La fin de ma vie sous le LIS - Gérard Cavanna - E-Book

La fin de ma vie sous le LIS E-Book

Gérard Cavanna

0,0

Beschreibung

Une jeune femme, Cyndie, est confrontée au syndrome d’enfermement (LIS) et prend la décision de mettre fin à sa vie en Belgique, étant donné que l’euthanasie est illégale en France. Elle rédige un roman intitulé La fin de ma vie sous le LIS, relatant son expérience, qui connaît un immense succès et devient un best-seller.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Avec cet ouvrage, Gérard Cavanna met en lumière un univers où la force, la résilience et la souffrance se conjuguent pour souligner la part d’humanité qui réside en chacun de nous.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 203

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Gérard Cavanna

La fin de ma vie sous le LIS

© Lys Bleu Éditions – Gérard Cavanna

ISBN :979-10-422-0658-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Maman s’en est allée

Un fils face à la maladie Alzheimer

Saint Honoré Éditions – 2018

Le Prédateur

Le périple d’un prédateur, de la Syrie à la France

Saint Honoré Éditions – 2018

Le Prédateur II

L’ombre du copy-cat

Règlements de compte sous la marque du prédateur

Saint Honoré Éditions – 2019

Insurrection sur la Ve république

Révolte des Gilets Bonnets Jaunes

Pamphlet libertaire sur le pouvoir en place

Le Lys Bleu Éditions – 2019

Une boule de tendresse

Enquête sur l’amour indicible d’un animal pour son maître favori

Le Lys Bleu Éditions – 2019

A ball of tenderness

Inquiry into unspeakable love of an animal for its favorite master

Le Lys Bleu Éditions – 2019

L’Influenceur

La manipulation au cœur de l’intrigue

Le Lys Bleu Éditions – 2020

Un amour de confinement

La passion sous le confinement

Philippe Hugounenc Éditeur – 2021

On m’appelle Jérémie

Jérémie possède le pouvoir de pyrokinésie

Éditeur Publiwiz – 2021

LGBT mon amour

Un être désespéré par le transgenre

Le Lys Bleu Éditions – 2021.

Préface

Alexandra sortit de l’Airbus A320 et passa par le terminal 1 de Roissy Charles de Gaulle, le dernier contrôle de l’inspecteur Jeaneuve lui avait laissé un bon souvenir. Elle avançait fièrement dans les couloirs de l’aéroport, son port altier et ses formes généreuses faisaient retourner la gent masculine sur son passage.

— Alexandra, héla Jeaneuve. Est-ce que vous avez le feu aux fesses, j’ai eu du mal à vous rattraper parmi les passagers. Auriez-vous quelque chose à vous reprocher, et devrais-je m’occuper de votre cas ?

Le rouge aux joues l’empourpra soudainement, comme un CRS demandant à un manifestant ce qu’il compte faire du pavé qu’il cache dans son dos.

— Je rigole, bien sûr, désolé, mon métier m’oblige à suspecter tout le monde autour de moi. Même des personnes auxquelles je tiens personnellement. Puis-je vous raccompagner ?
— Non, merci, le service de la mairie passe me chercher, nous nous reverrons un autre jour. Je récupère mes bagages et je rejoins la dépose-minute où une voiture de la mairie doit m’attendre.

Chapitre I

Dans ce mois de janvier particulièrement pluvieux, la commune de Bressey-sur-Tille dans le département de la Côte-d’Or était sous les eaux.

— La ville a été victime du débordement du Gourmerault, un affluent de la Tille qui est surchargé, expliquait Patrick Moineau le maire.

Il devrait se déverser dans le Damaneau, mais celui-ci est également saturé et ne peut jouer son rôle de trop-plein. Avec l’aide des services de secours, nous avons relogé certains habitants dans le gymnase des Iris, et à l’hôtel de ville.

Beaucoup de Bresseyliens se déplaçaient et se rendaient dans leur habitation en barque, escortés par des sapeurs-pompiers. La dernière crue datait de 2013, mais n’avait rien de comparable, les dégâts risquent de se chiffrer en milliers d’euros. Du jamais vu depuis trente ans !

La famille Râteau, le père Yvan, la mère Cyndie et leur fils Sam avaient déjà regagné leur domicile dans le bas de Bressey, emmitouflés dans des gilets de sauvetage et regroupés dans une barque de pêcheur prêtée par la mairie.

