L'Eunuque - Jean de La Fontaine - E-Book

L'Eunuque E-Book

Jean de La Fontaine

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Beschreibung

Extrait : "PARMENON. Hé bien ! On vous a dit qu'elle était empêchée : Est-ce là le sujet dont votre âme est touchée ? Peu de chose en amour alarme nos esprits. Mais il n'est pas besoin d'excuser ce mépris ; Vous n'écoutez que trop un discours qui vous flatte."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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EAN : 9782335095548

©Ligaran 2015

Avertissement au lecteur

Ce n’est ici qu’une médiocre copie d’un excellent original. Peu de personnes ignorent de combien d’agréments est rempli l’Eunuque latin. Le sujet en est simple, comme le prescrivent nos maîtres ; il n’est point embarrassé d’incidents confus ; il n’est point chargé d’ornements inutiles et détachés ; tous les ressorts y remuent la machine, et tous les moyens y acheminent à la fin. Quant au nœud, c’est un des plus beaux et des moins communs de l’antiquité. Cependant il se fait avec une facilité merveilleuse, et n’a pas une seule de ces contraintes que nous voyons ailleurs. La bienséance et la médiocrité, que Plaute ignorait, s’y rencontrent partout. Le parasite n’y est point goulu par-delà la vraisemblance ; le soldat n’y est point fanfaron jusqu’à la folie ; les expressions y sont pures, les pensées délicates ; et pour comble de louange, la nature y instruit tous les personnages, et ne manque jamais de leur suggérer ce qu’ils ont à faire et à dire. Je n’aurais jamais fait d’examiner toutes les beautés de l’Eunuque : les moins clairvoyants s’en sont aperçus aussi bien que moi ; chacun sait que l’ancienne Rome faisait souvent ses délices de cet ouvrage, qu’il recevait les applaudissements des honnêtes gens et du peuple, et qu’il passait alors pour une des plus belles productions de cette Vénus africaine dont tous les gens d’esprit sont amoureux. Aussi Térence s’est-il servi des modèles les plus parfaits que la Grèce ait jamais formés : il avoue être redevable à Ménandre de son sujet, et des caractères du Parasite et du Fanfaron. Je ne le dis point pour rendre cette comédie plus recommandable ; au contraire, je n’oserais nommer deux si grands personnages sans crainte de passer pour profane et pour téméraire d’avoir osé travailler après eux, et manier indiscrètement ce qui a passé par leurs mains. À la vérité, c’est une faute que j’ai commencée ; mais quelques-uns de mes amis me l’ont fait achever : sans eux elle aurait été secrète, et le public n’en aurait rien su. Je ne prétends pas non plus empêcher la censure de mon ouvrage, ni que ces noms illustres de Térence et de Ménandre lui tiennent lieu d’un assez puissant bouclier contre toutes sortes d’atteintes ; nous vivons dans un siècle et dans un pays où l’autorité n’est point respectée : d’ailleurs l’État des belles-lettres est entièrement populaire ; chacun y a droit de suffrage, et le moindre particulier n’y reconnaît pas de plus souverain juge que soi. Je n’ai donc fait cet avertissement que par une espèce de reconnaissance. Térence m’a fourni le sujet, les principaux ornements, et les plus beaux traits de cette comédie. Pour les vers et pour la conduite, on y trouverait beaucoup plus de défauts, sans les corrections de quelques personnes dont le mérite est universellement honoré. Je tairai leurs noms par respect, bien que ce soit avec quelque sorte de répugnance ; au moins m’est-il permis de déclarer que je leur dois la meilleure et la plus saine partie de ce que je ne dois pas à Térence. Quant au reste, peut-être le lecteur en jugera-t-il favorablement : quoi qu’il en soit, j’espérerai toujours davantage de sa bonté que de celle de mes ouvrages.

Notice

L’Eunuque, comédie en vers imitée de Térence, parut en 1654, à Paris : petit in-4° de 4 feuillets liminaires non paginés, 149 pages numérotées, et 3 pages non chiffrées, dont voici le titre :

L’EUNUQUE

COMÉDIE

À PARIS,

Chez AUGUSTIN COURBÉ, au Palais, en la Galerie des Merciers, à la Palme.

 

M. DC. LIV.

AVEC PRIVILÈGE DU ROY.

 

L’Achevé d’imprimer est du 17 août 1654, le Privilège du 13 août de la même année.

