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L’avis parfois diffus qu’à propos du changement climatique tout a été dit, que l’on en parle trop ou pas assez dénote un sentiment partagé si ce n’est de désespoir tout du moins de lassitude. La lecture de
Mike Davis nous donne un regard neuf et approfondi. De ces lectures qui nous rendent comme un peu plus armés sur les questions de notre temps.
En reprenant les travaux de Kropotkine, penseur anarchiste et géographe émérite,
Mike Davis dévoile une historiographie de la conscience écologique et détricote bien des idées reçues.
Il nous livre ici ses dernières conclusions inédites, fruit d’une analyse méticuleuse et originale, iconoclaste autant que reconnue. La lecture de
Mike Davis nous apporte un regard
neuf et approfondi sur les enjeux mondiaux. De ces lectures qui nous rendent comme un peu mieux armés sur les questions de notre temps.
Une nouvelle théorie de la révolution doit se tourner vers les questions majeures de notre époque : le réchauffement climatique, la pacification du prolétariat et l’éclipse démographique de la campagne pour la ville. La vie humaine ne saura perdurer sans l’émancipation de chacun et chacune.
« Dans cette perspective, seul un retour à une pensée explicitement utopique peut clarifier les conditions minimales de préservation de la solidarité humaine face aux crises planétaires convergentes. […]
Pour élever notre imagination au niveau du défi de l’Anthropocène, nous devons être capables d’envisager des configurations d’action, de pratique et de relation sociale, et cela exige, dès lors, que nous suspendions les hypothèses politico-économiques du présent. »
Mike Davis
À PROPOS DE L'AUTEUR
Mike Davis a profondément marqué les études urbaines et la critique sociale. Né dans une famille modeste du Midwest, il devient conducteur de camion avant de poursuivre des études universitaires. Professeur à l’université de Californie, il se fait connaître avec "City of Quartz" (1990), une analyse innovante et radicale de Los Angeles. Ses travaux sur l’urbanisation, les inégalités sociales et l’écologie politique, notamment dans "Le Pire des mondes possibles : De l’explosion urbaine au bidonville global" (2006), lui valent une reconnaissance internationale. Lauréat du prestigieux MacArthur Fellowship en 1998,
Mike Davis a légué une œuvre engagée, mêlant rigueur académique et critique sociale du capitalisme moderne.
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Seitenzahl: 111
Veröffentlichungsjahr: 2025
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L'arche et le désert
Préface
les bifurcations de Mike Davis
Désert Avenir
Exploration de la sibérie
science pathologique
Qui pour construire l'arche ?
pessimisme de l’intellect
le retour du roi charbon
une récession verte ?
inégalités environnementales
optimisme de l’imagination
la ville comme solution
au-delà de la zone verte
notes
Notes de la préface
Notes de Désert Avenir
Notes de Qui pour construire l'arche ?
bibliographie de mike davis, en langue anglaise
bibliographie de mike davis, en langue française
Table of Contents
Cover
Mike Davis
Traduit de l'anglais (USA) par Emilie Lecoulant
L'île aux fleurs
On me pose toujours la question de l’espoir […]. Pour dire les choses crûment, l’espoir n’est pas une catégorie scientifique. Et je ne crois pas que les gens luttent ou persistent dans leurs efforts à cause de l’espoir, je crois qu’ils le font poussés par l’amour ou par la colère. Mike Davis
Vers la fin des années 1960, à Los Angeles, Mike Davis, un jeune militant de la section locale du Parti communiste, décida de faire un cadeau à sa déjà célèbre camarade (et homonyme) Angela Davis : il lui offrit une Chevrolet Bel Air de 1954. S’enquérant un mois plus tard du destin de cette noble ferraille, il apprit que la batterie avait explosé et que la passionaria afro-américaine n’avait été que trop contente de pouvoir s’en débarrasser avec l’assistance d’un garagiste compatissant.
Une décennie plus tard environ, à Londres, au milieu d’une réunion houleuse de la rédaction du vaisseau amiral de l’intelligentsia marxiste anglo-saxonne, la New Left Review, le même jeune homme, désormais trentenaire, aurait dit-on renversé dans un mouvement d’humeur son terrarium sur le tapis, laissant sa collection personnelle de serpents, lézards et amphibiens exotiques variés — dont un crapaud carnivore — semer la terreur parmi ses très distingués camarades britanniques, presque tous sortis des meilleures écoles privées du Royaume.
