La rançon du malheur - Liliane Avram - E-Book

La rançon du malheur E-Book

Liliane Avram

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Beschreibung

Un mystère plane autour de la mort de trois amis décédés à quelques semaines d'intervalle.

Tout d'abord, Jérôme Delorme dont le corps a été repêché dans la Seine par la brigade fluviale, puis Antonin Nilsen, découvert pendu à son domicile, et Brice Beaumont, décédé d'une crise cardiaque.

Mort accidentelle, mort violente, mort naturelle. Mais est-il naturel que des amis meurent à 26 ans, pratiquement coup sur coup ?... Malédiction ? Coïncidence ?... Lisa, l'une de leurs connaissances, n'y croit pas beaucoup.

Quand elle est victime d'une tentative de meurtre, Lisa réalise que Jérôme, Antonin et Brice ont eu affaire à un assassin bien réel et qu'elle est la prochaine sur la liste. Elle fait appel au commandant Marnier qui accepte d'enquêter officieusement sur ces décès. Au même moment, le patron du Bar de l'espérance se fait descendre à l'ouverture de son café.

Pour Marnier, double enquête : l'une officielle, l'autre clandestine.

Va-t-il réussir à résoudre ces deux affaires et à sauver Lisa tombée dans le piège d'un psychopathe ?   


À PROPOS DE L'AUTRICE


Liliane Avram vit à Poitiers. Un temps fonctionnaire, elle a démissionné, occupé divers emplois au sein d'associations avant de se consacrer avec passion à l'écriture. Elle aime la musique, le théâtre et le cinéma. "La rançon du malheur" est son septième ouvrage publié aux Éditions Ex Aequo.



Deux enquêtes, l'une officielle, l'autre officieuse, menées par le perspicace commandant Marnier et le dévoué lieutenant Dubois. Du rythme, du suspense, des suspects, des surprises.

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Page titre

 

 

Liliane Avram

 

La rançon du malheur

 

Roman policier

 

 

 

 

 

 

 

 

ISBN : 979-10-388-0838-6

Collection : Rouge

ISSN : 2108-6273

Dépôt légal : mars 2024

 

 

©couverture Ex Æquo

©2024 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite

 

 

ÉditionsEx Æquo

6 rue des Sybilles

88370 Plombières Les Bains

www.editions-exaequo.com

 

 

 

Chapitre 1

 

 

 

En ce matin d’avril, Paris s’éveillait dans la grisaille. Gris le ciel, gris les toits, gris les murs, et tandis qu’une pluie fine tombait sur la ville, Jérôme Delorme s’arrachait péniblement de son lit. Cette nuit, assailli de doutes, il n’avait guère dormi.

Une fois les volets de sa chambre ouverts, il resta un moment planté devant la fenêtre à regarder tomber la pluie. Qu’il pleuve ou qu’il vente, aujourd’hui ça lui était bien égal. Une seule chose importait : Lisa. Ce qu’il voulait, c’était entendre sa voix, la prendre dans ses bras, lui dire combien il l’aimait. Mais pour ça, il aurait fallu qu’elle réponde au téléphone, qu’elle vienne le voir, qu’elle se manifeste d’une façon ou d’une autre plutôt que de le laisser dans une sorte de brouillard. Car, depuis trois jours, il était sans nouvelles, comme si elle s’était volatilisée. Que devait-il faire ? Attendre le déluge ? Retourner chez elle ?

La veille, en quittant son travail, il s’était rendu à son domicile. Il avait sonné dix fois à la porte jusqu’à ce que celle de la voisine s’ouvre brusquement.

— Vous allez encore sonner longtemps ? Pourquoi insister ? Si Mademoiselle Pérez ne répond pas, c’est qu’elle n’est pas là, lui avait déclaré l’octogénaire avant de lui claquer la porte au nez.

Si elle n’était pas chez elle à cette heure-ci, où pouvait-elle bien être ?

 

Au fil de la journée, toujours sans nouvelles, il s’enfermait dans une paranoïa imaginant pléthore de scénarios. Lisa avait-elle eu un accident ? Était-elle à l’hôpital ? S’était-elle fait agresser ? Avait-elle fait une mauvaise rencontre ? Son imagination débordait et le plongeait dans mille tourments.