— Je me demande dans quel état nous allons aujourd’hui retrouver notre pavillon, s’interrogea Yvan ?

— C’était une nuit cauchemardesque, souviens-toi le garage était inondé jusqu’à une hauteur d’un mètre cinquante, la voiture était complètement immergée, continua Cyndie.

— Moi, je me souviens d’un ciel noir d’encre zébré d’éclairs, je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie, dit Sam.

Heureusement que la mairie nous a prêté un gymnase où nous étions au sec, nous avons pu dormir sur des lits de camp et nous avons retrouvé les voisins ainsi que mes copains.

C’était chouette, cela m’a rappelé le camping à la Baule !

— Oui, marmonna Yvan, ne crois pas que tu vas être en vacances, si les écoles sont fermées, ta mère va te faire réviser tes devoirs.

— Pffff !

— Heureusement la rivière a commencé à refluer. On arrive, tenez-vous bien, nous allons accoster et profiter des dernières heures de clarté pour jeter un coup d’œil sur les dégâts des eaux, s’inquiéta Cyndie.

Nous avons emmené des lampes torches, car, il n’y a pas d’électricité.

À la queue leu leu, ils ouvrirent la porte d’entrée de leur home qui, gonflée par l’humidité, grinça dans un bruit sinistre.

La surélévation de leur habitation avait évité l’inondation intérieure, et les lieux paraissaient secs. À part une odeur persistante de miasmes et de boue flottant dans l’air, on pouvait penser que leur maison avait échappé au pire.

Un silence de cathédrale régnait dans les lieux vite rompus par la petite voie de Sam :

— Maman, j’ai faim !

— Écoutez, vous deux l’interrompit Yvan, nous devons d’abord vérifier s’il n’y a pas eu de dégradations et de vols par des maraudeurs, comme nous l’a spécifié la mairie !

Toi Sam tu regardes si ta PlayStation est toujours dans ta chambre, ha ha, dit-il en rigolant, Cyndie et moi on va jeter un coup d’œil aux choses importantes.

Sam monta dans sa chambre, où rien n’avait bougé, soudain, il s’arrêta net. Un bruit bizarre lui parvenait du grenier. Il entendait les voix réconfortantes de ses parents qui lui parvenaient du rez-de-chaussée, et surtout au-dessus de sa tête dans les combles, des glissements et des objets paraissaient se déplacer sur le sol.

Il descendit quatre à quatre les marches de l’escalier menant au salon et héla son père :

— Papa, il y a quelqu’un qui fouille dans le grenier, j’ai entendu du bruit !

— Nom de nom, j’avais laissé le vasistas légèrement ouvert pour éliminer les odeurs, avoua Cyndie.

— Bon, je prends ma batte de base-ball et je vais m’occuper de leur sort, écuma Yvan !

Ils descendirent l’escalier escamotable menant sous les toits et Yvan grimpa avec précaution les dernières marches, avant de se rétablir sur les solives du grenier.

Il faisait noir comme dans un four, ou comme dans le trou du cul du cochon comme disait sa grand-mère. Les lieux étaient encombrés de chaises pliantes, de matériels de jardin et nulle trace d’être humain où il aurait pu se cacher. Il fit un 360° avec sa puissante lampe et visa un coin où il y avait du mouvement. Il distingua deux yeux phosphorescents entre deux caisses qui le fixaient avec intensité.

Quand il s’avança vers l’animal, il découvrit un gros chat de gouttière, qui feula et cracha à son approche.

Il appela sa femme :

— Cyndie, c’est un chat qui s’est mis à l’abri des intempéries, mais il ne veut pas que je l’approche, viens voir si tu as plus de chance que moi.

Il se replia et Cyndie avança doucement vers la caisse où se trouvait le mistigri.

— Yvan, ce n’est pas un chat, mais une chatte, qui est venue mettre bas ses petits. Il y en avait cinq, mais quatre sont morts, un seul chaton reste vivant et elle m’a laissé le toucher.

Elle n’est pas du tout farouche, et je crois que nous allons les adopter tous les deux, non toutes les deux, car ce sont deux femelles.

Le diablotin piqua de sa fourche les fesses de la diablotine, qui miaula de rage en le poursuivant.

