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RÉSUMÉ : "L'astrologie chez les Gallo-Romains" de Henri de la Ville de Mirmont plonge le lecteur dans l'univers fascinant des croyances et des pratiques astrologiques de la période gallo-romaine. Ce livre explore comment les Gallo-Romains percevaient les astres et les incorporaient dans leur quotidien à travers des rites, des superstitions et des cultes. L'ouvrage s'appuie sur des recherches historiques approfondies pour décrypter le rôle central de l'astrologie dans la société gallo-romaine, où les astres étaient souvent consultés pour prendre des décisions importantes, qu'il s'agisse de la politique, de l'agriculture ou de la vie personnelle. L'auteur décrit comment les influences astrologiques étaient perçues comme des manifestations divines, influençant ainsi la vie des individus et des communautés. En s'appuyant sur des sources archéologiques et littéraires, de la Ville de Mirmont nous offre une analyse détaillée des pratiques astrologiques, des calendriers lunaires et solaires, et des rituels associés aux phases de la lune et aux constellations. Le livre met également en lumière les figures emblématiques de l'astrologie gallo-romaine et leur impact sur la culture et la religion de l'époque. "L'astrologie chez les Gallo-Romains" est un ouvrage incontournable pour les passionnés d'histoire et d'astrologie, offrant une perspective unique sur l'interaction entre culture, religion et science dans l'Antiquité. L'AUTEUR : Henri de la Ville de Mirmont est un érudit dont les travaux se concentrent principalement sur l'histoire et la culture de l'Antiquité, avec un intérêt particulier pour les pratiques religieuses et ésotériques des civilisations anciennes. Bien que peu d'informations soient disponibles sur sa biographie personnelle, de la Ville de Mirmont est reconnu pour sa rigueur académique et sa capacité à rendre accessibles des sujets complexes à un public plus large. Ses recherches se distinguent par une approche interdisciplinaire, combinant l'analyse de textes anciens, l'archéologie et l'étude des coutumes populaires. En tant qu'auteur, il a contribué à enrichir la compréhension des pratiques astrologiques et religieuses dans le monde gallo-romain, un domaine souvent négligé par les historiens. Ses ouvrages, dont "L'astrologie chez les Gallo-Romains", sont appréciés pour leur profondeur analytique et leur capacité à faire revivre des aspects méconnus de l'histoire.
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Seitenzahl: 338
Veröffentlichungsjahr: 2020
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Introduction
I
Le druidisme et l’astrologie — Les druides et Pythagore — Les pratiques druidiques et l’Augurium — Le druide Diviciac — L’astrologie n’a jamais fait partie des disciplines du druidisme — Rien ne prouve que les druides de la décadence aient été des astrologues
II
Les origines grecques et romaines de l’astrologie gallo-romaine — L’astrologie grecque à Marseille — Le médecin astrologue Crinas de Marseille — Les astrologues chassés de Rome réfugient dans les Gaules — Favorinus d’Arles, ennemi des astrologues — Allusio
III
Ausone et l’astrologie
IV
L’astrologie dans le « Querolus »
V
Paulin de Nole et l’astrologie
VI
Rareté des allusions à l’astrologie chez les auteurs gallo-romains, chrétiens ou païens, de la fin du IV
e
siècle et du commencement du V
e
VII
Les allusions à l’astrologie dans les œuvres de saint Eucherius de Lyon
VIII
Les attaques contre l’astrologie dans les œuvres de saint Prosper d’Aquitaine — Le Priscillianisme et le « Carmen de Providentia divina »
IX
Les allusions à l’astrologie dans les poèmes gallo-romains de la première moitié du V
e
siècle imités de divers livres de la Bible, en particulier de la Genèse
X
Sidoine Apollinaire et l’astrologie — Allusions à l’astrologie dans les œuvres de Sidoine Apollinaire et renseignements sur les Gallo-Romains de la seconde moitié du V
e
siècle adonnés aux pratiques de l’astrologie — Consentius, Anthédius, Lampridius
XI
L’astrologie dans le « De Statu Animae » de Claudianus Mamertus — Rareté des allusions à l’astrologie dans les œuvres des contemporains de Sidoine Apollinaire : Faustus, Ruricius, Pomérius, Salonius, Domnulus, Auspicius, Paulin de Périgueux, Paulin de Pell
XII
Absence d’allusions à l’astrologie dans les œuvres d’Ennodius — Attaques contre l’astrologie dans le poème d’Avitus et dans les sermons de Césaire
XIII
Conclusions
Les écrivains gallo-romains, païens ou chrétiens, donnent sur l’astrologie des renseignements nombreux, qui prouvent que les doctrines de cette science divinatoire étaient parfaitement connues et communément pratiquées dans la Gaule romaine.
Dès le Ier siècle de l’ère chrétienne, Pline l’Ancien mentionne un médecin de Marseille, Crinas, qui traite ses malades suivant les lois de l’astrologie et qui mérite le nom d’iatromathématicien. Crinas est d’origine grecque, et Marseille n’appartient pas à la Gaule proprement dite ; mais, à la fin du IIIe siècle, nous connaissons un Gallo-Romain originaire du pays des Haedui (territoire entre la Loire et la Saône), domicilié dans une ville d’Aquitaine, Aquae Tarbellicae (Dax), Caecilius Argicius Arborius, qui exerce avec succès et profit la profession d’astrologue. Au VIe siècle, le petit-fils d’Arborius, le poète bordelais Ausone, s’occupe souvent d’astrologie dans ses œuvres.
