La conquête du pain - Pierre Kropotkine - E-Book

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Pierre Kropotkine

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Beschreibung

"Tandis que de tous côtés nous voyons le régime parlementaire s’effondrer, et que de tous côtés surgit la critique des principes mêmes du système, — non plus seulement de ses applications, — comment se fait-il que des socialistes-révolutionnaires défendent ce système, condamné à mourir ? Élaboré par la bourgeoisie pour tenir tête à la royauté, consacrer en même temps et accroître sa domination sur les travailleurs, le système parlementaire est la forme, par excellence, du régime bourgeois." Extrait. Le salariat, qui suit, est une brochure tirée de La conquête du pain.  

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La conquête du pain

Pierre Kropotkine

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Table des matières

Avant-propos

Pierre Kropotkine

La conquête du pain (1892)

1. Le salariat collectiviste

2. Consommation et production

3. Division du travail

4. La décentralisation des industries

5. L’agriculture

Pierre Kropotkine

Le salariat (1911)

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Avant-propos

La conquête du pain (1892)

suivi de

Le salariat (1911)

de Pierre Kropotkine

Le salariat est une brochure tirée de La conquête du pain.

La conquête du pain (1892)

Éditeur : Tresse et Stock (Paris) Date d'édition : 1892

Pierre Kropotkine

1

Le salariat collectiviste

I

Dans leurs plans de reconstruction de la société, les collectivistes commettent, à notre avis, une double erreur. Tout en parlant d’abolir le régime capitaliste, ils voudraient maintenir, néanmoins, deux institutions qui font le fond de ce régime : le gouvernement représentatif et le salariat.

Pour ce qui concerne le gouvernement soi-disant représentatif, nous en avons souvent parlé. Il nous reste absolument incompréhensible que des hommes intelligents — et le parti collectiviste n’en manque pas — puissent rester partisans des parlements nationaux ou municipaux, après toutes les leçons que l’histoire nous a données à ce sujet, en France, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse ou aux États-Unis. 

Tandis que de tous côtés nous voyons le régime parlementaire s’effondrer, et que de tous côtés surgit la critique des principes mêmes du système, — non plus seulement de ses applications, — comment se fait-il que des socialistes-révolutionnaires défendent ce système, condamné à mourir ?

Élaboré par la bourgeoisie pour tenir tête à la royauté, consacrer en même temps et accroître sa domination sur les travailleurs, le système parlementaire est la forme, par excellence, du régime bourgeois. Les coryphées de ce système n’ont jamais soutenu sérieusement qu’un parlement ou un conseil municipal représente la nation ou la cité : les plus intelligents d’entre eux savent que c’est impossible. Par le régime parlementaire la bourgeoisie a simplement cherché à opposer une digue à la royauté, sans donner la liberté au peuple. Mais à mesure que le peuple devient plus conscient de ses intérêts et que la variété des intérêts se multiplie, le système ne peut plus fonctionner. Aussi, les démocrates de tous pays imaginent-ils vainement des palliatifs divers. On essaie le référendum et on trouve qu’il ne vaut rien ; on parle de représentation proportionnelle, de représentation des minorités, — autres utopies parlementaires. — On s’évertue, en un mot, à la recherche de l’introuvable ; mais on est forcé de reconnaître que l’on fait fausse route, et la confiance en un gouvernement représentatif disparaît.

Il en est de même pour le salariat : car, après avoir proclamé l’abolition de la propriété privée et la possession en commun des instruments de travail, comment peut-on réclamer, sous une forme ou sous une autre, le maintien du salariat ? C’est pourtant ce que font les collectivistes en préconisant les bons de travail.

On comprend que les socialistes anglais du commencement de ce siècle aient inventé les bons de travail. Ils cherchaient simplement à mettre d’accord le Capital et le Travail. Ils répudiaient toute idée de toucher violemment à la propriété des capitalistes.