Chapitre II

— Aujourd’hui, nous avons vérifié qu’aucun intrus ne s’était immiscé chez nous, mais nous devons retourner au gymnase, où nos places nous attendent, affirma Yvan.

— Oui, surtout que mes potes risquent de me piquer mon édredon et mon lit de camp, ça je ne le supporterai pas déclara Sam.

— Arrêtez de vous chamailler vous deux, la barque nous attend, mais dis voir Yvan, tu me parais pressé d’y retourner trancha Cyndie.

— Je ne comprends pas le sens de ta question ?
— Si, souviens-toi de la jolie secrétaire du maire.

Mlle Feudor Alexandra qui ne cessait pas de te faire les yeux doux.

— … !

Yvan s’abstint de répondre et hocha la tête, manière de dire « n’importe quoi ». Il fallait être aveugle pour ne pas s’apercevoir du manège de cette pulpeuse rouquine, d’aucuns disaient qu’elle couchait avec monsieur le Maire, et qu’elle était son âme damnée, sans doute de mauvaises langues.

— De toute façon, elle dort à l’Hôtel de Ville avec son petit frère. Et je tiens trop à notre petite famille pour m’y risquer, sans compter que le seul amour de ma vie, c’est toi ma chérie.

Le retour de nuit au gymnase fut épique, déjà la pluie s’était remise à tomber et un vent tourbillonnant s’était levé. Le pompier, manœuvrant l’embarcation à la godille, avait heurté une alluvion et avait chuté dans l’eau boueuse.

Très vite le courant l’emporta, le spectacle était hallucinant avec ce pauvre garçon accroché à sa rame et tel un ludion disparaissait dans les vagues et réapparaissait en hurlant son désespoir. Les occupants du bateau étaient à la merci de la furie des eaux sans aviron pour le guider, ils s’agrippaient à ce qu’ils pouvaient.

Yvan serrait Cyndie et Sam, calfeutrés dans le fond de la barque, l’eau passait par-dessus le plat-bordet menaçait d’emmagasiner assez de liquide pour l’envoyer par le fond.

Tous les trois se mirent à écoper chacun leur tour, baignant dans une sueur empuantie et maudissant leur mauvaise étoile.

Soudain une lumière illumina la nuit, un dinghy de la Protection civile venait à leur aide. Il était temps, après avoir rembarqué dans le canot de secours, leur barque pleine d’eau s’enfonça dans la noirceur des flots.

Cyndie se jeta dans les bras du premier pompier venu en le remerciant avec moult gratitudes, d’une part il les avait sauvés et d’autre part pour titiller son mari, « vengeance faite femme », pensa-t-elle en son for intérieur.

Yvan regarda la scène et comprit le message, la jalousie de son épouse était sans limites.

La maison d’Yvan et Cyndie avait subi les souillures du temps et aussi les rapprochements d’Yvan avec la jolie secrétaire de mairie pendant les dernières inondations de la Tille.

Après les récriminations de sa femme, Yvan se démenait comme un beau diable pour se refaire une virginité auprès d’elle, à coup de bouquets de fleurs et petites attentions.

Plusieurs sonneries téléphoniques de la belle Alexandra étaient restées sans réponse et Yvan se posait la question « jusqu’à quand éviterait-il la confrontation avec elle ? »

Un soir, à la sortie du gymnase, Yvan se heurta avec une pieuvre parfumée :

— Pourquoi ne prends-tu pas mes appels, minauda Alexandra.
— Je suis marié et ma femme Cyndie me fait une vie d’enfer depuis ton apparition dans notre vie, que cherches-tu à faire, répondit-il ?
— Tu ne te souviens pas de moi, nous étions en classe primaire de l’école Élémentaire Jules Ferry de Chenôve. J’avais des nattes et tu t’amusais à leur tirer dessus.
— Non de non, c’est toi la petite rouquine que je torturais et à qui j’avais volé un baiser ?
— Oui, j’ai un peu grandi depuis et je me suis épanouie !
— Oui, comme une chrysalide sortant de son cocon, tu es devenue un joli papillon, pourquoi ne t’es-tu pas présentée ?
— Ta femme me rappelle une chanson de Marc Lavoine « Elle a des yeux revolver », je savais que je finirais par te rencontrer. J’attendais simplement le bon moment.

Devant sa glace, Cyndie, toute nue se faisait belle et repensait à la façon dont cette fille regardait son mari, tout en provocation.

