La branche cassée - Florence de Neuville - E-Book

La branche cassée E-Book

Florence de Neuville

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Beschreibung

Manon, Léa et Lucie : trois amies inséparables, trois caractères bien différents. Entre disputes, éclats de rire et petits secrets, elles partagent tout… ou presque.

Cette année, l’arrivée d’une nouvelle élève bouleverse leur petit monde, tout comme les sentiments de Léa pour le grand frère de Manon. Au fil des mois, leur amitié est mise à l’épreuve par les défis du quotidien : premières soirées, harcèlement scolaire, problèmes de poids, histoires et chagrins d’amour qui semblent insurmontables…

Pourtant, chacune trouve sa force à sa manière. Et lorsque les questions existentielles deviennent trop lourdes à porter, Manon peut toujours compter sur son ancienne institutrice, une confidente précieuse, dont les conseils éclairent son chemin avec bienveillance.

Dans ce roman touchant et sincère, suivez les aventures d’un groupe d’amies attachant à travers les hauts et les bas d’une année au collège. Une ode à l’amitié, à la résilience et à l’apprentissage de soi, où chaque épreuve devient une occasion de grandir.




À PROPOS DE L'AUTRICE

Docteur en pharmacie, Florence de Neuville est mariée et mère de deux grands enfants.

Passionnée de développement personnel, elle cherche à vulgariser tout ce qu’elle a pu lire, apprendre et expérimenter afin que chacun puisse y

puiser des outils pour avancer et grandir plus facilement, à l’orée de cette nouvelle ère spirituelle.

Ses écrits s’adressent aussi bien aux enfants de 2 à 8 ans sous formes d’illustrés avec la série "Maître chat", qu’aux adolescents et pré-adolescents (romans) ainsi qu’aux adultes (romans initiatiques et poésies).











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Seitenzahl: 247

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Éditions Encre Rouge

®

CC Salvarelli – 20218 PONTE-LECCIA

Mail : [email protected]

ISBN : 978-2-38675-017-5

Dépôt légal Juin 2025

 

 

LA BRANCHE CASSÉE

 

 

Florence de Neuville

 

 

 

 

 

“ Vous voulez savoir qui vous êtes ?

Ne demandez pas. Agissez !

L’action vous délimitera et vous définira.”

Thomas Jefferson.

 

 

CHAPITRE 1

C’était la troisième rentrée pour Manon et la quatrième et dernière pour Enzo, son frère, dans ce collège de la banlieue niçoise.

Enzo n’était pas peu fier de faire partie des plus âgés du collège et alors que toutes les classes confondues se réunissaient en ce jeudi de véritable rentrée, il se réjouissait de retrouver ses potes qu’il n’avait que trop peu vus pendant les vacances scolaires.

Manon, quant à elle, retrouvait avec nonchalance ses deux meilleures amies Lucie et Léa.

⸺ Salut les filles, trop contente de vous retrouver ! lance la première, toujours de bonne humeur bien que trop impulsive.

⸺ Hé, salut ! Comment allez-vous ? On ne s’est pas vues depuis le mois de juillet.

Elles avaient en effet partagé quelques séances de plage puis étaient parties chacune de leur côté, n’échangeant que de très rares coups de téléphone mais un bon paquet de SMS.

⸺ Ouah, ton frère a passé tout l’été à bronzer ou quoi ? lui demande Léa toujours sous son charme.

Il faut dire qu’avec son teint hâlé et ses cheveux blondis par l’association du sel et du soleil, il avait l’allure d’un surfeur.

⸺ Ça lui va bien les cheveux un peu longs, ajoute son amoureuse transie.

⸺ Bon ça va, on ne va pas parler que de lui, non ?

⸺ Heu oui, bien entendu, ça va vous ?

⸺ La pêche, répond aussitôt Lucie.

⸺ Et toi, Manon ?

⸺ Bof, oui, pas trop envie de reprendre les cours.

⸺ Écoute on a une super prof de français cette année, un nouveau prof en SVT et Adrien en sport, alors on ne va pas se plaindre.

⸺ Et cette débile de Jourdan en histoire géo, sans compter ce nul de Monsieur Lefebvre en physique-chimie, ajoute Manon de mauvaise humeur.

