devenait écrevisse aux caresses trop intenses du soleil, sa longue chevelure de princesse médiévale et ses yeux vert perlé, grands et étincelants d’une candeur naturelle qui révélait la profonde pureté d’un tempérament doux et magnanime, Pénélope était l’archétype de la beauté du Nord selon son aînée. Elle tenait son charme des ancêtres normands, bretons et irlandais que comptait leur mère.

Ariane, quant à elle, irradiait de volupté et d’un charisme piquant par ses atouts méditerranéens, totalement hérités d’un père corse au teint de bronze, aux yeux de braise et au tempérament aussi volcanique que la terre sur laquelle les deux sœurs se tenaient présentement.

Elles étaient très différentes l’une de l’autre, aussi bien physiquement que mentalement, mais les liens du sang étaient indestructibles et permettaient même à deux pôles opposés de se compléter et de s’aimer par instinct.

— Pas autant que toi, Ari, assura Pénélope en se détachant doucement des bras de sa sœur, qui libéra un petit rire mélodieux à cette réplique.

— Depuis que j’ai Dimitris, je me fiche bien des autres hommes… J’espère que tu as fait bon voyage, sinon ? Le vol n’était pas trop long ?

— Je ne me plains pas, c’était sympa, surtout que grâce à toi, j’ai pu voyager en première classe. Il fait juste un peu plus chaud qu’à Paris… mais ça va aller, mon sang corse va m’aider à m’acclimater rapidement à cette chaleur et mon séjour grec à tes côtés sera merveilleux.

— Oui, ce sera merveilleux, répéta Ariane avec un sourire mutin qui retroussa sa belle bouche fardée de rouge vermillon. Dimitris et moi, nous te réservons un programme sensationnel pour ta semaine de vacances… de quoi contenter la passionnée de ruines et d’art que tu es… Dimitris a un frère de lait, Andreas Karlatos, un archéologue renommé à l’international… tu en as peut-être déjà entendu parler ?

— Là, son nom ne me dit rien.

— De toute façon, tu auras l’occasion de le rencontrer ce soir. Je lui ai parlé de toi et il a promis de te faire visiter le palais de Knossos d’ici deux jours.

— Vraiment ?

— Si je te le dis. C’est un homme très intéressant, vous devriez bien vous entendre entre toqués de mondes anciens… En plus, il est plutôt pas mal…, ajouta Ariane avec un sourire entendu.

— Tant mieux pour lui.

L’aînée libéra un petit rire narquois, consciente que sa sœur n’aimait pas particulièrement parler des charmes des hommes, par simple pudeur.

— Papa devrait nous rejoindre dans cinq jours, à Athènes… poursuivit la belle brune, un soupir dans la voix.

— Oui, il me l’a dit.

Les jeunes femmes ne vivaient plus avec leur père depuis leur adolescence, leurs parents ayant divorcé à cette époque-là. Si cette rupture les avait bouleversées les premiers temps, elles avaient fini par s’accommoder à leur nouvelle vie familiale en retrouvant leur père un ou deux mois chaque année pour les vacances et les fêtes.

— Mmmh… j’espère qu’il n’émettra pas trop de critiques sur mon mari…, commença Ariane sur un ton plus grave, avant de détourner la conversation sur un autre sujet. Oh, mais, dis-moi, Popé, tu dois crever de chaud avec ce jeans et cette veste en lin !

Partie de Paris où les températures étaient plus basses qu’en Grèce, Pénélope, alias Popé pour ses proches, avait opté pour une tenue de voyage qui la couvrirait suffisamment de l’aéroport Charles de Gaulle à celui d’Athènes, avant son atterrissage sur cet archipel brûlant et lumineux, posé telle une pierre précieuse dans l’écrin turquoise de la mer Égée.

Elle se sentait en sueur, mais ne voulait pas se débarrasser de sa veste, puisqu’elle y avait rangé par précaution ses papiers et sa carte de crédit. En somme, l’élémentaire de son identité civile.

— Un peu, mais ça va.

— Bon, une fois à la maison, nous nous baignerons dans la superbe piscine de Dimitris, puis nous nous préparerons pour la soirée qu’il a organisée… Il y aura du beau monde. Tu apprécieras ! Et j’espère que tu as pris des robes d’été affriolantes, et pas ces affreux t-shirts XXL et ces shorts d’aventurière démodés et confectionnés pour éloigner de ton secteur les chasseurs les plus endurants !

— Comment ça, mes habits sont démodés ?