Elle lissa ses rides et ses pattes d’oie, les affres du temps comme disait son mari, l’ingrat !

Elle brossa ses cheveux blonds dont le soleil du matin faisait miroiter les reflets mordorés.

Machinalement, elle rehaussa ses seins et frappa ses fesses rebondies, de quoi faire tourner la tête à la gent masculine. Le jeune pompier qui l’avait prise dans ses bras en avait été tourneboulé et avait rougi sous la fougue de Cyndie.

Bien sûr, elle accusait un petit ventre, mais celui-ci était toujours aussi ferme.

Elle décida de s’épiler le maillot en forme de cœur, après tout la Saint Valentin n’était pas si éloignée.

Tous les ans, Yvan l’invitait dans la petite pizzéria qui avait vu fleurir leur amour et dans laquelle il l’avait demandée en mariage, elle espérait qu’il ne l’oublierait pas cette fois-ci.

Elle se parfuma dans ses recoins les plus intimes, elle était prête à se confronter avec toutes les passionarias de la terre. Non, mais !

§

À l’entrée du gymnase, un deuxième personnage de la mairie s’apprêtait à sortir, Germain Milleau, dont le rôle de 1eradjoint l’avait amené à connaître les liens unissant le maire et sa secrétaire.

Germain dissimulait ses accointances avec la pègre de Dijon, son emploi à la mairie lui permettait de camoufler ses activités illicites, les trafics de drogue et règlement de compte concernant la ville et sa banlieue n’avaient plus de secret pour lui.

Alexandra l’avait snobé plusieurs fois à cause de la laideur de son physique, pour cela Germain allait lui faire payer cher son attitude.

Il se regarda dans un miroir et plaqua ses oreilles décollées sur ses cheveux clairsemés, son nez boursouflé par les nombreuses sniffades d’héroïne lui mangeait le visage, d’aucuns le comparaient souvent avec Serge Gainsbourg malheureusement il ne possédait pas son compte en banque ni son talent.

Il grimpa dans son dinghy, muni d’un petit moteur et se dirigea vers l’hôtel de ville où tout le personnel de la mairie s’était réfugié.

Les lits de camp étaient alignés près des fenêtres, le sien ne se trouvait pas très loin de celui du maire et d’Alexandra. Elle ne perdait rien pour attendre celle-là. Il lui réservait un chien de sa chienne. Sûr !

Maxime le frère d’Alexandra virevoltait entre les couchettes avec un autre gamin Julien à ses basques, en poussant des cris et des rires.

L’insouciance de son jeune âge, 11 ans, lui permettait de s’amuser malgré l’angoisse de la situation.

Germain suivait leur course effrénée d’un œil distrait, en réfléchissant à la manière à employer pour l’amener dans ses filets, asservir Alexandra et poursuivre sa vengeance.

Chaque personne avait aménagé son coin et sa couche avec des paravents pour éviter les regards indiscrets, surtout réservés à la gent féminine.

Alexandra aimait sentir les regards libidineux du personnel masculin glisser sur ses formes quand elle se déshabillait derrière les cloisons de séparation. Elle ajustait son soutien-gorge avec ses mains en conque pour affoler ses voisins directs.

Germain subodorait la meilleure façon de réaliser son projet quand Alexandra glissa à la sortie de l’hôtel de ville et se vautra dans l’eau limoneuse. Elle s’était cogné la tête sur le marche-pied de l’accueil et avait coulé comme une pierre.

Les pompiers sur place l’emportèrent aux urgences de l’hôpital de Dijon. Il réalisa que, grâce à ce coup de pouce du destin, le hasard allait lui apporter la solution.

L’hôpital le CHU de Dijon Bourgogne pansait ses blessures, lui aussi avait été impacté par les inondations et il gérait au mieux les patients.

L’établissement de soins, situé boulevard Chanoine-Kir, a souffert des intempéries, de nombreux agents s’affairent encore à déblayer le site.

Sur les parkings du centre hospitalier spécialisé de La Chartreuse, de la boue et des haies arrachées restent encore à nettoyer.

La crue de l’Ouche a complètement dévasté les côtés ouest et sud de l’établissement. L’eau a commencé à déborder ce mardi vers 23 heures, elle est montée jusqu’à 1,50 m de haut.