Comme disait un journaliste faisant le portrait de ce personnage haut en couleur, la plupart des anecdotes biographiques rapportées par Mike Davis ou par son entourage sont sans doute « vraies à seulement 90 %, mais sincères à 100 % » [1]. En veut-on d’autres ? Il y a aussi la fois où il aurait essayé de convaincre en vain ses camarades du syndicat des Teamsters — chauffeurs routiers et autres travailleurs des transports — de ne pas engager un tueur à gages pour éliminer un briseur de grèves. (L’attentat projeté échoua finalement pour cause d’ivrognerie.) Et celle où, employé de la libraire du Parti communiste à L. A. et confondant un attaché d’ambassade soviétique avec un agent du FBI (l’homme portait le même genre de complet grisâtre et examinait d’un air inquisiteur les titres les plus subversifs et les moins orthodoxes de l’inventaire), il aurait expulsé manu militari le pauvre apparatchik, au grand dam des camarades de la direction. Le séjour de Davis dans les rangs du Parti fut de toute façon assez bref, et on imagine bien que cet admirateur de Buenaventura Durruti et de la CNT-AIT espagnole ne risquait pas d’y faire une grande carrière.
Michael Ryan Davis s’est toujours présenté comme un formidable raconteur, plaisantant à ce sujet en disant qu’il était souvent surpris de découvrir que certaines des histoires invraisemblables dont il régalait ses amis « étaient en réalité tout à fait authentiques ». Né en 1946 à Fontana, berceau des Hell’s Angels, au nord-est de la conurbation de L. A., ce fils d’une famille ouvrière d’origine gallo-irlandaise passe l’essentiel de son enfance et de son adolescence à El Cajon, dans l’est du comté de San Diego. Il y fait les « quatre cents coups » au sein d’une petite bande dont les exploits non supervisés consistaient entre autres à chasser la faune locale à la carabine calibre 22, espionner une colonie nudiste des environs ou bien, à l’occasion, « emprunter » des véhicules ayant le malheur d’être garés sur leur territoire. À la mort de son père, et alors âgé de seize ans, il commence à travailler comme découpeur dans un abattoir local. Sous l’influence du mari afro-américain d’une cousine, il découvre bientôt la lutte pour les droits civiques, les manifestations, les sit-in, les algarades avec le féroce LAPD (Los Angeles Police Department) et les gardes à vue qui s’ensuivent. Il sera appréhendé cinq fois par la police de L. A. au cours de son existence et ne cessera plus jamais de participer à tous les combats de son temps, interrompant un bref séjour dans une université de l’Oregon pour aller travailler comme activiste sur divers terrains d’intervention avec le SDS (Students for a Democratic Society), la grande organisation de la gauche étudiante de l’époque. Pour gagner sa vie, Davis livre des caisses de poupées Barbie au volant d’un poids lourd ou bien travaille comme guide dans une compagnie de bus touristiques où, sur le trajet de Hollywood ou de Disneyland, il saupoudre parfois les visites d’apartés sur les hauts lieux de la lutte de classes en Californie du Sud.
