La grande comédie - Jean Mba - E-Book

La grande comédie E-Book

Jean Mba

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Beschreibung

Les hommes, et plus particulièrement les chrétiens, ont peu à peu quitté le monde réel hérité de Dieu pour s’installer dans un monde virtuel façonné par les philosophes, sophistes, théologiens et autres penseurs. Ce phénomène a mené à une véritable comédie, où les acteurs eux-mêmes ne se reconnaissent plus, perdus dans leurs propres créations. Conçu comme un outil d’éducation sociale et spirituelle, "La grande comédie" explore les enjeux controversés de notre monde moderne. Il se concentre sur les deux Domaines d’Action Stratégique (DAS) qui façonnent nos vies : l’Amour, au niveau social, et la Religion, au niveau spirituel. Un regard incisif et réfléchi sur les dérives de notre époque, cherchant à réconcilier l’homme avec son essence profonde.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Diplômé en comptabilité et gestion, Jean Mba a connu une carrière professionnelle diversifiée. Devenu disciple de Christ en 1992 après des études bibliques approfondies, il se passionne pour la véritable signification de l’évangile. Cette quête l’amène à critiquer les interprétations théologiques de la Bible et du Coran, mettant en lumière les incohérences avec la parole divine. À travers cet ouvrage, il partage son expérience avec ceux qui cherchent la vérité dans leur foi.

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Seitenzahl: 484

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Jean Mba

La grande comédie

Essai

© Lys Bleu Éditions – Jean Mba

ISBN : 979-10-422-7949-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À toi la gloire ! Ô mon céleste Père,

Qui dans l’abîme où j’étais loin de toi,

Vins par Jésus m’inonder de lumière

Et de l’esclave, un beau jour, faire un roi.

Remerciements

Primo, à mon frère en Christ, Mballa Nguele Roger, qui a fait de moi un disciple de Christ selon l’ordre de notre Seigneur Jésus-Christ.

Secundo, à ma chère épouse que je chéris de tout mon cœur, mais à qui il a manqué seulement la force pour casser mon ordinateur lorsque j’écrivais cette comédie, à cause de l’amertume qu’elle avait de me voir « perdre le temps » tous les matins, assis devant mon appareil à faire des « inutilités », au lieu de sortir chercher du travail et surtout que ça faisait plus de trois ans que j’avais perdu mon emploi et qu’elle supportait seule les charges de la famille. Elle assurait néanmoins, tous les matins, le plat de crudités qui servait à booster mon imagination.

Tertio, à tous mes frères et sœurs au sens africain du terme, afin que cette comédie serve de repère à ma pensée profonde qu’ils devront transmettre à nos enfants et petits-enfants.

Quarto, à tous mes enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants, toujours au sens africain du terme, comme mémoires de leur parent que je suis, qui n’a jamais eu suffisamment de temps, à cause du modernisme, pour leur transmettre sa pensée de manière orale comme l’exigeait la tradition africaine.

Quinto, à ma chère maman pour son amour de la lecture et pour le privilège que le Seigneur lui accorde de lire cet ouvrage à 79 ans.

Sexto, à Charles Armel MBATCHOU, journaliste, pour la sage décision qu’il a prise de démissionner de sa « charge épiscopale » pour devenir le Grand Prêtre de la mystique bantou. Il trouvera dans cet ouvrage, les éléments qui le conforteront dans cette décision.

Septimo, à mon coéquipier Elougou Elounbo alias « Vialli », du club de football vétéran « As Véto » à qui j’ai promis la surprise à la sortie de cet ouvrage.

Infine, à mon défunt frère en christ, Takoua Jean-Jacques, qui avait promis de contribuer à la rédaction du paragraphe sur « les quatre dons d’Éden », mais que le Seigneur a rappelé auprès de lui avant qu’il n’ait pu accomplir cette mission. J’ai tenu à insérer ce paragraphe dans l’ouvrage en sa mémoire.

Préface

Je viens de lire une œuvre qui m’a surpris et étonné à la fois par son style simple et acerbe. J’ai eu l’impression qu’on m’enlevait un voile des yeux. Je crois fermement que l’ennemi de mon âme avait mis un mur épais entre mes yeux et ma pensée, durant toutes ces années que j’ai passées à boire les doctrines de mon église. Sinon, comment des vérités aussi visibles que celles énoncées dans cet ouvrage ont pu échapper à la vigilance d’un esprit scientifique et cartésien comme le mien ? Je recommande fermement cette œuvre à tous ceux qui souhaitent s’affranchir de l’évangile colonial et retrouver la véritable voie du salut ; sans oublier les amoureux qui trouveront du coton à filer dans les théories amoureuses, une réflexion scientifique extraordinaire qui pourrait ressusciter Guy-De-Maupassant ou Charles Baudelaire.

Bonne lecture

Nathan Mbuza Asum

Chrétien laïc engagé

En parcourant ton œuvre, j’aurais pu dire que tu fais de la révolution… il n’en est pas question.

Je pense que tu as parfaitement raison de rétablir la vérité sur ces domaines. Les Blancs ont orienté ces sujets vers leurs civilisations. L’église doit jouer son rôle de dire la vérité tout en éduquant le peuple de Dieu.

Je félicite ton courage de dénonciation. Le plus intéressant est que tout est dit et démontré sur la base des saintes Écritures. Le peuple de Dieu sera édifié en s’appropriant l’œuvre et en le parcourant attentivement.

Étienne Pierre,

Ancien d’Église NDI ZAMBO,

Expert en comptabilité,

Ancien Directeur Comptable à Orange Cameroun

Avant-propos

Un sage chef d’État africain avait déclaré un jour : « la politique aux politiciens ; l’école aux écoliers ». C’était en fait pour fustiger les personnes qui s’aventurent dans les domaines qui ne sont pas leur bol de bouillie de maïs (si j’étais asiatique, j’aurais parlé de tasse de thé), et notamment les élèves et étudiants qui se mêlent de la politique. Cette déclaration a raisonné dans ma tête comme un son du tam-tam dans un clair de lune en Afrique, au moment où je prenais la décision d’écrire ce livre.

En effet, je suis comptable de formation et la logique voudrait que je produise des œuvres dans le domaine de la gestion ou de l’information financière tout court. Ce d’autant plus que j’ai accumulé une très grande expérience professionnelle dans les directions administratives et financières des grandes entreprises, malgré un parcours académique pas très reluisant, car ennemi des chiffres.

Dans un paradoxe qui m’a surpris moi-même, j’étais un très mauvais comptable dans la théorie, mais révélé très bon dans la pratique. Durant tout mon parcours scolaire, sur cent épreuves de comptabilité, je ne crois pas avoir obtenu la moyenne sur vingt. Pourtant, j’avais un sens d’analyse et de synthèse bien développé, mais qui se heurtait le plus souvent au manque de logique que j’observais dans la plupart des épreuves d’évaluation ; de plus, ma mémoire faisait toujours des bulles face aux chiffres. Or, dans la pratique, les principes comptables apparaissaient dans une logique sans équivoque et les calculs étaient faits par les machines.

Pour revenir aux mobiles qui m’ont poussé à écrire cet ouvrage, je crois qu’il y a deux éléments déterminants : le premier est l’esprit d’analyse évoqué plus haut qui m’a conduit à observer le monde qui m’entoure avec le même regard critique que celui avec lequel je gérais les données comptables ; le second est que j’ai toujours été plus à l’aise avec les lettres qu’avec les chiffres.