Le ton de Pénélope se fit faussement scandalisé, car elle savait combien ses tenues étaient d’un classicisme ennuyeux pour Ariane, laquelle était déterminée à restaurer sa garde-robe pour lui imposer un style sulfureux qu’elle n’était pas certaine d’apprécier. Comment pouvait-on imposer un style à la Laetitia Casta à une petite guide conférencière aussi discrète stylistiquement que maladroite, myope et complexée par des courbes qu’elle ne parvenait guère à gommer malgré les allers-retours à pieds qu’elle s’imposait entre le Louvre et Notre-Dame et la suppression douloureuse de macarons Ladurée entre les repas ?

Ariane arbora un sourire en demi-teinte qui en disait long sur ce qu’elle pensait du look de Pénélope, puis ouvrit la portière arrière de la voiture après avoir gentiment demandé au chauffeur, dans un anglais parfait, de ranger la grande valise bleue de sa sœur dans le coffre.

— J’inspecterai ta valise plus tard ! continua l’aînée en invitant sa cadette à s’installer dans l’habitacle climatisé de la voiture. En attendant, laisse-moi te parler un peu de Dimitris… il a vraiment hâte de faire ta connaissance.

… Et Ariane d’évoquer le millionnaire qu’elle avait épousé un mois plus tôt à Miami, sur un coup de tête, alors qu’elle espérait faire sa vie en Floride, avec pour seul témoin un ami de l’homme qu’elle connaissait depuis seulement six mois, mais qui semblait désormais maître de son cœur et de son existence. En apprenant la nouvelle, Pénélope n’avait pas été plus choquée que cela, car c’était le genre d’action totalement insensée qu’une personnalité aussi spontanée et impulsive qu’Ariane pouvait accomplir. En revanche, leur père avait menacé de « tuer » Dimitris et il avait manqué de sauter dans le premier avion en partance de Miami sitôt la nouvelle apprise, mais ses prérogatives au commissariat de Bastia et surtout l’intervention pacifique et persuasive de Pénélope avait calmé sa rage paternelle. Il avait eu un mois pour digérer la nouvelle et n’attendait plus que son séjour en Grèce pour régler d’homme à homme l’affront d’un gendre inconnu.

Sans se le dire vraiment, les deux sœurs appréhendaient cette rencontre virile mais inéluctable.

— Moi aussi, je suis impatiente de rencontrer ce beau-frère richissime et séduisant en diable, qui retient désormais ma sœur loin de moi en lui offrant un palais pittoresque sur cette île édénique.

Ariane libéra son rire cristallin en remettant en ordre les ondulations épaisses de ses cheveux châtain et mi-longs, aux mouvements qui n’étaient pas sans rappeler la coupe d’Eva Longoria dans Desperate Housewives.

— Toujours aussi poétique, Popé.

Pénélope sourit à son tour en regardant cette fois-ci le paysage à travers la vitre de la voiture. Elle avait eu l’occasion de l’admirer depuis les cieux, mais maintenant qu’elle se trouvait dans les entrailles même de cet archipel dont la renommée n’était plus à faire, il y avait de fortes chances pour que sa prose et sa pensée s’élèvent face aux beautés et aux couleurs environnantes.

*

L’étroitesse des rues atypiques de Santorin avait amené les jeunes femmes et le chauffeur à poursuivre le chemin jusqu’au complexe hôtelier de Dimitris à pied. L’homme avait garé la BMW sur le parking le plus proche, avant d’empoigner la grande valise de Pénélope, qu’il tractait depuis plusieurs minutes avec une facilité déconcertante. Son aide avait d’abord embarrassé la jeune femme, habituée à gérer ses affaires seule, puis fini par la soulager. Sans cette assistance masculine, les deux sœurs auraient rallongé d’un quart d’heure ce parcours étriqué et irrégulier, quoique très beau à admirer.

— Des locaux et des touristes empruntent parfois ces chemins à dos d’âne, apprit Ariane à sa sœur en même temps qu’elles gravissaient les marches d’un chemin taillé entre les maisons aux couleurs tranchées, à moitié encavées dans la roche de l’île. J’ai déjà tenté l’expérience et c’est très drôle… Je te le recommande.

— Avec plaisir…

Le rythme soutenu de cette marche menée sous un soleil de plomb emballait le souffle de Pénélope, qui, le visage rosi par l’effort et la lumière astrale, avait de plus en plus de peine à parcourir le chemin. Cet âne, elle en rêvait autant que de la fraîcheur de la mer translucide qui s’étendait à l’horizon.