A l’époque d’Ausone, parmi les personnages du Querolus, comédie d’un auteur gallo-romain, qui fut jouée sinon à Bordeaux, du moins dans une ville du sud-ouest de la Gaule, se trouve un astrologue, Mandrogéronte, dont le rôle est très important. Toute comédie de mœurs emprunte ses personnages à la société contemporaine : pour que l’astrologue ait sa grande place dans le Querolus, il faut que l’astrologie ait été aussi en faveur dans la société gallo-romaine du IVe siècle après Jésus-Christ que la science augurale et l’haruspicine l’avaient été à Rome au VIe et au VIIe siècle de la République, alors que l’Hariolus 1 et l’Augur donnaient leurs noms, l’un à une palliata de Naevius, l’autre à une togata d’Afranius.
Après le temps d’Ausone, le Gallo-Romain C. Sidonius Apollinaris, qui vécut de 430 à 488, et qui fut, à partir de 472, évêque de Clermont en Auvergne, fournit des indications précieuses et abondantes sur l’état des croyances astrologiques en Gaule au Ve siècle. Si l’évêque doit condamner la science suspecte, le lettré curieux et très instruit connaît à fond tous les traités sur la matière, ceux qui nous sont parvenus et ceux qui ont disparu ; il est l’ami d’un grand astrologue, Anthedius ; il possède si bien le vocabulaire technique, verba matheseos, qu’il offre à son ami Polemius, par manière de badinage, de lui composer un épithalame astrologique.
Au temps de Sidoine Apollinaire et après lui, d’autres auteurs gallo-romains, plus ecclésiastiques et moins tolérants que l’évêque de Clermont, combattent énergiquement les doctrines astrologiques.
Prosper d’Aquitaine, qui mourut en 464, attaque, dans son poème De Providentia (v. 625-720), la croyance aux natalia sidera.
Un contemporain de Sidoine et de Prosper, Claudius Marius Victor, dans ses Commentarii in Genesim (lib. III, v. 105-148), soutient que l’astrologie a été créée par le démon.
Au commencement du VIe siècle, l’Arverne Alcimus Ecdicius Avitus, évêque de Vienne depuis 490, mort vers 525, fait entrer dans le livre II de son poème De Spiritalis historiae gestis (v. 277-325) une violente diatribe contre l’astrologie.
On peut encore trouver des polémiques semblables dans les ouvrages des derniers Gallo-Romains qui font la transition entre le Bas-Empire et le moyen âge. Il est évident que si la science hétérodoxe n’avait pas eu de nombreux adeptes dans les Gaules, les écrivains ecclésiastiques ne se seraient pas donné la peine de la combattre si souvent et si longtemps.
Avant d’aborder l’étude des doctrines astrologiques chez les Gallo-Romains, il convient de rechercher les origines et d’indiquer les progrès de cette science divinatoire dans les Gaules.
1 Hariolus, comme haruspex, vient du mot haru, qui signifie « entrailles ».
L’opinion la plus ancienne et la plus généralement répandue est que l’astrologie était pratiquée par les druides et les autres prêtres gaulois longtemps avant la conquête romaine.
L’« Histoire littéraire de la France par des religieux Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur » est très affirmative à ce propos : « Les euhages ou eubages d’Ammien Marcellin ne sont autres, dans le fond, que les vates de Diodore de Sicile et de Strabon. Car il est certain que ces trois historiens leur attribuent les mêmes fonctions, qui étaient de sonder les secrets de la nature et de les faire connaître aux autres : ce qui regarde la physique, les divinations, l’astrologie judiciaire et la magie… Les druides étaient tout ensemble les prêtres, les philosophes, les théologiens, les jurisconsultes, les médecins, les rhéteurs, les orateurs, les mathématiciens, les géomètres, les astrologues et peut-être même les magiciens des Gaulois 2 .»
Henri Martin donne à peu près les mêmes renseignements sur les ovates, classe inférieure, et sur les druides, classe supérieure des prêtres gaulois : « Ils [les ovates] étudient les lois secrètes qui relient les phénomènes de la nature, les mystères de la terre et des astres ; ils prévoient l’avenir et interrogent les volontés des puissances divines dans le vol des oiseaux, les entrailles et le sang des victimes ; ils célèbrent les sacrifices publics et privés ; ils guérissent les maladies. Ce sont à la fois des augures, des aruspices, comme ceux des Romains, et des physiologistes, selon l’expression grecque, des hommes voués aux sciences naturelles, toujours mêlées de magie dans l’antiquité qui n’a pas encore reconnu que l’Être suprême gouverne les choses physiques par des lois immuables, et qui croit les phénomènes modifiables par l’action arbitraire de puissances inconnues… Eux aussi [les druides proprement dits, qui sont au-dessus des ovates] connaissent le mouvement des astres, la figure et les proportions de la terre et du monde et les propriétés des choses 3 .»
Henri Martin rappelle encore « la tradition si accréditée des relations de Pythagore avec les druides, tradition appuyée sur une étroite affinité de doctrines métaphysiques et scientifiques 4 .» Dans les Éclaircissements5 qui terminent le tome I de l’Histoire de France, il fait des druides les initiateurs de Pythagore : « On ne peut guère douter que les druides n’aient eu les mêmes connaissances et les mêmes opinions astronomiques que Pythagore, et il y a grande apparence qu’il les tenait d’eux. »
Les auteurs anciens admettaient bien l’existence des relations entre la religion des Gaulois et les dogmes de Pythagore, mais ils attribuaient ces relations à l’influence du philosophe sur les druides.
Dès le commencement de l’Empire romain, un historien grec, contemporain de César et d’Auguste, Diodore de Sicile, y fait allusion dans sa Bibliothèque historique. Il constate que les Gaulois ont des philosophes et des théologiens très honorés qu’ils appellent druides 6 , qu’ils professent pour la vie le mépris le plus profond, et qu’ils admettent le dogme de l’immortalité et de la transmigration des âmes : il conclut que ces croyances leur viennent du système de Pythagore 7 .
