La Grande Cavale - Claire El Kebir - E-Book

La Grande Cavale E-Book

Claire El Kebir

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Beschreibung

Claire, Ibrahim et Lila sont les membres d'une famille qui aime l'aventure et les découvertes !

Voici le récit d’une petite famille qui déserte – raisonnablement – son quotidien parisien bien huilé, et part huit mois arpenter le globe. Il y a Claire-de-France, la maman, Ibrahim-d’Algérie, le papa, et Lila, alias le petit Crabus, deux ans trois quart au moment où l’histoire démarre... Ils ont comme héritage la passion de l’aventure, et dans leurs bagages, le mariage des horizons.
Leurs proches les surnomment « Les Allemands » pour leurs talents d’organisation et d’anticipation : ce tour du monde à la découverte de l’Asie, des îles du Pacifique, de l’Amérique du Sud et des Caraïbes avait un itinéraire tout tracé. C’était sans compter sur la pandémie…
Alors accrochez-vous, ils vous embarquent dans cette grande cavale, sur les flots du destin et les pistes de l’évasion, dans la beauté du monde et la richesse de l’Humanité, à la conquête du plus pur des trésors : le présent.
Témoignage épique de l’année 2020, ce périple pétillant de découvertes et ébouriffant de rencontres vous livre les coulisses du voyage, et partage les astuces d’un départ réussi avec un tout petit.

Découvrez ce témoignage épique : une famille s'embarque dans un voyage de huit mois... en 2020 !

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Publishroom Factory

www.publishroom.com

ISBN : 979-10-236-1760-3

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Claire EL KEBIR avec la participation d’Ibrahim ELKEBIR

La grande cavale

Récit d’un tour du monde en famille… en pleine pandémie !

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À notre Lila

– 7 –

Voyager vous laisse d’abord sans voix, avant de vous transformer en conteur.

Ibn Battuta

Je me montrais sur cette affaire le plus discret possible, car rien n’est plus désagréable que d’être considéré comme un fou ou un héros quand on compte tout simplement prendre de très longues vacances. N’empêche, les réactions des uns et des autres étaient fort drôles et toujours instructives. Il y avait les prudents, ceux qui disaient : « vous faites une grosse bêtise. » À cet avertissement, les sages ajoutaient : « ça vous apprendra. » Et les très grands sages : « mais ce n’est pas si bête que ça. » Il y avait aussi les romantiques pour qui mon aspiration au voyage représentait une panacée universelle : si tout le monde était comme moi… Et puis les envieux, qui prétendaient me plaindre ; et ceux qui, à différents degrés d’hypocrisie, juraient qu’ils donneraient n’importe quoi pour venir. Les consciencieux, curieux de savoir si je connaissais quelqu’un à l’ambassade. Les pragmatiques, intarissables sur les vaccins et les armes à feu. Ceux dont la géographie était le point faible m’offraient des lettres d’introduction à leurs cousins de Buenos Aires, ou encore pensaient que j’allais voir des ruines aztèques. Il y avait les anxieux, qui se demandaient si j’avais fait mon testament. Et les anciens combattants, prodigues en conseils sur la meilleure façon de se débarrasser des fourmis et sur l’art de cuire tel singe à la chair soi-disant aussi succulente que celle du lézard ou du perroquet…

Peter Fleming, Un aventurier au Brésil

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Prologue

Voilà douze jours que nous sommes confinés. Enfermés, cloisonnés, séquestrés, comme un tiers de la planète. Quelle histoire. Il y a des jours avec, et d’autre sans… Wait and seecomme diraient les sujets de Sa Majesté, Wait and seadans notre cas : confinés certes, mais sur l’île de Tahiti, face à l’Océan Pacifique, dans un appartement déniché sur Airbnbavec THEbalcon doté d’une vue à cent quatre-vingts degrés sur le plus pur des horizons. À l’Est le port de Papeete et la danse des navires, et à l’Ouest, les sommets de Moorea.

