La farce de la Sorbonne - René Benjamin - E-Book

La farce de la Sorbonne E-Book

René Benjamin

0,0
0,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Aux yeux de beaucoup d’esprits, qui traînent des convictions comme de vieilles habitudes, la Sorbonne reste une des gloires de la France. C’est un fétichisme qui me surprend, car ma mémoire ne garde de mes passages dans cette maison-mère de l’Université, que des images sans aucun sérieux.
Du lycée où l’on m’instruisit, c’est-à-dire où je transcrivais sur des cahiers ce qui était imprimé dans mes livres, on m’expédia pour la première fois à la Sorbonne vers mes quinze ans, afin que je prisse part à ce qu’on appelait pompeusement le Concours Général. J’en revois tous les détails avec l’exactitude qu’ont les souvenirs de nos grands étonnements. Rendez-vous à sept heures du matin, rue Saint-Jacques, devant la Tour universitaire qui ressemble à celle de la gare du P.-L.-M. Là s’assemblaient les meilleurs élèves des meilleurs lycées. Ils parlaient fort, brandissaient des dictionnaires importants ; ils me choquaient tous par leurs échanges de vanités ; et je me trouvais soudain une sympathie secrète pour les cancres, si modestes.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



 

RENÉ BENJAMIN

LA FARCEDE LA SORBONNE

« … Cet Asinarium de Paris. »Victor Hugo.

 

 

© 2024 Librorium Editions

ISBN : 9782385745806

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA FARCE DE LA SORBONNE

I OÙ L’AUTEUR, ENCORE A L’ÂGE INNOCENT, RENCONTRE POUR LA PREMIÈRE FOIS DES SAVANTS A CHAPEAUX POINTUS

II MONSIEUR AULARD OU LA RÉVOLUTION LAÏQUE

III MONSIEUR SEIGNOBOS OU LA SCIENCE DE L’HOMME

IV MONSIEUR VICTOR BASCH OU L’ESTHÉTIQUE EN ACTION

V LE GRAND BANQUET DÉMOCRATIQUE DU 13 AVRIL

VI SECONDE ENTRÉE DE BALLET : MESSIEURS PUECH ET MARTHA DANS LEURS LANGUES MORTES

VII MONSIEUR GUSTAVE MICHAUT, COMMIS AUX FICHES

VIII OÙ L’AUTEUR, APRÈS AVOIR TRIOMPHÉ DE TOUTES LES OBJECTIONS, TIRE AVEC RESPECT SA RÉVÉRENCE AU LECTEUR

 

 

A JEAN VARIOT

 

I OÙ L’AUTEUR, ENCORE A L’ÂGE INNOCENT, RENCONTRE POUR LA PREMIÈRE FOIS DES SAVANTS A CHAPEAUX POINTUS

On rajeunit aux souvenirs d’enfance,

Comme on renaît au souffle du printemps.

Béranger.

Aux yeux de beaucoup d’esprits, qui traînent des convictions comme de vieilles habitudes, la Sorbonne reste une des gloires de la France. C’est un fétichisme qui me surprend, car ma mémoire ne garde de mes passages dans cette maison-mère de l’Université, que des images sans aucun sérieux.

Du lycée où l’on m’instruisit, c’est-à-dire où je transcrivais sur des cahiers ce qui était imprimé dans mes livres, on m’expédia pour la première fois à la Sorbonne vers mes quinze ans, afin que je prisse part à ce qu’on appelait pompeusement le Concours Général. J’en revois tous les détails avec l’exactitude qu’ont les souvenirs de nos grands étonnements. Rendez-vous à sept heures du matin, rue Saint-Jacques, devant la Tour universitaire qui ressemble à celle de la gare du P.-L.-M. Là s’assemblaient les meilleurs élèves des meilleurs lycées. Ils parlaient fort, brandissaient des dictionnaires importants ; ils me choquaient tous par leurs échanges de vanités ; et je me trouvais soudain une sympathie secrète pour les cancres, si modestes.