Au ive siècle, Ammien Marcellin, qui vécut de 330 à 400, parle lui aussi de l’influence de Pythagore sur les druides ; il emprunte tous les renseignements qu’il donne sur les Gaulois à un historien grec qui est peut être antérieur à Diodore, à Timagène d’Alexandrie 8 , ami de Pollion, rénovateur, au dire de Quinti-lien 9 ; de l’art d’écrire l’histoire. Au-dessus des bardes, qui célébraient les grandes actions par leurs chants héroïques, et des euhages, qui scrutaient et essayaient d’interpréter la série des sublimes mystères de la nature10, les druides, dit Ammien Marcellin, « les druides dont le génie était plus haut, attachés à des communautés dont l’influence de Pythagore avait fixé les statuts, tendirent leurs esprits vers l’étude des questions sublimes et occultes, et, par mépris des choses humaines, déclarèrent l’âme immortelle11. »
Des écrivains postérieurs à Diodore et à Timagène donnent même le nom du disciple de Pythagore qui aurait porté en Gaule les doctrines du maître ce serait, d’après Origène12, le Gète Zamolxis, esclave, puis élève du philosophe, civilisateur enfin de ses propres compatriotes et, après sa mort, honoré par eux comme un dieu13. M. Bouché-Leclercq a fait justice des innombrables légendes qui ont trait aux voyages de Pythagore ou de ses disciples chez tous les peuples dont les doctrines philosophiques et religieuses ont quelque rapport avec le pythagorisme : « Pythagore a passé partout où il y avait quelque chose à apprendre. On le conduit chez… les druides de la Gaule, de façon que sa philosophie soit la synthèse de toutes les doctrines imaginables14. »
Or, à l’époque où ces légendes se sont constituées, il faut remarquer que Pythagore était considéré comme le grand maître des ou astrologues. C’est donc, semble-t-il, sur les prétendus rapports de Pythagore astrologue avec les druides que l’on établit l’existence de l’astrologie parmi les disciplines druidiques.
Mais que l’on fasse attention aux textes que j’ai cités : Diodore de Sicile dit simplement que la croyance des druides à l’immortalité de l’âme est attribuée à l’influence de Pythagore ; Timagène rapporte que les sodalicia des druides ont été institués suivant les règles de Pythagore. Ces deux auteurs ne disent nulle part que l’astrologie ait été enseignée aux prêtres gaulois par le philosophe de Samos.
Au demeurant, aucun texte précis ne nous permet d’affirmer que les druides aient pratiqué l’astrologie. M. Fustel de Coulanges le fait remarquer avec raison : « Sur les vieilles croyances druidiques, nous ne possédons aucun livre sacré, et notre unique renseignement à cet égard est qu’il n’en existait pas15. »
A défaut de documents fournis par les druides eux-mêmes, les textes latins ou grecs sur lesquels se fondent les Bénédictins nous permettent-ils de conclure que les druides, comme le prétend l’Histoire littéraire de la France, étaient « les astrologues des Gaulois » ?
On cite un passage de César : « Les druides discutent beaucoup de questions sur les astres et leurs mouvements, sur la grandeur de l’univers et de la terre, la nature des choses, la force et la puissance des dieux immortels, et ils transmettent à la jeunesse les doctrines qui résultent de leurs discussions16. »
Sous le règne de Caligula ou sous celui de Claude, un contemporain, peut-être un parent de Sénèque, l’Espagnol Pomponius Mela, au livre III de son ouvrage De Chorographia, première description de l’Ancien Monde qui nous soit parvenue, parle lui aussi des études des druides sur le mouvement des astres: « Les Gaulois ont une éloquence qui leur est propre et des maîtres de morale, les druides. Ceux-ci font profession de connaître la grandeur et la forme de la terre et du monde, les mouvements du ciel et des astres et toutes les volontés des dieux17. »
Fustel de Coulanges rapproche et discute les deux textes de César et de Pomponius Mela : « César remarque qu’ils disputent sur le cours des astres, sur la forme et la grandeur de la terre. Il est vrai que disputer sur le cours des astres n’est pas nécessairement connaître les lois de l’astronomie… Pomponius Mela dit qu’ils prétendaient (profitentur) connaître le cours des astres et la volonté des dieux. Était-ce astronomie ou astrologie ? S’agissait-il de science, de poésie, ou simplement de divination et d’augurat ? C’est ce qu’on ne saurait dire18. »
Je ne crois pas qu’il se soit agi d’astrologie : les druides étudiaient le cours des astres, sans prétendre en tirer des pratiques divinatoires ; leurs moyens de divination se rapprochaient beaucoup de ce que les Romains entendaient par augurium. Nous connaissons, en effet, par César et par Cicéron, un druide qui a été l’ami du proconsul des Gaules et l’hôte du grand orateur, le druide Diviciac, à qui nous devons probablement tout ce que les Commentarii de Bello Gallico nous apprennent sur le druidisme. Diviciac « est un théologien, un philosophe, un sacrificateur et un augure. Il a appris les vertus des dieux, les lois des choses, la science de l’avenir. Cicéron s’est entretenu avec lui des révolutions de la nature, et César des révolutions humaines19 ». Diviciac est un augure ; ce n’est pas un astrologue. « Ce grand homme, dont César ne parle jamais qu’avec éloges, — disent les Bénédictins20, — se mêlait de pénétrer dans les secrets de l’avenir tant par le moyen des augures que par les autres sortes de divinations. » Dans le De Divinatione, Cicéron se fait dire par son frère Quintus : « Les nations barbares elles‐mêmes n’ont pas négligé les méthodes de divination. La Gaule a ses druides parmi lesquels j’ai connu l’Héduen Diviciac, ton hôte et ton panégyriste, qui faisait profession de savoir les lois de la nature, de posséder cette science que les Grecs nomment physiologie, et qui disait prévoir l’avenir, partie par les augures, partie par conjecture21. »
Strabon nous indique ce qu’il faut entendre par cette qui était au nombre des sciences druidiques. Le géographe distingue les bardes qui sont les chantres sacrés, les ovates devins qui président aux sacrifices et interrogent la nature et les druides qui croient à l’immortalité des âmes et à celle du monde et qui, en outre de la physiologie ou philosophie naturelle, professent l’éthique ou philosophie morale 22.