⸺ Ben dit donc, ça ne va pas trop fort, en effet Manon. Tu vas bien, tu es sûre ?

⸺ Oui, oui, t’inquiète !

⸺ Bon, les filles ça sonne, il faut y aller. C’est quoi déjà la salle ?

⸺ 301, hurle Lucie dont la voix est couverte par la sonnerie.

⸺ Allez go !

Les trois copines prennent l'escalier du fond et montent jusqu’au troisième étage, saluant de ci -de -là les quelques camarades qu’elles connaissent.

Arrivées devant la porte de la classe, elles entrent rapidement afin de s'asseoir au milieu de la salle où elles sont sûres de pouvoir être toutes les trois ensemble.

Elles regardent à droite et à gauche pour vérifier s’il y a ou non de nouvelles têtes car elles ont pris l’option latin et italien en seconde langue, ce qui les a séparées de certains de leurs camarades de cinquième.

C’est alors qu’une grande femme brune bien en forme, entre dans la classe, un demi sourire aux lèvres lui donnant l’apparence d’une personne à la fois hautaine et sympathique.

⸺ Bonjour, je suis Madame Lacroix, votre professeur de français et latin. Nous allons passer une année ensemble et j’ai plein de projets pour vous.

⸺ C’est bien elle qui fait faire du théâtre et des exposés ?

⸺ Et même des courts- métrages, ajoute Lucie pour finir la phrase de Léa.

⸺ Cette année, et c’est nouveau, nous rédigerons une revue que nous ferons passer à tout le collège, tout en respectant le programme établi par l’éducation nationale, bien entendu.

⸺ Elle a un beau postérieur, commentent des garçons derrière les filles, ce qui a le don d ' horripiler Léa.

⸺ Oh, taisez-vous donc si c'est pour dire des bêtises ! se retourne Léa qui ne voit pas madame Lacroix se détourner du tableau, les deux mains sur les hanches.

⸺ Mademoiselle, j’aime beaucoup que les élèves participent mais uniquement quand je le leur demande, est-ce que c’est clair ?

Léa, d’habitude si timide et docile, prend cela pour un affront et devient rouge écarlate.

⸺ Lucie se met à glousser, ce qui l’irrite un peu plus.

Quant à Manon, elle n’a aucune réaction.

Lorsque le cours se termine, Lucie, toujours pleine d’enthousiasme, est échaudée par la réaction de ses amies. L’une est taciturne et l'autre, vexée, fait la tête.

Elle se dit alors qu'il serait peut-être temps pour elle de se chercher de nouveaux amis.

Alors qu’elles vont dans la classe suivante qui se trouve au premier étage, elle s'attarde sur les nouveaux visages qui partagent les cours avec elle.

Certains sont connus pour avoir été croisés dans les couloirs les années précédentes et d’autres semblent parfaitement nouveaux.

Notamment une fille, jolie mais qui paraît plus âgée que la moyenne et qui s’est assise à côté de la grande brune que personne ne veut fréquenter dans la classe. Très intelligente mais un peu spéciale.

⸺ Je te dis que c’est une autiste, insiste Lucie.

⸺ Mais non, elle est spéciale, c’est tout. Ce n’est pas parce que les gens sont différents de toi et moi qu’ils sont forcément autistes, répond une Léa excédée par l’intolérance de son amie Lucie.

⸺ Tu ne dis rien, Manon ? Pas d’impression ?

⸺ Je ne juge pas tant que je ne connais pas.

⸺ Ah oui, ça c’est un précepte de ta demoiselle, comment s’appelle-t-elle déjà ? Ah oui Hugues.

⸺ Alors, non. D’abord ce n’est pas ma demoiselle mais ce n’est pas Hugues, comme le prénom mais plutôt Hugh, comme un baiser en anglais.

⸺ Bien, si tu veux. Mais comment va-t-elle, au fait ?

⸺ Je n’en sais strictement rien.

⸺ Ah bon ? Tu n’es plus en contact avec elle ? demandent en synergie Lucie et Léa.

⸺ Non, je n’ai plus de nouvelles depuis au moins six mois.

⸺ Mais vous étiez très proches, non ?