En observant le monde qui nous entoure, je me suis attardé sur deux domaines majeurs qui gouvernent notre société à savoir : l’amour et la religion. En management, on parlerait de DAS (domaine d’action stratégique).

En effet, l’amour et la religion sont deux domaines d’action stratégique qui sous-tendent le management du monde aussi bien antique que moderne.

Dans le DAS amour, et en m’inspirant des auteurs des théories managériales des entreprises, j’ai pu développer trois théories amoureuses à savoir : la théorie de la patience, la théorie des « EX » et la théorie de l’hypothécaire égoïste.

Dans le DAS religieux, le plus célèbre réformateur protestant, Martin Luther (1483-1546), a été ma source d’inspiration avec ses 95 thèses.

En effet, après avoir occupé de hautes fonctions dans l’Église catholique romaine, Luther va quitter cette église pour intégrer le mouvement protestant initié un siècle plus tôt par John Wycliffe (1330-1384, précurseur de la réforme protestante). Plusieurs fausses doctrines enseignées par la religion dominante de l’époque étaient la cause de sa démission. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de Luther était la « vente des indulgences » organisée par l’évêque de Rome (le Pape) dans le but entre autres de trouver de l’argent pour construire la Basilique Saint-Pierre de Rome. La « vente des indulgences » consistait à vendre parfois à prix d’or, le pardon des péchés. Car à cette époque, le pape s’était arrogé le pouvoir d’absolution des péchés et il l’exerçait par l’intermédiaire de ses subalternes (évêques et prêtres) contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Luther qui avait appris en lisant les écrits de John Wycliffe, que le pardon des péchés était offert gratuitement au monde par la foi en Jésus-Christ, se révolta contre cette lugubre pratique. Il se sépare donc de l’Église catholique et écrit les 95 thèses qui ont forgé sa renommée.

Loin de moi l’idée de me hisser à la hauteur de cet éminent homme de Dieu qui a donné sa vie pour la cause de l’évangile de Jésus-Christ. Son courage m’a toutefois servi d’exemple pour rédiger les trois thèses que je présente dans ce livre. À l’époque de Luther, la moindre contradiction aux fausses doctrines instituées par l’évêque de Rome vous conduisait tout droit au bûcher, c’est-à-dire à être brûlé vif sur la place publique. Dieu merci, le vent des libertés a emporté ce genre de pratiques de nos jours. Mais ce n’est pas une garantie pour moi que les pourfendeurs actuels de l’évangile me colleront la paix à la sortie de cet ouvrage. Le Seigneur sera notre seul juge.

En effet, tout comme la vente des indulgences avait révolté Luther au 15e siècle, le christianisme moderne s’illustre par des pratiques et des lois doctrinales qui galvaudent le véritable sens de l’évangile de Jésus-Christ et tiennent les vrais adorateurs de Dieu captifs, tout en leur fermant la porte du ciel. De telles pratiques ne peuvent pas laisser indifférent un observateur avisé et investi d’une instruction divine. « Dieu est grand par sa puissance ; qui saurait enseigner comme lui ? » (Job 36 : 22, LSG)

C’est dans cette logique que j’ai pu constater que le sens donné à certains péchés par les théologiens modernes était très éloigné de la vérité biblique. La plupart de ces péchés puisent leur source dans les lois humaines n’ayant aucun rapport avec Dieu. C’est le cas de l’adultère et de la fornication. Par ailleurs, le mariage en tant qu’institution divine a perdu son sens original pour devenir un rituel folklorique vidé de toute sa substance édénique. Vous pouvez donc deviner aisément que mes trois thèses s’appuient sur la trilogie : adultère, fornication et mariage.

Nous avons dans l’histoire, une femme qu’on aurait qualifiée d’illettrée, mais qui a été puissamment utilisée par le Saint-Esprit à tel point qu’elle a produit la plus vaste littérature chrétienne de tous les temps : il s’agit d’Ellen Gould White (1827-1915). Dans l’un de ses ouvrages intitulé « Jésus-Christ », elle fait une déclaration dans les pages 821 à 822 qui a également été une source d’inspiration pour moi : « L’ordre donné par le sauveur (Matthieu 28 : 19-20) s’adresse à tous les croyants, jusqu’à la fin des temps… Tous ceux qui ont reçu l’inspiration céleste sont associés à l’évangile. Tous ceux qui reçoivent la vie de Christ sont mis à part pour travailler au salut de leurs semblables. C’est en vue de cette œuvre que l’église a été établie, et tous ceux qui entrent dans l’église s’engagent solennellement, par-là à devenir des collaborateurs de Christ. »

Que le seigneur accorde sa sagesse à tous les lecteurs (en particulier aux laïcs) de cet ouvrage et les instruise au-delà de mon imagination afin qu’ils deviennent eux aussi des collaborateurs de Christ dans cette exaltante œuvre d’évangélisation.

« Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur ». (1 Corinthiens 15 : 58)

Introduction générale

Les Hommes en général, et les chrétiens en particulier, ont pour la plupart, et cela depuis fort longtemps, déserté le monde réel hérité de Dieu, pour émigrer et s’installer dans un monde virtuel créé par les philosophes, les sophistes, les méthodistes, les moralistes, les théologiens ou tout simplement les « hommes de Dieu ou Men of God ».

Les théories de ce monde virtuel puisent leur source dans les multiples dogmes religieux ancrés dans les points doctrinaux de la plupart des religions mondaines.

L’influence de ces dogmes est telle que notre monde d’aujourd’hui ne vibre qu’au rythme de ces principes issus des doctrines mondaines et religieuses, à tel point que le message évangélique est noyé dans cette cacophonie des lois humaines. On aboutit au finish à une véritable comédie dans laquelle les acteurs ne se reconnaissent pas eux-mêmes.

Cet ouvrage, qui se veut un instrument d’éducation sociale et spirituelle, abordera divers aspects controversés de notre monde moderne dans les deux domaines précités (social et spirituel ou bien amour et religion). Ces aspects sont regroupés dans trois tomes contenant chacun trois parties indépendantes, appelées actes de la comédie. En clair, chaque tome est composé de trois actes. J’implore d’ores et déjà l’indulgence des érudits de la littérature (surtout ceux qui ont lu Molière), pour ce néologisme que j’introduis dans leur forêt sacrée des styles ou genres littéraires. Néanmoins, ces derniers pourront bien identifier, dans cet ouvrage, les caractéristiques d’une œuvre comique à savoir une intrigue qui s’inspire de la vie quotidienne ; un but moral et didactique qui démasque les imperfections des hommes et les incite à se corriger.

Cela dit, les tomes sont structurés ainsi qu’il suit : Le premier tome, dans ses trois actes, traite de trois curieuses théories que les Hommes ont conçues consciemment ou inconsciemment et qui gouvernent le monde sentimental à savoir : la théorie de la patience, la théorie des « EX » et la théorie de l’hypothécaire égoïste. Ici, le lecteur découvrira la fourberie et l’égoïsme qui pervertissent les relations amoureuses entre les hommes et les femmes.

Dans le tome deux, le lecteur verra avec un grand étonnement, comment les chrétiens du monde entier ont été amadoués par deux péchés inventés par les hommes, mais dont la paternité a été attribuée à Dieu, sans que cela soit démontré dans la bible qui est la parole inspirée de Dieu. Il s’agit d’une part du péché de la fornication, logé en dessous de la langue de tous les leaders religieux, et d’autre part, du péché d’adultère imputé à l’homme marié à la faveur du sacro-saint principe de l’égalité homme-femme. Une égalité approuvée paradoxalement par les chefs religieux modernes alors que Dieu lui-même a déclaré dans le livre de genèse, chapitre 3, verset 16 que les désirs de la femme se porteront sur son mari, mais que le mari dominera sur sa femme. Dans ce tome, le caractère dogmatique de ces péchés sera mis à nu et le chrétien sincère y trouvera une source d’énergie spirituelle pour mener à bien son combat de la foi.