Quant aux procédés divinatoires dont usait Diviciac, il est bien évident que Cicéron n’aurait pas fait d’un astrologue son hôte et son ami. On sait combien l’auteur du De Divinatione méprise l’absurde science astrologique, qui est chaque jour démentie par les faits, quelle pitié il manifeste à l’endroit des hommes assez crédules pour ajouter foi aux astrologues23. Il prête à son frère Quintus le même dédain pour les augures Marses, qui étaient de simples sorciers, les haruspices de village, les astrologues qui donnaient leurs consultations aux environs du Circus Maximus, les prêtres d’Isis qui disaient la bonne aventure, et les gens qui faisaient profession d’interpréter les songes24.
Si l’astrologie avait été au nombre des superstitions druidiques, Cicéron n’aurait pas manqué d’en parler dans le violent réquisitoire qu’il prononce contre les Gaulois, quand il plaide pour Fonteius : les Gaulois font la guerre aux dieux des autres nations25 ; ils ont l’impiété de prétendre apaiser leurs propres dieux par de détestables sacrifices humains26. Mais l’avocat de Fonteius n’ajoute pas qu’ils aient recours aux pratiques insensées et condamnées de l’astrologie.
Les procédés divinatoires des Gaulois en général, comme ceux de Diviciac en particulier, se rapprochent de l’augurium romain. Cicéron, membre du collège des Augures, ne pouvait que faire preuve de sympathie et d’estime pour ses collègues gaulois.
Les pratiques augurales existaient depuis longtemps en Gaule ; nous le savons par un historien latin, à peu près contemporain de Tite‐Live, Trogne Pompée, qui, originaire par ses ancêtres du pays des Voconces (département de la Drôme), devait bien connaître les traditions gauloises. L’abréviateur de Trogue Pompée, Justin, rapporte que, dès les temps les plus reculés, les nations gauloises se confiaient à l’augurium dans les conjonctures les plus graves. A propos de la fondation de Mediolanum par les émigrants que conduisait Bellovèse, vers l’an 600 avant l’ère chrétienne27, Justin dit : « Une partie d’entre eux, guidés par les oiseaux (car, de tous les peuples, les Gaulois sont les plus instruits dans la science augurale), pénétrèrent jusqu’aux golfes d’Illyrie, au travers des barbares qu’ils massacraient28. » Tite-Live, qui raconte le même fait, dit aussi que les Gaulois allèrent chercher un autre séjour dans le pays que les dieux leur désignaient par les augures29.
Les Gaulois connaissaient l’art augural ; aucun auteur de l’époque de César et d’Auguste ne nous apprend qu’ils se soient occupés d’astrologie. Il semble même que c’est à titre d’exception que le druide Diviciac s’occupait de divination, partim auguriis, partim conjectura.
On l’a vu, en effet : d’après Timagène, ce sont les euhages et non pas les druides qui essaient d’interpréter les sublimes mystères de la nature ; d’après Strabon, ce sont les ovates et non pas les druides qui s’occupent des sacrifices et de la divination ; enfin, Diodore30 distingue nettement des druides les devins qui prédisent l’avenir par l’observation des oiseaux et par les entrailles des victimes c’est-à-dire par l’augurium et par l’haruspicina ; mais ces devins, ces euhages, ces ovates ne s’occupent en rien d’astrologie.
A la fin du siècle de l’ère chrétienne, pour Pline l’Ancien, les druides ne sont plus des philosophes occupés de hautes spéculations, mais de simples magiciens, magi, et ce mot revient comme une épithète nécessaire ou comme un synonyme du mot druides, chaque fois qu’il est question d’eux dans l’Histoire Naturelle31. Les druides sont des magiciens qui cueillent au milieu de cérémonies superstitieuses le gui du chêne, auquel ils attribuent des vertus, souveraines32, qui regardent le selago (sorte de mousse purgative) comme une panacée33, qui emploient pour rechercher l’œuf de serpent (ovum anguinum), doué d’après eux de propriétés merveilleuses, toutes les fraudes coutumières aux sorciers habiles à tromper la crédulité humaine34. Aussi Tibère supprima-t-il la caste des druides, ces vates, ces medici, convaincus de pratiquer la magie35. Le Père Jean Hardouin (1646-1729), savant éditeur de l’Histoire Naturelle (1685), abonde dans le sens de Pline et conclut que les druides étaient des magiciens, et même — ce que Pline ne dit pas — des astrologues : « Cum vero Plinius hoc loco druidas vates medicosque, alibi magos aliterve appellat, ostendit eos non nisi magos fuisse qui ex magice et astrologia aliisque studiis medicinam exercerent. »
Mais Pline l’Ancien est, à notre connaissance, le seul auteur qui affirme que Tibère prit des mesures de rigueur contre les druides : cet empereur, d’après Suétone36, interdit les superstitions d’Égypte et de Judée et expulsa les mathématiciens. On sait qu’au temps de Suétone, mathematicus est le synonyme d’astrologue37. — Ce que dit l’auteur de la Vie de Tibère est confirmé par Tacite : les Annales rapportent que des sénatus-consultes expulsèrent d’Italie, en l’an 16, les astrologues et les magiciens38, et, en l’an 19, les fidèles des rites judaïques et égyptiens39. Ces sénatus-consultes n’intéressaient en rien les druides qui ne pratiquaient ni la magie ni l’astrologie, et qu’il n’y avait pas à expulser de Rome, comme les Juifs et les Égyptiens, puisqu’ils célébraient les mystères de leur culte dans les forêts de la Gaule.