Dans la soirée, il chercha un moyen d’apaiser ses angoisses. Au fond d’un placard, il dénicha une bouteille de vodka qu’un cousin de passage lui avait apportée, ignorant sans doute qu’il ne buvait plus une goutte d’alcool depuis sept ans… Pour un soir, il pouvait bien faire une exception ! Juste une gorgée… Subitement, il songea à la mystérieuse carte qu’il avait reçue trois jours plus tôt. Une étrange carte postale représentant des oiseaux noirs dans un ciel d’orage. Au verso était griffonné un petit texte qu’il avait lu distraitement. Il se souvenait vaguement qu’il était encore question d’oiseaux noirs… Sur le coup, il avait pensé qu’il s’agissait d’une erreur ou d’une blague et il s’était empressé de la jeter. À présent, il en était moins sûr. Et si c’était un signe ? Allait-il rester les bras croisés à se morfondre pendant que Lisa était peut-être en danger ? Après une dernière rasade de vodka, il décida malgré la pluie et l’heure un peu tardive de retourner chez elle. C’était l’affaire de vingt minutes. Une fois rendu, il en aurait le cœur net.

 

Pendant ce temps, Antonin, son meilleur ami, s’inquiétait lui aussi. Il savait Jérôme préoccupé par le silence de Lisa. Pourquoi ne répondait-elle pas à ses messages ? Avait-elle disparu ? De sombres affaires lui revenaient en mémoire où des jeunes femmes disparues mystérieusement n’étaient jamais retrouvées. On en retrouvait certaines mortes, mutilées… « Pourquoi imaginer le pire ? se dit-il dans un sursaut de lucidité. Il y a forcément une explication plus simple et moins sinistre : soit son portable est en panne, soit elle l’a oublié quelque part ». Il en conclut que Lisa allait bientôt réapparaître et retomber dans les bras de Jérôme.

 

Deux jours plus tard, la brigade fluviale repêchait dans la Seine le corps d’un homme. Grâce à ses papiers d’identité trouvés dans son blouson, l’identification ne fut pas longue : il s’agissait de Jérôme Delorme, 26 ans. La dépouille fut transportée à l’Institut médico-légal. Là, le médecin légiste procéda à un examen minutieux qui ne révéla aucune blessure suspecte. Les divers examens qui s’ensuivirent confirmèrent qu’il s’agissait d’une mort subite par immersion brutale dans l’eau froide. Toutefois, par acquit de conscience, le légiste ordonna des analyses toxicologiques. Dès qu’il en eut connaissance, il établit son rapport qu’il transmit à la police. Conclusion : noyade syncopale après importante ingestion d’alcool. Et l’affaire fut classée.

Quand Lisa réapparut, Antonin insista pour savoir où elle était passée durant ces derniers jours. En larmes, elle ne décrocha pas un mot.

 

Aux obsèques, toute la famille du défunt était là pour soutenir les parents effondrés. Et ses nombreux amis, en pleurs, l’accompagnèrent jusqu’à sa dernière demeure.

Même devant la fosse où reposait le cercueil, Antonin ne voulait pas croire qu’il ne reverrait plus celui qu’il considérait comme un frère. Pouvait-il se douter qu’il ne tarderait pas à le rejoindre ?

 

 

Chapitre 2

 

 

 

Deux semaines après l’inhumation, Brice Beaumont profita de l’absence de ses parents pour organiser une soirée en souvenir du défunt. Toujours prêt, malgré les circonstances, à en mettre plein la vue. Un diaporama, en hommage au disparu, animerait la soirée au cours de laquelle on écouterait ses groupes et ses chanteurs préférés. Le jeune homme voulait qu’on boive, qu’on chante, qu’on parle de Jérôme et qu’on s’amuse ! Antonin trouvait qu’il y allait un peu fort. Depuis la mort de son meilleur ami, il n’avait plus goût à rien. D’ailleurs, il se demandait ce qu’il faisait là, et comment Brice pouvait s’en remettre aussi vite. Il s’éclipsa sur la terrasse, le seul endroit où l’on pouvait tranquillement goudronner ses poumons.