Il ne semble pas que cette pièce, la première œuvre imprimée de la Fontaine, ait jamais été représentée, bien que les frères Parfaict aient écrit (Histoire du Théâtre français, Paris, 1746, in-12, tome VIII, p. 64) : « Il se peut que la comédie de l’Eunuque ait ressenti cette disgrâce (les sifflets du parterre) ; mais celles qu’il donna dans la suite eurent une réussite assez marquée », bien que le duc de la Vallière (Bibliothèque du Théâtre français, Paris, 1768, in-8°, tome III, p. 42), Mouhy, et plusieurs autres, disent qu’elle fut « jouée » en 1654. L’Avertissement de notre poète, loin de confirmer cette assertion, qui n’est sans doute qu’un lapsus inconsidérément reproduit, paraît indiquer qu’elle est fausse, et nous avons de bonnes raisons de croire que l’Eunuque traduit par la Fontaine n’a jamais osé se risquer au feu de la rampe.

L’original et sa version étaient en effet contraires à la délicatesse croissante de nos mœurs, ou, pour être plus exact, aux habitudes, aux bienséances d’un théâtre qui se purifiait de jour en jour : un jeune homme, Chærea, introduit en qualité d’eunuque dans la maison d’une courtisane, prouve un moment après qu’il ne l’est pas en y violant une jeune fille. Ce qui est plus inconvenant peut-être, c’est l’étrange marché conclu dans la même pièce entre un amant, Phædria, esclave de sa folle passion, et la courtisane Thaïs : par complaisance pour elle, il consent à la céder pendant quarante-huit heures au capitaine Thraso, son rival. Bien mieux, un parasite, Gnatho, confident du capitaine, fait agréer à l’amant de Thaïs le plus bas des accommodements : il lui représente que le capitaine est riche, dépensier, ami de la bonne chère, et le détermine à partager définitivement sa maîtresse avec ce soldat fanfaron.

Quoiqu’il n’y ait point de viol chez la Fontaine, mais un simple baiser sur la main, que son imitation, pour l’ensemble, soit plutôt trop libre que servile, on pourrait s’étonner qu’il ait choisi ce sujet si l’on ne savait l’influence que ses amis ont toujours eue sur lui, si l’on ne devait supposer qu’en cette rencontre il obéit aveuglément, témérairement, aux suggestions de Pintrel ou de Maucroix, de tous les deux peut-être : voyez notre tome I, p. XXII, et, ci-dessous, l’Avertissement au lecteur, p. 9.

Baïf avait déjà traduit l’Eunuque de Térence : sa comédie, en cinq actes, en vers de quatre pieds, écrite en 1531, imprimée en 1567 (Paris, in-8°), ne fut jamais non plus représentée.

Citons, parmi d’autres imitations, adaptations, ou traductions plus ou moins littérales, celles de H. Duchesne, Paris, 1806, in-8°, de B. Bergeron, Gand, 1821, in-8°, de Michel Carré (Odéon, 19 avril 1845), de B. Kien, Dunkerque, 1858, in-12, du major Taunay, Paris, 1858, in-12, du marquis de Belloy, Paris, 1862, in-8° ; et même l’Eunuque ou la fidèle infidélité, parade en vaudevilles, mêlée de prose et de vers, par Ragot de Grandval, Paris, 1744, in-8°.

Rappelons enfin que Brueys et Palaprat avaient donné à la Comédie-Française, le 22 juin 1691, le Muet, autre adaptation de l’Eunuque, avec correction ou atténuation de ce qui eût pu choquer nos usages. Le Mercure de France du mois de mai 1730, p 981, en annonçant une des reprises de la comédie du Muet le 18 avril précédent, inséra quelques réflexions critiques de l’abbé Pellegrin sur cette pièce. L’abbé trouve que le personnage du Muet n’est pas « assez amené au sujet » ; il ajoute que la fin du troisième acte « termine l’action de la pièce, ce qui rend les deux suivants presque superflus » ; et que « le dénouement est trop à la façon de Térence ». « Cependant, continue-t-il, à ces petits inconvénients près, la pièce ne dément pas la réputation que ses deux auteurs se sont acquise. » Voyez aussi le Discours sur le Muet de Palaprat (tome II des Œuvres de Brueys et Palaprat, Paris, 1755, in-12, p 104-110), et Geoffroy, Cours de littérature dramatique, ou recueil, par ordre de matières, de ses feuilletons (Paris, 1825, in-8°, tome II, p 273-276), feuilleton sur le Muet, du 12 août 1806.