Le soleil couchant, jour après jour, nous dévoile en ombres chinoises les contours des montagnes de cette île. Les reflets dorés révèlent des escarpements en dentelle. Parfois des nuages perchés sur les hauteurs concentrent les ultimes rayons de l’astre du jour. Chaque soir, un peu plus émerveillés, les reliefs de l’île sœur de Tahiti exercent sur nous un pouvoir ancestral de fascination. Le Manaest là, la force des anciens et de la Nature. L’énergie circule, et nous ne demandons qu’à nous en approcher, pour la contempler de plusprès…

Retour à la réalité… le confinement étant repoussé de deux nouvelles semaines, il va falloir patienter. Encore. Et encore. Et même sans doute encore un peu. Mais enfin, puisque nous sommes très officiellement affublés du statut de « naufragés identifiés » par les autorités locales, que les

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opérations de rapatriement sont reportées sine die, que nous avons refusé d’acheter de nouveaux billets d’avion une fortune (qui de toute façon seront annulés quelques jours plus tard), nous choisissons d’embrasser pleinement cet état de fait et d’organiser notre confinement ici, aux antipodes de notre Paris adoré.

Accessoirement nous n’avons plus ni appartement ni travail jusque mi-aout, alors forts de notre expérience de cavale pour s’extraire du Vietnam embourbé dans le confi-nement dictatorial et la crainte de l’étranger, et forts de dix jours de tergiversations politico-logistico-administra-tives à l’arrivée en Polynésie, c’est décidé, nous resterons ici, au milieu du Pacifique, prisonniers du Paradis, à la Arto Paasilinna.

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Préparatifs

Onze mois plustôt.

Nous, c’est Claire et Ibrahim, parents d’un trésor haut comme trois pommes : Lila, deux ans trois quart au moment où l’histoire démarre…

Nous avons troqué notre fille contre une voiture. Solution qui pourrait paraître radicale mais tout parent d’enfant en bas âge détient les clefs d’une créativité (presque) sans limites quand il s’agit d’inventer un stratagème pour pré-tendre à quelques jours en couple « comme avant », histoire de se ressourcer. Bref, descendus en train depuis la capitale jusqu’à une charmante ville du centre de la France, nos parents ont accepté de garder le trésor-haut-comme-trois-pommes quelques jours, et de nous prêter en échange leur carrosse motorisé, le temps d’une escapade en amoureux, à Marseille. Ibrahim est magicien, cette semaine il s’y produit quatre soirs de suite, l’occasion est trop belle.

Après avoir passé quelques années à peaufiner et organi-ser nos mariages civil, religieux, et culturels avec l’ensemble de nos familles, à Paris, dans l’Allier et en Algérie ; après avoir épuisé nos proches pour réaliser l’union que nous voulions, à notre image, il nous fallait un nouveau projet. Ensemble depuis treize ans, mariés depuis trois, et parents depuis deux, nous avions commencé à tout doucement

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épargner en vue d’un jour tout quitter pour arpenter la planète. Et puis un enchainement plus ou moins heureux d’obstacles disposés ça et là par la vie, nous a conduit à sauter le pas pour réaliser ce rêve si maintes fois évoqué, imaginé, visualisé : un tour du monde en famille.