Au dernier étage de cet immeuble cossu qui donnait sur un parc, la vue était imprenable, même par mauvais temps. Les lumières de la ville, véritables guirlandes embrassant les immeubles, scintillaient comme un soir de Noël. Quelques fumeurs parlaient du dernier film qu’ils avaient vu, tandis que deux filles dansaient sur la musique diffusée depuis l’intérieur. Du haut de cette terrasse, était-il le seul à sentir planer l’ombre de Jérôme ? Au bord des larmes, il entendait des rires comme une insulte à sa mémoire. Que faisait-il là parmi tous ces gens ? C’est alors que ses yeux se posèrent sur un couple dont l’attitude était sans équivoque : Lisa et Brice ! Enlacés, les tourtereaux s’embrassaient avec passion. Dégoûté, sans dire un mot, Antonin quitta la soirée sur-le-champ, en bousculant au passage les deux traîtres qui s’étaient bien moqués de Jérôme.

En ressassant ses griefs contre Brice et Lisa, il rejoignit la station de métro la plus proche pour finalement la contourner et continuer à pied. Il fallait qu’il marche. Il n’avait aucune envie de rentrer chez lui ; d’ailleurs il n’avait envie de rien. La vie lui semblait si absurde. Il se demandait en définitive pourquoi il fréquentait ce gosse de riche. Il était bien décidé à cesser toute relation avec cet hypocrite. Il marcha pendant un bon moment puis, apercevant la bouche de métro suivante, s’y engouffra. Dans deux stations, il serait chez lui.

Installé dans le compartiment, il ne décolérait pas. Brice et Lisa, ensemble ! Comment leur faire payer leur trahison ? Soudain, parmi les voyageurs qui venaient de monter dans son wagon, il remarqua un garçon qui portait le même blouson que Jérôme.

— Hé, toi ! Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ? lui cria le jeune homme. T’es pédé ?

— Rassure-toi, ce n’est pas toi que je regarde, mais ton blouson.

— Qu’est-ce qu’il a mon blouson, il te plaît pas ?

— Si, au contraire… il me rappelle quelqu’un.

— Il te rappelle un mec ? Alors c’est ça, t’es pédé.

— Tu sais dire que ça !

— Tu me cherches ?

— T’aimes pas les pédés, moi j’aime pas les cons.

— Répète un peu !

Au même moment le métro s’immobilisa et Antonin descendit prestement du compartiment laissant l’homophobe parmi les autres voyageurs qui n’avaient pas bronché. Si la situation s’était envenimée, seraient-ils intervenus ?

Le jeune homme songea à ce qu’aurait fait Jérôme à sa place. Qu’aurait-il dit ? Plein d’esprit, il s’en serait tiré mieux que lui. Accablé, il fondit en larmes en pleine rue. De longs sanglots pour Jérôme, des larmes de colère envers Brice et Lisa, mais aussi de révolte et de désespoir envers tous les cons qui peuplaient la terre.

 

Perturbé par le départ d’Antonin, Brice décida vers minuit de faire un saut chez lui afin de s’expliquer. En voiture, il en avait pour dix minutes.

— Pourquoi tu ne lui téléphones pas ? Lui demanda Lisa.

— Il a oublié son portable… Cédric doit lui rapporter demain.

Il lui laissa quelques consignes afin qu’elle gère au mieux la fin de la soirée et s’éclipsa.

Quand une heure plus tard il fut de retour, tous les invités avaient quitté les lieux et Lisa s’apprêtait à se mettre au lit.

— Alors, comment ça s’est passé ?

— J’ai tourné en rond pendant vingt minutes avant de trouver une place qu’un type m’a soufflée sous le nez ! J’en ai trouvé une autre à des bornes ! Arrivé chez Antonin, j’ai frappé, susurré mon nom, mais il n’a pas ouvert. Il devait dormir.

— Ou bien il n’avait pas envie de te voir, ce qui se comprend… après nous avoir surpris ensemble ! Nous aurions dû être plus discrets. Pour Antonin, Jérôme était comme un frère. Il doit nous en vouloir à mort ! Finalement, cette soirée ce n’était pas une bonne idée. On aurait dû attendre un peu…

— On ne peut malheureusement pas tout prévoir ! Il est tard, tu dois être fatiguée alors bonne nuit, répondit-il sèchement.

Un peu désappointée, Lisa s’endormit malgré tout très vite contrairement à Brice qui passa une partie de la nuit à ruminer.

 

En début d’après-midi, le portable de Brice sonnait. C’était son ami Cédric. Il sanglotait comme un enfant, parlait avec difficulté. Apparemment la chose était grave, toutefois Brice était loin de se douter de la terrible nouvelle qu’il allait apprendre : la mort d’Antonin.

