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En s’appuyant sur ses convictions et en répondant à un appel intérieur, Cécile de Mauduit a fait le choix, un jour, de partir en tant que volontaire avec Enfants du Mékong, une ONG soutenant l'éducation d'enfants défavorisés en Asie du Sud-Est. Depuis lors, sa vie a changé du tout au tout. Au cours de cette incroyable aventure, elle a appris à se connaître et a été témoin de la résilience dans l’extrême pauvreté. Après cette expérience inoubliable, elle a décidé de ne pas fermer la parenthèse et de se former au métier d’éducatrice spécialisée, dans le but de contribuer quotidiennement à un élan de solidarité.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Dans
La couleur de l’horizon, l’auteure fait la métaphore de la relation à l’autre et à soi, de cette différence qui nous enrichit et nous construit. Elle y témoigne aussi, et plus encore, d’un vécu qu’elle souhaite transmettre.
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Seitenzahl: 160
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Cécile de Mauduit
La couleur de l’horizon
Roman
© Lys Bleu Éditions – Cécile de Mauduit
ISBN : 979-10-377-6774-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Marin, Paul et Savio, que votre expérience de la vie soit belle, et au service de la dignité humaine.
À Tristan, à ton sens de l’Autre, et à ton goût pour la liberté que donne le vrai voyage.
Même si vous êtes seul et que personne ne vous suit, défendez toujours ce qui vous paraît juste (…) Le plus grand échec est de ne pas avoir le courage d’oser.
L’Abbé Pierre
L’horizon, ligne illusoire lumineuse, où matin et soir, les plus belles teintes rouge et orange du ciel se reflètent sur l’océan… Terre et ciel semblent se rejoindre, et nous enveloppent. C’est ce moment paisible, invitant à la contemplation, qui me donne une sensation de possibilités infinies, et une promesse de dépaysement. La ligne d’horizon finalement c’est un peu comme une frontière invisible, ça limite ce que l’on voit, ce que l’on maîtrise. Mais elle n’est pas infranchissable. Au-delà c’est l’inconnu, un inconnu de découvertes, de rencontres inspirantes. Et pour découvrir cet invisible, il faut faire confiance et se laisser guider. Au-delà de soi, de l’horizon, il y a cette possibilité d’apprendre autrement et d’améliorer son regard sur le monde.
Partager mon témoignage par ces quelques pages, me permet de ne pas fermer la parenthèse après tout ce dont j’ai été témoin, en découvrant un quotidien à l’opposé de ce que je vis jusque-là. Laisser mes souvenirs à l’oubli serait continuer de vivre comme si je n’avais rien vu, rien appris.
C’est aussi une façon de laisser une trace des rencontres qui m’ont inspirée en sortant de ma zone de confort, et de partager les réflexions qui me sont venues. C’est de fil en aiguille, le témoignage de mon parcours pour devenir éducatrice spécialisée, ce métier que l’on appelle aussi technicien de la relation, parce qu’il demande notamment un « savoir être ». Et ce savoir-être grandit au contact des autres, si différents soient-ils, parce qu’en les rencontrant, on se découvre aussi.
De retour de mission sur le toit d’une jeepney
Un enfant a deux droits fondamentaux :
être aimé et éduqué.
René Péchard
Crac, une allumette illumine la pièce où se niche le coin prière familial, et une odeur de soufre prédomine. La photo d’une petite fille aux yeux en amandes est accrochée, et tous les soirs au moment du coucher, des regards se posent sur la flamme vacillante de la bougie qui établit un lien avec l’Invisible.
Cette aventure a commencé ainsi, quand j’avais 6 ans. Intriguée par des lettres écrites en vietnamien de la main d’une petite Thao habitant un bidonville à Da Nang, plus qu’une curiosité, un désir très fort est né, celui d’aller à sa rencontre. Par l’intermédiaire d’Enfants du Mékong, mes parents parrainaient cette petite fille pour qu’elle puisse aller à l’école, et ils s’échangeaient régulièrement des lettres pour tisser du lien. Thao faisait partie de notre famille, c’était comme une sœur à découvrir, une sœur de mon âge. Les années ont passé, et l’échange de lettres n’a pas cessé.
