L’Orphelin Revert - Simon Lucas - kostenlos E-Book

L’Orphelin Revert E-Book

Simon Lucas

0,0

Beschreibung

Claude Revert est atteint de la maladie de Hirschsprung, une maladie rare invalidante qui le destinait à l’immobilité. Abandonné par sa mère à la naissance, il subit de lourdes opérations dès ses premiers jours de vie, puis est recueilli par les services sociaux. Maladie, rejet, handicap, marquent une enfance volée. De cette souffrance, Claude Revert puisera une détermination sans faille à aller de l’avant, devenant notamment marathonien puis porte-drapeau du Comité Régional Olympique et Sportif d'île-de-France.
Après Coup droit pour un Revert, son premier livre publié en 2011, il partage ici ses mémoires, sous la plume de Simon Lucas, afin de sensibiliser le public aux maladies rares et au handicap invisible et dénoncer les biais d’une société aux normes inadaptées. Mais, aussi, pour transmettre son parcours et l’espoir d’un meilleur toujours possible. 


À PROPOS DE L'AUTEUR


Simon Lucas a une formation d’art thérapeute et se passionne pour le métier de comédien. Pratiquant la méditation depuis ses 15 ans, il a vécu deux ans et demi dans un monastère bouddhiste : Le Village des Pruniers.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 94

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Exergue

« Avoir une place » est une idée qui m’obsède depuis toujours. Il ne s’agit pas forcément d’avoir une famille ou des amis, mais d’être reconnu dans ma souffrance et dans ma force, d’être vu dans mon courage et mes épreuves. Non pas comme un malheureux qui inspirerait la pitié, mais comme un être humain qui a choisi la vie, malgré les épreuves. Tout au long de la mienne, j’ai eu le sentiment d’être invisible, que l’on n’avait pas conscience de ce que je traversais. Aujourd’hui, à cinquante et un ans, je souhaite témoigner de ce que j’ai vécu. Mon but est de montrer mon combat, être fier, pour que les gens puissent en saisir la mesure.

Le « petit Claude » dont tout le monde se moquait, souvent tourné en ridicule, inutile, bizarre, débile, incompris, souhaite être vu dans sa souffrance et dans son immense effort pour rejoindre l’humanité. C’est ce qui me motive : l’espoir d’aimer et être aimé, d’être vu dans tout ce qu’on a vécu par et pour les autres. Elle est là ma place aujourd’hui.

Claude Revert

Préface de Jean-Marie Bockel

Prologue

Le Positionnement

Le Départ

L’Accélération

La Vitesse maximale

La Décélération

La Chute

La Relève

La Ligne d’arrivée

Le Podium

Postface

Remerciements

Annexes  

Préface

C’est à Solidarité Défense, association vouée au soutien des militaires blessés en opération et des familles endeuillées, que j’ai rencontré Claude. Je le connaissais comme un bénévole, empressé à servir ses camarades déployés en opération, prêt aux tâches les plus humbles. Je ne soupçonnais pas ce que cet engagement dissimulait d’une vie si chaotique, si douloureuse, mais si chèrement retenue.

Cette vie, c’est ce livre.

Ce livre est l’histoire d’un combat. Un combat pour vivre, d’abord, au sens premier du terme, puisque Claude fait face, depuis sa naissance, à la maladie. Un combat pour être reconnu, ensuite, car Claude, orphelin, a connu plusieurs foyers, plusieurs abandons aussi. Un combat pour se trouver enfin, par l’effort physique, la course de fond qu’il pratique avec assiduité malgré son handicap, et par l’engagement associatif, puisque c’est en se perdant parmi les autres qu’on se révèle à soi-même.

Ce livre est une leçon. Ce que Claude nous livre de sa vie, c’est un extraordinaire exemple de ténacité et d’espérance. C’est à une longue course qu’il nous convie, avec, chevillée au coeur et au corps, la volonté de surmonter les épreuves. Nous finirons, avec lui, ce marathon, admiratifs de sa combativité et reconnaissants d’un témoignage si fort qu’il nous réconcilie avec notre humanité.

Rencontrer Claude dans son livre, c’est une invitation à retrouver cette antique curiosité, tellement humaine, des héros de l’Odyssée : « D’où es-tu ? Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Où vas-tu ? »

Jean-Marie Bockel

Ancien Ministre

Président de Solidarité Défense

Prologue

Je suis Simon Lucas, j’ai travaillé comme prête-plume pour Claude Revert. Nous nous sommes rencontrés à l’Association pour l’Amitié. Il s’agit d’une association qui propose des colocations à des gens ayant connu une précarité extrême, tels que Claude, et qui partagent leur quotidien avec de jeunes actifs bénévoles, dont je fais partie.