Après d’ultimes efforts, les jeunes femmes et le chauffeur arrivèrent devant un pittoresque complexe hôtelier. Quatre maisons traditionnelles, ces canaves, d’anciennes caves troglodytes à vin, typiques de l’architecture des Cyclades, aux tons rose pâle, blanc et bleu, reliées par des escaliers taillés à même la pierre, s’érigeaient sur les flancs escarpés mais domestiqués de l’île, ravissants cocons grecs posés en hauteur, entre le ciel d’azur et la mer turquoise. Elles ressemblaient aux autres demeures alentour et c’était cette harmonie de paysages qu’admirait particulièrement Pénélope. Toutefois, si d’un point de vue extérieur, ces demeures n’évoquaient en rien les plus grands palaces parisiens, leur intérieur était aussi éblouissant que la caverne d’Ali Baba.

À peine entrés dans le spacieux vestibule de la maison rose pâle, le chauffeur et les deux sœurs Colonna furent accueillis par une vieille dame au visage buriné et surmonté d’une crinière neigeuse. Ses yeux clairs rappelaient les soirs crépusculaires et son sourire finissait son allure de grand-mère gâteau.

Pénélope entendit sa sœur dire des mots grecs à l’attention de la dame, puis la vit s’éclipser en direction d’une ravissante cuisine traditionnelle, cependant très chic, avant de voir apparaître, au haut des escaliers blancs menant à l’étage supérieur, la silhouette d’un homme grand et svelte, brun et enveloppé dans un peignoir de bain gris taupe.

— Pénélope ! s’exclama-t-il avec théâtralité, ses jambes dévalant en vitesse les marches qui le séparaient d’elle et d’Ariane. Quel plaisir de te voir en chair et os !

Dimitris Ninios était l’homme que Pénélope avait toujours imaginé pour sa sœur ; il était visiblement aussi enjoué, sociable, moderne et beau qu’elle. Avec un sourire admiratif, elle découvrit l’homme qui avait fait d’Ariane — la croqueuse d’hommes —, une femme rangée et pensa combien ils allaient bien ensemble par leurs physiques, leurs dégaines et l’énergie commune qui semblait les animer.

Avec ses grands yeux bleu turquoise, creusés dans un visage bronzé, fin et régulier, comme amoureusement sculpté dans un bloc de marbre du Péloponnèse, et une abondante crinière de mèches ondulées, châtain clair, qui lui tombaient doucement sur la nuque en nimbant son expression guillerette d’un peu de romantisme, Dimitris Ninios aurait pu prêter ses traits à Éros, le dieu de l’Amour.

Oui, en le voyant, on ne pouvait qu’être frappé par sa beauté et la sveltesse d’un corps qu’elle devinait aussi séduisant que ce visage. Il ne semblait pas avoir de défaut, hormis peut-être le léger strabisme de son regard, qui n’en perdait pas moins son intensité, sa générosité et accentuait même son charme.

Dans un élan fraternel, Dimitris se hâta d’envelopper Pénélope de ses bras et de lui claquer deux bises sonores sur les joues.

— Comme tu es belle, ta sœur me parle de toi depuis le début de notre relation !

La jeune femme libéra un rire vaporeux, pensant combien il ressemblait à sa sœur, ne serait-ce que dans les gestes et l’intonation de sa voix agréable, modulée d’un fort accent grec quand il s’exprimait en français. Pour une personne habituée à vivre à Paris, Dimitris maîtrisait la langue de Molière avec beaucoup de musicalité.

— Moi aussi, je suis ravie de rencontrer le fameux Prince Charmant d’Ariane. J’ai toujours su qu’il serait beau et grec.

— Ah oui ?

— Oui.

Pénélope et Dimitris s’échangèrent un sourire de connivence, qui scella aussitôt leur affection.

Chapitre 2

Agréablement surprise, Pénélope se statufia à la vue de la silhouette glamour qui se reflétait dans la psyché du ravissant et spacieux dressing de son aînée. Cette dernière, exaspérée par les tenues trop sages et discrètes qu’avait prises sa cadette pour son séjour grec, l’avait forcée à faire un saut dans l’une des boutiques de vêtements de l’île pour dénicher ce très élégant jumpsuit bleu marine, cintré à la taille, au décolleté bateau qui laissait deviner le renflement d’une poitrine plantureuse, alors qu’il s’évasait élégamment au niveau des jambes, jusqu’à ses pieds chaussés de compensées blanches. La coupe de l’habit mettait ainsi en valeur sa silhouette sculptée selon la forme d’un 8 généreux, tandis que sa couleur tranchait délicieusement avec la blondeur estivale de sa chevelure en prenant les nuances plus foncées du ciel crépusculaire.