Puis, sur le seuil de la Faculté paraissait le groupe de nos censeurs. Chacun de nous, à l’appel de son nom, passait devant le sien, qui lui remettait un droit d’entrée d’un geste si digne que, pour ma part, j’en restais stupide et le cœur battant. Je montais avec peine les six étages menant à la salle du Concours… Ouf ! On atteignait les combles !… Là, des maîtres nous désignaient gravement une table. Nous étalions nos papiers ; nous sortions un déjeuner froid, car l’épreuve devait durer jusqu’au milieu de l’après-midi… Silence… Trois coups de règle… Et un Monsieur, toujours vieux et toujours triste, décachetait un vaste pli, duquel, solennellement, il tirait non pas un ordre de mobilisation générale, mais une simple et ridicule version latine, revue par l’Académie de Paris, complètement indéchiffrable, ou encore quelque plaisanterie historique, anatomique, philosophique, de ce genre-ci : Le règne de Marie Stuart. — La Vessie. — Des particularités de l’idée générale. Ceci énoncé, commençait le temps douloureux, quatre, six, huit heures, de bâillements, de langueur, d’ennui mortel et… de jalousie à voir des pions qui ne faisaient que se promener et lire sur nos épaules avec des moues avantageuses.

Alors, par rage, il m’arrivait d’être imbécile à dessein et, d’une plume satanique, d’écrire exprès ce qui me semblait le plus impersonnel, le plus pédagogique, le plus servilement exact dans les souvenirs que j’apportais de mes cours. Et je jure — je jure sur la tête du Recteur, de l’ancien et du nouveau, — que chaque fois que j’eus ces pensées mauvaises, j’obtins de l’Alma mater qu’est l’Université, mention ou accessit. En sorte que le Concours Général devint à bref délai une source de joies pour mon esprit, et qu’à dix-huit ans, lorsqu’il s’agit d’aller suivre toute une année les cours de la Sorbonne, j’abordai cette épreuve avec de l’allégresse dans l’humeur.

Ce fut pourtant une triste année, mais qui s’acheva par une libération réjouissante. Je ne connus que de pauvres maîtres : M. Lanson qui, pour féconder nos cerveaux, dictait, des heures entières, de la bibliographie ; M. Courbaud, qui traduisait les textes avec l’intelligence toute vive d’un dictionnaire ; M. Gazier et M. Lafaye, si encuistrés ceux-là, qu’ils étaient intolérables les jours de mélancolie, mais bouffes les matins de beau temps. — J’eus la chance que le seul homme d’esprit de la Faculté, Émile Faguet, me fît passer mes examens. Il me posa trois questions, auxquelles, lui-même, répondit coup sur coup ; et il se mit avec contentement une note favorable, grâce à laquelle je fus nommé je ne sais quoi ès-lettres.

A la prière de ma famille, je me rendis au Secrétariat pour y demander mon diplôme. Ce lieu spécial était habité par M. Uri, ours sans usages, qui jouit encore, même à l’étranger, d’un renom d’impolitesse assez étendu.

Il m’accueillit, les yeux hors de la tête :

— Qu’est-ce que vous voulez, vous, encore ?

Je répondis froidement :

— Vous voir de près.

Et je sortis, lui faisant cadeau de mon diplôme.

Il l’a toujours. Comme je sais qu’il est économe, il pourra, s’il veut, gratter mon nom dessus, le remplacer par un autre, et le donner au premier Turc venu.

Quelques années passèrent, lorsqu’un de mes jeunes amis atteignit l’âge fatal où l’on subit, en Sorbonne, les épreuves du Baccalauréat.

Son père disait :

— Mon petit, tu es à un tournant de la vie.

Moi je me tournais pour ne pas rire.

Mais comme ils étaient nerveux l’un et l’autre, on proposa de m’emmener. J’accompagnai donc père et fils à l’amphithéâtre, mot qui désigne une salle d’examens ou une salle d’autopsie ; et cette rentrée imprévue dans la Sorbonne me valut une riche journée, dont j’ai toujours plaisir à conter le détail.

M. Seignobos, professeur d’histoire, petit homme impertinent, tout en poils, l’œil moqueur et la voix aigre, dont tous les mots portaient comme des gifles, avait dit à sa victime, dans un ricanement :

— Qu’est-ce vous savez ?… Savez-vous quelque chose ?… Savez rien ?… Alors parlez-moi de n’importe quoi !

Le jeune homme avait protesté :

— Mais, Monsieur… je… je veux bien parler de la question d’Orient…

— Question d’Orient ?… Ah ! Ah !

M. Seignobos en sauta sur sa chaise.

— Eh bien, qu’est c’est l’Orient ?

— Monsieur, l’Orient comprend les pays…

— Pays orientaux ? Oui, lesquels ?

— La Turquie…