⸺ Et tu adorais ses conseils et sa façon de voir la vie, il me semble ?

⸺ Oui, eh bien, il faut croire que les choses ont changé, ajoute Manon pour clore la conversation.

Léa et Lucie se regardent en se disant que quelque chose clochait et qu’elles étaient bien décidées à creuser. Et puis, Manon avait drôlement changé en un été.

Où était passée la camarade positive, pleine de sagesse qui agissait toujours en médiateur entre Lucie et Léa ?

Elles ne la reconnaissaient vraiment pas, la trouvant désabusée et taciturne.

C’est au cours suivant d’italien, que Lucie décide de s’asseoir à côté de la nouvelle.

Alors que le prof qui n’a d’italien que la couleur noire des cheveux, arrive, Lucie se présente à sa voisine.

⸺ Bonjour, je m’appelle Lucie et toi ?

⸺ Bonjour, je m’appelle Alice.

⸺ Alors Alice, un conseil, ne t’assois plus jamais à côté de cette folle de Jade, ou tu seras grillée pour le restant de l’année.

⸺ Oh, tu n’as pas honte, dit Léa en se retournant, car assise juste devant elle avec Manon, elle avait tout entendu.

⸺ Silence, per favore. Il corso è iniziato. GirarsiSignorina !

⸺ Oh punaise, Léa, il s’adresse à toi. Je n’ai rien compris mais il te regarde.

Pour la seconde fois en deux heures ; Léa se faisait reprendre et tout ça à cause des autres.

Manon lui donne un coup de coude et Lucie se met à pouffer à nouveau ce qui agace au plus haut point Léa.

⸺ Scusi, marmonne-t-elle, confuse.

⸺ On dit : Mi scusi. Très bien, sortez vos classeurs. Nous allons commencer par conjuguer des verbes importants et apprendre les pronoms personnels. Ah oui, sachez qu’à partir du mois prochain, je ne parlerai plus qu’en italien.

Un brouhaha envahit alors la pièce et Lucie en profite pour dire à Léa :

⸺ Tu vas avoir le prix de l’élève la plus bavarde, si tu continues !

⸺ Oh ça va ! dit-elle en haussant les épaules.

Le cours paraît fastidieux à tous ceux qui ne parlent pas un mot d’italien, c'est-à-dire pratiquement toute la classe et c’est avec joie que tous sortent profiter de la récréation.

⸺ Bon, les filles, je vous présente Alice. Alors là, c’est Léa la pipelette et là c’est Manon. Bon, d’habitude elles sont plus en forme, mais cette année, la rentrée ne leur convient pas trop, on dirait !

⸺ Tu viens d’où ? demande Léa qui avait fait semblant de ne pas entendre les sarcasmes de sa copine.

⸺ De Béziers.

⸺ Ça existe ça, Béziers ? demande Lucie en se moquant.

⸺ Ben oui, c’est dans le Sud de la France.

⸺ Ah non, je suis désolée, c’est ici le sud de la France ! continue-t-elle en riant.

⸺ Tu viens d’arriver ? demande poliment Manon.

⸺ Oui, j’ai suivi ma mère. Nous sommes arrivées fin juin.

⸺ Et ton père ? demande Lucie, sans gêne.

⸺ Il est parti avec une autre femme.

⸺ Oh je suis désolée, dit Léa avec sincérité.

⸺ Ne le soyez pas, c’est mieux comme ça.

Voyant qu’Alice se referme, les filles n’insistent pas.

Alors que la sonnerie retentit, Lucie s’amuse à regarder les autres filles qu’elle ne connaît pas tandis que Léa montre à Manon les nouveaux beaux mecs du collège.

⸺ Tu ne t’intéresses plus à mon frère, tu es enfin devenue raisonnable ?

⸺ Mais pas du tout, je regarde pour vous !

⸺ Ouais, mon œil ! dit Lucie pour la taquiner. Par contre, regardez cette nana, elle n’est pas mal du tout !

⸺ Tiens, depuis quand tu regardes les filles, toi ?

⸺ Depuis toujours, j’aime bien regarder les filles. J’ai le droit, non ?

⸺ Dites, il s’est passé quoi pendant les vacances, vous êtes toutes chelous ? demande Léa perplexe.