Cédric qui s’était ressaisi racontait :

— Je suis arrivé chez lui à midi, j’ai frappé. Il ne répondait pas. J’ai frappé plus fort. Comme ça ne répondait toujours pas, à tout hasard j’ai tourné la poignée de la porte. Elle n’était pas fermée. Et là, j’ai poussé un cri… Il s’était pendu. Je n’ai rien pu faire. J’ai appelé les pompiers. Ils l’ont décroché, mais, évidemment, il était trop tard.

 

Le suicide ne faisant aucun doute le permis d’inhumer fut délivré et, quelques jours plus tard, les amis du défunt se retrouvèrent une nouvelle fois au cimetière, incapables de comprendre comment les deux meilleurs amis du monde avaient pu mourir à quelques semaines d’intervalle.

 

 

Chapitre 3

 

 

 

Dès lors, les rapports entre les deux amants se dégradèrent quelque peu. La faute à qui ?

Lisa ne regardait plus Brice de la même façon. Elle était déçue. Depuis qu’elle le fréquentait intimement elle découvrait un à un ses défauts. En premier lieu l’égoïsme, puis l’orgueil. Du charme, c’est sûr, il en avait à revendre et savait en faire bon usage. Grâce à son sourire enjôleur, il obtenait tout ce qu’il voulait. Il dansait comme un dieu, mais c’était pour mieux attirer les regards. Il ne supportait pas qu’on ne s’intéresse pas à lui ni qu’on le critique. Et on ne peut pas dire que la mort de Jérôme et d’Antonin l’a plongé dans un chagrin incommensurable.

Elle ne cessait de penser à eux sans parvenir à accepter leur disparition. Elle se reprochait d’avoir mal agi envers son ex-amant, de l’avoir trompé, attirée par le beau sourire, les belles manières, le bel appartement de Brice. Quelle conne !

Quant à Brice, il supportait mal la tristesse de son nouvel amour. Sa tristesse continuelle. Pour lui, la vie était si courte, si imprévisible qu’il fallait en profiter au maximum, sans état d’âme et sans remords. Il avait la chance d’avoir des parents bourrés de fric, de partager avec eux cet appartement magnifique, de posséder une voiture neuve, de continuer ses études de droit tranquillement, sans subir de pression. Que souhaiter de plus ?

 

Depuis quelque temps, Lisa lui tournait le dos. Ils se voyaient moins souvent. En semaine, elle trouvait toujours une excuse pour ne pas le recevoir : du travail qu’elle ramenait chez elle, des courses à faire, la migraine… Et quand elle passait le week-end avec lui, elle ne cessait de parler de Jérôme et d’Antonin, comme si elle ne comprenait pas qu’ils soient morts. Comme s’ils allaient revenir ! Elle ne s’intéressait plus à lui et il se sentait carrément abandonné. Lui, si vivant !

 

*

 

Ce soir-là, ses parents ayant quitté Paris pour Deauville, Brice se retrouvait sans personne autour de lui et sans Lisa qui n’avait pas répondu à ses messages. Tant pis pour elle. De toute façon, il commençait à se lasser de ses sautes d’humeur. Il passerait donc ce samedi soir, seul, devant un film. Ça le changerait. Pour le moment, il n’avait plus le cœur à faire la fête… Il regarderait pour la énième fois Léon, son film culte. Il déboucha une bouteille de saint-émilion 2008, une excellente année, et se servit un verre. Soudain, il entendit sonner l’interphone. « Ça doit être elle, se dit-il, ravi. Elle aura changé d’avis… Tant pis pour Léon ! »

 

Quand ils rentrèrent de week-end, monsieur et Madame Beaumont furent surpris du silence qui régnait dans l’appartement. Habituellement, leur fils les attendait dans le salon en compagnie de quelques camarades qui écoutaient de la musique ou regardaient la télé en buvant un verre. Il est vrai que depuis la mort de deux d’entre eux, les choses avaient changé.

— Brice ! Appela sa mère, nous sommes rentrés.

— Il doit être sorti, dit son père.

— Non, il est sûrement dans sa chambre, les écouteurs sur les oreilles.

Lorsque la mère pénétra dans sa chambre, elle trouva son fils allongé sur son lit, les yeux grands ouverts.

— Eh bien, fiston, tu rêves ? Tu ne nous as pas entendus rentrer ?

Elle insista, et, soudain, comme si elle réalisait, elle se mit à crier. Son mari accourut et se pencha sur son fils. Brice ne respirait plus. Son cœur s’était arrêté de battre.

