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En l’an 238 après J.-C., l’Empire romain traverse l’une des périodes les plus chaotiques de son histoire : l’Année des Six Empereurs. Marquée par une succession rapide de dirigeants, des intrigues politiques complexes et des rivalités militaires intenses, cette année charnière dévoile les failles structurelles d’un empire en crise. Dans cet ouvrage captivant, Christian Martin explore les vies et les règnes de ces empereurs éphémères, depuis l’ascension de Gordien I et Gordien II en Afrique jusqu’à l’avènement du jeune Gordien III. À travers une analyse détaillée des forces politiques, militaires et sociales, l’auteur met en lumière les luttes de pouvoir qui ont façonné cette époque troublée et leurs répercussions sur l’avenir de l’Empire. Entre intrigues sénatoriales, soulèvements provinciaux et batailles pour la légitimité, L'Année des Six Empereurs plonge le lecteur au cœur d’une période de bouleversements sans précédent, où chaque décision pouvait redessiner les frontières du pouvoir. Une lecture incontournable pour les passionnés d’histoire romaine et ceux qui souhaitent mieux comprendre les dynamiques d’un empire à l’aube de grandes transformations.
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Seitenzahl: 224
Veröffentlichungsjahr: 2025
Christian Martin
L'Année des Six Empereurs : Intrigues politiques et luttes de pouvoir dans l'Empire romain
De Gordien I à Gordien III – Ascensions et chutes dans une ère turbulente
La crise du IIIe siècle, une période tourmentée de l'histoire romaine, a commencé avec des turbulences qui ont vite englobé l'ensemble de l'Empire. Les premières décennies du IIIe siècle furent marquées par des transformations profondes et des tensions croissantes qui allaient durablement affecter l'équilibre fragile du monde romain. Cette époque est souvent décrite par les historiens comme un tournant majeur dans l'histoire de l'Empire, ouvrant la voie à plus de cinquante ans de bouleversements politiques, économiques et sociaux.
Les racines de cette crise peuvent en partie être retracées à la structure même de l'Empire. Depuis l'accession au pouvoir de Septime Sévère en 193, une centralisation croissante avait commencé à se faire jour, rendant l'Empire dépendant de la personnalité de son dirigeant et de la loyauté des militaires. La pratique de « l'adoption impériale », qui avait auparavant permis une relative stabilité lors des successions impériales sous les Antonins, s'était estompée au profit d'une transmission de pouvoir souvent plus violente. La notion même de légitimité impériale se trouvait alors souvent remise en question dans un climat de suspicion et de complot.
Simultanément, l'Empire romain subissait la pression croissante des peuples frontaliers et des incursions barbares. Les défenses se fragilisaient face aux menaces extérieures tandis que les frontières devenaient moins sûres. Les batailles pour la succession au trône fragilisaient considérablement les capacités défensives de l'Empire, en drainant les ressources militaires et en perturbant le commandement des troupes stationnées aux frontières.
Sur le plan interne, l'économie de l'Empire connaissait également de grands bouleversements. La dévaluation de la monnaie romaine, les lourdes charges fiscales imposées pour financer une armée de plus en plus coûteuse et les conséquences de la récurrence des guerres civiles entraînèrent un affaiblissement économique significatif. Selon le célèbre historien Michel Grant, "les guerres incessantes et les lourdes taxes imposées par une administration pesante ont érodé le cœur même de l'économie romaine, causant une pauvreté endémique et un mécontentement généralisé" (Grant, "The Impact of the Military on Roman Economy", 1998).
Les débuts de la crise du IIIe siècle s'enracinent donc dans cette combinaison de facteurs qui ont renforcé les tensions au sein de l'Empire : la fragilisation du pouvoir impérial, l'augmentation des menaces externes et les dérèglements économiques internes. Dans cette ambiance explosive, l'année 238 marqua un sommet avec ce que l'histoire qualifie de « l'année des six empereurs », une manifestation saisissante de l'instabilité politique et de la lutte pour le contrôle des destinées de Rome.