⸺ Tu peux parler, toi. Tu es devenue la plus dissipée de la classe alors qu’on ne t’entendait pas avant ! réplique Lucie.

⸺ Allez go, go, on y va, continue Léa pour couper court aux remarques de son amie.

⸺ Deux heures de maths avec M. De la Cassagne. Le mec le plus sévère du monde, le rêve !

⸺ Je peux me mettre à côté de l’une d’entre vous ? demande Alice.

⸺ Oui, mets-toi à côté de moi, lui dit Léa.

⸺ J’adore les maths.

⸺ Tu as de la chance, moi j’ai horreur de ça.

⸺ Fais gaffe, ce prof va te les faire détester.

⸺ On verra.

⸺ Au fait, tu veux faire quoi, plus tard ?

⸺ Je veux être médecin.

⸺ Cool. Généraliste ?

⸺ Non. Psychiatre.

⸺ Ah, eh bien tu vas pouvoir t’entraîner car dans cette classe on a quelques cas, hein Manon ?

Manon prend cette remarque pour elle et baisse la tête en mettant le nez dans le livre de maths qu’elle vient d’ouvrir afin d’éviter de répondre.

Monsieur de la Cassagne entre alors, grand seigneur et commence son cours sans même leur adresser un bonjour.

 

                         CHAPITRE 2

 

La première journée s’était passée différemment pour chacune d’entre elles.

Elles n’avaient cours que de deux à quatre heures le jeudi après-midi et il s’agissait d’éducation physique avec le bel Apollon que toutes les classes jalousaient.

Ils attaquèrent directement par la gymnastique. Léa, souple comme une liane, adorait ça, tandis que Lucie, bien que préférant les sports collectifs, se défendait pas mal.

Quant à Manon, elle prétexta avoir de fortes douleurs au ventre provoquées par des pseudo- règles invalidantes.

Adrien, leur prof, n’était pas dupe mais se dut de l’envoyer à l’infirmerie où elle passa les deux heures, allongée sur la table d’auscultation, un Spasfon lyoc dans la bouche en guise de médicament.

Comme par magie, elle allait mieux vers 15H55 et alors que la sonnette retentit, elle se leva d’un bond, oubliant même de faire semblant de souffrir encore un peu. Après avoir remercié l’infirmière qu’elle ne connaissait pas, car elle était nouvelle, elle alla retrouver ses amies au portail.

Les jeunes filles présentent alors leur carte scolaire afin de valider la sortie et se retrouvent dehors.

⸺ Ça va mieux ? demande Alice.

⸺ Oh, je suis sûre que maintenant que le cours est fini, elle va beaucoup mieux, assure Lucie espiègle.

En guise de réponse, Manon lui tire la langue et, remettant son grand sac cabas noir sur l’épaule, elle s’apprête à les quitter.

⸺ Non, mais tu t’en vas déjà ?

⸺ Oui, je rentre, on a un nouveau chat, je vais voir comment il va.

⸺ Et c’est maintenant que tu le dis ?

⸺ Oui, j’avais oublié. À demain.

Léa et Lucie la regardent partir se disant que vraiment quelque chose ne tournait pas rond chez leur amie et qu’elles allaient tout faire pour savoir de quoi il s’agissait.

⸺ Tu ne crois quand même pas qu’elle va inventer une histoire à chaque cours de gym ?

⸺ Ben vu qu’on en a au moins pour un trimestre, j’espère que non.

Mais c’est le lendemain qu'elles s’inquiétèrent vraiment.

Alors qu’Aurélie, la mère de Manon et Enzo les déposent devant le collège, Lucie entend Manon claquer la porte avec rage et la voit parler avec véhémence à son frère.

Elle peut alors surprendre quelques bribes de la dispute.

⸺ Non, mais tu trouves ça normal, toi ?

⸺ Quoi, que maman fasse un essai ce soir pour intégrer un cours de théâtre, non, ça ne me dérange pas.

⸺ Mais, elle fait déjà du chant et de la peinture, on ne la voit pratiquement plus et là, elle veut rajouter encore quelque chose !

⸺ Écoute, si ça doit lui faire du bien de faire tout ça, moi ça me va !