Les trois actes du tome trois parlent de trois systèmes religieux qui dominent le monde actuel à savoir : le catholicisme, l’islam et les témoins de Jéhovah. Le lecteur découvrira qu’il existe un lien fraternel très étroit entre ces trois groupes religieux apparemment disparates.

À la fin de chaque tome, il sera question de tirer les leçons spirituelles qui se dégagent de l’analyse des trois actes et prendre une décision judicieuse pour la vie éternelle du chrétien véritable.

« À Dieu seul, notre sauveur, par Jésus-Christ notre seigneur, soient gloire, majesté, force et puissance, dès avant tous les temps, et maintenant, et dans tous les siècles ! Amen ! » (Jude, verset 25)

Tome 1

Curieuses théories amoureuses

Introduction

Frédéric DARK, célèbre écrivain plus connu sous le pseudonyme de SAN ANTONIO, a publié dans sa vaste œuvre romanesque, un roman intitulé, J’ai bien l’honneur de vous buter. Ce titre a retenu mon attention sur la réponse donnée par le personnage principal à la question posée, à la fin du roman, par le chef bandit, déguisé en dame, à savoir : « Que voulez-vous à moi ? » La réponse de ce personnage était la suivante : « vous raconter une histoire, ma pauvre vieille. Une histoire dans laquelle personne n’est soi-même : tu entres dans une masure et c’est un palace ; tu vas chez un mort et il te suit dans la rue ; tu ouvres la tombe d’un ancien officier de l’armée et tu déniches une souris ; tu as devant toi cette bonne vieille dame de Katty et… ». Katty était en réalité, comme nous l’avons dit plus haut, l’espion recherché par le commissaire SAN ANTONIO, le personnage principal du roman, mais déguisé en dame et qui le filait pour noter ses faits et gestes jusqu’au moment où il s’est fait piéger par ce dernier.

En effet, nous évoluons dans un monde où en réalité « personne n’est soi-même ». Nous jouons pour la plupart des rôles attribués par notre égoïsme et notre duplicité. Un penseur n’a-t-il pas défini la vie humaine comme une pièce de théâtre où chacun qui naît entre en scène, joue son rôle et disparaît à sa mort ? Cette description qui caractérise la vie des Hommes en général affecte presque tous les domaines de la vie sociale. Dans ce tome divisé en trois actes, nous allons nous attarder sur un pilier essentiel de la vie mondaine à savoir les relations de couple. Nous vous présentons à cet effet quelques théories de notre monde virtuel en matière des relations amoureuses homme-femme. Il s’agit des trois théories exprimées ci-dessous :

(1) La théorie de la patience :

Théorie conçue par les femmes pour mettre la patience des hommes à rude épreuve et qui, de prime à bord, ne pose aucun problème à ces dernières, car, la théorie cadre bien avec le tempérament de nos moitiés. Aussi, verrons-nous, dans l’acte un, comment notre personnage principal Mola va déployer tout son génie pour sortir du bourbier dans lequel cette théorie va l’enfoncer.

(2) la théorie des « EX ». Elle a pour père fondateur les hommes, et s’appuie sur l’adage qui dit que : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ». Ici, les Hommes rompent les relations amoureuses avec un cynisme déconcertant, laissant derrière eux une multitude des « EX ». Curieusement, le malheur causé à la victime de cette rupture n’émeut personne et le malheureux peut même se suicider à la grande satisfaction de tous. Le lecteur découvrira ici les facteurs qui favorisent l’éclosion de cette terrible théorie et les astuces données aux hommes de bonne foi pour éviter de faire des victimes.

(3) la théorie de l’hypothécaire égoïste. C’est la théorie charnière où l’homme et la femme se rencontrent allègrement. Ici, chacun se plaît à « taper sur le dos » de l’autre, mais personne ne souhaite qu’on tape sur son dos. Cette théorie est la cause principale des foyers brisés dans le monde. Zamezame, le personnage principal de cette scène l’aura appris à ses dépens. Son histoire très édifiante devra servir de leçon à tout lecteur avisé de cet ouvrage.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Acte 1

La théorie de la patience

Avertissement

Ce chapitre contient des scènes érotiques qui pourraient heurter les esprits fragiles. Il est également proscrit aux mineurs.

Âmes sensibles et mineurs, bien vouloir s’abstenir de lire.

« La vie c’est la patience », a-t-on coutume de dire. Si la patience est une qualité essentielle pour réussir dans presque tous les domaines de la vie, il faut reconnaître qu’elle est très mal adaptée à certaines circonstances de la vie courante, notamment lorsque votre patience est mise à rude épreuve à dessein.

Cela me rappelle l’extrait d’un tube à succès des années 60, du célèbre musicien, Hilarion NGUEMA, qui disait à peu près ceci : « tout l’espoir que j’avais, je commence à le perdre. Il y a bientôt dix ans que j’attends ta promesse. Puisque tu m’as promis, je garde patience. Mais comme tu le sais toi-même, la patience a ses limites… »

Dans la plupart des pays d’Afrique noire, on fait toujours la différence entre l’heure du Blanc et l’heure du Noir. Avec l’heure du Noir, on peut vous donner un rendez-vous à 10 heures et on vous reçoit à 14 heures. Vous n’avez aucun droit de vous plaindre, car c’est déjà une grande faveur de vous accorder une audience. Les cas où vous pouvez attendre de 6 heures à 18 heures sans être reçu sont légion. Un adage dit que la ponctualité est la politesse des rois. Malheureusement, on est « roi » en Afrique lorsque des foules peuvent se placer à 6 heures tout le long d’un itinéraire que vous allez emprunter à 15 heures, juste pour vous ovationner à votre passage.

Sur le plan des relations amoureuses qui nous intéressent, cette théorie est conçue par les femmes qui de prime à bord ne pose aucun problème à ces dernières, car elle s’adapte très bien au tempérament de nos moitiés. En quoi consiste-t-elle ?

Pour répondre à cette question, analysons plutôt les raisons qui poussent un homme à faire la cour à une femme. À mon avis, il y a deux raisons : une principale et une secondaire. La raison principale c’est la recherche d’un partenaire pour satisfaire son instinct sexuel et assouvir le désir qui l’accompagne. La raison secondaire c’est de trouver une compagne pour soigner la solitude ou, si les circonstances s’y prêtent, pour en faire une épouse.

Or, pour la femme, les opinions sont partagées selon qu’on soit une jeune fille pubère, une femme célibataire ayant connu moult déceptions, une veuve, ou tout simplement une femme mariée.

La jeune fille pubère sait qu’elle ne doit se livrer qu’à son mari. Elle n’a aucune idée de l’importance ou non de l’acte sexuel. Dans sa petite tête, elle sait qu’elle doit se marier et faire des enfants. Voilà pourquoi les jeunes filles sont très vulnérables et que les lois divines et humaines les protègent. Aucun homme ne doit en faire un objet sexuel sans en payer le prix fort. Dans la bible, lorsqu’une jeune fille était dépucelée de force (aujourd’hui, on parlera de viol), le violeur était obligé de l’épouser, et il payait une amende à ses parents pour réparer le déshonneur causé à la jeune fille (Deutéronome 22, 28-29). Les lois mondaines prévoient de lourdes peines de privation de liberté et des amendes.