Ces événements préalables ont non seulement posé les bases de ce qui allait devenir la crise du IIIe siècle, mais ont également préparé le terrain à l'apparition d'intervenants diversifiés et motivés, tels que le Sénat, les armées provinciales et diverses factions régionales, chacun cherchant à défendre ses intérêts à l'intérieur d'un cadre politique fragmenté. La situation témoignait non seulement d'un affaiblissement de la puissance centrale, mais également des profondes transitions sociales et politiques qui déferlaient sur l'Empire.
En conséquence, comprendre la nature et les débuts de la crise du IIIe siècle est fondamental pour appréhender pleinement les enjeux de l'année 238. Cette époque tumultueuse, riche en leçons et en ramifications durables, a fait l'objet de nombreuses analyses qui continuent d'attirer l'attention des chercheurs et des passionnés d'histoire contemporaine, désireux de mieux saisir les dynamiques en jeu dans ce chapitre crucial de l'histoire romaine.
La période de l'année 238, marquée par la montée de six empereurs successifs, est le reflet d'une époque de bouleversements politiques et sociaux sans précédent dans l'Empire romain. Ces tensions, sources de troubles, découlent non seulement des faiblesses structurelles de l'Empire mais aussi de la pression croissante des éléments internes et externes. Derrière ces événements se profile une scène complexe de rivalités politiques exacerbées et de mutations sociales qui façonnent irrémédiablement l'avenir de Rome.
Depuis le début du IIIe siècle, l'Empire romain est confronté à une multitude de défis. Il est pertinent de noter, comme l'indiquent les travaux de l'historien Michel Christol, que « la centralisation du pouvoir impérial a atteint un point de saturation, ce qui entraîne une désorganisation croissante des administrations locales et une exacerbation des tensions entre Rome et les provinces » (Christol, L’Empire Romain en mutation, 2001). Cette période est caractérisée par une pression sans précédent sur les frontières, causée par les incursions barbares, ainsi que par une instabilité économique persistante, notable par une inflation galopante et une dévaluation monétaire.
Les défis économiques se doublent de troubles sociaux importants. La révolte des classes inférieures, particulièrement visible dans les provinces d’Afrique et d’Égypte, est une réponse directe aux injustices fiscales et aux privilèges croissants de l'aristocratie sénatoriale. Ce mécontentement grandissant se transforme en un terreau fertile pour les usurpations et les rébellions, chacun cherchant à exploiter les fragilités du régime établi. L'absence d'une succession impériale stable ne fait qu'exacerber ces tensions, comme l'illustrent magistralement ces paroles de Juvenal : « La cupidité des puissants et l'avidité des gouvernants troublent la paix de la civilisation » (Juvenal, Satires, Satire 10).
Le contexte politique est également marqué par une fragmentation du pouvoir. Le système de la tétrarchie, inauguré plus tard sous Dioclétien, trouve ici ses balbutiements dans les tentatives de gouvernance partagée, mais celles-ci échouent souvent en raison de la jalousie et des ambitions personnelles. Le rôle du Sénat, bien que traditionnellement puissant, est affaibli, concurrencé par une armée dont l'influence ne cesse de croître. Le soutien militaire devient crucial pour quiconque aspire à la pourpre impériale, et cette dynamique transforme profondément les relations de pouvoir en encourageant l'émergence de figures peu orthodoxes, comme Maximin le Thrace.
Il convient également de souligner le déclencheur immédiat des tensions de l'année 238 : la pression fiscale excessive imposée par Maximin, qui alimente un ressentiment général. Comme le souligne l'historien Edward Gibbon, « l'avidité sans bornes et les exigences fiscales impitoyables de Maximin mirent les Romains au bord de l'insurrection » (Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l'Empire romain, 1776). Les révoltes à Carthage et dans d'autres régions signalent une rupture définitive entre les aspirations de la classe sénatoriale et celles des dirigeants militaires, chacun prêt à affirmer sa volonté par la force.
La montée des tensions politiques et sociales à l'aube du Sechskaiserjahr trouve son fondement dans ce réseau complexe de luttes d'influence, de défaillances administratives et de crises de légitimité. Cette section de l'histoire romaine illustre la précarité d'un empire insatiable, parsemé de fractures internes qui, bien que consolidées momentanément, laissent présager une ère de transformations structurelles profondes et durables.