Par hasard ou par synchronicité, lorsque j’ai rencontré Claude, j’étais en train de rédiger mon autobiographie, mon deuxième livre. Claude m’a abordé en me disant qu’il souhaitait écrire un livre sur son parcours hors du commun, mais il n’en n’avait pas les compétences. Dès lors, nous discutons un peu et je lui montre un livre que j’ai écrit La Prière naturelle. Lui, me parle du premier livre qu’il a fait écrire. De ce surprenant échange, où nous semblons en miroir l’un et l’autre, découle une proposition : Claude me demande si je serais intéressé pour être sa plume pour écrire ses mémoires, le témoignage de sa vie, le livre que vous tenez dans les mains.

J’ai accepté l’aventure, s’en est suivi un travail de près d’un an où nous nous sommes rencontrés sur un rythme hebdomadaire. Je filmais les entretiens, recueillais ses propos, pour, ensuite, les mettre à l’écrit.

Tout au long de ces pages, j’emploie volontairement le pronom « je » car j’ai voulu me positionner au plus proche de Claude, essayer de comprendre son histoire, son point de vue. Claude a, bien entendu, validé chaque phrase de ce livre.

Par la suite, en démarchant diverses associations, Claude a rencontré la Fondation Ipsen qui a proposé d’éditer cet ouvrage afin que son témoignage puisse inspirer et faire écho aux personnes en situation de handicap, de précarité physique ou sociale. De fil en aiguille, l’ouvrage que vous tenez entre les mains a vu le jour.

Claude est un marathonien de la vie. Par-delà les épreuves, il s’accroche et parvient à créer du sens et du lien. Ce livre en est le témoignage vibrant.

J’ai beaucoup appris dans cette aventure humaine et j’ai de la joie, de la gratitude et de la fierté, d’avoir été, un instant, la plume de Claude.

Bonne lecture.

Simon Lucas

Le Positionnement

Je suis Claude Revert et, d’après la médecine, je n’aurais pas dû survivre. Abandonné par ma mère puis par mon père, condamné par une maladie incurable, ma vie est une suite de pieds de nez à la fatalité. J’étais un enfant triste et en retard de croissance sur tous les plans.

Mon histoire débute de façon tragique voire misérable. En effet, jusqu’à mes six ans, je ne pouvais ni marcher ni parler ; je faisais mes besoins au travers d’un trou percé dans mon ventre. J’ai, ainsi, connu la vie d’une larve, incapable de me mouvoir ou de communiquer. Je n’ai presque aucun souvenir de cette période… celle de la vie d’enfant de la DASS en pouponnière.

En regardant mon passé, je réalise que, tout au long de ma vie, j’ai cherché la famille que je n’ai jamais eue. J’ai désespérément cherché ce sentiment d’appartenance, cet enracinement qui forme l’identité d’un être humain. C’est pour cela que la colère et le désespoir ont jalonné mon entrée dans ce monde. Mais un jour, contre toute attente, j’ai fait une rencontre qui a tout changé.

En effet, une femme âgée, aux yeux pétillants, a décidé que la larve évoluerait, qu’elle se développerait et se tiendrait debout. À six ans, j’allais, enfin, recevoir de l’amour et devenir un être humain. Parce qu’on n’est pas un homme quand on est cloué au sol, sans parole, sans mémoire, sans autonomie, incapable de faire ses besoins sans aide.

C’est l’amour et la rage de cette femme qui m’ont relevé. Son acharnement est devenu le mien : j’ai défié la science ! Les médecins disaient que je ne pourrais pas parler… je raconte. Les médecins disaient que je ne pourrais jamais marcher… je cours. Les médecins disaient que je ne survivrais pas… je vis… au rythme des marathons !

Certes, j’ai toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, la maladie peut frapper à tout moment et m’envoyer aux urgences, mais, j’ai décidé que j’aurais une place dans ce monde. On ne me l’a pas donnée, je l’ai choisie, je l’ai conquise. Je crois que ce livre est une façon de donner un sens à ce combat pour la vie, que je mène depuis ma naissance, d’offrir ma rage et ma résolution à me dépasser.

