Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Après une enfance marquée par la violence, l’auteure n’aurait jamais imaginé que la vie lui infligerait une perte aussi dévastatrice : celle de son fils unique et de tous ses petits-enfants dans l’incendie tragique du 12 novembre 2012 à Han-sur-Lesse, un drame qui a bouleversé la Belgique entière. Comment se reconstruire après un tel cataclysme ? Comment affronter les fêtes, les anniversaires, chaque journée sans eux ? "Là-bas brillent cinq étoiles" est un récit bouleversant, une plongée dans le chagrin et la résilience, où chaque page témoigne du courage de se relever après l’impensable.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Rien ne prédisposait
Jacqueline Ypersier à l’écriture, mais la perte de ses proches l’a poussée à utiliser ce drame comme un moyen de se reconstruire. À travers cette œuvre, elle partage les réponses qu’elle a trouvées aux questions sur la mort et l’au-delà. Pour elle, cet ouvrage représente une victoire sur les mots et sur ses maux.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 59
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jacqueline Ypersier
Là-bas brillent cinq étoiles
© Lys Bleu Éditions – Jacqueline Ypersier
ISBN : 979-10-422-5751-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Vivre est un privilège. Ce n’est pas un dû. Alors on doit avoir la politesse, l’élégance, de profiter du fait d’être vivant, pour que cette vie soit belle. La conscience de notre privilège doit engendrer un comportement. Une seule question chaque matin : « Comment faire en sorte que cette journée qui débute soit belle ? ».
Olivier de Kersauson
En français, comme dans la plupart des langues, il n’existe aucun mot pour désigner celle ou celui qui perd un enfant… C’est comme si en évitant de la nommer, la langue croyait en écarter l’expérience, comme si par superstition, on s’assurait de ne pas en parler pour ne pas risquer de la provoquer. En hébreu, en revanche, ce mot existe. Un parent qui perd un enfant est appelé Shakoul, un terme presque impossible à traduire. Il est emprunté au registre végétal et signifie la branche de la vigne dont on a vendangé le fruit. Un parent endeuillé est raconté en hébreu par une image, celle d’une branche amputée de ses grains, ou d’une grappe dont on a arraché le fruit. La sève coule en elle, mais n’a plus où aller, et le bourgeon s’assèche, car un bout de sa vie l’a quitté.
Delphine Horvilleur,
Vivre avec nos morts, Éditions Grasset.
Douze novembre 2012
Il est cinq heures. Le réveil sonne. Non, ce n’est pas le réveil. C’est la sonnette de la porte. Cinq heures. Quand une sonnette retentit à cette heure de la nuit, c’est rarement pour annoncer une bonne nouvelle. Cinq heures. À cette heure de la nuit, l’esprit est encore endormi. Mais le mien se dresse, en alerte. Je sais pourquoi on sonne !
Je me précipite jusqu’à la porte d’entrée. Je pense à Olivier. Je suis sûre qu’il lui est arrivé quelque chose. Cela fait quelque temps que je me prépare à cette éventualité. Un matin, en faisant mon lit, comme ça, sans crier gare, cette idée horrible est arrivée et s’est installée. J’ai bien essayé de l’enfouir au plus profond de moi. D’ailleurs, la dernière fois que j’ai vu Olivier, je savais que c’était la dernière fois. Je l’ai embrassé très fort. Pourquoi ? Je ne sais pas. Parce que je suis une maman. Et une maman sent ces choses-là. Une maman sait quand son fils est en danger.
Cinq heures. J’ouvre la porte. Se dressent devant moi un policier et une policière. Cette fois, c’est mon cœur qui prend le relais. Le cerveau ne dit plus rien. Mon cœur de maman bat très fort. Trop fort. Il sent déjà le vide avant que les mots fatidiques ne soient prononcés.
Le policier me propose de réveiller Marc, mon mari.
« Marc, lève-toi. Il se passe quelque chose de grave ».
Tels deux zombies, nous revenons dans le living. La policière nous invite à nous asseoir. Je la connais. C’est la fille d’une amie de ma sœur. Il me semble que son cœur bat fort. Sa respiration est quasi à l’arrêt. Ils sont venus à deux. Deux, pour nous soutenir ou alors pour se soutenir l’un l’autre, sans doute. C’est que l’annonce doit être innommable. Je suis prête. Enfin, comme une maman peut être prête à l’annonce de la mort de son propre enfant. Alors, le policier raconte.
J’arrête de penser. J’entends les mots incendie, mort, votre fils et j’entends aussi… vos petits-enfants. Mort, fils, petits-enfants, incendie. Mort, enfants… Un grand tourbillon s’ouvre devant moi. Je fonds en larmes et me jette dans les bras de Marc. En une nuit, je suis devenue shakoula et grande-shakoula.
Je suis sous le choc. Paralysée. Devant moi se dresse un énorme trou noir. Je n’ai qu’une envie, m’y engouffrer et puis mourir. Mais il y a déjà tant de morts. Dans le même temps, la vie continue son cours à l’extérieur de nous. Tout s’active à un rythme indécemment rapide, même en pleine nuit. Les médias sont déjà là, sur le qui-vive. Quelle drôle d’expression, le qui-vive, quand il s’agit de la mort. Sous le conseil des policiers, nous prévenons rapidement la famille avant qu’elle ne découvre ce séisme par les canaux télévisés. Mais le torrent de larmes est si important, que mes paroles sont inaudibles et incompréhensibles pour quelques oreilles que ce soit. C’est Marc qui prévient la famille.
Cet incendie, en une nuit, m’a arraché mon fils unique et mes quatre petits-enfants. Seule, ma belle-fille a survécu. Elle est vivante ou plutôt survivante tant la douleur est profonde et semble définitivement inextricable. Je n’ai plus rien si ce n’est l’amour que je peux encore lui donner à elle qui reste le seul lien qui peut encore me rattacher à mon fils et mes petits-enfants. Elle est à l’hôpital de Liège. Nous partons alors l’y retrouver. Inutile de nous rendre à Han. Tout est brûlé. Il ne reste plus rien. Que les spots et les caméras et sans doute quelques badauds et autres curieux.
Sur le trajet tourne en boucle dans ma tête une seule pensée : Olivier et les enfants sont morts et je ne les reverrai plus… Tous mes souvenirs défilent devant mes yeux. Tous mes souvenirs d’un amour beaucoup trop court dans la durée.
Il n’y a plus beaucoup de vie dans les yeux de ma belle-fille. Est-ce la douleur de la perte de ses enfants et son mari ? Ou l’effet de camisole chimique provoqué par les médicaments administrés à forte dose ? Ou la combinaison des deux ? Nous essayons de la consoler, sa maman et moi. Mais rien ne peut la consoler. C’est trop. Beaucoup trop. Il n’y a pas de mots assez forts pour exprimer à la fois cette tristesse, ce manque, cette douleur, ce désespoir qui la traversent. Elle continue à appeler ses petits et son mari dans ce cri qui vient de si loin, malgré les doses importantes de calmants. Ce cri d’animal blessé au plus profond de l’instinct maternel, je le comprends, je le connais, je le vis. Elle pleure en dormant. Moi aussi.
Je sanglote jours et nuits. Je ne savais pas que mes yeux abritaient autant d’eau. Je sanglote jusqu’à épuisement de ce puits lacrymal. Pleurer à en avoir mal.