Alors que l'année 238 après J.-C. se profile comme l'une des périodes les plus tumultueuses du Principat romain, il est essentiel de comprendre les dynamiques de succession impériale qui ont précédé cet événement crucial. L'époque antérieure à 238 est marquée par une série de transitions complexes et bien souvent violentes qui illustrent les problèmes institutionnels persistants auxquels l'Empire était confronté.
Depuis la fin de la dynastie des Antonins en 192, l'Empire romain est entré dans une phase caractérisée par une instabilité croissante. Cette période s'est ouverte sous le règne de Commode, dont le gouvernement autocratique et les excès personnels ont culminé dans son assassinat, un événement fulgurant qui a ébranlé la continuité impériale. La mort de Commode en 192 a conduit à l'émergence rapide de plusieurs empereurs, chacun cherchant à légitimer son pouvoir par divers moyens, souvent avec le soutien nécessaire mais tyrannique de l'armée. Les empereurs successifs, tels que Pertinax et Didius Julianus, ont eu des règnes éphémères, illustrant la difficulté à maintenir la stabilité sans un soutien militaire indéfectible.
Le début du troisième siècle voit l'ascension de Septime Sévère, qui parvient, par sa force militaire, à instaurer une relative stabilité provisoire. Cependant, sa mort en 211 plonge à nouveau l'Empire dans des troubles dynastiques, exacerbés par les compétitions entre ses fils, Caracalla et Geta. Après les règnes controversés de ces deux frères, l'Empire entre dans l'une de ses périodes les plus anarchiques, la période connue sous le nom de "crise du troisième siècle". C'est une époque où l'autorité impériale est contestée simultanément par plusieurs prétendants, chacun avec sa propre base de puissance territoriale et militaire, menant à une fragmentation temporaire mais significative de l'autorité centrale.
L'ascension de Maximin le Thrace en 235 marque le début d'un nouveau chapitre dans cette succession tumultueuse. Maximin, un soldat d'origine modeste, est porté au pouvoir par l'armée après l'assassinat d'Alexandre Sévère. Ce choix reflète l'influence déterminante de l'armée dans la désignation impériale. Maximin, considéré comme un étranger par l'élite sénatoriale romaine et jouissant d'un soutien principalement militaire, est perçu avec méfiance par le Sénat et certaines provinces. Cette situation préfigure la contestation croissante de 238, où l'opposition sénatoriale, couplée aux remerciements mal gérés de l'armée, met en lumière les faiblesses structurelles de la succession militaire directe.
Un autre aspect crucial du système de succession impériale avant 238 est l'absence de règles héréditaires claires, conduisant à une instabilité chronique. Les empereurs successifs tentent souvent de légitimer leur règne par la création de dynasties, mais échouent en raison des luttes de pouvoir internes et des usurpations externes fréquentes. Cette situation est aggravée par la crise économique et sociale persistante de l'Empire, ajoutant à la volatilité politique une dimension cynégétique et rabougrie où l'autorité impériale est de plus en plus objectée à chaque transition.
En conclusion, la succession impériale avant 238 se caractérise par une combinaison d'incertitude militaire, d'instabilité politique et de changements dynastiques rapides, chacun contribuant à l'atmosphère chaotique qui culmine avec l'année des six empereurs. Comprendre cette toile de fond est essentiel pour apprécier les forces géopolitiques, sociales et économiques qui ont donné naissance à une des années les plus dramatiques et déterminantes de l'histoire de l'Empire romain.
L'année 238 après J.-C., souvent qualifiée d'« année des six empereurs », revêt une importance stratégique exceptionnelle dans l'histoire de l'Empire romain. Cette période tumultueuse est marquée par une succession rapide de souverains et illustre les tensions politiques et sociales qui tourmentent l'Empire au IIIe siècle. L'analyse détaillée de cette année révèle les mécanismes de pouvoir, les enjeux économiques et les influences militaires qui jouent un rôle central dans le façonnement du destin impérial.