Si, plus tard, Proudhon reprit cette invention, cela se comprend encore. Dans son système mutuelliste, il cherchait à rendre le Capital moins offensif, malgré le maintien de la propriété individuelle, qu’il détestait du fond du cœur, mais qu’il croyait nécessaire comme garantie à l’individu contre l’État.

Que des économistes plus ou moins bourgeois admettent aussi les bons de travail, cela n’étonne pas davantage. Il leur importe peu que le travailleur soit payé en bons de travail ou en monnaie à l’effigie de la République ou de l’Empire. Ils tiennent à sauver dans la débâcle prochaine la propriété individuelle des maisons habitées, du sol, des usines, en tous cas celle des maisons habitées et du Capital nécessaire à la production manufacturière. Et pour garder cette propriété, les bons de travail feraient très bien leur affaire.

Pourvu que le bon de travail puisse être échangé contre des bijoux et des voitures, le propriétaire de la maison l’acceptera volontiers comme prix du loyer. Et tant que la maison habitée, le champ et l’usine appartiendront à des propriétaires isolés, force sera de les payer d’une façon quelconque pour travailler dans leurs champs ou dans leurs usines, et loger dans leurs maisons. Force également sera de payer le travailleur en or, en papier-monnaie ou en bons échangeables contre toute sorte de marchandises.

Mais comment peut-on défendre cette nouvelle forme du salariat — le bon de travail — si on admet que la maison, le champ et l’usine ne sont plus propriété privée, qu’ils appartiennent à la commune ou à la nation ?

II

Examinons de plus près ce système de rétribution du travail, prôné par les collectivistes français, allemands, anglais et italiens (1).

Les anarchistes espagnols, qui se laissent encore appeler collectivistes, entendent par ce mot la possession en commun des instruments de travail, et « la liberté, pour chaque groupe, d’en répartir les produits comme il l’entend », — selon les principes communistes ou de toute autre façon.

Il se réduit à peu près à ceci : Tout le monde travaille, dans les champs, les usines, les écoles, les hôpitaux, etc. La journée de travail est réglée par l’État, auquel appartiennent la terre, les usines, les voies de communication, etc. Chaque journée de travail est échangée contre un bon de travail, qui porte, disons, ces mots : huit heures de travail. Avec ce bon l’ouvrier peut se procurer, dans les magasins de l’État ou des diverses corporations toute sorte de marchandises. Le bon est divisible, en sorte que l’on peut acheter pour une heure de travail de viande, pour dix minutes d’allumettes, ou bien une demi-heure de tabac. Au lieu de dire : quatre sous de savon, on dirait, après la Révolution collectiviste : cinq minutes de savon.

La plupart des collectivistes, fidèles à la distinction établie par les économistes bourgeois (et par Marx) entre le travail qualifié et le travail simple, nous disent en outre que le travail qualifié, ou professionnel, devra être payé un certain nombre de fois plus que le travail simple. Ainsi, une heure de travail du médecin devra être considérée comme équivalente à deux ou trois heures de travail de la garde-malade, ou bien à trois heures du terrassier. « Le travail professionnel ou qualifié sera un multiple du travail simple », nous dit le collectiviste Groenlund, parce que ce genre de travail demande un apprentissage plus ou moins long.

D’autres collectivistes, tels que les marxistes français, ne font pas cette distinction. Ils proclament « l’égalité des salaires ». Le docteur, le maître d’école et le professeur seront payés (en bons de travail) au même taux que le terrassier. Huit heures passées à faire la tournée de l’hôpital vaudront autant que huit heures passées à des travaux de terrassement, ou bien dans la mine ou la fabrique.

Quelques-uns font une concession de plus ; ils admettent que le travail désagréable ou malsain, — tel que celui des égouts — pourra être payé à un taux plus élevé que le travail agréable. Une heure de service des égouts comptera, disent-ils, comme deux heures de travail du professeur.