Il faut dire que nous avons l’aventure dans le sang. D’un côté, le goût du voyage vient de toute une lignée de grands routards aux caractères bien trempés, courageux et témé-raires dans les tempêtes anonymes de la grande Histoire. Cet éclat dans le regard, cette flamme de l’ailleurs, ont géné-reusement été insufflés, puis entretenus par des parents ayant transmis, dès le plus jeune âge, la lecture d’une carte, l’orientation, l’ingéniosité… et l’amour de « l’autre ». À l’adolescence, organiser un périple en itinérant à travers l’Arménie et la Géorgie vint parfaire ce pacte ancestral : frère et sœur avions, à cette nouvelle génération, un cap dans le viseur et une boussole dans le cœur. Dix ans plus tôt, un frère et sa petite sœur arrivaient en ferry de l’autre rive de la Méditerranée, complices dans l’aventure, et traversaient la France en train-couchette pour rejoindre une colonie de vacances. Depuis Oran, la passion des escapades a été insufflée tout aussi tôt à travers des aventures en famille à la découverte du littoral nord-africain, des richesses des terres du Maghreb, des trésors méditerranéens… Forcément, le chemin était tout tracé : le mektoub, la destinée, comme on dit... À nous deux, Claire-de-France et Ibrahim-d ’Algérie, nous avions de quoi additionner nos héritages, et démul-tiplier nos horizons.

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Retour à la voiture prêtée par les parents, sur la route du Sud. Quelques larmes de séparation avec notre Lila vite séchées, nous respirons et croisons les doigts pour que le rendez-vous du matin, juste avant de prendre la route, porte ses fruits. Nous avons rencontré Alexandra et Sandye, sur les conseils avisés de mon frère, pour présenter notre projet et solliciter un prêt. L’accueil fut comme toujours aussi professionnel que chaleureux. Nous avons passé ce grand oral armés de budgets sous forme de tableurs excels, de planisphères, et de nos dernières fiches de paies, remplis d’espoir et tout à la fois bien conscients de l’incongruité de la demande. En effet, nous nous étions déjà endettés sur quatre générations suite à l’acquisition, pas si ancestrale, de notre charmant nid parisien. La réponse fut : « patience, nous regardons, et vous répondons sous une semaine ».

Le paysage défile, nous papotons, nous arrêtons prendre « un petit goûter », et roulons en direction de quatre jours de spectacle pour Ibrahim et pour moi de repos, de non logistique familiale, de farniente. Et puis le téléphone sonne. Tiens, c’est la banque, on a dû oublier de donner un justificatif…

« Allo Claire, c’est Alexandra du Crédit Agricole, je suis avec Sandye.

Oui ? Il vous manque un document ?

C’estoui !

C’est oui pour le dépôt du dossier ?

Non, c’est oui Claire, c’estoui !

C’estoui…

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C’est oui pour le prêt, on vous fait le prêt, on vous accompagne !

Allo ? vous avez entendu ?

… juste… merci ».

Ces quelques jours seuls, nous mûrissons les prochaines étapes. Partir demande deux biens précieux : du tempset de l’argent. L’argentc’était réglé, restait le temps. Salariés à temps plein, nous avons réalisé une fois de plus l’incommensu-rable chance d’être français. Outre le fait que nous allions sous peu expérimenter l’école gratuite après trois années de crèche exorbitante, vous rendez-vous compte, l’école gra-tuite…, nous avons béni Georges Clémenceau à qui nous devons l’existence du Code du travail. Savez-vous qu’ayant travaillé six années, dont trois dans la même entreprise, vous avez le droit de demander un congé sabbatique pour une durée comprise entre six et onze mois ? Et que dans les cas où vous ne remplissez pas toutes les conditions requises vous pouvez demander à votre employeur un congé sans solde ? Bien entendu, cela est encadré pour ne pas mettre en péril l’activité de l’entreprise, mais imaginez-vous ce privilège ? Partir une demi-année, et revenir tout beau tout bronzé, retrouver son poste, son statut, et son salaire…

Alors la semaine qui suivit cette mémorable escapade dans la cité phocéenne, nous récidivons chacun notre grand oral dans nos sociétés respectives, armés des mêmes planis-phères et de rétro plannings sur les huit mois qui précé-daient la date de départ souhaitée. Notre demande fut ainsi

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formulée : nous absenter pour huit mois, de fin décembre 2019 à fin août 2020.