Pour la femme célibataire ayant maintes fois été abusée par des hommes, son souci également est de trouver enfin un homme pour la vie. Elle n’est donc pas prête à se livrer au premier venu. Dans l’optique de parvenir à sa finalité qui est de s’offrir d’abord les faveurs de la femme avant de voir où cela va le conduire au finish, l’homme doit user de tous les artifices pour convaincre la femme de se livrer. Et cela peut prendre des semaines, des mois, voire des années.

La veuve quant à elle doit d’abord se refaire une santé morale. Les blessures de la séparation d’avec son époux qu’elle chérissait, la rendent allergique, voire insensible à toute nouvelle aventure. Habituée à une vie stable de couple, elle n’aspire qu’à reconstituer celle-ci et n’est donc pas favorable aux aventuriers.

La femme mariée n’a a priori aucune raison d’accepter les « avances » d’un aventurier. Mais à l’observation de l’enfer que certaines dames vivent dans leurs foyers, on comprend aisément pourquoi quelques-unes tombent dans la tentation. Mais, ce n’est pas le pourquoi qui nous intéresse ici, c’est plutôt comment elles réagissent face à l’homme qui leur fait la cour. Comme toute femme, la mariée aussi a besoin du temps pour prendre sa décision.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons affirmer qu’aucune femme ne souhaite avoir un homme prioritairement pour le sexe. Même celles qui sont déjà résignées au commerce du sexe le font d’abord pour le prix qu’on leur paie.

Lorsqu’une femme accueille les hommages d’un homme, elle éprouve deux sentiments à savoir, la crainte d’être trompée et le désir de succomber. Les experts estiment que, si elle n’accède pas au désir de l’homme qui la courtise, c’est qu’elle a été mal attaquée. Dans la majeure partie des cas, elle finit par céder tôt ou tard si ses conditions sont réunies.

L’homme quant à lui, on l’aura vu, la raison principale qui le pousse vers une femme c’est la satisfaction de son instinct sexuel et l’assouvissement du désir qui l’accompagne. Les experts estiment pour son cas qu’il lui suffit seulement du consentement de la femme et d’un lieu plus ou moins sûr pour passer à l’acte sexuel. Or, pour la femme, il faut attendre qu’elle soit prête, ce qui peut prendre des jours, des mois voire des années. C’est ici que la théorie de la patience imposée par la femme aura un impact significatif sur le comportement sexuel de l’homme. L’histoire qui va suivre illustre bien cette affirmation.

Mola est un jeune fonctionnaire de trente-cinq ans, marié et père de trois enfants. Depuis sa sortie de l’ENAM (École Nationale d’Administration et de Magistrature), il y a quatre ans, il exerce comme agent décisionnaire au ministère des Finances Kamerunais. Son poste de travail est basé à Yawundé, capitale politique du pays.

Il rêvait, comme tout jeune fonctionnaire, de quitter les bureaux « stériles » du ministère pour un poste juteux dans les services déconcentrés de son département ministériel. Il avait tout de même réussi à hausser son statut social grâce, au « rappel d’intégration » qui lui avait permis de s’installer dans un studio, de souscrire à quelques formalités d’usage pour célébrer le mariage avec sa femme Gonda, et acheter un véhicule japonais d’occasion. Aujourd’hui, il a de la peine à joindre les deux bouts avec son maigre salaire, sans avantages.

Depuis deux ans, il activait le petit réseau de relations dont il disposait pour accélérer les « choses ». Sur le conseil d’une amie de son épouse, il a même effectué un voyage éclair à l’est du pays pour rencontrer un sorcier pygmée qui lui a fait boire des décoctions, Il avait auparavant assisté à plusieurs veillées de prière sans succès dans une église pentecôtiste dont on disait le prophète très puissant. Sans oublier qu’en tant que fervent chrétien catholique, il avait fait plusieurs neuvaines avec la puissante prière de « Marie qui défait les nœuds ». Son épouse n’était pas restée passive : pendant plus d’un an, tous les trois premiers jours du mois, elle allait se prosterner devant la statue de Marie tous les soirs en récitant le rosaire. Elle disait l’Angélus trois fois par jour (matin, midi et soir) et récitait les litanies de la Sainte Vierge Marie matin et soir.

Deux longues années que cela durait et rien ne semblait bouger jusqu’à ce vendredi 25 mars, lorsqu’il découvrit comme tous ses collègues du ministère la fameuse note qui attirait une foule sur le babillard situé au rez-de-chaussée de son immeuble ministériel, et qui l’affectait à Duala, capitale économique du pays comme chef de bureau de l’assiette fiscale à la recette des finances de ladite ville.

Le vœu de Mola est exaucé. Il va enfin quitter ce maudit bureau du ministère où il passait la majeure partie du temps à lire les journaux et à faire des débats politiques et sportifs. Il ne se préoccupe plus de savoir d’où lui est venu le salut. L’essentiel est là : la nomination est tombée. « Le gars est en haut », comme avait chanté Donny Elwood.

Mola a une connaissance vague de la ville de Duala surnommé par les Sawas « Awolo mbengue », signifiant littéralement « Duala étranger », question d’assimiler Duala à Paris. Il y avait passé les grandes vacances chez un oncle durant son cycle secondaire. Contrairement à la ville de « Ongola Ewondo » (la clôture des Ewondos) pleine de vallées et de collines, Duala est une ville entièrement plane aux rues réputées identiques. Awolo est pratiquement sans repère ici, tandis que le centre-ville de Yawundé est facilement repérable partout où l’on se trouve à l’aide de l’immeuble SHELL. Une autre caractéristique de la ville de Duala, autant que Mola s’en souvienne est son climat chaud et les moustiques qui y ont fait leur gîte et que l’on pourrait tuer dans certains quartiers comme New-Bell, avec les lattes, tellement ils sont rustiques.

Le premier jour, il est arrivé à Duala à 6 h du matin par train-couchette. Il a pris trois douches entre dix heures et seize heures à cause de la chaleur qui le faisait transpirer comme un docker du port en plein déchargement d’un container de riz. Ses voisins éclatent de rire lorsqu’ils le voient entrer dans la salle de bain commune pour la troisième fois dans la journée. Ils lui révèlent plus tard qu’ils ont compris qu’il venait d’ailleurs.

C’est dans un état d’esprit mitigé que Mola quitte sa petite famille pour « awolo Mbengue ».

Il vient de rejoindre son nouveau poste d’affectation dans cette ville située à plusieurs centaines de kilomètres de son ancienne résidence. Les bureaux de la recette des finances sont situés au quartier administratif de Bonanjo.

Bien évidemment, Mola s’est installé dans un hôtel en attendant de trouver un nouveau logement pour faire venir sa famille. L’hôtel de deux étoiles était situé à la rue Mermoz, au quartier Akwa, centre commercial de la ville de Duala. Cette rue est intercalée entre le boulevard de la république et le boulevard de la liberté. Le cabaret Mermoz, qui a donné ce nom à la rue, était déjà fermé. Mais les noctambules de Duala se souviennent de ses moments de gloire quand ils ont vu s’y produire, dans les années 70, avec la naissance des « black style », les grands noms du Makossa qui constituaient le quatuor magique de ce jeune groupe à savoir : Muelle Jean (chef d’orchestre) ; Nkotti François (chanteur à la voix tonitruante), Émile Kangue (le bassiste) et le jeune collégien Toto Guillaume (génie de la guitare solo).