C’est seulement vers l’an 4140 que le druidisme, interdit aux citoyens romains dès le temps d’Auguste, fut persécuté par Claude dans les Gaules mêmes. Les druides n’étaient pas accusés d’astrologie ou de magie : ce sont les pratiques barbares (dira immanitas) de leurs sacrifices humains, déjà condamnés par Cicéron41, que l’empereur Claude prétendait abolir42.
César avait déjà interdit ces sacrifices dont les druides étaient les ministres43. Mais, quand le proconsul dut quitter les Gaules pour prendre la direction de la guerre civile contre Pompée et le Sénat, les cérémonies interdites recommencèrent. « Druides, — s’écrie Lucain, — druides, vous profitez de la paix qui s’établit dans votre pays pour rétablir vos rites barbares et vos abominables sacrifices44 ! »
Claude supprima en Gaule les rites barbares de ces abominables sacrifices ; mais il ne détruisit pas le druidisme, qui se réfugia dans les îles. En l’an 61, C. Suetonius Paulinus massacre les druides de l’île de Mona (Anglesey) et rase les bois sacrés où les victimes étaient immolées45. En 68-70, le druidisme tente un dernier et stérile effort pour soulever la Gaule contre les Romains. La druidesse Velléda, jeune fille du pays des Bructères, sur la rive droite du Rhin, a des allures de magicienne. Elle se tient enfermée dans une tour, au fond d’un bois, invisible aux regards des profanes, enveloppée de mystère. Ses parents lui servent d’interprètes, reçoivent les demandes de prédiction qu’on lui adresse, et rapportent les réponses inspirées par la divinité. Tout cet appareil, destiné à frapper l’imagination, n’empêche pas la ruine de Civilis46.
En l’an 70, la Gaule était complètement et définitivement pacifiée. La paix romaine abolissait toute l’influence politique des sodalicia des druides ; la suppression des sacrifices humains avait mis fin à leur importance religieuse. Dès lors, isolés et déchus, confinés dans les campagnes arriérées qui gardent, sans les bien comprendre, les traditions du passé, ils semblent réduits au rôle de sorciers de villages. Ils ne méritent plus l’honneur d’attirer sur eux les rigueurs de l’autorité romaine. Fustel de Coulanges le remarque avec raison, « la meilleure preuve que les druides ne furent ni persécutés ni supprimés, c’est que nous les voyons durer pendant presque tout l’Empire romain, et même sans se cacher47. » A l’époque gallo-romaine, les meilleurs d’entre eux deviennent rhéteurs ou grammairiens. Parmi les Professores Burdigalenses, Ausone cite deux hommes issus de la race des druides, Patera et Phoebicius. « Encore faut-il que le nom de druides n’ait été ni proscrit ni méprisé, pour qu’Ausone, le fidèle observateur des moindres lois impériales, loue deux de ses maîtres d’appartenir à des familles druidiques ; assurément on a le droit de conclure de là que le nom de druides n’était pas une injure48. »
Ausone ne loue pas, il constate, non sans une certaine ironie de Gallo-Romain, l’origine druidique dont se vantaient le rhéteur Attius Patera, qui, si la renommée n’est point trompeuse, tirait son origine du temple de Belenus49, et le vieux grammairien Phoebicius, ce sacristain du temple de Belenus, issu, comme on se plaisait à le dire, de la race des druides d’Armorique, mais pauvre et obscur malgré son illustre origine et ses fonctions sacerdotales50. Fustel de Coulanges néglige le texte d’Ausone pour se souvenir un peu trop du commentaire fantaisiste de Beugnot, qui prétend qu’il est « aisé de montrer que ce culte [le druidisme] était pour ses ministres une source de crédit et de puissance dans des provinces très civilisées de la Gaule, et où le christianisme avait cependant fait de grands progrès… Appartenir à une race druidique, stirps druidarum, était encore au ive siècle un honneur, puisque le poète [Ausone] place au premier rang des louanges qu’il décerne à Phoebicius de descendre d’une pareille race… Belenus était la divinité principale de quelques cantons gaulois et occupait dans la mythologie celtique la place réservée au soleil ou à Apollon dans la religion romaine. Sans doute, le culte de ce dieu n’était pas tombé dans le mépris, puisque le vieux Phoebicius exerçait les fonctions d’aedituus Beleni, c’est-à-dire de sacristain du temple de Belenus51. » Mais ces fonctions étaient peu productives, puisque, comme le remarque Corpet, qui réfute très finement l’argumentation de Beugnot, « le vieux Phoebicius fut bien heureux de quitter son temple et son Armorique et de se faire professeur à Bordeaux, pour vivre52. » Mais tous les druides ne parvenaient pas à des chaires de rhétorique ou de grammaire. Ceux qui ne pouvaient aspirer au professorat se voyaient réduits au rôle de sorciers ; ils devenaient des magi, ce qu’ils étaient déjà, d’après Pline, au moment où l’auteur de l’Histoire Naturelle composait son livre, antérieurement à l’an 79.
Les derniers renseignements qui nous sont fournis sur les druides et les druidesses par les historiens postérieurs au premier siècle nous montrent les successeurs dégénérés de ce philosophe, de ces théologiens, si respectés, dont César Timagène, Strabon et Diodore de Sicile constataient et louaient les hautes spéculations métaphysiques, faisant œuvre simplement de banale sorcellerie ou de divination vulgaire.