— Qui pourrait croire qu’une déesse grecque se cache derrière les t-shirts trop amples de la petite Pénélope Colonna ? minauda Ariane en admirant le chef-d’œuvre capillaire qu’elle avait conçu à même le crâne de sa sœur. Je savais bien qu’avec ta longueur de cheveux, on pourrait arriver à faire des merveilles.

Pénélope avait la tête coiffée d’un diadème naturel avec l’épaisse tresse artistiquement enroulée autour de son crâne,détail conférant à ce portrait délicat un style antique qui s’harmonisait à cette escapade grecque. Deux petites mèches ondulées, un peu folles, encadraient son visage pour casser la sophistication trop pure de la coiffure, en même temps qu’une fine paire de lunettes de vue rondes, à l’armature dorée, reposait tel un bijou sur son petit nez droit en protégeant derrière les parois transparentes des verres ses grands yeux rehaussés de mascara et d’eye-liner.

— En plus de ta beauté, tu as ce petit côté intellectuel qui doit être très attractif. Ce soir, il y a des hommes intéressants, séduisants, bien dans leur peau, drôles, avec de belles montres… continua Ariane en lui décochant un clin d’œil complice.

— Qu’est-ce que ça peut me faire qu’ils aient de belles montres ?

— Signe de goût et de richesse, chérie. Tu as oublié les leçons de grand-mère Letizia ou quoi ?

— Je ne cherche pas d’homme particulièrement riche.

— Je sais bien, mais ça ne fait pas de mal de tomber sur un compagnon dans l’aisance. Généralement, ce genre d’hommes te fait découvrir plus de choses… enfin, le style de choses que moi j’apprécie particulièrement.

Ariane ne cachait à personne son attrait pour le luxe et tout ce qu’il pouvait apporter de satisfaction matérielle, et même si Pénélope ne partageait pas toujours son sens du bonheur ou de l’enrichissement personnel, elle appréciait la franchise de sa sœur et respectait ses choix.

— Tu sais, Ari, si je t’ai laissée me pomponner comme une poupée, c’est pour que tu n’aies pas honte de moi devant tes amis et ceux de Dimitris, mais certainement pas pour appâter un homme… je ne cherche personne, vraiment.

Ariane ne se retint pas de soupirer devant ce discours qui sonnait totalement creux à son ouïe.

— Tu devrais te décoincer un peu, Popé, et effacer de ta mémoire le refrain de la célibataire endurcie. En vingt-sept ans d’existence, tu n’as connu que ce vaurien de médecin à l’humour très particulier, qui t’a volé ta virginité dans un moulin en Corse ! Tu parles d’un luxe… Ce devait être traumatisant comme expérience. Mais peu importe, tu es encore trop jeune et belle pour t’arrêter à l’échec de cette relation, et ne me dis pas que tu t’amuses à Paris, car je sais de source sûre que tes seuls divertissements sont le Louvre, les salons de thé Ladurée, ton piano et les spectacles à la Comédie Française.

— Tu oublies la Bibliothèque Sainte-Geneviève, s’amusa Pénélope, pince-sans-rire.

— Tu m’exaspères, Popé… Tu as la mentalité d’une sexagénaire accomplie dans le corps d’une jeune femme. C’est dommage de laisser filer ton temps si précieux, à un âge où tu devrais croquer la vie à pleines dents. Et on s’amuse mieux quand on tombe amoureux.

— Mesdames, vous êtes prêtes ? intervint Dimitris en apparaissant dans l’encadrement de la porte menant au dressing d’Ariane.

D’un même mouvement, elles tournèrent sur leurs talons et il admira avec plus d’aisance Pénélope, belle à souhait dans son ensemble bleu marine, chic et sexy à la fois, qui tranchait harmonieusement avec la finesse de son expression d’ange et celle de ses lunettes. Un sourire de ravissement se peignit sur le visage de Dimitris, mais ce fut à la vue de son épouse qu’il sentit son cœur gonfler de fierté. Ariane était sublime dans sa longue robe d’été de mousseline blanche, au bustier dentelé, sans bretelles, qui soutenait parfaitement sa poitrine quand le reste de la toilette laissait deviner les courbes parfaites de son corps.