Cela fait déjà deux semaines que Mola dort seul dans sa chambre d’hôtel et il n’espère pas revoir sa femme avant deux mois. Ce sera probablement en juin lorsque les enfants auront pris leurs congés scolaires. Le dix-septième jour, il s’avise qu’il ne pourra plus tenir longtemps sans avoir de rapport sexuel. Il décide donc, au sortir du bureau ce jour-là, de chercher une compagne pour la nuit. En bon prédateur d’une nuit, Il se met en embuscade dans un snack-bar pour cibler sa proie. Il ne tarde pas à remarquer une jeune dame à la poitrine provocante, sirotant sa boisson sur une table à quelques encablures de la sienne. Il prend son courage à deux mains et invite la dame à se joindre à lui. Mais celle-ci lui rétorque que c’est l’homme qui doit aller vers la femme. En un temps deux mouvements, le duo communie déjà autour d’une table garnie de plusieurs bouteilles de boisson.

Au cours des présentations, Mola apprend que la jeune femme se nomme Doudou, 21 ans, qu’elle étudie à l’université de Duala et qu’elle est venue se changer les idées après une journée de cours intenses. Elle partage une chambre avec sa sœur cadette Dodo dans une mini-cité estudiantine située au quartier cité sic non loin du stade Marion. Mola acquiesce de la tête, bien que n’ayant aucune idée de la Cité sic, encore moins du stade Marion.

Mola explique à la jeune fille qu’il vient d’être affecté dans la ville, qu’il cherche une compagne pour la nuit, car cela fait plus de deux semaines qu’il n’a pas fait l’amour, que c’est très dur pour lui, homme marié, habitué à ces choses. Il précise néanmoins qu’il aimerait avoir Doudou comme sa petite amie pour sa nouvelle vie dans cette ville nouvelle. Doudou écoutait religieusement le discours de Mola. Cette attitude passive faisait germer l’espoir d’une cause acquise dans le cœur de ce dernier, et monter en lui, comme une mer en furie, le désir de serrer cette « viande fraîche » dans ses bras. Il allait déchanter quelques instants plus tard.

Au moment de quitter le snack-bar, et malgré toutes les supplications allant jusqu’à la proposition d’une forte somme d’argent, Doudou, contre toute attente refuse d’aller passer la nuit avec Mola. La raison est simple : une femme respectable ne peut pas coucher avec un homme le premier jour de leur rencontre et un homme responsable doit le comprendre et patienter.

Malgré la rage et la déception qui envahissent le cœur de Mola, ce dernier propose néanmoins d’aller déposer la jeune fille à son domicile. La fraîcheur de la climatisation et la collection de musique urbaine distillées dans la berline japonaise de Mola ont convaincu Doudou qu’elle ne peut pas trouver meilleur prince charmant. Après échange des contacts téléphoniques, le couple se sépare au niveau du Stade Marion dont Mola a pu découvrir dans la pénombre, l’aire de jeu au sol sec et une tribune en bois peint en blanc, avec pour lot de consolation un baiser posé sur la joue gauche de Doudou.

La nuit de Mola fut très agitée. La poitrine généreuse de Doudou servie sur un plateau d’argent – un décolleté et des soutiens-gorges qui mettaient en exergue deux gros seins, au milieu desquels apparaissait une espèce de rigole parsemée de poils frisés – n’arrivait pas à sortir de sa tête. Le dernier coup d’œil qu’il a jeté sur son postérieur bien emballé dans un bleu jean moulant, au moment où elle empruntait la ruelle du quartier dans un déhanchement digne des défilés de mode, complétait le sombre tableau de son subconscient. Il imaginait comment il serait en train de déguster toutes ces belles formes avec toute la fougue de ses instincts déchaînés. C’est au petit matin qu’il aurait pu avoir un petit sommeil, s’il n’était pas réveillé brusquement par sa verge comprimée dans une érection foudroyante. Pauvre Mola, où puisera-t-il l’énergie nécessaire pour accomplir son devoir de fonctionnaire ce jour ?

La journée de travail de Mola au lendemain de cette nuit « fatidique » était morose. Le coup de fil reçu de Doudou pour savoir comment il a passé la nuit n’a fait qu’aggraver la situation, d’autant plus qu’elle ne lui a rien promis de bon pour la nuit. Ses collègues de bureau ont observé une nervosité inhabituelle dans son comportement. Même son supérieur hiérarchique lui a fait remarquer son manque de concentration à la suite d’un dossier traité à la légère. En effet, la seule idée qui hantait l’esprit de Mola tout au long de la journée était celle de savoir où trouver une femme qui va éteindre cette nuit, le feu allumé la veille par Doudou. En quittant son bureau, il se souvient de la jeune fille qui fait le call-box à une intersection située non loin de son bureau. Ça doit être une proie facile compte tenu de la précarité de son métier. Il décide d’aller tenter sa chance avec cette dernière.

Mimi, la « call-boxeuse », avait perdu tout espoir d’atteindre son chiffre d’affaires minimum journalier lorsqu’elle voit arriver un jeune homme « frais à mort », comme on dit dans son milieu pour qualifier un homme élégant. Mola est paré dans son beau costume gris souris.

— Pouvez-vous me faire un transfert de crédit de cinq mille francs, charmante beauté ? lance-t-il élégamment.

— Avec plaisir, monsieur, rétorque la jeune fille avec un sourire hautement commercial. Écrivez-moi votre numéro sur ce bout de papier.

En prenant le bout de papier, Mola profite pour examiner les formes de la jeune fille et conclut rapidement qu’elle est « mangeable » et que son intention de sortir avec elle n’était pas mauvaise. Au lieu de retourner le papier à la fille, Mola lui remet plutôt sa carte de visite tout en indiquant le numéro qu’elle doit créditer.

— Voilà, monsieur, c’est fait !

— Merci charmante beauté locale. Je peux vous inviter à prendre un pot avec moi ce soir ?

Mimi jette un coup d’œil sur la carte de visite, esquisse un sourire et répond :

— Pas de soucis, je suis disponible à partir de 20 h, car j’ai un petit garçon que je dois faire dormir avant de sortir.

— Parfait, vous avez déjà mon numéro, appelez-moi dès que vous êtes libre et je passe vous chercher.

— Ok, je ne manquerai pas, réplique Mimi, l’air jovial.

Mola retourne à son bureau récupérer son véhicule qui y est resté garé, avant de rentrer à son hôtel le cœur légèrement apaisé. Je crois que cette fois-ci sera la bonne, pense-t-il.

Après son bain, il s’habille relaxe et, le cœur angoissé, s’installa dans le bar de l’hôtel pour attendre le coup de fil de sa nouvelle conquête. Il est dix-neuf heures cinquante minutes. Il se dit que s’il commande une boisson, il n’aura peut-être pas le temps de la finir avant l’appel de la jeune fille. Il se résout donc à s’occuper à admirer les couples qui vont et viennent dans le bar. Parmi ces couples d’une soirée, un a retenu son attention. Il a d’abord pensé à un grand-père qui est venu balader sa petite-fille. Mais en observant de près les attitudes du couple, il se rend à l’évidence : il s’agissait bel et bien d’un couple d’amoureux.