— Heureusement, nous avions été prévenus par le plan rouge mis en place par la préfecture, précisait Bruno Madelain, le médecin-chef, face à l’interview de Hanz Gerarth du quotidien Ouest-France.

Autrefois couvent, la Chartreuse est devenue la propriété du département en 1883. Il est maintenant un établissement de santé autonome géré par mes soins et mis sous le contrôle de l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté1.

Son territoire de santé de rattachement est la Côte-d’Or avec des secteurs psychiatriques couvrant Dijon et le sud du département. Seuls les patients de l’unité Jacques-Scholtes ont dû être transférés dans un autre service vendredi, aux alentours de midi, mais ils ont pu rejoindre leur unité samedi dans l’après-midi, poursuit-il, qui ajoute que le « plan blanc » a été mis en place afin d’assurer la continuité des soins.

L’eau déferlait de toutes parts, boueuse et menaçante, nous nous sommes retrouvés tels les rescapés du Radeau de la Méduse de Géricault.

J’en ai une copie dans mon bureau et chaque fois que j’y jette un coup d’œil, il me rappelle notre folle équipée.

Durant la nuit de vendredi à samedi, trois unités de soins, comprenant quatre-vingts patients, seront rapidement encerclées par la rivière en crue.

— Avez-vous eu des patients perturbés dans l’unité de soins psychiatriques par la montée des eaux, précisa Gerarth le journaliste ?
— Maintenant que vous m’en parlez, un des malades.

Jacques s’est pris pour Moïse et Cyndie, mon infirmière principale, vous en parlera mieux que moi :

— Lorsque nous avons été entourés par les eaux inquiétantes de la rivière, ils ne pouvaient plus se balader dans le parc comme ils avaient l’habitude de le faire.

Nous leur avons expliqué l’extravagance de la nature qui provoque les débordements de l’Ouche.

Avant que les infirmières ne puissent faire le moindre geste, Jacques s’est jeté à l’eau en marmonnant des choses inaudibles :

— Je suis Dieu, les eaux s’écarteront devant moi, aussitôt je le rejoignis en lui dictant qu’il n’était pas Moïse et que la rivière n’était pas la mer Rouge, en s’efforçant de ne pas rire, pour ne pas l’effrayer,

— Moi qui ne voulais pas me mouiller, je suis servie ! s’exclame-t-elle d’un ton rogue.

Germain pénétra subrepticement dans l’hôpital par le côté sud, réservé au personnel. Il fila vers les vestiaires des hommes afin de trouver une blouse blanche et pouvoir se fondre parmi les médecins.

Ainsi accoutré, il déambula vers l’accueil pour trouver la chambre d’alexandra.

« Tiens, tiens, pensa-t-il la 212, la même qui m’était dévolue quand je me suis fait opérer de la hanche. Si je me souviens bien, c’est une chambre individuelle, réservée aux personnes ne voulant pas être dérangées. »

Germain tâtonna sa poche et sentit le contour de la seringue qui allait lui permettre d’accomplir son plan machiavélique.

— Drogué et le cerveau complètement ramolli ! Voilà l’image loin de la réalité souvent associée aux patients placés sous morphine à l’hôpital, suggéra le directeur Madelain au journaliste Gerarth.

Dérivé de l’opium, la morphine est un analgésique (médicament antidouleur) qui peut engendrer une dépendance, mais les cas d’addiction sont rares.

Les patients qui deviennent dépendants ont reçu de la morphine pour des pathologies relativement ponctuelles et ont souvent une addiction préexistante qui les rend vulnérables. Toutefois, après trois ou quatre semaines de prise, un phénomène de manque est inévitable.

Mais si le patient est bien encadré médicalement, cela ne pose pas de problème.

Germain écoutait d’une oreille attentive le laïus du professeur, il allait faire en sorte que la belle Alexandra devienne accroc à son cocktail de drogues.

Il connaissait, pour l’avoir éprouvé, la morphine en PCA Patient Controlled Analgesia 2qui permet au malade de s’autoadministrer à l’aide d’une pompe programmable des doses prédéterminées de morphine (bolus) par voie intraveineuse en fonction de l’intensité de la douleur.