— Bonté divine… je serai escorté de deux néréides ce soir.

*

Pénélope n’avait décidément pas l’habitude des mondanités. Un Virgin Mojito à moitié entamé dans les mains, la jeune femme tentait de se frayer un chemin parmi les invités de son beau-frère, l’air un peu perdue et surtout, désireuse de se faire oublier dans un coin tranquille, où personne ne viendrait la déranger.

En même temps qu’elle se faufilait à travers ces femmes et ces hommes venus de tous les horizons, la belle blonde ne put s’empêcher de les étudier. Ils étrennaient tous des tenues dignes d’un festival de Cannes, buvaient allègrement les breuvages que leur servaient des employés en uniforme, grignotaient des petits fours au caviar en s’égarant dans des discussions oiseuses, se photographiaient, commentaient les uns sur les autres à travers les réseaux sociaux… Certains avaient même fini par plonger dans la piscine à débordement qui mettait un point final à la décoration de la magnifique propriété. En somme, ils s’adonnaient à des frivolités dont Pénélope ne connaissait ni les usages ni les règles, malgré les instructions qu’avait énoncées sa sœur un peu plus tôt.

Sourire en toute circonstance. Ne pas se goinfrer, au risque de paraître boulimique. Ne pas rire trop bruyamment, ce serait trop vulgaire. Ne pas parler de religion, de politique et du style vestimentaire ou capillaire de l’autre, on risquerait l’incident diplomatique. Dire « amen » à tous les conseils financiers et gastronomiques que pourrait donner un homme d’affaires. Toujours leur faire croire qu’ils sont les plus beaux, charismatiques et intelligents. Rire à toutes les blagues… et surtout, chérie, ne parle pas de ta passion pour les vases antiques avec n’importe qui.

Non sans une once de moquerie à l’égard des gens qui l’entouraient et d’elle-même, Pénélope se répétait ces règles pendant qu’elle évitait d’un sourire timide quelques hommes entreprenants pour se perdre dans l’un des couloirs de la demeure, en direction de sa chambre. Là, elle pourrait s’enfermer et se reposer en regardant tranquillement la mer, bercée par les bruits étouffés de la fête.

La jeune femme allait atteindre son objectif quand, tout à coup, elle passa devant une pièce à la porte entrebâillée, à travers l’ouverture de laquelle son œil accrocha l’éclat d’une grande sculpture de château, taillé dans un cristal aussi pur que l’eau de roche, reluisant de mille lumières sous les rayons argentés de la lune, désormais haute dans le ciel. Nulle lumière artificielle ne venait rompre la sereine obscurité de la pièce, seulement éclairée par les réverbérations de l’astre sur le cristal.

Elle n’avait pas vu cette pièce alors que Dimitris lui faisait visiter la demeure tout à l’heure.

Comme hypnotisée par l’ambiance soudain féerique des lieux, par les contours de ce château translucide, identique en tous points à celui de la Belle au Bois Dormant au cœur de Disneyland, Pénélope poussa davantage la porte pour s’engouffrer dans cet endroit mystérieux, qu’elle crut être une bibliothèque. Au fur et à mesure qu’elle s’avançait, les bruits festifs s’amenuisaient et bientôt elle s’enferma dans un cocon de quiétude, un peu identique à celui qu’elle se constituait lorsque son iPhone diffusait dans ses oreilles un aria de Haendel, alors qu’elle se trouvait dans l’agitation effervescente du métro parisien.

L’œil toujours arrimé au cristal du château, la jeune femme n’entendit ni ne sentit rien quand un inconnu s’avança dans la pénombre quasi totale. Peut-être aurait-elle soudain perçu une odeur boisée, musquée et virile, si sa vue n’était pas aussi gorgée de lumière cristalline ? Mais cela aurait-il vraiment empêché deux bras puissants, sortis de l’ombre, de la saisir aussitôt par la taille pour la retourner sans ménagement sur ses talons, puis la plaquer sur un torse chaud, dur et très large ?

Le cœur de Pénélope galopa dans sa poitrine tel celui du lièvre attrapé par le chasseur quand elle réalisa qu’un homme costaud venait de l’emprisonner dans ses bras pour l’embrasser. Elle aurait voulu hurler, mais déjà son cri était étouffé par une bouche impérieuse. Traversée par un frisson de peur, la jeune femme voulut se défendre, se tortilla contre son imprévisible agresseur et se hasarda à le repousser de ses mains, mais il était trop vigoureux. Alors, dans un élan désespéré, elle glissa ses doigts dans sa chevelure qu’elle devinait épaisse et ondulée, puis tira dessus avec le dessein de le brutaliser et de lui échapper. En vain.