À 20 ans, à un moment de grands doutes sur la voie professionnelle pouvant me rendre heureuse, et sans attaches particulières, j’ai pris la décision de réaliser un de mes rêves : découvrir l’envers du décor des lettres en partant volontaire avec Enfants du Mékong, et par la même occasion rencontrer Thao. Pleine d’espoirs que ma candidature aboutisse, pendant une année, je me suis plongée dans la lecture de témoignages de volontaires, j’ai passé des entretiens, et suivi une formation pour me préparer à cette année de volontariat. J’ai ainsi été envoyée aux Philippines. Un pays hors du commun en Asie, qui allait me marquer profondément. Deux motivations m’ont accompagnée : participer à une action humanitaire qui améliore le quotidien des enfants, et apprendre à me dépasser, en découvrant mes capacités et mes limites. Découvrir qui je suis pour mieux choisir une direction.
Association de parrainage scolaire depuis la fin des années 1960, à l’heure actuelle, on compte 23 000 enfants parrainés répartis dans 6 pays : Laos, Vietnam, Cambodge, Thaïlande, Birmanie et Philippines. L’histoire commence avec René Péchard au Laos qui recueille deux enfants des rues ; ils ont faim et ne peuvent pas aller à l’école. Petit à petit, il fait appel aux dons, et son œuvre se transforme avec la mobilisation des parrains, puis des volontaires bambous.
Taooo Pooo ! L’habituel appel du marchand ambulant de baluts (œufs de cane) n’est pas ce qui me tire de mon sommeil. Il fait 30 degrés, il est 6 heures. C’est la chaleur moite qui vient à bout de ma nuit.
Manille ne se repose jamais. C’est une fourmilière en ébullition où les habitants se comptent en millions sur un peu plus de 38 km2. C’est l’une des mégapoles les plus densément peuplées au monde. Presque la moitié de la population de la capitale vit dans des bidonvilles. La région de Manille, Metro Manila, compte aujourd’hui plus de 28 millions d’habitants.
Je me remémore les images de la veille. Après seize heures de vol et une escale, je suis arrivée sur l’archipel des Philippines, et n’ai pu détourner mon regard du spectacle qui s’offrait à moi tout au long du trajet de l’aéroport à la maison des bambous, située dans une jolie impasse familiale qui fait l’écho du rire des enfants du voisinage. Le regard scotché à la fenêtre du taxi, j’ai découvert les grandes avenues fumantes, les bus et jeepneys « God bless our trip » qui défilent, les klaxons et vrombissements de moteur s’unissant dans un concert qui ne s’interrompt pas, les odeurs mêlées, les bidonvilles juxtaposés aux malls climatisés, beaucoup de Philippins en sortent et circulent dans tous les sens, des enfants pieds nus dans la misère respirent de la colle dans des sachets pour tromper la faim, les tricycles se bousculent et pétaradent dans une odeur de friture, des marchands ambulants se faufilent pour gagner quelques pesos pour au moins subsister le jour présent. Voilà l’ambiance étonnante de la mégapole dans laquelle je vais vivre les prochains mois.
Déjà, pendant le vol qui m’a emmenée sur l’île de Luzon, j’ai été témoin de la chaleureuse hospitalité des Philippins. À mon escale à Bahreïn, une jeune femme philippine m’a offert un chocolat chaud. Nous avons pu longuement échanger en anglais, elle travaille toute l’année aux Émirats arabes unis, et rentre seulement quelques semaines par an pour voir sa famille.
Avant d’embarquer, je me suis dirigée vers une pièce de l’aéroport que je pensais être des toilettes publiques, en observant les caractères arabes illustrés des sigles masculins et féminins. Mais au moment d’entrer dans la pièce, j’ai réalisé avec stupeur que c’étaient en fait deux salles de prière (les hommes étant séparés des femmes). En même temps, les chaussures rangées à l’entrée auraient dû m’interpeller.