En premier lieu, l'année 238 est stratégique en raison de sa position charnière au cœur de la crise du IIIe siècle, caractérisée par une instabilité politique sans précédent. L'Empire est alors confronté à des menaces tant internes qu'externes, exacerbées par la pression incessante des tribus germaniques et sarmates sur les frontières, ainsi que par les incursions perses à l'Est. Ces défis militaires engendrent une demande accrue de ressources économiques et humaines, renforçant ainsi le pouvoir de l'armée dans les affaires politiques.
Par ailleurs, cette période met en lumière l'érosion progressive de l'autorité centrale. À la suite de la mort de l'empereur Sévère Alexandre en 235, l'Empire se trouve dépourvu de leadership fort, ouvrant la voie à l'usurpation du trône par Maximin le Thrace. Son règne, débuté en 235, est caractérisé par une gestion autoritaire et par la marginalisation du Sénat, ce qui provoque un mécontentement croissant parmi les élites et les provinces. La montée des Gordien en Afrique, soutenue par une rébellion sénatoriale, illustre la fracture irréparable entre l'armée, le Sénat et les prétendants légitimes au trône.
L'importance stratégique de l'année 238 réside également dans la réaffirmation du rôle du Sénat dans le processus de succession impériale, qui avait été marginalisé sous le règne des militaires tels que Maximin. La nomination de Gordien I et Gordien II par les sénateurs africains rétablit momentanément l'influence sénatoriale à Rome, renforçant l'idée que le consensus politique était encore nécessaire pour maintenir une certaine légitimité. Cette dimension souligne les complexités de la légitimité impériale et l'importance du soutien de l'aristocratie pour la stabilité du trône.
Un autre aspect clé est le caractère unique de la coopération entre l'armée et le Sénat qui se dessine cette année-là, en dépit de leur antagonisme historique. Après la fin des Gordien, le Sénat désigne Pupien et Balbin comme co-empereurs, ce qui représente une tentative sans précédent de partage du pouvoir entre forces civiles et militaires. Ce compromis, bien que fragile, montre une volonté d'unité face aux crises, posant ainsi une fondation pour une collaboration future en période de transitions instables.
Sur le plan économique, l'année 238 voit également l'accentuation de l'inflation et des problèmes fiscaux qui aggravent les tensions sociales. Avec une monnaie fortement dévaluée sous l'administration de Maximin, les pressions économiques alimentent les révoltes régionales et affaiblissent l'état central de l'intérieur. Cela met en évidence la nécessité d'une réforme systémique approfondie, laquelle ne sera pleinement entreprise que sous le règne de futurs empereurs réformistes, tels que Dioclétien.
Enfin, l'année 238 prépare le terrain pour une nouvelle génération de dirigeants. La montée au pouvoir de Gordien III, le plus jeune des six empereurs, préfigure l'arrivée de leaders qui réussiront à stabiliser – temporairement – le navire romain. Son règne marque le début d'une relative accalmie, même si elle est éphémère, et laisse entrevoir les défis continus auxquels l'Empire devra faire face dans une conjoncture toujours plus complexe.
En rassemblant ces éléments, l'année 238 s'impose comme un tournant crucial dans l'histoire romaine, dont les répercussions stratégiques influencent durablement les dynamiques politiques, sociales et militaires de l'Empire romain. Elle souligne non seulement les défis de la centralisation impériale mais aussi les potentialités de réformes, posant ainsi les jalons pour les adaptations ultérieures à un monde romain en mutation constante.
À l'aube de l'année 238, l'Empire romain est en proie à une série de défis économiques et militaires qui exacerbent les tensions déjà présentes au sein de la société impériale. Pour appréhender cet espace temporel crucial, il est essentiel de comprendre les forces économiques et militaires en jeu, lesquelles ont façonné les événements de cette période tumultueuse.