Lampride rapporte qu’une druidesse prédit, en 235, à l’empereur Alexandre Sévère sa mort prochaine53. D’après Vopiscus, Aurélien consulta les druidesses pour savoir si l’Empire passerait à ses descendants ; elles lui répondirent qu’aucun non, ne devait être plus illustre que celui des descendants de Claude54. C’est Dioclétien qui rapportait cette anecdote. Le même empereur racontait à l’aïeul de Vopiscus qu’une druidesse bien déchue, puisqu’elle tenait auberge à Tongres, ville des Gaules (dans le Limbourg, en Belgique), lui avait prédit l’Empire au moment du règlement laborieux d’une note de cabaret55.
Les Bénédictins citent ces trois prédictions druidiques et ils en tirent la conclusion que « les superstitions fondées sur l’astrologie ont presque toujours régné dans les Gaules et dans la France56 ».
Mais rien ne prouve que les sorcières qualifiées de druidesses par Lampride et Vopiscus aient eu recours à la divination astrologique pour prophétiser l’avenir à Alexandre Sévère, à Aurélien et à Dioclétien.
Les auteurs de l’Histoire Auguste donnent des détails abondants sur la faveur dont jouissait l’astrologie auprès des empereurs de la décadence. Hadrien, qui régna de 117 à 138, se croyait si savant en astrologie que, dès le 1er janvier, il consignait dans ses tablettes tout ce qui devait se produire au cours de l’année à peine commencée57. Marc-Aurèle, qui régna de 161 à 180, consultait les astrologues58. Septime Sévère, qui régna de 193 à 211, était très habile en astrologie59.
Si les druidesses consultées par Alexandre Sévère, par Aurélien et par Dioclétien, avaient été des astrologues, les auteurs de l’Histoire Auguste, qui parlent si volontiers d’astrologie, n’auraient pas négligé de le mentionner ; et il serait étonnant que l’historien de Dioclétien ait cité sans commentaire une prédiction astrologique se rapportant au futur empereur qui devait, en 296, faire publier un édit proscrivant absolument l’art mathématique jugé condamnable au premier chef60.
D’autre part, à une époque où l’astrologie envahissait toutes les croyances, il n’y a évidemment rien d’impossible à ce que les druides et les druidesses de la décadence aient étudié et pratiqué la divination astrologique, qui pouvait leur donner plus de profits que les autres moyens de divination. L’astrologie n’avait eu aucune place dans les disciplines théologiques du vrai druidisme ; alors que les druides et les druidesses ne sont plus que de vulgaires devins, l’astrologie peut parfaitement être exploitée par eux comme une science d’importation, grecque ou romaine, qui a pris peu à peu sa place à côté des autres procédés de sorcellerie. Mais ce n’est qu’une simple vraisemblance. Il est prouvé que les druides contemporains de Diviciac ne s’occupaient pas d’astrologie ; rien ne prouve que les druides déchus, réduits au rôle de sorciers, aient été des astrologues.
2 Histoire littéraire de la France, t. I, partie I, Paris, 1733 : « Siècles qui ont précédé la naissance de Jésus-Christ. État des lettres dans les Gaules durant ces temps-là… » p. 29 et 32.
3 Henri Martin, Histoire de France, quatrième édition, Paris, 1855 ; t. I, p. 59 et 61.
4 Henri Martin, ouvr. cité, t. I, p. 81.
5 Henri Martin, ouvr. cité, t. I, Éclaircissements, n° x, p. 43 : « Sur l’astronomie des druides et leur, affinités avec Pythagore et Numa. »
6 Diodore, V, xxxi, 2 :
7 Diodore, V, xxviii, 6 :
8 Ammien Marcellin, XV, ix : Timagenes et diligentia Graecas et lingua.
9 Quintilien, Instit. Orat., X, i, 75 : Timagenes vel hoc ipso est probabilis quod intermissam historias scribendi industriam nova laude reparavit.
10 Ammien Marcellin, XV, ix : Euhages vero scrutantes seriem et sublimia naturae pandere cona-bantur.
11 Ammien Marcellin, XV, ix : Druidae, ingeniis celsiores, ut auctoritas Pythagorae decrevit, sodaliciis adstricti consortiis, quaestionibus occultarum rerum altarumque erecti sunt, et, despectantes humana, pronuntiarunt animas immortales.
12 Origène, édition des Bénédictins, Paris, 1733-1759, vol. I, p. 3, 802, 906.
13 Hérodote, IV, xciv-xcvi ; Strabon, VII, iii, 5 ; XVI, ii, 39.
14 A. Bouché-Leclercq, L’Astrologie grecque, Paris, 1899, p. 5.
15 Fustel de Coulanges, Revue Celtique, t. IV, 1879-1880, p. 37-59: « Comment le druidisme a disparu, » p. 46.
16 César, De Bello Gallico, VI, xiv, 6 : Multa praeterea de sideribus atque eorum motus de mundi ac terrarum magnitudine, de rerum natura, de deorum immortalium vi ac potes tate disputant et juventuli tradunt.
17 Pomponius Mela, III, ii : Habent tamen et facundiam suam magistrosque sapientiae druidas. Hi terrae mundique magnitudinem et formam, motus caeli ac siderum et quid dii velint, scire profitentur
18 Fustel de Coulanges, Revue Celtique, article cité, p. 53.
19 C. Jullian, Le druide Diviciac (Revue des Études anciennes, t. III, n° 3, juillet-septembre 1901, p. 205-210). – Voir tout ce travail définitif sur le seul druide dont nous connaissions le nom et l’histoire.
20Histoire littéraire de la France, t. I, partie I, p. 96 et 97.
21 Cicéron, De Divinatione, I, xli, 91 : Eaque divinationum ratio ne in barbaris quidem gentibus neglecta est : si quidem et in Gailia druidae sunt, e quibus ipse Diviciacum Haeduum, hospitem tuum laudatoremque cognovi, qui et naturae rationem, quamGraeci appellant, notam esse sibi profitebatur, et, partim auguriis, partim conjectura, quae essent futura dicebat.