J’ai pris conscience soudainement que mes repères ne sont plus là, tout est si différent déjà, plus d’un guide me sera nécessaire pour l’aventure qui m’attend…
Taoooo Pooo ! Le marchand ambulant de baluts poursuit sa tournée. Tirée de ma rêverie, je retrouve mes nouveaux colocataires. Anciens et nouveaux bambous sont réunis, c’est le tuilage qui commence aujourd’hui. Une période importante pour apprendre les ficelles de la mission de coordination de programmes de parrainages qui m’a été confiée durant les 13 prochains mois.
Avec Charlotte (dont je prendrais le relais), nous allons dans un programme situé dans les montagnes de Kasibu. 23 h 30, départ de Manille sous une pluie battante, c’est la mousson. Le bus parcourt péniblement 300 kilomètres, et après 8 heures de trajet, nous devons ensuite attraper une jeepney qui fera les derniers kilomètres jusqu’au programme. Un taxi fait la liaison entre le bus et la jeepney, mais nous nous apercevons rapidement que nous tournons en rond. Le chauffeur finira par éclater de rire à l’arrivée : « It’s here, sorry ! » Charlotte m’explique qu’un Philippin n’aime pas perdre la face, et ne dira jamais qu’il ne sait pas. C’est bon à savoir. Nous grimpons rapidement dans la jeepney, qui partira une fois remplie (25 personnes y prennent place), et nous voilà au cœur des sublimes montagnes de l’île de Luzon. Deux heures plus tard, le trajet touche enfin à sa fin. Nous ne perdons pas de temps, et après avoir salué les responsables du programme, nous commençons une longue série de visites aux filleuls à domicile. Une filleule me bouleverse particulièrement.
Clara, 11 ans, vit avec sa famille au-dessus des rizières, au détour d’un chemin boueux. Son père cultive le riz, mais la rizière ne lui appartient pas. Clara a quatre frères et sœurs de 17 à 9 ans. Ce sont sept personnes dénutries qui vivent dans cette petite cabane de quelques mètres carrés. Cette modeste maison n’a ni eau ni électricité, et n’a que deux pièces. L’une est surélevée et sert de dortoir, l’autre sert d’espace où manger (le riz est l’aliment principal et rarement accompagné), le sol est en terre battue. La famille suit le rythme du lever et du coucher du soleil (4 h 30-18 h 30) pour profiter de la lumière du jour.
Les frères et sœurs de Clara ont une déficience intellectuelle, et ne peuvent être accueillis à l’école. Toute la famille fonde ses espoirs en Clara qui sera la seule à étudier. C’est là qu’intervient Enfants du Mékong, les frais et fournitures de scolarité, ses repas, sont payés par un parrainage.
Le rôle du bambou est de décrire après chaque visite précisément la situation du filleul à son parrain et au siège de l’ONG, pour qu’il puisse davantage le connaître et le soutenir. Et c’est toute une famille qui peut s’en sortir derrière ce parrainage.
Je comprends à cet instant que je suis un maillon important d’une grande chaîne solidaire, mais que ma mission de coordinatrice n’aura qu’un minuscule impact quelque part aux Philippines alors qu’il y a nécessité urgente d’aider tellement plus de monde.
Mes régulières traversées de Manille me permettent de rencontrer une multitude d’enfants dans les rues, livrés à eux-mêmes. Ces enfants mendient et dorment à même le trottoir. Certaines familles sont dépassées par leur situation de pauvreté et décident de vivre au jour le jour. Un enfant à l’école, c’est un enfant, voire une famille de moins dans la rue.