L'économie de l'Empire romain au IIIe siècle est caractérisée par une stagnation des échanges commerciaux souvent attribuée à l'instabilité inhérente aux conditions politiques. La monnaie romaine, une fois l'instrument central des transactions commerciales florissantes, commence à perdre de sa stabilité et de sa valeur, marquant le début d'une inflation persistante. Des empereurs précédents ont tenté de remédier à ces problèmes en dévaluant le denier d'argent, ce qui est destiné à combler les déficits fiscaux, mais qui ne fait qu'aggraver la situation en ajoutant à la méfiance vis-à-vis de la monnaie romaine. Les échanges à grande échelle avec les provinces de l'Est, autrefois une source majeure de prospérité, diminuent, laissant l'économie romaine dans une situation précaire.
Sur le plan militaire, l'Empire romain se trouve dans une phase de transformation rapide et souvent chaotique. La pression accrue sur les frontières, avec des incursions fréquentes des tribus germaniques et des Sassanides à l'Est, nécessite une réévaluation stratégique. L’armée romaine, traditionnellement unifiant les forces de l'Empire doit faire face à des demandes croissantes alors que les ressources se raréfient. Le recours au recrutement forcé et à l'incorporation de mercenaires étrangers déstabilise les structures traditionnelles. Ceci, couplé à l’ingérence militaire croissante dans les affaires politiques impériales, transforme petit à petit les légions en fauteurs de troubles politiques plutôt qu'en défenseurs de la Pax Romana.
De plus, l'absence de transports logistiques bien développés complique la capacité de l'armée romaine à se déplacer efficacement pour répondre aux menaces frontalières. La coordination déficiente entre les troupes et les centres de commandement aggrave les guerres intestines parmi les factions militaires, chacune cherchant à installer son propre prétendant sur le trône impérial. Le manque de systèmes de soutien logistique fiable contribue à l'éclat du mécontentement parmi les troupes, qui se traduit souvent par des révoltes et des sécessions dans certains cas.
Des études archéologiques récentes, telles que présentées par Ward-Perkins (2005), montrent une ressource générale de réduction en termes de production agricole dans plusieurs provinces clés, signalant ainsi une pénurie alimentaire qui aurait aggravé les tensions économiques. Le changement climatique, bien qu’une hypothèse discutée, est également considéré comme un facteur avec des impacts sur les rendements des cultures. En conséquence, cette combinaison de pression externe des frontières de l'Empire, l'instabilité monétaire interne et les relations complexes entre les militaires et le gouvernement central jettent une ombre sur le règne de Maximin le Thrace et incite certains gouverneurs provinciaux à prendre les armes.
Dans l'ensemble, le contexte économique et militaire de l'Empire romain à cette époque n'est pas simplement une toile de fond pour l'émergence de plusieurs empereurs au cours de cette année fatidique ; il s'agit d'une force motrice, influençant non seulement la politique immédiate mais aussi la trajectoire future de tout l'Empire. Comme l'avance l'historien Southern (2001), "La pression constante sur les ressources économiques et la vigilance militaire usurent peu à peu les institutions mêmes qui ont autrefois soutenu la grandeur romaine." Ceci établit un théâtre de conflits où les défis économiques et militaires deviennent inextricablement liés aux manœuvres politiques qui suivent.
Le rôle du Sénat et des provinces au cours de l'année 238, souvent appelée l'« Année des Six Empereurs », fut crucial pour la dynamique politique de l'Empire romain. Cette période de bouleversements politiques a mis en évidence l'importance du Sénat, non seulement en tant qu'organe législatif, mais aussi comme catalyseur d'alliances et d'oppositions qui ont façonné le destin des empereurs. De plus, les provinces, avec leurs gouverneurs et forces locales, ont joué un rôle tout aussi essentiel dans les intrigues et les luttes de pouvoir qui caractérisaient cette époque tumultueuse.
Le Sénat romain, malgré une perte progressive de pouvoir face à l'ascension des empereurs militaires, conservait en 238 une influence politique significative. Il se trouvait dans une position stratégique pour influencer la nomination et la destitution des empereurs. Exaspéré par le règne de Maximin le Thrace, un empereur perçu comme brutal et indifférent aux préoccupations sénatoriales, le Sénat chercha à restaurer ce qu'il considérait comme une légitimité traditionnelle, en s'alliant à la noblesse romaine et à l'aristocratie provinciale.