Entre temps, nous avions avisé nos chères familles de cette nouvelle lubie. Quelques-uns ont rapidement rac-croché, vexés, d’autres ont accusé le coup, d’autres encore ont adoré l’idée… et au final tous nous ont soutenus dans l’amour et la tendresse qui les caractérisent. Il n’y a pas de grande réalisation sans formidable soutien. Et nous avons la chance d’avoir des appuis solides et inconditionnels pour concrétiser nos projets.

Gonflés à bloc par l’accord de la banque résolvant la question de l’argent, nous nous présentions devant nos « N+1 » respectifs, la gorge nouée, le front perlant, les mains tremblantes… et bien l’accord fut unanime et sans condi-tion, si ce n’est la promesse de revenir… La question du tempsétait également réglée. Et dans une grande humanité, du genre qui fait chaud au cœur, qui donne des papillons dans le ventre, des larmes aux yeux, et une foi sans faille en ses congénères.

En à peine deux semaines, nous avons tous les moyens pour partir. En ce doux Printemps 2019, l’aventure est lancée. Incroyable. La banque a cru en notre projet, en nous trois, pour que nous partions à la découverte de notre belle planète. Et puis la mise en place du prélèvement à la source des impôts nous facilite la tâche : pas de revenu en congé sans solde, égal pas d’impôt, impeccable.

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Lentement mais sûrement la machine se met en branle. Comme un Nautilus garé à deux pas de l’Atlantide entre un bénitier et trois anémones, que Némo aurait décidé de réalimenter en énergie. Le cap n’est pas encore certain, la boussole s’entête à tournoyer comme prise dans un champ magnétique. L’aventure démarre. L’oxygène nous manque un peu, c’est normal, nous sommes vingt mille lieux avant le grand saut. Heureux et déboussolés, il va falloir assumer maintenant… « L’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin » clama Jean Cocteau lors de son discours de réception à l’Académie Française… et bien allons-y, allons plus loin ! Huit mois nous s’offrent à nous pour planifier cette aventure extraordinaire. Le cap est fixé : nous décol-lerons de Paris le 26 décembre.

Notre plongée dans les récits d’aventures et les blogs de voyage débute. Nous décortiquons les expériences et conseils de nos contemporains comme de nos prédécesseurs, amateurs comme professionnels, retenant ce qui nous fait vibrer.

Le cadre de notre périple doit répondre aux deux impé-ratifs tempset argent, mais également autant que possible, faire correspondre les pays que nous souhaitions visiter avec les climats les plus favorables. Ah oui, et accessoirement, être adapté à un enfant en bas âge… À ce titre, le blog des petits globetrotteurs nous avait décomplexés sur « voyager avec un petit » dès les premiers jours de Lila sur notre Terre : à deux ans elle avait déjà un passeport bien garni, et une carte de fidélité SNCF largement amortie.

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La construction de l’itinéraire se déroule donc comme suit :

1. Établir chacun de notre côté une liste open-bardes pays que nous souhaitions visiter, sans aucune res-triction… Visiblement nous sommes deux à vouloir du soleil, tous les pays de nos deux listes sont situés entre le Tropique du Cancer et la Latitude 33° Sud de Santiago du Chili !

2. Croiser nos listes, échanger, palabrer… et en tirer une liste commune ;

3. Étudier les niveaux de vie de chacun des pays, et éli-miner ceux à niveau de vie trop élevé (ou nécessitant des visas ou des détours trop onéreux comme Pékin et la Muraille de Chine par exemple)… excepté la Polynésie dont nous rêvons depuis si longtemps ;

4. Soumettre cette liste à un pédiatre spécialisé en méde-cine du voyage à l’Institut Pasteur, afin d’être certains que tout cela soit bien compatible avec un enfant âgé entre trois et quatre ans (notamment pour les ques-tions de lutte contre le paludisme en Asie, et d’accli-matation à l’altitude en Amérique du Sud) ;

5. Rentrer cette liste dans le planificateur de voyage A contresensqui permet de visualiser la météo des régions sélectionnées en fonction du mois où l’on pourrait y être, dans le sens Est – Ouest et Ouest – Est, l’idée étant de ne pas « revenir en arrière » et de parcourir la

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planète toujours dans le même sens (le planificateur calcule aussi un budget et affiche sur une carte le trajet imaginé… ce site est une pépite !) ;

6. Et enfin, soumettre cette liste à une petite fée de Travel Nation, organisme spécialisé dans les transports autour du monde, qui, dès les prémices du projet vous guide avec bienveillance et professionnalisme vers les possibilités de trajets aériens.