Ajoutons que certains collectivistes admettent la rétribution en bloc, par corporations. Ainsi, une corporation dirait : « Voici cent tonnes d’acier. Pour les produire nous étions cent travailleurs, et nous avons mis dix jours. Notre journée ayant été de huit heures, cela fait huit mille heures de travail pour cent tonnes d’acier ; soit, huit heures la tonne. » Sur quoi l’État leur paierait huit mille bons de travail d’une heure chacun, et ces huit mille bons seraient répartis entre les membres de l’usine, comme bon leur semblerait.

D’autre part, cent mineurs ayant mis vingt jours pour extraire huit mille tonnes de charbon, le charbon vaudrait deux heures la tonne, et les seize mille bons d’une heure chacun, reçus par la corporation des mineurs, seraient répartis entre eux selon leurs appréciations.

Si les mineurs protestaient et disaient que la tonne d’acier ne doit coûter que six heures de travail, au lieu de huit ; si le professeur voulait faire payer sa journée deux fois plus que la garde-malade, — alors l’État interviendrait et réglerait leurs différends.

Telle est, en peu de mots, l’organisation que les collectivistes veulent faire surgir de la Révolution sociale. Comme on le voit, leurs principes sont : propriété collective des instruments de travail et rémunération de chacun selon le temps employé à produire, en tenant compte de la productivité de son travail. Quant au régime politique, ce serait le parlementarisme, modifié par le mandat impératif et le référendum, c’est-à-dire, le plébiscite par oui ou par non.

Disons tout d’abord que ce système nous semble absolument irréalisable.

Les collectivistes commencent par proclamer un principe révolutionnaire — l’abolition de la propriété privée — et ils le nient sitôt proclamé, en maintenant une organisation de la production et de la consommation qui est née de la propriété privée.

Ils proclament un principe révolutionnaire et ignorent les conséquences que ce principe doit inévitablement amener. Ils oublient que le fait même d’abolir la propriété individuelle des instruments de travail (sol, usines, voies de communication, capitaux) doit lancer la société en des voies absolument nouvelles ; qu’il doit bouleverser de fond en comble la production, aussi bien dans son objet que dans ses moyens ; que toutes les relations quotidiennes entre individus doivent être modifiées, dès que la terre, la machine et le reste sont considérés comme possession commune.

« Point de propriété privée », disent-ils, et aussitôt ils s’empressent de maintenir la propriété privée dans ses manifestations quotidiennes. « Vous serez une Commune quant à la production ; les champs, les outils, les machines, tout ce qui a été fait jusqu’à ce jour, manufactures, chemins de fer, ports, mines, etc., tout cela est à vous. On ne fera pas la moindre distinction concernant la part de chacun dans cette propriété collective.

« Mais dès le lendemain, vous vous disputerez minutieusement la part que vous allez prendre à la création de nouvelles machines, au percement de nouvelles mines. Vous chercherez à peser exactement la part qui reviendra à chacun dans la nouvelle production. Vous compterez vos minutes de travail et veillerez à ce qu’une minute de votre voisin ne puisse pas acheter plus de produits que la vôtre.

« Et puisque l’heure ne mesure rien, puisque dans telle manufacture un travailleur peut surveiller six métiers de tissage à la fois, tandis que dans telle autre usine il n’en surveille que deux, vous pèserez la force musculaire, l’énergie cérébrale et l’énergie nerveuse que vous aurez dépensées. Vous calculerez strictement les années d’apprentissage pour évaluer la part de chacun dans la production future. Tout cela, après avoir déclaré que vous ne tenez aucun compte de la part qu’il peut avoir prise dans la production passée. »

Eh bien, pour nous, il est évident qu’une société ne peut pas s’organiser sur deux principes absolument opposés, deux principes qui se contredisent continuellement. Et la nation ou la commune qui se donnerait une pareille organisation serait forcée, ou bien de revenir à la propriété privée, ou bien de se transformer immédiatement en société communiste.

III