Une visite à une famille, c’est avant tout écouter, essayer de comprendre un environnement et une culture, constater la nécessité d’une aide, et retranscrire au plus juste la situation aux parrains et au Siège à Asnières. Et enfin, essayer d’apporter des solutions adaptées. La première condition étant la précarité, de nouveaux filleuls peuvent aussi accéder au programme.
Bercée par le ronronnement du ventilateur auquel je m’habitue progressivement, je trouve le sommeil rapidement après chaque journée riche en découvertes… découvertes poignantes.
Après une semaine de tuilage, ma toute première mission a lieu un samedi matin, tôt, à Talim, une île dans la baie de Manille. Cette fois-ci, je pars seule. Après deux heures de transports bien singuliers (van, tricycle), le voyage n’a pas fini de me surprendre.
Pendant la traversée de la baie, le moteur du bateau toussote, puis un grand silence se fait. Je remarque avec effroi que j’ai les pieds dans l’eau… mais mon inquiétude s’arrête là. Deux hommes s’affairent à réparer pendant qu’un troisième met de la musique. Une heure passe, et finalement, contre toute attente, après une réparation de fortune, le bateau repart. C’est une première étape pour moi dans le « lâcher prise », et la patience. Arrivée au port de Sapang sur la petite île de Talim, je grimpe sur une étroite planche pour accéder au quai, et me mets en quête du village de pêcheurs de San Damiano, là où se trouve la petite communauté aidée par le parrainage. Deux Philippins à bord du bateau m’aident à trouver mon chemin dans la jungle. Sur le moment, je n’ai pas réfléchi, je les ai suivis en toute confiance. C’est avec un peu de recul plus tard que j’ai réalisé ne pas m’être méfiée d’avoir suivi des inconnus. Et toute l’année, c’est ce qui me permettra de me détacher des a priori, et de vivre pleinement les rencontres lors de ma mission.
De jolies voix d’enfants chantonnant se font entendre ; ils répètent une cérémonie. Plus de doute, c’est ici. Le responsable du programme de Talim m’accueille et je fais connaissance avec l’équipe autour d’un repas inhabituel, les crêpes et les frites remplacent le poisson et le riz ! Bretonne de naissance, je me propose pour la réalisation de la pâte à crêpes. Après des jeux de société, tout le petit groupe se rend à la messe à 1 h de marche. Au retour, on me propose de grimper sur une moto avec deux autres personnes, ce que j’accepte avec plaisir. Chaque jour qui passe aux Philippines est une joyeuse aventure !
Les habitations sont rustiques (cabanes en bambou), mais avec le climat chaud et humide, la douche froide habituelle est très appréciée.
Le lendemain, je prends le temps de vérifier le cahier de comptes du programme et de rencontrer les filleuls.
La journée s’achève sur une pluie torrentielle, un énorme orage éclate. L’occasion de reprendre au passage une douche ! Je discute de ma mission avec le responsable du programme de Talim, et mesure l’ampleur de la tâche qui m’a été confiée, 15 programmes pour un total de 500 enfants à visiter cette année. Un travail de fourmis. Il me faudra faire au mieux, mais aussi aller à l’essentiel pour ne pas passer à côté du travail confié. Avant notre départ en mission, pendant la formation avec Enfants du Mékong, on nous donne une image très juste : les bambous sont les yeux et les oreilles de l’ONG.
L’accueil joyeux que je reçois dans chaque école, ou programme, me fait redoubler de motivation, je me sens utile. Au cours de chacune de mes missions dans les programmes, j’ai la possibilité de découvrir une région loin des touristes, d’accéder à des zones reculées et très préservées. C’est le cas de cette grotte que j’explore quelques semaines plus tard à Aglipay (province de Quirino). Équipée d’une lampe à pétrole et d’un guide, on s’enfonce dans l’obscurité de la grotte. Les chauves-souris volent au-dessus de nos têtes et les stalactites et stalagmites freinent douloureusement notre progression. La grotte est magnifique, j’ai le sentiment de vivre des moments uniques. Le soir même, après une journée d’école, toujours accompagnée du responsable du programme (un directeur d’école ou une religieuse), je m’arrête devant une grange où habite un filleul. Le grand-père est étendu sur un lit en plein milieu de la pièce principale. Il a une pneumonie. Le filleul que je cherche à interroger est perché sur une mezzanine en train de dessiner. Devant son mutisme, je me décide alors à le rejoindre là-haut avec délicatesse. La maman m’offre un épi de maïs chaud et un soda, la proximité et la confiance se gagnent petit à petit, la conversation s’engage.