La philosophie de notre voyage, qui nous guide pour la construction de cet itinéraire, est la suivante : des plages sublimes, des héritages culturels et civilisationnels excep-tionnels, des transports pittoresques… Nous optons pour un billet d’avion « tour du monde » comprenant une dizaine de vols pour relier les grandes régions que nous souhaitons parcourir, et ensuite une vie « sac à dos » au grès de nos envies et de nos rencontres, en empruntant des trains ou des bus locaux, sans trop de réservations. Nous avons tout de même en tête quelques « incontournables » pour chacun des pays traversés, et l’envie de se laisser porter par les joies de l’imprévu, le souffle de l’aventure et les rayons du soleil. La suite démontrera à quel point nous serons largement servis niveaux « aventure » et « imprévu »…

Bref, le parcours retenu est le suivant : trois mois en Inde et en Asie du Sud Est, un mois dans les îles du Pacifique, deux mois en Amérique du Sud, et deux mois sur les côtes de la mer des Caraïbes.

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Nos dernières vacances avant le grand saut sont pro-grammées fin juinen Grèce, en famille avec notre Lila, et mes parents. Le voyage comporte, outre une découverte de l’Acropole, cinq jours sur le voilier de quarante-trois pieds d’un couple d’amis. Nous saisissons l’occasion pour nous exercer à la pratique du « voyager léger», et tester divers équipements en prévision du tour du monde. Nous homo-loguons ainsi nos deux sacs à dos, le savon de mer du Vieux Campeur qui ne pollue pas l’océan et lave parfaitement corps et cheveux, ainsi que les affaires de plage : chaussons de mer, serviettes ultras légères, combinaison anti-UV pour Lila, et brassards gonflables à la fois compacts et robustes. Et puis nous testons un trajet retour depuis l’île d’Eubée vers Athènes la capitale, en transports en commun locaux, sans réservation, et sans parler un mot de grec. Bilan : sommes arrivés à bon port et sans qu’aucun de nous ne meure de faim ni ne cède à la panique devant les petites coquilles forcément rencontrées en chemin. Philosophie du Tour du monde validée haut lamain.

Au retour, une fois les billets d’avion achetés, l’étépasse à préparer la toute première rentrée de notre Lila, et établir la liste des démarches à réaliser d’ici le départ… Pêle-mêle : trouver un locataire pour occuper notre logement, com-mander nos cartes bancaires Revolut, se faire vacciner contre tout et (presque) n’importe quoi (sauf le Covid, à l’époque il n’est pas encore la star des labos et des médias), résilier nos abonnements de transport, acheter les équipements man-quants, créer un blog, obtenir les visas, regrouper les « idées de visite » pour chaque pays, réserver le premier hôtel, véri-fier nos passeports, actualiser nos cartes d’identité, souscrire

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une assurance voyage, scanner nos papiers importants, se procurer les guides et cartes, avertir le syndic de copropriété du long silence à venir, encartonner nos affaires, concevoir et envoyer des cartes de vœux pour la nouvelle année, pré-parer les colis qui nous seront expédiés à mi-parcours en Polynésie,etc.

Dans le courant de l’automne, nous réalisons l’ultime rétroplanning (ainsi que son jumeau Montessori destiné à notre Crabus, aliasla poutre du temps), répartissons les dernières actions à mener, et incluons comme « points durs » avant le grand départ : une tournée en Martinique et Guadeloupe pour Ibrahim, de nombreux dossiers à boucler pour moi, une visite de nos proches amis, une fête d’au revoir à l’école, et un Noël en famille.