Les parents appelèrent les urgences, mais il n’y avait plus rien à faire. Leur fils était bien mort, victime d’une crise cardiaque due à une overdose de médicaments. On avait, en effet, retrouvé dans ses poches diverses plaquettes de comprimés plus ou moins entamées.

— L’absorption de tous ces stimulants que prennent beaucoup de jeunes n’est pas sans conséquence, leur affirma le médecin, surtout lorsqu’ils sont associés à l’alcool. Les accidents ne sont pas rares.

Et le fiston adoré fut inhumé cinq jours plus tard dans le caveau familial.

 

 

 

Chapitre 4

 

 

 

Depuis la mort de Brice, Lisa fumait cigarette sur cigarette. Arrêtée en maladie, elle venait d’obtenir une prolongation. Impossible pour elle de reprendre son travail. En un mois et demi, ses deux amoureux et un ami avaient perdu la vie. C’était incroyable, inimaginable, inacceptable. Ses nuits étaient peuplées de cauchemars. Elle se réveillait en sueur, le cœur battant. Défilait alors devant ses yeux une kyrielle d’images. Celles de sa propre vie mêlées à celles des actualités télévisées toujours plus violentes avec leurs lots d’attentats, d’accidents, de maladies, de meurtres. La vie l’écœurait et il régnait dans son esprit une grande confusion. Aussi, des séances chez un psy s’étaient imposées.

À la première séance, elle avait été incapable de parler. À la suivante, elle s’était laissé aller, racontant ce qu’elle ressentait. Elle se livrait et ça la délivrait… ce qui ne l’empêchait pas, une fois rentrée chez elle, de se repasser en boucle le film de ces dernières semaines. Pour commencer, la nuit où Jérôme avait trouvé la mort.

 

Ce soir-là, elle s’apprêtait à quitter son domicile pour rejoindre l’élu de son cœur qui voulait l’emmener danser. Ensemble depuis un mois, Brice et elle comptaient bien révéler leur liaison à Jérôme, mais, faute de courage, en repoussaient chaque jour le moment. Manque de chance, en franchissant le hall, elle était tombée sur lui, passablement alcoolisé. Sans réfléchir, elle lui avait annoncé leur séparation. Si elle avait réfléchi, ça lui aurait au moins évité de recevoir une gifle ! Un peu sonnée, elle s’était enfuie laissant Jérôme sous la pluie, sans penser un instant qu’elle le voyait pour la dernière fois.

Puis, il y avait eu la soirée-hommage deux semaines après ses obsèques ; le départ d’Antonin, en colère, après les avoir surpris enlacés, Brice et elle. Et Cédric l’avait découvert le lendemain. Pendu. Avec une cravate, lui qui n’en portait jamais. Et trois semaines plus tard, son nouvel amour mourait d’une crise cardiaque. À 26 ans, un âge où l’on se sent éternel, où l’on a toute la vie devant soi !

Plus elle y pensait, plus ces disparitions lui semblaient invraisemblables. Le doute s’installait… Est-il normal que trois amis disparaissent à si peu de temps d’intervalle ? Ironie du sort, fatalité, malédiction ? Et si quelque chose se cachait derrière tout ça ?

Elle confia ses doutes à sa mère, venue lui tenir compagnie pour le week-end.

— Ma chérie, les malédictions n’existent que dans les romans. À quoi penses-tu exactement ?

— Je ne sais pas, c’est difficile à expliquer… leur mort me paraît bizarre.

— Tu peux peut-être en parler à la police. Ça ne coûte rien, ajouta-t-elle. Si tu veux, je contacterai le commandant Marnier pour qu’il t’accorde un rendez-vous.

— C’est qui ?

— Un policier que j’ai rencontré il y a quelque temps lors d’une soirée. Nous avons sympathisé et il m’a laissé son numéro de téléphone.

Ce soir-là, en effet, Gabriel Marnier et la mère de Lisa s’étaient découvert une passion commune pour la musique. Lui pour le jazz en général et Ella Fitzgerald en particulier, elle pour le rhythm and blues et la soul et plus particulièrement pour Stevie Wonder qu’elle adorait. Ce fut une belle rencontre et c’est seulement à la fin de la soirée qu’il lui révéla qu’il était policier.

— Il m’avait donné sa carte. Je dois encore l’avoir, ajouta-t-elle. Il travaille à la PJ du 15ème. Je l’appellerai lundi.