Lors de l’usurpation qui mena à l'acclamation des Gordiens en Afrique, le Sénat fut prompt à accorder son soutien. Cette mesure n'était pas simplement un acte de défiance contre Maximin ; elle était aussi une tentative de stabiliser l'Empire en se ralliant à des figures considérées comme plus légitimes. Selon l'historien Hérodien, le Sénat espérait renforcer l'État et restaurer une administration respectueuse des traditions républicaines (Hérodien, Histoire Romaine VII.6.5).
En outre, l’importance des provinces, et leur rôle dans ce jeu politique, ne saurait être sous-estimée. L'Afrique, en soutenant initialement les Gordiens, montra comment les provinces n'étaient pas de simples spectateurs, mais des acteurs de premier plan pouvant remettre en cause les autorités en place. Les ressources économiques et militaires de ces régions, alliées à des ambitions personnelles de certains gouverneurs, firent pencher la balance en faveur ou contre les prétendants au trône.
L'orientation du Sénat vers Pupien et Balbin après la mort tragique des Gordiens en Afrique souligne une autre facette de cette interaction complexe entre institutions centrales et gouverneurs provinciaux. Le choix de ces deux co-empereurs par le Sénat mit en lumière le pragmatisme de cette institution face au vide du pouvoir et la menace que représentait Maximin, qui marchait sur Rome avec son armée. Tacite écrit que « le choix de deux empereurs visait à apaiser et équilibrer les factions opposées, renforçant ainsi la main du Sénat face au despotisme de Maximin » (Tacite, Histoires I.32).
Toutefois, le soutien des provinces fut mitigé, illustrant la disparité des intérêts régionaux et leur impact sur la scène politique romaine. La loyauté des légions, souvent plus encline à suivre un chef militaire charismatique qu'une autorité sénatoriale, joua un rôle déterminant dans le succès ou l'échec des différents empereurs (voir par ex. Dion Cassius, Histoire Romaine, LXXVIII.7). Les provinces plus éloignées de Rome, en particulier en Orient, observèrent ces changements avec un intérêt distant tout en consolidant les défenses locales.
En résumé, le Sénat et les provinces romaines de 238 formèrent un système complexe d'équilibres et de tensions. Les décisions sénatoriales, lorsqu'elles étaient soutenues par les provinces, pouvaient renverser des empereurs. Toutefois, lorsque l'armée soutenait fermement un prétendant, même l'opposition conjointe du Sénat et des entités provinciales pouvait s'avérer insuffisante pour influencer le résultat. Cette dualité de pouvoir, entre le cœur sénatorial et la périphérie provinciale, illustre l'un des aspects les plus fascinants et imprévisibles de la politique romaine durant une année qui marque un tournant dans l'histoire de l'Empire.
Pour comprendre les événements tumultueux de l'année des six empereurs, il est essentiel d'examiner les sources historiques qui nous ont transmis ces récits. L'année 238 après J.-C., marquée par une instabilité politique sans précédent, est largement documentée par plusieurs historiens de l'Antiquité, chacun apportant un éclairage unique sur les événements. Cependant, ces sources doivent être abordées avec un œil critique afin de discerner la vérité historique des biais potentiels et des omissions intentionnelles.
La Historia Augusta est l'une des principales sources pour cette période. Bien qu'elle soit souvent critiquée pour ses inexactitudes et ses anachronismes, elle reste une ressource inestimable pour comprendre l'état d'esprit de l'époque et offre des anecdotes colorées sur les personnages impliqués. Cependant, comme l'indiquent plusieurs spécialistes, « la Historia Augusta est aussi un texte littéraire avec de nombreuses inventions qui posent problème à l'historien » (Syme, 1968).
D'autres sources narratives, telles que les écrits de l'historien byzantin Zozime et ceux de l'historien romain Hérodien, offrent des perspectives contemporaines et souvent plus fiables sur les événements. Zozime, dans son Nouvelle Histoire, fournit une critique sévère de la décadence romaine et illustre comment les défaillances internes ont contribué à ces crises successives (Canduci, 2010). De son côté, Hérodien, avec son Histoire de l'Empire romain depuis la mort de Marc Aurèle, nous livre un récit détaillé, quoique parfois biaisé par sa position personnelle et ses expériences.