Sur les conseils avisés d’Alexandre et Sonia Poussin dans Marche avant, nous décidons d’inclure à nos équipements, une jupe longue en tissu technique. Ce précieux guide à l’usage des aventuriers de grand chemin et des voyageurs immobilesabonde de trucs et astuces pour voyager léger. La thèse défendue par ce couple d’aventuriers – nos héros – est qu’une femme vêtue d’une jupe longue est « un signal fort, une preuve de respect des cultures traditionnelles et une identification à distance ». La pudeur comme passeport, la retenue, comme sésame du cœur des familles rencontrées loin des sentiers battus. Nous nous procurons donc en pol-yamide viaun fournisseur allemand, et recourons pour la réalisation aux talents de Nathalie, couturière du centre de la France qui, quelques années plus tôt, avait œuvré à la confection de ma robe de mariée et nous avait accompagnés,

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déjà, dans une folle aventure. Nous définissons ensemble un modèle, nous laissant guider pas à pas par les recomman-dations de Sonia, page cent cinquante-cinq et suivantes de l’édition Pocket. Fin novembre, LA jupe est prête, et colle parfaitement au timing : à J moins un moisnous terminons de recenser les affaires retenues pour nous suivre en voyage, et d’acquérir les équipements manquants : la clôture des sacs approche à grandspas.

Le calendrier de l’Aventdistribue ses chocolats et égrène en conséquence les dernières tâches à accomplir avant le D Day, entre euphorie, épuisement (petit rappel du contexte : une grève reconductible débuta le 5 décembre dans les trans-ports…), fébrilité, et incrédulité de traverser le miroir, de passer du plan parfaitement couché sur le papier, à la réalité en trois dimensions.

Enfin, à J-15, vient le temps de boucler les sacs. Voilà des mois que nous nous imprégnons de la pensée presque philosophique du « voyager léger », ne restait plus qu’à la concrétiser… Concrètement justement, cela se traduit par un véritable casse-tête logistique, un crève-cœur matéria-liste, un supplice cérébral… le résultat devant intégrer un unique sac à dos de 50 +10 litres qui ira en soute, et comme bagages à main un sac à dos de 30L et un mouchoir de poche de 10L. Voyager en itinérance et sans réservation implique bagages robustes, maniables, peu encombrants... et donc ultraslégers. Latitude zérode Mike Horn et Marche Avantde Nicolas Poussin détaillent avec précision les équi-pements à privilégier, et les écueils à éviter. Les sites petits globetrotteurset tourdumondistesencouragent aussi vivement

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cette pratique du voyager léger, à coup d’illustrations et de démonstrations dignes d’une médaille Fields. À bas les « okazou » et les « cépratikanmem » ; vive nos nouveaux mantras « l’objet le plus léger est celui qu’on n’emporte pas » ou encore « un sac lourd est un sac bourré d’angoisses ».

Nous suivons religieusement les étapes de cette intros-pection minimaliste et établissons la liste détaillée de ce qui devra nous suivre les huit prochains mois, précisant désor-mais pour chaque objet son poids, en grammes. L’exercice fut ardu mais fascinant. Fiers comme des paons, nous partirons au grand complet avec un sac de dix-huit kilos, un de huit, et un de deux. Nous préparons par la même occasion un colis qui nous sera envoyé à la mi-temps du voyage à Bora Bora en Polynésie, comprenant notamment les recharges en anti-moustique pour réimprégner nos tex-tiles ainsi que les affaires spécifiques à l’Amérique du Sud : doudounes compactes, chaussettes en laine, collants ther-molactyls, guide et cartes du continent. Merci les proches pour la logistique au cordeau.

Noëlarrive, la saveur de ces instants est plus intense que les années passées, la chaleur du foyer plus douce… et le dessert plus amer. Les au revoir ont