Ce ne fut pas un râle de douleur qui sortit de cette bouche agressive — très douce au passage —, mais un grognement de plaisir. L’étranger se rapprocha encore d’elle, plaça l’une de ses mains sur sa taille quand la seconde recouvrit chaudement sa nuque gracile, et leurs deux corps se touchèrent plus étroitement encore.

Avec un sanglot de découragement, Pénélope tenta une énième défense. Néanmoins, cette bouche inconnue, si fourbe et insolemment délicieuse, se fit plus suave. Contre sa propre volonté, elle fut traversée d’un savoureux frisson et rendit les armes, encouragée par son manque mortel de sensualité. Qui était en train de l’embrasser aussi délicieusement ? Qui était ce cavalier inconnu, qui osait la tripoter avec une audace suffocante ? Elle n’en savait rien, mais s’en fichait bien sur l’instant… La bouche de cet homme, la caresse d’une petite moustache sur sa peau, le toucher de ses grandes mains sur son dos la laissaient tétanisée de stupeur et de plaisir. Bientôt, sans complexe, elle se prélassa contre ce torse solide, athlétique, et desserra même les lèvres sous une langue avide.

Le baiser devint de plus en plus intense.

Les deux langues se cherchèrent, se séparèrent et se retrouvèrent, jusqu’à ce que Pénélope trouve enfin le courage de rompre cette union, lorsqu’elle sentit les mains inconnues dégrafer les boutons de son jumpsuit dans son dos.

— Qu’est-ce que vous faites ? haleta-t-elle en anglais à la suite de ce baiser, tout en réussissant à échapper à son emprise.

Un silence réflexif s’étendit de longues secondes et souligna l’ambiance déjà électrique. Soudain, une voix profonde, comme venue d’outre-tombe, s’éleva devant elle et s’exprima dans un anglais correct, bien que fortement imbibé d’accent grec :

— Vous… vous n’êtes pas Celia ?

Pénélope écarquilla les yeux dans la pénombre, quand elle comprit qu’il venait de la confondre avec une autre, et lorsqu’elle recula de plusieurs pas, ses yeux purent deviner à la lueur des rayons lunaires les contours d’une haute silhouette, qu’elle avait pu sentir musclée et large. Mais impossible encore de discerner les traits de cet inconnu.

Elle devinait seulement qu’il était Grec.

— Non… vous vous êtes trompé.

La jeune femme le sentit prendre une profonde inspiration. Un autre silence s’instaura et les ramena à leur fraîche étreinte. Comment se pouvait-il qu’on prenne autant de plaisir à être embrassée par un homme dont on ne voyait même pas le visage ?

Pénélope perçut des froissements de tissus et entendit l’homme se mouvoir, s’éloigner vers la porte d’entrée. Un instant, elle ressentit un pincement au cœur et voulut le rattraper tant la peur de ne jamais l’identifier fut grande, mais elle put ménager ses efforts, car déjà il appuyait sur l’interrupteur de la pièce pour l’illuminer des fortes ampoules du lustre.

Tout d’abord, la belle blonde fut aveuglée par cette lumière brutale, puis s’habitua progressivement à cette nouvelle ambiance et, surtout, à la vue de la haute silhouette postée dans l’encadrement de la pièce.

Son rythme cardiaque s’emballa lorsqu’elle heurta frontalement le regard très intense et brun de son « agresseur ».

Mon Dieu.

Muette, elle ne put éjecter le moindre mot, même si son cerveau marchait à toute vapeur. Les adjectifs se bousculaient incessamment dans sa tête en essayant de former une phrase grammaticalement correcte, sans y parvenir.

Attractif. Brun. Baraqué. Ténébreux. Belle moustache à l’italienne. Mains puissantes. Bouche sensuelle. Apollon.

— Vous êtes blonde comme Celia.

Il avait parlé d’un ton égal, mais cette voix de cuivre la fit tout de même sursauter un peu. En réalité, c’était surtout l’adoption du français qui la surprit. Il le parlait avec autant d’accent grec que l’anglais, sauf que cette fois-ci, l’entendre utiliser sa langue maternelle le rendait encore plus sexy à son ouïe

Oh là là…

— J’avais rendez-vous avec elle ici… poursuivit-il en avançant de nouveau dans la pièce, qu’elle identifia être une bibliothèque.