Les inscriptions, monnaies et papyrus contemporains constituent également des sources précieuses, souvent complémentaires aux récits littéraires. Les monnaies frappées durant cette période sont surtout révélatrices des changements politiques rapides et du passage d'un empereur à l'autre. Par exemple, l'émission rapide de monnaies à l'effigie de Gordien I prouve l'acceptation rapide de sa proclamation par certaines factions de l'Empire (Mattingly, 1987).
En outre, les travaux d'archéologues récents ont fourni des preuves matérielles qui enrichissent notre compréhension des dynamiques socio-économiques de cette période. Des fouilles dans les provinces africaines, où Gordien I et Gordien II ont été proclamés empereurs, ont révélé des tensions sous-jacentes qui précipitaient des changements politiques. Ces découvertes illustrent comment les pressions locales ont eu un impact durable sur les événements de l'année 238.
En dépit de l'abondance de sources, l'année des six empereurs demeure un casse-tête pour les historiens, en raison des biais évidents des auteurs anciens et des lacunes dans le registre archéologique. La nécessité d'interpréter ces documents avec prudence est primordiale. Comme l'écrit l'historien Fergus Millar : « Notre compréhension des crises du IIIe siècle est profondément influencée par les limitations de nos sources, ce qui exige une méthodologie critique et comparée » (Millar, 1977).
En conclusion, bien que les sources sur l'année des six empereurs soient diverses et variées, elles convergent pour dessiner l'image d'une époque chaotique, où les forces institutionnelles et militaires s'affrontaient dans une lutte de pouvoir incessante. La méfiance envers les témoignages anciens, lorsqu'elle est couplée à des découvertes archéologiques récentes, permet de brosser un tableau plus nuancé de cette année charnière dans l'histoire romaine, dressant ainsi un pont entre les récits antiques et notre compréhension moderne de ces événements.
L'année 238 ap. J.-C., souvent appelée l'Année des six empereurs, présente un intérêt historique tout particulier en raison de la rapidité avec laquelle les dynamiques politiques se sont déroulées, ainsi que de l'ampleur de ses enjeux tant chronologiques que géographiques. Dans ce contexte, il est essentiel de situer ces événements dans un cadre temporel et spatial précis afin de mieux comprendre les complexités de cette période tumultueuse de l'Empire romain.
L'année 238 marque le début d'une série de bouleversements qui allait profondément affecter la stabilité de l'Empire romain. Les années précédentes avaient déjà préparé le terrain avec une instabilité croissante due à des facteurs économiques, militaires et sociaux. Toutefois, le déclencheur immédiat de cette crise fut la révolte contre Maximin le Thrace. Largement considéré comme un usurpateur par le Sénat, Maximin le Thrace avait pris le pouvoir en 235, après l'assassinat d'Alexandre Sévère. Le mécontentement à son égard culmina avec la proclamation des Gordien I et II par les populations de la province d'Afrique.
La portée géographique des événements de 238 témoigne de l'étendue de l'Empire romain à cette époque. L'insurrection qui débuta en Afrique fut suivie par une réaction rapide dans la ville de Rome, bastion du Sénat, et se propagea bientôt jusqu'aux Alpes où Maximin le Thrace, alors en campagne contre les Germains, entreprit une marche rapide pour reprendre le contrôle de la capitale. Les provinces, chacune avec ses priorités géopolitiques, jouèrent un rôle crucial dans ces développements, illustrant la complexité et la diversité interne de l'Empire.
Les frontières géographiques de l'Empire, alors étendues de l'Hispanie à la Syrie et de la Bretagne aux rives du Nil, se révélaient également être des lignes de fracture potentielles. Chaque province comportait son propre contexte et ses propres enjeux, qui ont tous contribué, d'une manière ou d'une autre, à l'instabilité perçue durant l'année 238. Tandis que certaines régions lointaines pourraient avoir connu peu de changements immédiats durant cette période, les zones proches de Rome, de l'Afrique et des frontières du nord, furent directement impliquées dans le tourbillon des événements.