À 28 ans, il décide de reprendre ses études, d’abord à l’UCLA (University of California, Los Angeles), puis à Glasgow en Écosse — avec des excursions à Belfast alors en plein conflit, en quête d’ambiance insurrectionnelle tout autant que de ses racines irlandaises. Il passe enfin quelques années à Londres, où il devient, on l’a vu l’un des collaborateurs les plus originaux de la New Left Rewiew. C’est de cette collaboration que naît son premier livre (publié alors qu’il a déjà quarante ans), Prisoners of the American Dream (Prisonniers du rêve américain), une analyse brillante du destin contrarié du mouvement ouvrier étatsunien entre la fin du XIXe siècle et l’époque de Ronald Reagan [2]. De retour à L. A., il vivote de nouveau comme chauffeur routier, puis comme enseignant précaire dans divers établissements. C’est à cette époque, en 1990, qu’il publie un livre qui va faire époque : City of Quartz. Excavating the Future in Los Angeles. Devenu un classique de la sociologie et de la géographie urbaines, cet ouvrage inclassable déployant une gamme étonnante de ressources intellectuelles et esthétiques s’adresse d’emblée à un public plus large et plus varié que le précédent. Éditeur de sa traduction aux éditions La Découverte, j’écrivais lors de sa publication en France en 1998, qu’« il [était] à la ville postmoderne ce que le Paris, capitale du XIXe siècle de Walter Benjamin est au monde d’Haussmann et de Baudelaire. […] Rythmé par un va-et-vient permanent entre culture et société, réel et imaginaire, passé et présent, City of Quartz explore le destin de Los Angeles à travers son urbanisme et son architecture, ses élites politiques et économiques, ses intellectuels et ses artistes, sa police et sa multiethnicité. Pétrie de mythes hollywoodiens et de contradictions écologiques et sociales, la mégapole y est décrite comme le prisme grossissant permettant de saisir certaines tendances lourdes de la société américaine : privatisation grandissante des espaces publics, séparatisme fiscal et résidentiel des possédants, polarisation sociale et économie de la drogue, développement des dispositifs de sécurité et de surveillance [3]. » Comme le signalait la journaliste Susan Moffat dans le Los Angeles Times, la virtuosité de l’écriture de Davis et son talent pour les métaphores et les images percutantes arrivaient à transfigurer jusqu’à d’austères conflits autour des plans d’occupation des sols en moments épiques d’une geste révolutionnaire [4].
Dix-huit mois plus tard éclataient les émeutes de Los Angeles, qui mettent la ville à feu et à sang et confèrent pratiquement à Mike Davis — lequel avait averti dans son livre d’une tempête sociale à venir — une aura de voyant. Interviews et portraits (plus ou moins flatteur : beaucoup lui en veulent de la publicité négative qu’il fait à la ville) se succèdent, tandis que Davis participe aux négociations d’une trêve entre les deux fameuses bandes de L. A., les Bloods et les Crips. Dans la foulée, il commence à rédiger les essais réunis dans son prochain livre sur la mégapole californienne, Ecology of Fear (Écologie de la peur) [5], qui marque chez lui une sorte de « tournant environnemental ». « Los Angeles s’est délibérément mise en danger, écrit Davis. Depuis des générations, l’urbanisation dictée par le marché a transgressé le bon sens environnemental. Les aires traditionnelles de coupe-feu ont été transformées en banlieues pavillonnaires de luxe, les zones humides en ports de plaisance, et les plaines inondables en zones industrielles et en lotissements. En lieu et place d’une planification régionale et d’une éthique foncière responsable, on a des travaux publics monolithiques. Résultat : des tragédies provoquées par l’eau, le feu et les tremblements de terre qui auraient pu être évitées et ne sont pas plus “naturelles”, que le passage à tabac de Rodney King et l’explosion urbaine qui s’en est suivie. [6] » Malgré l’indignation que provoque dans l’establishment son appel à « laisser brûler Malibu » — les riches méritant à son avis le sort que réservent à leurs propriétés de luxe les conséquences écologiques de leur irresponsabilité environnementale et urbanistique — ce nouvel ouvrage est lui aussi un succès et ne manque pas d’être évoqué à chaque nouvelle saison d’incendies dévastateurs en Californie du Sud.
La notion de « best-seller marxiste » peut paraître un oxymore, surtout aux États-Unis, mais c’est bien ce statut improbable qu’acquirent alors City of Quartz et Ecology of Fear, suscitant entre autres l’ire de la corporation des agents immobiliers de Californie du Sud. L’un d’entre eux, écrivant sous le pseudonyme de Brady Westwater, consacra même alors une bonne partie de son énergie à dépister les « mensonges » contenus dans ces deux ouvrages et à les diffuser auprès de médias. Tout en admettant que les essais de Davis contiennent quelques erreurs triviales et que l’auteur se laisse parfois emporter par son goût de l’hyperbole, journalistes spécialisés et historiens ont généralement fini par conclure que ces peccadilles n’entachaient pas la valeur d’une œuvre pionnière [7]. Ce au point que même Kevin Starr, historien émérite de la côte ouest des États-Unis, savant catholique plutôt modéré politiquement et l’une des cibles de Davis dans City of Quartz en tant que promoteur du mythe optimiste du rêve californien, finit par nouer des liens d’amitié avec son acerbe détracteur et par reconnaître publiquement l’intérêt majeur de sa contribution.