L’homme ou plutôt le grand-père avait dépassé soixante-dix ans. La jeune fille venait à peine de franchir le seuil de la puberté. Mais quelle audace dans le comportement amoureux de la jeune fille ! Elle était couchée sur la poitrine du vieux et ses mains se baladaient sur toutes les parties de sa tête, puis elles descendaient sur sa poitrine pour achever leur course dans son pantalon. Par moment, la tête couronnée de nattes de la gamine disparaissait dans la pénombre de l’entrejambe du vieux. À cet instant, l’expression du visage du grand-père changeait et il esquissait des gestes brusques sur son torse.

Mola était encore plongé dans la contemplation de ce curieux spectacle quand un « bip » retentit sur son téléphone. C’est sûrement le coup de fil qu’il attend. Pourquoi a-t-elle « bipé » alors que je n’ai pas enregistré son numéro ? se demande-t-il. Même une fille qui vend du crédit de communication n’en a pas assez pour passer un coup de fil d’une minute ? s’interroge-t-il encore. Puisqu’il est vingt et une heures quinze, ça ne peut être que la call-boxeuse. Il décide de rappeler ce numéro et la réponse au bout du fil le conforte dans sa position. Mimi est au bout du fil et l’attend comme convenu. Elle habite le quartier Fret aéroport, une zone officiellement non habitable, mais dans laquelle vivent plus de mille âmes. C’est le service d’affrètement des colis de l’aéroport international de Duala qui a donné le nom à ce quartier. Mola devait emprunter la route de l’aéroport ; contourner le service du fret avant d’atteindre le lieu où l’attendait Mimi.

Mimi est plantée comme un poteau électrique, à côté d’un bac à ordure plein d’immondices, après avoir arpenté quelques ruelles difficiles d’accès du bidonville où elle réside. Elle est vêtue d’une culotte blanche qui traverse à peine la lisière de ses fesses, et qui dévoile ses grosses cuisses brunes. Sa poitrine est mise en valeur par un décolleté noir soutenu par une corde nouée derrière le cou. Son dos est complètement nu, car ce vêtement de fortune couvre juste l’avant du tronc.

Lorsque la jeune fille s’assoit à côté de Mola, elle lui pose un baiser sur la joue. Un brusque frisson accompagné de chair de poule envahit tout le corps de l’homme. Son troisième pied pique une crise qu’il a du mal à contrôler au volant de sa voiture durant le trajet qui mène le couple au restaurant chic du quartier huppé de la ville. De temps à autre, il jette un coup d’œil sur les cuisses luisantes de la jeune fille à la lueur des phares des automobilistes sur le chemin. Cette attitude perverse ne fait qu’ajouter les braises à son fourneau. En sortant du véhicule, Mola maintient sa main gauche dans sa poche pour camoufler le volume anormal pris par son pantalon en dessous de la ceinture.

Au restaurant, à Bonapriso, quartier où résident la plupart des Blancs de Duala, le couple a commandé un poulet DG – plat concocté avec un mélange de banane plantain, de poulet et d’épices – et des jus de fruits naturels.

Lorsque vous passez à Bonapriso, de jour comme de nuit, un immeuble impose sa présence sur l’avenue de l’indépendance non par sa stature, mais plutôt à cause de l’histoire légendaire qui l’entoure : c’est « Bonadouma Home ». Cet immeuble mythique de R+1 traîne la triste réputation d’avoir été construit des dizaines d’années durant. Les fils de « Duma » sont rentrés dans la légende grâce à leur « home », de sorte que, lorsque les constructions d’une bâtisse tardent à s’achever dans la ville, on donne au chantier le nom de « Bonadouma Home », c’est-à-dire la maison des fils de Douma.

Après le repas consommé dans une ambiance bon enfant, au cours de laquelle le couple avait parlé de tout et de rien, Mola prit le risque de poser la question qui lui tenait à cœur depuis le début de la soirée :

— Mon amour ? balbutia-t-il la voix moins rassurante.

— Oui, je t’écoute.

— Tu es très belle et sexy et depuis que tu es à mes côtés, je n’arrive pas à me contenir. Et comme cela fait presque un mois que je n’ai pas eu de rapport sexuel, je suis sous une pression terrible…

Il regarde Mimi dans les yeux pour essayer de décrypter sa réaction, prend son souffle et poursuit :

— C’est pourquoi je souhaite qu’on fasse un tour à mon hôtel avant de te déposer chez toi.

Après un court silence qui semblait, pour Mola, avoir duré toute une éternité, Mimi lâcha enfin sa réponse :

— Je comprends très bien ta préoccupation, monsieur, mais je ne suis pas une prostituée pour aller au lit avec toi le premier jour de notre rencontre. À 28 ans, j’ai déjà vu de toutes les couleurs avec les hommes de sorte que j’ai décidé de ne me livrer à un homme qu’après l’avoir bien étudié. Je suis désolée, vous allez me déposer chez moi ce soir et pour le reste l’avenir nous dira.

À l’écoute de cette réponse, Mola eut l’impression qu’on lui avait versé de l’eau glacée sur le corps. Un mal lancinant transperça son bas-ventre, provoquant une bouffée de chaleur qui envahit son être tout entier.

— Ok, nous pouvons rentrer, je vais vous déposer, conclut Mola, le ton grelot.

Arrivés à destination, Mimi se jette dans les bras de son admirateur et se laisse embrasser profondément à la bouche. Le feu se rallume dans le corps de Mola. Il propose d’accompagner la jeune fille jusqu’à son domicile, dans l’espoir de pouvoir la convaincre de se livrer même chez elle. Mimi n’y oppose aucune résistance.

Arrivés chez elle, un studio de deux pièces exiguës, Mola s’assoit sur le canapé du salon et Mimi entre dans la chambre pour vérifier la position de son petit garçon. Ce dernier dort à poings fermés sur le lit qu’il partage avec sa mère. Elle revient au salon retrouver son admirateur et s’assoit à ses côtés :

— Je vous sers quelque chose à boire ? demanda-t-elle, l’air pas très rassurant.

— Merci, mais je crois que nous nous sommes bien régalés ce soir. Garde ça pour la prochaine fois. Pour l’instant, je t’ai dit ce dont j’ai le plus besoin.

— S’il te plaît, ne recommence pas, je crois avoir été claire avec toi.

— Ok, embrasse-moi alors une dernière fois et je pars.

— Pas de soucis, pourvu que tu n’ailles pas plus loin.

Pour rendre le baiser plus romantique, Mola commence par caresser les joues rondes de la jeune fille, puis son menton, pour enfin poser ses lèvres sur sa bouche entrouverte. Il l’embrasse avec des râles de plaisir. Les mouvements ondulatoires exécutés par les hanches et la poitrine de la jeune fille le rassurent qu’elle a atteint un chenin de non-retour dans la sphère de l’excitation. Son plan est en train de fonctionner à merveille. Il ne lui reste plus qu’à être un peu plus entreprenant. Un penseur n’avait-il pas dit que « les femmes sont comme les princes, elles cèdent à l’importunité, ce que la faveur n’aurait point obtenu » ? Sans lâcher la langue de la jeune fille, il introduisit une main dans son corsage et extirpa un gros sein d’un geste brusque, il abandonna rapidement la langue et se mit aussitôt à sucer le sein. La docilité manifestée par la jeune fille l’encourage à sortir le second sein. Et maintenant, il les tétait goulûment l’un et l’autre dans un rythme bien cadencé. Son excitation a atteint le paroxysme. La jeune fille aussi semble transportée dans la volupté. La réceptivité de son corps l’exprime. Pendant qu’il tétait le sein droit et caressait le sein gauche avec sa main droite, il envoya la main gauche entre les cuisses de la jeune fille pour essayer d’introduire les doigts dans sa culotte. Un non catégorique et inattendu brise son élan. Mimi exprime enfin sa désapprobation d’aller jusqu’au bout de l’action.