⸺ Oh, toi de toute façon, tu prends toujours sa défense. C’est la maman à son fi-fils !

⸺ N’importe quoi ! c’est quoi qui te gêne, le fait qu’elle fasse du théâtre et qu’elle réussisse là où tu as échoué ?

Le pic qu’il venait de lui envoyer était tellement douloureux qu’elle lui hurle dessus si fort que beaucoup d’élèves se retournent :

⸺ De toute façon, tous les deux, vous êtes tellement égoïstes que vous ne comprenez rien.

⸺ Bon, écoute, si ça te plaît de te faire remarquer, c’est ok pour toi, mais laisse-moi, en dehors de ça, tu veux. Fiche le camp.

C’était la première fois que Lucie voyait son amie dans un tel état.

Elle qui n’aimait pas se donner en public, venait de faire l’apologie du contraire.

Elle va à sa rencontre et la prend par les épaules.

⸺ Hé, qu’est-ce qui ne va pas chez toi, tu veux en parler ?

Léa qui vient d’arriver et qui n’a pas assisté à la scène, se dirige directement vers ses amies.

⸺ Oh, ton frère est encore plus beau que d’habitude.

⸺ Oui, ben si tu veux tu peux le prendre, moi je ne le supporte plus.

Malgré les signes que Lucie lui fait dans le dos de Manon, cette dernière continue.

⸺ Ah bon, vraiment ? Je veux bien me sacrifier, alors !

⸺ Tant qu’à faire, viens à la maison, je te donne ma famille aussi. On échange les rôles.

⸺ Ah, ben non car je deviendrai sa sœur et du coup, mon… affection particulière pour lui, deviendrait… incestueuse ! dit Léa en riant en toute innocence.

⸺ De toutes les façons, il saute sur tout ce qui bouge.

⸺ Ah bon, il est sorti avec une fille cet été ? manque de s’étrangler Léa qui n'aime pas aller sur ce terrain-là.

⸺ Une ? Deux, tu veux dire. Une suédoise en juillet et une parisienne en août. Depuis que Môssieur joue de la guitare, il se prend pour un don juan !

⸺ Oui, eh bien, laissons-le, d’accord ! fait Lucie qui voit Léa se métamorphoser en zombi tandis que Manon s'énerve encore plus.

⸺ Ce ne sont que des égoïstes, dit-elle dans un soupir.

⸺ Alors ce n’est pas Mademoiselle Hugh qui disait que, je cite   « l’égoïsme c’est une inflammation de l’égo ? »

⸺ Oui, mais elle aurait plutôt dit « l’égo c’est la conscience et la représentation que j’ai de moi, et qu’il ne faut pas en avoir trop. »

⸺ Ça y est, elle t’a contaminée, je ne comprends pas un traître mot de ce que tu dis. Finalement, c’est mieux que tu n’aies plus de contact avec elle.

Manon lui adresse un sourire triste.

Lucie, en bonne copine dont la réputation était de faire rire les autres lui assène un :

⸺ Alors, tu l’imagines comment notre nouveau prof de SVT ?

⸺ Petit, bigleux et avec des cheveux hirsutes, à la Einstein.

⸺ Oh punaise, j’espère que tu as tort, sinon je me sauve en courant.

Alice qui n’a pas dit un mot mais qui a suivi toute la conversation, reste aux côtés de Léa qui semble reprendre un peu de contenance. Elle croyait dur comme fer que Enzo finirait un jour par la regarder.

D’ailleurs, elle avait décidé de prendre des cours de chant afin de pouvoir l’accompagner sur sa musique. Tout le monde lui disait qu’elle avait une belle voix mais elle en doutait.

Cependant, elle n’osait pas encore en parler à son amie qui était de fort mauvaise humeur depuis la rentrée.

⸺ Tu viens Alice, on y va ?

⸺ Je te suis, car me voilà encore un peu perdue.

⸺ C’est normal, tu sais. Il nous a fallu quelques temps pour nous habituer et comprendre quelles salles sont dans l’îlot nord et lesquelles sont dans l’îlot ouest.

⸺ Ah mince, parce qu’il y a des îlots en plus ?

Voyant que la nouvelle arrivée n’avait pas tout compris des subtilités du collège et la sentant un peu perdue, elle la prend sous son aile.