Après ces débuts flamboyants, notre trublion prolétarien, tard-venu à l’écriture, ne cessa plus de produire, livrant à son public une bonne douzaine d’ouvrages sur des sujets aussi divers que le dynamisme de la communauté hispanique, la géographie planétaire des bidonvilles, Dubaï comme stade ultime de la dystopie urbaine capitaliste ou bien l’histoire de la voiture piégée comme arme de combat — sans abandonner pour autant ses explorations du tissu urbain de l’extrême occident étatsunien [8]. Tout en commentant d’une plume analytique acérée l’actualité politique et sociale dans les pages de publications progressistes bien établies telles que The Nation, la New Left Review, Jacobin ou bien le magazine britannique New Statesman, Davis trouvait aussi le temps de publier — auprès d’une maison d’édition fondée par l’acteur hollywoodien Viggo Mortensen, lui-même poète à ses heures — deux livres d’aventures pour adolescents, Land of the Lost Mammoths (Le pays des mammouths disparus) etPirates, Bats and Dragons (Pirates, chauve-souris et dragons), dont les seuls titres nous donnent un aperçu des talents de narrateur à l’imagination fantasque qu’il testait d’abord auprès de ses propres enfants. Il est impossible de commenter dans le cadre d’une simple préface cette production florissante, mais on peut s’attarder sur deux titres en particulier. Publié en 2005, The Monster at Our Door : The Global Threat of the Avian Flu (Le monstre à nos portes : la menace globale de la grippe aviaire), qui décrit les dangers et les conséquences sociales d’une pandémie globale, fut une fois de plus accusé de complaisance exagérée pour les scénarios catastrophiques. À peine quinze ans plus tard, la pandémie mondiale de Covid-19 démontrait la surprenante pertinence de la curiosité vorace et tous azimuts du sociologue-camionneur en roue libre [9].
Sorti en 2000 aux États-Unis et traduit en français en 2003 aux éditions La Découverte par l’auteur de cette préface, Génocides tropicaux. Catastrophes naturelles et famines coloniales : aux origines du sous-développement, offre une fresque grandiose d’un épisode méconnu, mais crucial de l’histoire du colonialisme européen dans son rapport avec les turbulences climatiques planétaires et la destruction des économies de subsistance paysannes.
À la fin du XIXe siècle, entre trente et soixante millions de personnes ont péri dans d’épouvantables famines survenues quasi simultanément en Inde, au Brésil, en Chine et en Afrique. Déclenchées par le phénomène climatique connu sous le nom d’El Niño, la sécheresse et les inondations provoquèrent alors des épidémies terribles, l’exode des populations rurales et des révoltes brutalement réprimées. La « négligence active » des administrations coloniales et leur foi aveugle dans le libre-échange aggrava de façon meurtrière ces situations catastrophiques. Avec ce volume, de près de 500 pages, salué entre autres par Perry Anderson comme son « chef d'œuvre historiographique[10] », Mike Davis déployait toute l’ampleur du savoir et de l’acuité analytique accumulés au cours de ses décennies d’étude au service de ce qui est devenu la principale marque de fabrique de son travail : la constante exploration de l’interaction multidimensionnelle entre risques naturels et contradictions sociales.
En 1998, Davis obtint, les 315 000 dollars du MacArthur Fellowship Award, la fameuse « bourse des génies[11] », qui lui permit entre autres de satisfaire son tropisme de globe-trotter et de compléter sa collection de roches magmatiques et d’affiches de la Guerre civile espagnole. À partir de la fin des années 1990, le monde académique, qui l’avait jadis snobé, lui ouvrit enfin ses portes, et il occupa successivement des postes d’enseignement à l’Université de Californie à Riverside, au Southern California Institute of Architecture, à l’université Stony Brooks de Long Island et au département d’histoire de l’université de Californie à Irvine. Un cancer à l’œsophage diagnostiqué pour la première fois 2016 allait l’emporter en octobre 2022, à l’âge de 76 ans.