22 Strabon, IV, iv, 4.
23De Divinatione, II, xlii : Quo quid potest dici absurdius ?… O vim maximam erroris !… Sed quid plura ? Cotidie refelluntur !… Ut mihi permirum videatur quemquam exstare qui etiam nunc credat iis quorum praedicta cotidie videat re et eventis refelli.
24De Divinatione, I, lviii, 132 : Non habeo denique nauci Marsum augurem, non vicanos haruspices, non de circo astrologos, non Isiacos conjectores, non interpretes somniorum. – Cf. Horace, Sat., I, vi, v. 113 : Fallacem circum, vespertinumque pererro Saepe Forum, adsisto divinis (les devins, astrologues ou autres ; cf. Cicéron, De Fato, viii, 15 : Chaldaeos ceterosque divinos).
25 Pro Fonteio, xiii, 30 : Cum ipsis diis immortalibus bella gesserunt.
26 Pro Fonteio, xiv, 31 : Quando aliquo metu adducti deos placandos esse arbitrantur, humanis hostiis eorurn aras ac templa funestant, ut ne religionem quidem colere vossint nisi eam prius scelere violarint.
27 Amédée Thierry (Histoire des Gaulois, liv. I, chap. i) place cette expédition vers l’an 600 ; Th. Mommsen (Römische Geschichte, liv. II, chap. iv, traduction de Guerle, t. II, p. 16), vers l’an 400 ; Maximin Deloche (Communication à l’Académie des Inscriptions, 28 juillet 1876), vers l’an 534. Quelles que soient les divergences d’opinion des érudits, la date n’en est pas moins très ancienne.
28 Justin, XXIV, iv, 2 : Ex his [Gallis] portio… Illyricos sinus, ducibus avibus (nam augurandi studio Galli praeter ceteros callent), per strages barbarorum penetravit.
29 Tite-Live, V, xxxiv : … in quas dii dedissent auguriis sedes.
30 Diodore de Sicile, V, xxxi, 3.
31 Pline, N. H., XVI, xcv, i : Druides (ita Galli suos appellant magos)… – Cf. XXV, lix, etc.
32 Pline, N. H., XVI, xcv
33 Pline, N. H., XXIV, lxii.
34 Pline, N. H., XXIX, xii, 2, : Ut est magorum sollertia occultandis fraudibus sagax.
35 Pline, N. H., XXX, iv, 1 : Gallias utique [magice] possedit et quidem ad nostram memoriam. Namque Tiberii Caesaris principatus sustulit druidas eorum et hoc genus vatum medicorumque.
36 Suétone, Tibère, xxxvi : Externas caerimonias, Aegyptios Judaicosque ritus compescuit… Expulit et mathematicos.
37 Aulu-Gelle, N. A., I, ix, 6 : Vulgus autem quos gentilicio vocabulo Chaldaeos dicere oportet, mathematicos dicit.
38 Tacite, Annal., II, xxxii : Facta et de mathernaticis magisque Itatia pellendis senatus consulta.
39 Tacite, Annal., II, lxxxv : Actum est de sacris Aegyptiis Judaicisque pellendis, factumque patrum consultum.
40 Henri Martin, Histoire de France, t. I, p. 229.
41 Cicéron, Pro Fonteio, xiv, 31.
42 Suétone, Claude, xxv : Druidarum religionem apud Gallos dirae immanitatis et tantum civibus sub Augusto interdictam penitus abolevit. – Les Annales ne peuvent nous renseigner sur cette abolition du druidisme : le livre VI se termine à la mort de Tibère, en 37 ; les livres VII-X sont perdus, et ce que nous possédons du livre XI commence à l’année 47.
43 César, De Bello Gallico, VI, xvi.
44 Lucain, De Bello Civili, I, v. 450 : Et vos barbaricos ritus moremque sinistrum Sacrorum, drui-dae, positis repetistis ab armis ! – On sait combien Lucain est ami des merveilles de la divination et de la magie, qu’il introduit jusqu’à l’abus dans son épopée. Il consacre des épisodes à la divination delphique (livre V) et à la nécromancie thessalienne (livre VI). Dans sa longue dissertation sur les origines des crues du Nil (livre X, v. 193-331), Achoreus expose à César une théorie sur « les propriétés spécifiques des planètes » (Bouché-Leclercq, L’Astrologie grecque, p. 552, note 3). Si le poète eût connu quelque chose de la prétendue astrologie des druides, il aurait trouvé moyen d’en parler, comme il parle des théories astrologiques du prêtre égyptien.
45 Tacite, Annales, XIV, xxx : Excisique luci saevis superstitionibus sacri ; nam cruore captivo adolere aras et hominum fibris oonsulere deos fas habebant.
46 Tacite, Histoires, IV, lxi, lxv ; V, xxii ; xxiv.
47 Fustel de Coulanges, Revue Celtique, article cité, p. 43.
48 Fustel de Coulanges, Revue Celtique, article cité, p. 44.
49 Ausone, édit. Schenkl, XVI, v, v. 7 : … stirpe druidaruns satus, Si fama non fallit fidem, Beleni sacratam ducis e templo genus.
50 Ausone, édit. Schenkl, XVI, xi, v. 22 : Nec reticebo senem Nomine Phoebicium, Qui Beleni aedituus Nil opis inde tulit, Sect tamen ut placitum, Stirpe satus druidum Gentis Aremoricae.