Personnages

CHERÉE : amant de Pamphile.

PARMENON : esclave et confident de Phædrie.

PAMPHILE : maîtresse de Cherée.

PHÆDRIE : amant de Thaïs.

THAIS : maîtresse de Phædrie.

THRASON : capitan, et rival de Phædrie.

GNATON : parasite, et confident de Thrason.

DAMIS : père de Phædrie et de Cherée.

CHREMÈS : frère de Pamphile.

PYTHIE : femme de chambre de Thaïs.

DORIE : servante de Thaïs.

DORUS : eunuque.

SIMALION, DONAX, SYRISCE, SANGA, soldats de Thrason.

Acte premier
Scène première

Phædrie, Parmenon.

PARMENON
Eh bien ! on vous a dit qu’elle était empêchée :
Est-ce là le sujet dont votre âme est touchée ?
Peu de chose en amour alarme nos esprits.
Mais il n’est pas besoin d’excuser ce mépris ;
Vous n’écoutez que trop un discours qui vous flatte.
PHÆDRIE
Quoi ! je pourrais encor brûler pour cette ingrate
Qui, pour prix de mes vœux, pour fruit de mes travaux,
Me ferme son logis, et l’ouvre à mes rivaux !
Non, non, j’ai trop de cœur pour souffrir cette injure ;
Que Thaïs à son tour me presse et me conjure,
Se serve des appas d’un œil toujours vainqueur,
M’ouvre non seulement son logis, mais son cœur,
J’aimerais mieux mourir qu’y rentrer de ma vie.
D’assez d’autres beautés Athènes est remplie :
De ce pas à Thaïs va le faire savoir,
Et lui dis de ma part…
PARMENON
Adieu, jusqu’au revoir.
PHÆDRIE
Non, non, dis-lui plutôt adieu pour cent années.
PARMENON
Peut-être pour cent ans prenez-vous cent journées ;
Peut-être pour cent jours prenez-vous cent moments :
Car c’est souvent ainsi que comptent les amants.
PHÆDRIE
Je saurai désormais compter d’une autre sorte.
PARMENON
Pour s’éteindre si tôt votre flamme est trop forte.
PHÆDRIE
Un si juste dépit peut l’éteindre en un jour.
PARMENON
Plus ce dépit est grand, plus il marque d’amour.
Croyez-moi, j’ai de l’âge et quelque expérience :
Vous l’irez tantôt voir, rempli d’impatience ;
L’amour l’emportera sur cet affront reçu ;
Et ce puissant dépit, que vous avez conçu,
S’effacera d’abord par la moindre des larmes
Que d’un œil quasi sec, mais d’un œil plein de charmes,
En pressant sa paupière, elle fera sortir,
Savante en l’art des pleurs, comme en l’art de mentir.
Et n’accusez que vous si Thaïs en abuse,
Qui, dès le premier mot de pardon et d’excuse,
Lui direz bonnement l’état de votre cœur ;
Que bientôt du dépit l’amour s’est fait vainqueur ;
Que vous en seriez mort s’il avait fallu feindre.
« Quoi ! deux jours sans vous voir ? Ah ! c’est trop se contraindre.
Je n’en puis plus, Thaïs : vous êtes mon désir,
Mon seul objet, mon tout ; loin de vous, quel plaisir ? »
Cela dit, c’en est fait, votre perte est certaine.
Cette femme aussitôt, fine, adroite et hautaine,
Saura mettre à profit votre peu de vertu,
Et triompher de vous, vous voyant abattu.
Vous n’en pourrez tirer que des promesses vaines,
Point de soulagement ni de fin dans vos peines,
Rien que discours trompeurs, rien que feux inconstants,
C’est pourquoi songez-y tandis qu’il en est temps  :
Car, étant rembarqué, prétendre qu’elle agisse
Plus selon la raison que selon son caprice,
C’est fort mal reconnaître et son sexe et l’amour ;
Ce ne sont que procès, que querelles d’un jour,
Que trêves d’un moment, ou quelque paix fourrée,
Injure aussitôt faite, aussitôt réparée,
Soupçons sans fondement, enfin rien d’assuré.
Il vaut mieux n’aimer plus, tout bien considéré.
PHÆDRIE
L’amour a ses plaisirs aussi bien que ses peines.
PARMENON