⸺ Tu es entre de bonnes mains Alice. Notre Léa est une future assistante sociale, dit Lucie en se retournant vers les deux filles qui les suivent.

⸺ N’importe quoi !

⸺ Ben, Alice, tu as à tes côtés la fille la plus empathe du monde.

⸺ Quoi ?

⸺ Empathique, Lucie, ça fait vingt fois que je te le dis.

⸺ C’est quoi ça l’empathie ? demande Alice intriguée.

⸺ Manon, tu veux bien répondre, avant que je ne dise une autre ineptie ?

⸺ C’est la faculté de pouvoir se mettre à la place de l’autre.

⸺ Ah, c’est être ouvert d’esprit, dit Alice, avec aplomb.

⸺ Oups, fais gaffe, tu vas nous la ’re’ énerver là, dit Lucie dans une grimace qui cache un sourire.

⸺ Oh, ça va, je ne suis pas un monstre, tout de même ! Non, c’est vraiment ressentir ce que ressentent les autres, c’est savoir vraiment écouter et se mettre complètement à la place de l’autre.

⸺ Et Léa est vraiment comme ça ?

⸺ Il parait oui, dit la jeune fille sans fausse modestie.

⸺ Oh, ça va les chevilles, ouais ? ajoute Lucie pouvant enfin se détendre.

Elles ne se rendent même pas compte qu’un jeune adulte à l’allure passe- partout gravit les marches derrière elles et se marre de leur discussion.

C’est quand il les double dans le couloir et qu’il rentre dans la classe 108, que Lucie pousse Manon du bras et lui dit en   pouffant :

⸺ Je lui mets un pétard dans les cheveux et je lui ajoute des lunettes et tu auras gagné ton pari !

Cela a au moins le mérite de faire sourire Manon.

⸺ Mince, on ne va même pas pouvoir rêver en allant en cours de SVT. Ce n’est pas mon genre.

⸺ Tiens, je croyais que tu préférais les filles, lui lance Léa, espiègle à son tour.

⸺ On ne peut rien vous dire à vous. C’est ton genre Alice ?

⸺ Je n’ai pas vraiment de genre, répond cette dernière.

⸺ Ah, tu préfères peut-être les filles toi aussi ? ajoute Léa.

⸺ En fait, je n’aime ni l’un, ni l’autre.

Cette remarque jette un froid et les filles vont s’asseoir en silence, deux par deux autour des grandes tables en carrelage, juste séparées par un robinet et un évier.

⸺ Tu aimes les TP aussi ? demande Léa à voix basse, à sa voisine.

⸺ Oui, j’aime tout ce qui est scientifique.

⸺ Ah top, on est complémentaires alors, car moi c’est tout le contraire car j’aime tout ce qui est littéraire.

⸺ Bon, alors on n’a qu’à rester ensemble ! Ça te va ?

⸺ Si mes deux copines sont d’accord, alors ok pour moi.

⸺ Bien sûr qu’on est d’accord, dit Lucie qui a l’oreille qui traîne partout, si Manon est prête à me supporter toute l’année.

⸺ C’est plutôt toi qui devras me supporter, on dirait.

⸺ C’est pas faux, dit Lucie en se retournant juste au moment où le prof fait sa présentation.

⸺ Bonjour, je m’appelle Monsieur Dupont et je suis votre nouveau professeur de SVT.

⸺ Punaise, le pauvre, il n’a rien pour faire rêver, ni le look, ni le nom, dit Lucie qui fait pouffer ses trois copines.

Après deux heures de cours théoriques, les filles se retrouvent dans la cour de récréation et montent en salle 301 retrouver la prof de français.

⸺ J’aurais tellement préféré que ce soit elle notre prof principale, plutôt que cette incompétente Mme Jourdan.

⸺ Ah oui, toi quand tu n’aimes pas quelqu’un, tu n’aimes pas, lance Lucie à Manon.

⸺ Il faut dire qu’elle n’a pas été sympa avec elle, l’année dernière !

⸺ Ah non, je me suis trompée. Notre Léa ne sera pas assistante sociale, quoique, mais plutôt avocate, lance Lucie, ce qui fait rire tout le monde sauf la principale intéressée.