51 A. Beugnot, Histoire de la destruction du paganisme en Occident, Paris, 1835, t. p. 150-152.
52 Corpet, Œuvres complètes d’Ausone, traduction nouvelle, Paris, Panckouck 1842 ; t. I, p. 314.
53 Lampride, Vie d’Alexandre Sévère, lx : Mulier druias eunti exaanavit Galli Sermone : « Vadas, nec victoriam speres, nec te militi tuo credas. »
54 Vopiscus, Vie d’Aurélien, xliv : Dicebat enim [Diocletianus] quodam tempo Aurelianum Galli-canas consuluisse druidas, sciscitantem, utrum apud ejus posteros Imperium permaneret ? Turn illas respondisse dixit : « Nullius clarius in republica nomen quo Claudii posterorum futurum. »
55 Vopiscus, Vie de Numérien, xiv.
56Histoire littéraire de la France, t. I, partie I : « Troisième siècle, État des lettres dans les Gaules en ce siècle, » p. 323.
57 Spartien, Vie d’Hadrien, xvi : Mathesim sic scire sibi visus est, ut sero kalendis januariis scripserit quod ei toto anno posset evenire. – Vie d’Aelius Verus, ii : Fuisse enim Hadrianum peritum matheseos Marius Maximus usque adeo dernonstrat ut eum dicat cuncta de se scisse, sic, ut omnium dierum usque ad horam mortis futuros actes ante perscripserit.
58 Jules Capitolin, Vie de Marc Aurèle, xix : Quod cum ad Chaldaeos Marcus retulisset.
59 Spartien, Vie de Septime Sévère, iii : Ipse quoque matheseos peritissirnus.
60 Pour cet édit, voir Bouché-Leclercq, L’Astrologie grecque, p. 566.
A en croire les Bénédictins, c’est de Marseille, où l’astrologie était en honneur au Ier siècle de l’ère chrétienne, qu’eu aurait pu se répandre facilement dans le reste de la Gaule : « Les Marseillais égalaient les Athéniens par la profession de toutes les sciences (Strabon, I. IV, p. 123-127). On y cultivait particulièrement l’astrologie, la médecine, la philosophie, la jurisprudence, les belles-lettres61. » Strabon, dont l’autorité est invoquée par les Bénédictins, ne parle pas d’astrologie. Il dit simplement62 que, depuis les guerres entre César et Pompée, partisans de Pompée et compromis dans sa défaite, les Marseillais renoncèrent à leurs habitudes guerrières pour se tourner vers la vie scientifique, vers l’éloquence et la philosophie ils eurent des sophistes et des médecins : il n’est pas question qu’ils aient eu des astrologues.
Mais Marseille est une de ces villes maritimes qui, comme le dit Cicéron63, reçoivent les mœurs en même temps que les marchandises étrangères : les navires qui entraient dans le port en communication directe et fréquente avec l’Orient amenaient apparemment les disciplines religieuses en même temps que les denrées de l’Égypte et de la Chaldée. L’astrologie a pu être un article d’importation orientale ; rien ne le prouve, tout permet de le supposer.
Dans la deuxième partie du siècle, nous connaissons un médecin originaire de Marseille, Crinas, qui applique l’astrologie à la médecine : « Pour agir avec plus de précaution et moins de risque dans ses remèdes, il avait joint l’étude des mathématiques et de l’astrologie à la connaissance de la médecine. C’est pourquoi Pline semble le faire auteur d’une secte que l’on pourrait qualifier la secte des iatromathématiciens. Il se réglait sur le cours des astres dans tout ce qu’il ordonnait à ses malades, jusqu’au boire et au manger… Il y avait peu de temps que Crinas n’était plus au monde lorsque Pline écrivait son histoire, sous le règne de Vespasien, vers l’an 74. C’est ce qu’il est aisé de juger par la manière dont cet historien parle de lui64. »
Crinas exerçait à Rome, comme son confrère marseillais Charmis, qui, au dire de Pline, repente civitatem ex eadem Massilia invasit. Mais il avait peut-être appris l’astrologie dans sa ville natale, à laquelle il resta fort attaché, puisque l’Histoire Naturelle rapporte qu’il consacra une bonne partie de la fortune acquise dans l’exercice de la médecine astrologique à rebâtir les murs d’enceinte de Marseille.
D’autre part, en même temps que l’astrologie orientale pouvait, de Marseille, se répandre dans toute la Gaule, les astrologues, chassés de Rome par Domitien, allaient, à la fin du Ier siècle, chercher un refuge dans les diverses provinces de l’Empire, dans la Gaule en particulier. « Vers l’an 94, l’empereur Domitien publia un édit contre tous les philosophes, qui étaient alors en grand nombre à Rome, d’où, se voyant expulsés, ils se dispersèrent en divers pays éloignés. Quelques-uns se retirèrent dans les extrémités les plus occidentales des Gaules et y communiquèrent les connaissances qu’ils avaient acquises65. » On sait que parmi les exilés se trouvaient les astrologues auxquels Domitien « fit l’honneur de les chasser de Rome en même temps ou au même titre que les philosophes66 », et qui purent, comme les philosophes, aller, eux aussi, dans les extrémités les plus occidentales des Gaules, communiquer les connaissances spéciales qu’ils avaient acquises.
Le philosophe Favorinus, « l’un des plus savants hommes de son temps67, » qui naquit à Arles en 80 et qui devint « l’ergoteur le plus subtil de l’époque, qui exerçait volontiers sa verve mordante sur les dogmes astrologiques68, » trouva peut-être dans sa ville natale, avant d’aller à Rome, les premiers représentants de la science contre laquelle il devait diriger ses interminables polémiques.
Au iiie siècle, l’empereur Alexandre Sévère, « un adepte de l’astrologie69, » très versé lui-même dans cette science, la fit enseigner officiellement à Rome par des professeurs compétents70.
Enseignée publiquement à Rome sous le règne d’Alexandre Sévère (222-235), l’astrologie a désormais une certaine place dans l’éloquence officielle. Les rhéteurs gaulois y font tout au moins des allusions discrètes dans les Panégyriques prononcés en Gaule à la fin du iiie et pendant le ive siècle.
Le Gaulois, inconnu pour nous, qui prononça à la résidence impériale de Trèves, en 291 ou 292, le