J’ai cinquante et un ans, je suis Claude Revert, orphelin de la DASS, malade incurable, ancien casque bleu, gueule cassée, marathonien. J’ai connu la rue, l’hôpital psychiatrique, mais je suis toujours debout. J’ai une immense envie de vivre, et c’est ce que je veux partager avec vous, cher lecteur, chère lectrice, à travers ce livre. Cette rage de vivre, qui ne m’a jamais quitté, est la source de mon identité.

Je ne baisse jamais les bras.

Le Départ

De mon enfance, je n’ai presque aucune trace. Je n’ai ni photos, ni faire-part, ni cartes postales, ni cadeaux de proches. En guise de souvenirs, je n’ai qu’un amoncellement de lettres administratives, de notes, de rapports médicaux et de la DASS.

Fils de Jacqueline et de Roger, je suis né le 22 août 1971. Mais, à ma naissance, je suffoquais. Les médecins ont noté l’absence de gaz et une tête anormalement grosse. Ma mère a immédiatement détourné les yeux de ce corps fragile sorti d’elle. J’arrivais dans un monde de déserteurs, sans être désiré ni bien accueilli. Mes petits bras s’agitaient dans l’air, en vain, cherchant un cœur contre lequel se blottir. Je venais tout juste de naître et, déjà, ma chair me torturait.

Certes, mes parents m’ont reconnu et, pendant huit mois, j’ai vécu avec eux. Puis, ils se sont séparés, et m’ont confié à un orphelinat. Ma mère a disparu sans laisser de traces.

Pourquoi es-tu partie, Maman ? Comment ne pas se poser la question, comment ne pas y penser ? L’instinct maternel n’est-il pas censé être l’un des plus puissants leviers de l’âme humaine ? Il y a des mères qui meurent pour leurs enfants. Pourquoi m’as-tu laissé, Maman ?

Pendant neuf mois, nous ne faisions qu’un. Elle était mon refuge, mon être. Je ne comprendrai jamais pourquoi elle m’a laissé. Pourquoi est-elle partie ? Était-ce à cause de ma maladie ?

D’elle, je n’ai gardé aucun souvenir, ni voix, ni odeur, ni visage. Tout est noir, il n’y a rien. Je suis sans mère, seul, avec cet immense sentiment d’absence.

Les médecins m’ont diagnostiqué la maladie de Hirschsprung. Une maladie rare, incurable et mortelle. Je n’avais pas d’anus, ni de contrôle sphinctérien et mes intestins refusaient de fonctionner. Les excréments s’entassaient en moi, mon corps n’assimilant rien et n’évacuant pas, non plus, les déchets. J’allais mourir si on ne m’opérait pas.

LA MALADIE DE HIRSCHSPRUNG

La maladie de Hirschsprung est aussi appelée « mégacôlon congénital ». C’est une maladie génétique rare, caractérisée par une déformation du gros intestin qui provoque une absence de certaines cellules ganglionnaires et qui cause de graves perturbations de la dilatation du sphincter, notamment une absence de réflexe recto-anal inhibiteur. C’est-à-dire que l’intestin ne sait plus envoyer au cerveau l’information relative à la présence, ou non, de selles à expulser. Cela provoque des constipations et des occlusions. Ces dernières entraînent une dangereuse surpopulation bactérienne et microbienne dans l’intestin. La maladie de Hirschsprung provoque aussi des vomissements bilieux et des distancions de l’abdomen. Elle peut également, à l’inverse, provoquer des diarrhées soudaines.

Les médecins de l’hôpital Édouard Herriot de Lyon risquèrent l’impossible ; je n’avais que neuf jours. Ils durent effectuer sur moi une opération lourde et risquée, appelée « opération de Duhamel ». Ils ont découpé mon abdomen afin de creuser un anus artificiel dans le bas de mon ventre, pour que je ne meure pas d’occlusion intestinale. Ils crurent que j’allais mourir, si bien que, le 9 septembre 1971, on convoqua un prêtre pour me baptiser, anticipant mon décès à venir.

Mais, contre toute attente, je ne suis pas mort. L’opération, hasardeuse et temporaire, fonctionna.

Du fait de la rareté et de la complexité de la maladie, les médecins, à l’époque, étaient démunis. Tous les ans ou tous les deux ans, on devait me réopérer car l’opération initiale n’était pas pérenne. À chaque fois, c’était une lourde chirurgie, sous anesthésie générale, avec un risque vital engagé.Néanmoins, il s’agissait d’interventions indispensables sans lesquelles je risquais de mourir d’occlusion ou de déshydratation. Mon système intestinal fonctionnait tel un tube ON/ OFF. Soit tout était fermé, et je risquais l’occlusion et la mort en raison de