Son opération de la hanche s’était très mal déroulée, son fémur s’était ouvert en deux morceaux sous l’effort de la prothèse en titane et des coups de marteau pour l’enfoncer dans l’os. Il avait fallu cercler le fémur pour faire tenir la prothèse collée, il ne se souvenait pas de ces complications, car il était sous anesthésie générale.

Par contre le réveil fut douloureux et placé sous la pompe à morphine.

Germain réfléchissait à la longue rééducation qui avait suivi, ponctuée de phases d’accablement. Mais ce n’est rien à côté du rituel qu’il préparait pour la belle rouquine.

Le soir était venu, assis dans un fauteuil près des entrées, il lisait une revue médicale et il suivait d’un œil la lente progression des aiguilles de l’horloge, il avait appris que la meilleure des patiences est la mère des vertus.

Bientôt la nuit tomberait et il pourrait accomplir son forfait quand tous les malades et le personnel seraient ensommeillés.

Pour ne pas attirer trop l’attention, il sortait souvent près de l’endroit où les urgentistes se regroupaient afin de boire un café.

Comme ce n’étaient pas toujours les mêmes personnes, il passait facilement inaperçu. On lui a même proposé un thé, qu’il a poliment refusé.

Vers 21 heures, il s’était calfeutré dans un placard à balais après avoir vu un agent d’entretien faire son job et avait attendu que le moment fût venu pour sortir de sa planque.

Tout était calme, seule une infirmière tapait des notes sur un PC dans son bureau vitré.

Germain prit une plaquette servant de support pour les ordonnances médicales et se dirigea vers la chambre 212. Il entrouvrit la porte et après avoir vérifié l’obscurité de la chambre, il se faufila à l’intérieur.

La belle rouquine ronflait à qui mieux mieux, les cheveux épars sur l’oreiller, belle comme dans son souvenir.

Il vérifia que le goutte-à-goutte plongeait dans son bras, il sortit sa seringue pleine de son cocktail de dope, il suffisait de lui injecter quelques centimètres cubes tous les jours pour la rendre addicte.

Sa forfaiture accomplie, il se retira sur la pointe des pieds, ni vu ni connu. Alexandra trompé ta de plus belle comme satisfaite de son inoculation. « À demain », pensa-t-il.

Le diablotin riait comme un damné, en poursuivant la diablotine manipulant une seringue ensanglantée.

Chapitre III

Yvan travaillait dans une boîte d’usinage mécanique Méca Précis à Chenôve près de Dijon et Cyndie faisait l’infirmière aux urgences du CHU de Dijon.

Quelquefois, elle prêtait ses compétences à l’établissement hospitalier « La Chartreuse » situé près du parc de la Fontaine aux Fées.

L’inondation avait été dévastatrice et de nombreux agents s’affairaient encore à déblayer le site de la boue et des buissons arrachés par les intempéries. Durant le week-end, le lieu avait été la proie de la crue de l’Ouche, ravageant les unités de soins.

Il pleuvait sans discontinuer depuis plusieurs jours et Yvan était venu travailler pour récupérer des heures perdues, alors que les infos prévoyaient de futures inondations.

Sa boîte de mécanique à Chenôve était placée au milieu des champs et risquait d’être rapidement entourée d’eau. Il travaillait seul dans l’usine malgré les injonctions de son patron à quitter son poste à la moindre alerte.

Il œuvrait à l’usinage d’une pièce métallique dans le micron, quand il entendit un léger clapotis. Il se produisit alors deux choses bien distinctes, les lumières s’éteignirent et il vit que ses pieds pataugeaient dans de l’eau vaseuse. Dans le noir, il s’étala de tout son long en se heurtant douloureusement à une machine d’électroérosion.

En se relevant, il s’aperçut qu’il saignait abondamment du genou. L’usine possédait une sorte de mezzanine où le patron avait ses bureaux, il monta en clopinant les escaliers, traversa les locaux et ouvrit un vasistas pour grimper sur le toit.

De là, il eut l’impression d’être sur un navire échoué au milieu de la campagne de Franche-Comté, tout autour l’eau le submergeait. Il n’avait aucun moyen d’appeler les secours, la succion de l’eau s’infiltrant dans les infrastructures faisait un bruit d’enfer. Il s’assied sur le toit de l’usine et pris son mal en patience, les pompiers finiront bien par arriver.

Les bêlements des moutons essayant de se sauver de la noyade se mêlaient au chuintement continu des torrents d’alluvion.