— Je t’ai dit que je ne suis pas encore prête. Maintenant, lève-toi et rentre dormir chez toi.
— Tu ne peux quand même pas me laisser rentrer dans ce piteux état, supplia-t-il.
— C’est toi-même qui l’aurais voulu, je n’aime pas qu’on bafoue mes principes, il faut rentrer maintenant.
— Mais, enfin…

Mola veut insister lorsque, levant les yeux, il voit sur le seuil de la porte de la chambre l’enfant de la jeune fille qui les observe, l’air interloqué. Sans autre forme de procès, Il se lève et sort de la maison dans une nervosité sans pareil.

Avant de démarrer son véhicule, il constate une dizaine d’appels manqués de Doudou et un message de cette dernière qui s’interroge sur cette attitude consistant à rejeter ses appels. Il décide de la rappeler quand il sera à l’hôtel.

Avant de se coucher, il explique à Doudou que son téléphone était en charge dans la chambre pendant qu’il prenait de l’air dehors. C’est la raison pour laquelle il n’a pas pu répondre à ses appels.

Cette nuit est pire que la précédente et Mola avant de trouver le sommeil se demande s’il eût été vraiment nécessaire que le bon Dieu créât la femme. Pendant son sommeil, il fait un rêve assez étrange. La femme de son ami intime est dans son lit et lui demande de lui faire un enfant. À la question de savoir ce que pensera son ami d’une telle trahison, elle lui explique que son mari et elle ont décidé que c’est avec lui qu’elle doit concevoir leur huitième enfant. Mola lui rétorque qu’il trouve scandaleux de faire une chose pareille. Mais la femme est déjà nue à côté de lui, les jambes écartées et elle le tire par la main pour qu’il monte sur elle. Au moment où il décide de monter sur elle, il se réveille tout effrayé, excité, transpirant à grosses gouttes. Et le bâton de commandement dur comme le fer. Il était sept heures et il doit être à son bureau dans trente minutes.

Il se précipita dans la salle d’eau, mais dut ressortir, car son téléphone sonnait avec insistance. C’était Mimi qui voulait savoir s’il a bien dormi et s’excuser pour le désagrément de la veille. Mola, tout en étouffant la boule de rage qui montait dans sa gorge, lui lança que sa nuit était bonne ; qu’il comprend très bien les manières des femmes et pour cela elle est tout excusée.

À peine avait-il raccroché Mimi que son androïde se mit à crier à nouveau. Cette fois, c’est Doudou qui venait aux nouvelles. Il reprit la même chanson qu’il venait de chanter à Mimi et courut prendre sa douche.

Un phénomène bizarre se produisit sur Mola tout au long de la journée : la tremblote avait envahi tout son corps. Chaque fois que sa pensée lui faisait revivre la scène tournée avec Mimi la veille, son pénis se dressait brutalement et tout son corps tremblait. Il avait beau refouler ce film de son subconscient, mais la pensée était constante dans sa tête. Il se consola du fait que Doudou pourrait au moins accepter son invitation ce soir.

Au sortir du bureau, l’idée lui vint d’aller saluer Mimi avant de rentrer à son hôtel. Il se dit par la suite qu’elle ne mérite pas cela. En plus, il faut parfois montrer aux femmes qu’elles ne sont pas aussi indispensables dans la vie des hommes qu’elles le pensent.

Il arrive finalement à son hôtel aussi fébrile et nerveux qu’il était sorti le matin. Après son bain, il décide d’appeler Doudou pour savoir si elle peut venir passer la nuit avec lui. C’est alors qu’il se souvient qu’il n’avait pas causé avec sa femme depuis la veille. Il appelle donc son épouse et ils se mirent à causer longuement. Cette dernière lui donne les nouvelles de toute la famille proche et éloignée et lui rappelle qu’il lui manque énormément.

— Ma chérie, tu ne peux pas savoir combien je souffre de ton absence ici, réplique Mola.

— Laisse-moi ça, on vous connaît, vous les hommes, je suis sûre que depuis que tu es parti tu ne dors pas seul.

— Inutile de discuter avec toi, mon amour. Attends, je lance l’appel vidéo sur WhatsApp et tu verras bien que je suis tout seul dans ma chambre.

Sans attendre l’avis de son épouse, il lance l’appel vidéo et fait balader la caméra dans tous les coins et recoins de la chambre, y compris la salle de bain.

— Tu es convaincue à présent ? demande-t-il rassurant.

— En tout cas, ce n’est pas suffisant pour me convaincre parce que tu pouvais très bien faire sortir la femme avant de montrer ton film. D’ailleurs, tu t’agites même pourquoi, fais comme tu veux là-bas, quand le chat est loin, les souris peuvent danser, mais gare à l’arrivée brusque du chat.

— Ça va, colonel, ton élément sera au garde-à-vous jusqu’à ton arrivée, rassure-toi. Bisous et bonne nuit.

— Pas si vite, ta fille voudrait aussi te parler.

— Ok, passe-la-moi.

— Allô, papa, comment tu vas ? Je voudrais juste te dire que je t’aime et te souhaiter bonne nuit.

— Merci grand-mère, moi aussi je t’aime, bonne nuit à toi.

— Maintenant, tu peux dormir, mais sans oublier que tu comptes beaucoup pour tes enfants et moi. Bonne nuit à toi, mon gros bébé.

Après la communication avec sa femme, des messages signalent des appels manqués de Doudou et Mimi. À contrecœur, il rappelle Mimi sans être vraiment intéressé par leur conversation. D’ailleurs, à la fin de l’échange, il ne se souvient même plus de quoi ils ont parlé. Toute sa pensée est dans l’espoir qu’il nourrit de voir Doudou accéder à sa demande de passer la nuit avec elle.

C’est à la troisième tentative que Doudou décroche finalement son appel. Mola apprend de la jeune fille qu’elle n’est toujours pas disponible, mais qu’elle a besoin d’un petit transfert de crédit pour pouvoir lui passer des appels chaque fois qu’elle le désira. Exaspéré, Mola promet de lui envoyer du crédit le lendemain, puis il sort pour aller chercher fortune ailleurs. Il n’accepte pas de passer une troisième nuit blanche avec de l’argent dans les poches et l’élégance dans le style. Il va se tenir devant l’hôtel et tirer sur tout ce qui bouge.

La nuit est déjà avancée ; sa montre qu’il regarde sans vraiment lire l’heure marque vingt-deux heures trente-cinq minutes.

Son hôtel est situé sur une rue quelque peu agitée du fait de petites activités commerciales qui se déroulent dans les alentours. Les hommes et les femmes y vendent entre autres, du poisson, du poulet, du porc, du maïs, etc. Tout cela cuit à la braise. Certains clients achètent pour consommer sur place, tandis que d’autres emportent soit dans leurs domiciles, dans leurs véhicules ou dans les « ventes à emporter » qui grouillent de monde dans le secteur.

Hommes, femmes, jeunes délinquants sans domicile fixe continuaient leurs allées et venues devant l’hôtel. Le regard de Mola s’attarde surtout sur les jeunes filles arborant de courtes jupes ou des demi-culottes qui font briller leurs jambes à la lueur des lampadaires comme le buste d’un lutteur traditionnel sénégalais. Vu la façon dont les jeunes filles balancent leurs festons, Mola se demande pourquoi il n’est pas un lion dans la jungle, afin de bondir sur ces proies apparemment sans défense.