Le cadre chronologique, quant à lui, se caractérise par la rapidité des changements de pouvoir durant l'année 238. Sur une seule année, l'Empire vit la montée et la chute de six empereurs : un événement exceptionnel, même dans l'histoire agitée des successions impératoriales romaines. L'enchaînement rapide des faits reflète la pression intense exercée sur le système politique romain et met en exergue des faiblesses structurelles qui seraient exploitées par les futures crises impériales.
En somme, le cadre chronologique et géographique des événements de 238 est essentiel pour comprendre non seulement l'efficacité des forces politiques en jeu, mais aussi comment ces forces ont été capables de refléter et d'exacerber les conflits internes de l'Empire. L'année 238 ne peut être vue en isolement mais doit être considérée dans le contexte plus large de la crise du troisième siècle, avec ses implications à long terme pour la cohésion et la stabilité de l'Empire romain.
Les mots de l'historien Hérodien, qui offre un compte rendu précieux de cette époque, résonnent encore avec acuité : "L'Empire tout entier bouillonnait, les hommes effrayés s'attendaient à des événements encore plus dramatiques." Cette citation souligne la perception, au-delà des faits avérés, d'une époque riche en défis et en transformations, dont l'analyse reste pertinente pour saisir les rouages complexes de l'histoire impériale romaine.
Dans le complexe labyrinthe de la politique romaine de l'année 238, connue sous le nom d'année des six empereurs, les motivations des principaux acteurs politiques sont essentielles pour comprendre les dynamiques qui ont mené à cette période tumultueuse. Chaque protagoniste, qu'il soit empereur, sénateur ou général militaire, est entré dans l'arène politique avec des ambitions et des impératifs spécifiques, façonnant ainsi les événements historiques de manière déterminante.
Maximin le Thrace : Sa montée au pouvoir en 235 marqua un tournant décisif pour le trône impérial, initiant une transition vers une domination militaire accrue. Maximin, d'origine thrace et d'humbles débuts, prenait la position impériale avec une légitimité contestée par l'absence de soutien sénatorial. Sa motivation principale était la consolidation du contrôle militaire et l'affirmation de l'autorité personnelle, mise en péril par une rébellion croissante alimentée par sa politique oppressive et son mépris pour la noblesse romaine.
Gordien I et Gordien II : Proclamés empereurs en Afrique, leurs motivations étaient enracinées dans la révolte contre Maximin le Thrace, perçu comme un tyran aux yeux de l'élite romaine. Répondant à la pression des propriétaires terriens et des élites locales, les deux Gordien ont embrassé l'opportunité d'une brève co-régence plus pour le soutien sénatorial que pour une aspiration intrépide à gouverner l'Empire.
Pupien et Balbin : Sélectionnés par le Sénat dans une tentative de restauration de l'autorité sénatoriale, ces co-empereurs furent vus comme le dernier espoir pour un équilibre entre les factions militaires et civiles. Leur règne fut cependant marqué par des défis insurmontables, notamment la méfiance mutuelle et la pression militaire des forces loyales à Maximin.
Gordien III : Finalement élevé au rang d'empereur à l'âge de treize ans, Gordien III, introduit dans le tourbillon des intrigues politiques, dépendait fortement de ses conseillers et des généraux comme Gaius Furius Sabinus Aquila Timesitheus. Son règne symbolise la continuité dynastique désirée par le peuple romain souhaitant une stabilité impériale après les bouleversements de l'année.
L'époque était caractérisée par des tensions entre les différents centres de pouvoir : l'armée, le Sénat, et les administrations provinciales. Les motivations des acteurs politiques de l’année 238 étaient donc directement influencées par ces tensions multiples, où chaque décision était le fruit d'alliances fragiles et d'oppositions féroces. La recherche de légitimité, le besoin de protéger des alliances politiques et la tentative d'équilibrer le pouvoir entre le Sénat et l'armée composaient les motivations principales influençant les choix des acteurs de cette année décisive.