⸺ Tu as fini de te moquer de moi, tout le temps !

⸺ Je ne me moque pas, je te cherche une vocation.

⸺ Meuf, une vocation c’est quand on trouve soi-même ce que l’on veut faire, dit Léa gentiment agacée.

⸺ Bon, disons que je ne cherche qu’à te filer un coup de main, alors.

⸺ Tu sais ce que tu veux faire plus tard ? lui demande Alice.

⸺ Je n’en ai aucune idée. Peut-être chanteuse ou …

⸺ Chanteuse ? TOI ? Mais tu ne sais même pas chanter juste, hurle Lucie.

⸺ Laisse -la tranquille, intervient Manon, tu vois bien que c’est juste pour plaire à mon frère qu’elle dit ça !

Et voilà, Léa savait qu’elle avait raison de ne rien leur dire.

⸺ Bon, vous m’énervez, je vais m’asseoir. Tu viens Alice ? Toi au moins tu ne juges pas.

⸺ Oui, c’est parce qu’elle ne nous connaît pas encore assez et qu’elle n’ose pas, hein Alice ? lui demande Lucie, un grand sourire sur les lèvres.

Alice lui rend son sourire et Léa, échaudée par le cours de la veille, les prie de se taire afin de ne pas se faire remarquer.

Le cours de latin commence.

⸺ C’est du chinois, pour moi, tout ça, murmure Lucie.

⸺ Ben, non, c’est du latin ! répond Manon qui ne parle cependant pas beaucoup.

Après la langue morte, elles vont en cours de langue vivante avec une professeur rigolote qu’elles aiment bien.

C’était une véritable anglaise avec un super accent et des taches de rousseur.

⸺ Tu vas voir, elle est super, disent en cœur, les trois amies.

En effet, le cours se déroule comme à son habitude, de façon ludique mais avec beaucoup de rigueur.

La petite femme, haute comme trois pommes, a de l’énergie à revendre et sait rendre son cours vivant et passionnant.

⸺ À ce rythme-là, je vais adorer apprendre à nouveau l’anglais, moi, leur dit Alice, à la fin du cours.

⸺ Pourquoi ? Tes autres profs étaient nuls ?

⸺ Vous auriez entendu leur accent, ils parlaient anglais comme une vache espagnole et on s’ennuyait à mourir. Là au moins, c’est sympa !

⸺ Oui, c’est vrai qu’en fonction du prof que tu as, tu aimes la matière ou non, dit Manon avec un pincement au cœur en se remémorant ses débuts d’année au CM2 avec Angélique Hugh.

⸺ On laisse trop de pouvoir à nos profs, vous ne trouvez pas ? Il suffit qu’ils soient super et on adore la matière alors que s’ils sont nuls, on va la détester, ajoute Lucie avec un air révolutionnaire.

⸺ Elle te manque, hein ? lui glisse Léa à l’oreille.

Manon se retourne et lui dit :

⸺ Pourquoi tu dis ça ?

⸺ Parce que ça se voit. Tu es triste et en colère et elle savait t’apaiser par ses mots justes.

⸺ Ben, elle est partie à l’autre bout du monde, alors !

Ravie d’avoir tapé juste, Léa attend que Manon aille aux toilettes pour se diriger vers son frère qui parle justement à Enzo, bien qu’ils ne soient pas forcément proches.

⸺ Qu’est-ce que tu veux ?

⸺ Bonjour Enzo, dit-elle en rougissant.

⸺ Bonjour.

⸺ Bon, tu veux quoi, là ? Tu ne vois pas que tu déranges ?

⸺ Je voulais demander quelque chose à Enzo, dit-elle le feu aux joues.

⸺ Je t’écoute.

⸺ Voilà, avec les filles, on voudrait faire une surprise à ta sœur et retrouver Melle Hugh.

Tu crois que tu pourrais trouver son adresse mail ?

⸺ Si je fouille dans l’ordinateur de ma sœur, peut-être, dit le beau garçon dans un sourire qui la fait chavirer.

⸺ Heu, sans forcément fouiller, tu pourrais te renseigner ?

⸺ OK, je vais essayer mais tu sais, ta copine n’est pas commode en ce moment, je ne te promets rien.