Après un retour sur Manille, à la maison des volontaires bambous, quelques jours se passent et on ne perçoit plus que des bruits de clavier sur lesquels on pianote, avec un fond de musique. Seule la chasse aux cafards peut nous détourner de nos écrans. Bon, nous avons quelques fous rires aussi, et des pauses bavardage ou blagues. Un bambou entouré d’autres bambous, se plie parfois de rire, il faut le reconnaitre ! Après leurs visites dans leurs différents lieux de mission, les bambous communiquent avec le siège à Asnières sur ce qui se passe sur le terrain. Mes colocataires sont attachants, ont des caractères bien trempés, la colocation est source de joie dans ce pays de mission ! Aurèle travaille sur le même bureau que moi, écran contre écran, face à face, et c’est lui notre DJ. Agathe et Raphaëlle sont installées sur un autre bureau dans la même pièce. Le groupe de rock Creedence Clearwater Revival joue lookin’ out my back door pendant que nous essayons de rester concentrés entre deux cafards écrasés, trois conseils, quatre distractions des enfants qui nous font des grimaces à travers nos fenêtres, et dix fous rires. Plus jeune que mes colocataires, j’ai le sentiment pourtant d’être prise au sérieux, et je suis épaulée par des volontaires qui deviennent au fil du temps plus que des amis : des frères et sœurs. Un lien invisible nous lie, celui de la mission bambou. Nous nous faisons la réflexion, que nous n’aurions pas été amenés à si bien nous entendre sans ce précieux lien, dans une réalité si différente qu’était la nôtre avant.
Quelque temps plus tard, j’embarque à nouveau dans un taxi, il est 22 h 30, et je donne le nom du terminal de bus ; « Kamias, Victoria liner » au chauffeur. La conversation s’engage et j’explique le but de ma mission aux Philippines. Arrivée au terminal de bus qui prend la direction de Tuguegarao, je précise bien au chauffeur que je souhaite descendre à Cordon. Je me rendrais à partir de là à Cabarroguis, mon terminus. Je m’installe dans le bus pour y passer la nuit. Dans l’humidité encore bien présente du jour, j’enfile sur mon tee-shirt une polaire. Puis je m’équipe de chaussettes, d’une couverture, d’un bonnet pour me protéger de la climatisation. J’ai comme l’impression d’être ce Jamaïcain qui découvre le froid du Québec dans le film Rasta Rocket, etqui, choqué par le froid, décide d’enfiler tout le contenu de sa valise avant de sortir de l’aéroport. Et enfile même la valise ! Enfin, je sors des écouteurs, et m’évade au doux son de How it ends de Devotchka. Il fait nuit noire, seuls des Philippins sont à bord du bus, c’est reparti pour une tournée de visites, mais aussi pour la découverte de l’arrière-pays verdoyant. Je me remémore pourquoi je suis précisément dans ce bus ; vérifier le bon fonctionnement d’un programme, rencontrer les filleuls…
Mon voisin de devant joue avec le dossier de son siège. Ce n’est pas maintenant que je vais m’endormir. J’en profite pour sympathiser avec mes autres voisins avec quelques mots de tagalog, cela me permettra astucieusement d’arriver à bon port par la suite, et puis de me sentir moins seule. Klaxons, lumières, télévision du bus, musique, froid… Je peine à fermer l’œil de la nuit. Mais je pense à l’intense chaleur qui va arriver au lever du jour. Bercée par le roulement, je finis par m’assoupir.