Voilà plus d’une heure qu’il est debout devant l’hôtel à contempler ce spectacle alléchant, mais sans réel intérêt pour lui. Il avait sifflé quelques passantes qui, après avoir regardé dans sa direction, ont continué imperturbablement leur chemin ignorant complètement le geste que Mola effectuait de la main en signe d’invitation. Maintenant, il faut passer à la vitesse supérieure. Il saisira la prochaine femme au physique acceptable qui passera encore devant lui.

Il n’avait pas fini de penser qu’il aperçut au loin une jeune fille moulée dans un collant noir qui couvrait son corps des chevilles aux poignets en passant par le tronc. Elle avait des rastas sur la tête et des ballerines rouges aux pieds. Quand elle arriva à quelques mètres de Mola, ce dernier se précipita sur la route pour lui bloquer le passage. Une fois la jeune fille à sa hauteur, Mola lui imposa une poignée de main qu’elle ne put esquiver.

— Bonsoir, charmante beauté locale, introduisit Mola avec un sourire très amical. Où allez-vous de ce pas ?

La jeune fille le regarda de haut en bas puis le fixa droit dans les yeux et s’interrogea :

— On se connaît où ?
— Nulle part ailleurs qu’ici et maintenant.
— Et vous me voulez quoi ?
— Peut-on vouloir du mal à une ravissante, jeune et belle femme comme vous ?

Sans lâcher sa main, il l’entraîne sur le trottoir et enchaîne :

— Asseyons-nous quelque part et je vous dirais tout le bien que je pense de vous.
— Je n’ai pas assez de temps, vous pouvez me le dire ici.
— Pas quand même ici sur le trottoir, mettons-nous là, suggère Mola en montrant un endroit vague du doigt.

Il la tire sur le parking de l’hôtel qui donne sur la route et les deux se tiennent côte à côte appuyés sur le balustre de la véranda de l’hôtel.

— Alors, quel est votre joli prénom, charmante beauté ?
— Appelez-moi Fifi, et vous ?
— Mola, mais appelez-moi Emmanu.

En moins de temps qu’il n’en faut à un homme politique de dire un mensonge, l’échange avait pris une tournure très amicale entre Mola et Fifi. La jeune fille buvait les paroles mielleuses de son tourtereau comme un pot de yaourt bien frais et cela avait mis Mola en confiance.

Fifi, âgée de 17 ans, redouble la classe de troisième dans un lycée de la ville. Elle habite avec sa sœur aînée, sans profession déterminée.

Mola estime qu’il pourrait néanmoins dire sa préoccupation essentielle à Fifi sans risquer une invective. Pour ce faire, il confia à Fifi qu’il habite dans l’hôtel devant lequel ils se trouvent en ce moment et lui proposa d’aller visiter sa chambre. Fifi lui fait remarquer qu’il se fait tard et n’eut été l’estime qu’elle lui voue, elle devrait déjà être en train de dormir à cette heure tardive de la nuit.

Il était minuit moins vingt, et Mola, tout comme Fifi, n’avait pas vu le temps passer. Fifi doit absolument rentrer chez elle. En guise d’au revoir, elle saisit Mola par la nuque puis posa ses lèvres sur les siennes et se libéra rapidement de son étreinte. Heureusement que Mola avait pris la précaution de noter le numéro de la jeune fille au cours de leurs échanges.

— Appelle-moi quand tu veux, lança-t-elle en s’éloignant.
— Je ne manquerai pas, rassura Mola en se dirigeant vers le hall de l’hôtel.

En voulant monter dans sa chambre, le réceptionniste l’interpelle et lui demande si tout va bien. Comment a-t-il su que je suis dans la merde ? s’interroge-t-il.

— Ça va aller, répondit-il en retournant auprès du réceptionniste pour s’entretenir davantage avec lui et essayer de comprendre le vrai sens de sa question.
— À dire vrai, mon frère, ça ne va pas.
— Qu’y a-t-il donc, mon frère ? En quoi pourrais-je t’être utile ?

Mola lui explique que ça fait trois semaines qu’il n’a pas eu de rapport sexuel et pour un homme normal comme lui, c’est insupportable.

— N’auriez-vous pas une cousine ou une nièce que vous pouvez me recommander ?
— Je ne vois vraiment pas mon frère.
— Et vous n’avez aucun contact avec une « vendeuse de piment » ?

Sans attendre la réponse de son interlocuteur, il enchaîne :

— Dans certaines villes, « les vendeuses de piment » laissent leurs contacts dans les réceptions d’hôtel afin qu’on les appelle lorsqu’un client de l’hôtel est en détresse comme moi. Une espèce de sapeur-pompier quoi !
— Mon frère, on faisait cela ici à une époque, mais depuis que les Hommes sont devenus compliqués, nous n’autorisons plus ce genre de marchandage ici.
— Qu’entends-tu par : « les Hommes sont devenus compliqués » ?
— Tu ignores quoi, mon frère ? Il y a la prolifération des sectes pernicieuses et la cupidité, pour ne citer que ces deux maux, qui minent la société actuelle. Je vais te donner deux petits exemples que j’ai moi-même vécus en direct ici.
— Vas-y, je t’écoute.
— Ok, cas numéro uno, comme disent les Latins de naissance : un grand monsieur apparemment très riche, qui se disait l’ami de mon boss et qui nous « farotait » beaucoup, avait l’habitude de descendre ici chaque fois qu’il était dans la ville. Un jour qu’il était en séjour ici, il m’a demandé de lui trouver une « jolie mignonne » selon ses propres termes. En ce temps-là, j’avais les contacts de trois jeunes étudiantes qui venaient de temps à autre dépanner les clients en détresse. Cela leur permettait, m’avaient-elles confié, de subvenir à leurs besoins estudiantins. J’ai donc fait venir celle qui était mince, brune, élancée, un mannequin en somme. Le client était tellement satisfait de son physique qu’il m’a remis un bon petit paquet de billets flambants neufs au moment où il montait avec la fille dans sa chambre.

Il s’arrête un moment pour donner un renseignement à une dame qui voulait arriver à la chambre 231 et poursuit.

— Le calme régnait déjà dans l’hôtel, et je venais à peine de m’allonger sur le matelas couché à même le sol qui me sert de reposoir aux heures creuses, que j’entendis le bruit d’une personne qui dégringolait les escaliers à une vitesse déconcertante. J’eus à peine le temps de me redresser sur ma couche pour constater que l’étudiante était devant la réception, toute nue, tremblante comme une danseuse Eton de « bikutsi » (danse traditionnelle camerounaise). J’ai tenté de comprendre ce qui s’est passé, mais elle était incapable d’articuler le moindre mot. Je lui ai trouvé un pyjama dans la buanderie de l’hôtel et j’ai réquisitionné un taxi pour la déposer chez elle.

Un bruit venant du bar de l’hôtel qui se vidait déjà de ses clients l’interrompt à nouveau, puis il continue.

— Le lendemain, elle me confia qu’au moment où le client montait sur elle pour entamer l’acte sexuel, le « gros monsieur » a commencé à se transformer en serpent et elle ne se souvient plus comment elle a fait pour sortir de la chambre. Elle remercie grandement le seigneur de l’avoir sortie des griffes de ce démon.

Il s’arrête pour mieux observer l’expression mitigée du visage de Mola sur lequel étaient peints à la fois le scepticisme et l’étonnement, et enchaîne.

—