Léa voulait lui expliquer que c’est pour ça justement qu’elle et Lucie souhaitaient joindre Angélique, mais elle se ravise et se contente de le remercier dans un sourire qu’elle juge niais.

Manon qui était sortie des toilettes la voit revenir et lui demande :

⸺ Qu’est -ce que tu fichais avec mon imbécile de frère ?

Lucie s’interpose, voyant le trouble de sa copine.

⸺ Elle est allée taxer un euro à son frère pour que je puisse m’acheter un truc.

⸺ T’acheter quoi ? On va aller manger.

⸺ Heu, un tampon, puisqu’il faut tout te dire.

⸺ Mais tu aurais pu me demander, j’en ai toujours un dans mon sac.

⸺ Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié que tu avais tes règles !

Alors qu’elles partent d’un rire moqueur, Léa fait un clin d’œil discret à Lucie pour la remercier.

 

 

 

 

 

CHAPITRE 3

 

Alors que les trois amies ont tout expliqué du fonctionnement de la cantine en deux services à leur nouvelle copine, elles s'apprêtent à rejoindre leur professeur d’histoire- géographie pour deux heures de cours qui clôtureront la semaine.

Les filles grimpent avec allégresse, en riant, les escaliers qui les mènent au second étage de l’établissement, dans l’îlot ouest, alors que Manon, quant à elle, traîne les pieds.

Léa qui se préoccupe toujours de par sa seconde nature, de tout le monde, s’en rend compte et ralentit le pas pour se faire rejoindre par son amie.

⸺ Tu n’as pas l’air d’avoir envie de retrouver cette chère Madame Jourdan.

⸺ Oh, tu sais depuis cette douloureuse expérience en cinquième, je n’ai vraiment pas envie de revivre tout ça.

⸺ Oui, mais tu as grandi, depuis et tu as compris ce qu’elle te reprochait alors.

⸺ Ça ne change pas grand-chose pour moi. Elle m’avait quand même bien humiliée à l’époque.

⸺ Et elle en avait payé le prix. Assez fort, même. Tu te   souviens ?

⸺ Oui, bien entendu que je me souviens ! répond Manon qui avait longuement culpabilisé sur le fait qu’elle avait tellement désiré qu’elle meure, que lorsqu’elle avait disparu du jour au lendemain, elle avait drôlement regretté ses pensées assassines.

⸺ Tu as bien compris que rien de ce qui lui est alors arrivé n’était de ta faute ?

⸺ Je n’en suis pas si sûre, à vrai dire.

⸺ Quoi ? Tu culpabilises encore ? demande la copine qui lit dans ses pensées.

⸺ Tu te rappelles qu’on a appris que la pensée était créatrice ?

⸺ Tu veux dire que Angélique t’avait appris cela et que tu nous en as fait part ?

⸺ Oui, si tu veux.

Léa est stupéfaite de voir que son amie n’arrive même plus à prononcer le nom de son mentor.

⸺ Et tu crois donc que c’est de ta faute ?

⸺ C’est possible, en effet. Je la détestais tellement !

⸺ Oui, mais rappelle -toi que ce n’est pas elle qui est morte, mais son mari !

⸺ Pile au moment où je lui envoyais mes plus mauvaises pensées, en tout cas.

⸺ Tu sais ce que je crois ?

⸺ Non.

⸺ Je crois que Mlle Hugh aurait dit qu’elle était sur ton chemin pour te donner une leçon de vie.

⸺ Drôle de leçon.

⸺ Il n’empêche que grâce à cet épisode, tu as su comment apprendre une leçon d’histoire-géo et que les pensées que l’on a ne sont pas anodines mais qu’il faut apprendre à les contrôler. En tout cas, la haine et la colère ne sont pas bonnes conseillères.

⸺ Ah, oui, tu es la nouvelle Miss univers, lui lance à la figure Lucie qui s’est arrêtée pour les attendre et qui a tout entendu.

⸺ N’importe quoi, j’essaye juste de rappeler à Manon ce qu’elle a appris et qu’elle sait déjà.

⸺ Et qu’elle semble avoir un peu oublié, on dirait, dit Lucie en l’attrapant par les épaules.