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La trentaine questionne les frontières de l’intimité, entre vie publique et vie privée. Charline, professeur d’anglais, y raconte ses aventures sur une trentaine d’années. En évoquant son parcours amoureux, son hospitalisation en psychiatrie et son travail, elle vous invite à découvrir un bout de sa vie.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Charline Bittner utilise l’écriture comme un souffle de liberté et une thérapie. Dans
La trentaine, elle décrit son parcours en psychiatrie, ses aventures et ses combats à l’aune de ses trois premières décennies de vie.
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Seitenzahl: 73
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Charline Bittner
La trentaine
Roman
© Lys Bleu Éditions – Charline Bittner
ISBN : 979-10-377-7685-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Du hast gelernt was Freiheit heisst und das vergiss nie mehr.
Tu as appris ce que la liberté signifie et tu ne l’oublieras jamais.
À mes parents
À la fameuse cantine où la présence de Pierre rôdait partout, au retour du premier voyage du projet, la Turquie :
— Alors, la Turquie, c’était comment ?
Adrien et moi sommes concernés. Je manque de m’étrangler. Certains rougissent. Moi, mon visage se ferme et mon regard s’assombrit. C’est le début du malaise. Je me suis rendu compte que je me suis lancée dans le projet seule, que j'ai respecté la parité de l’équipe, alors que les six autres partenaires, pas forcément. Ce que je tais. Je ne dis rien. J’ai toujours le pouce gauche dans le plâtre.
Adrien assure. Adrien est cool. Adrien parle de plein de trucs découverts, de l’école hôtelière et de son fonctionnement, d’Ordu, des matchs de foot et de la faste dépense pour nous recevoir dans les meilleures conditions possibles. Hôtel 3 étoiles au bord du lac. Restaurants. Promenade commentée. Danses.
La prochaine destination étant Paris, je m’inquiète à mon tour d’avoir à organiser une telle rencontre entre 7 pays partenaires. Je compte sur mon expérience dans les centres de vacances, pourquoi ne ferais-je pas profiter l’éducation nationale de mes compétences complémentaires à mon goût ? Après tout, les voyages linguistiques figurent bien aux bulletins officiels des programmes nationaux, sans mentionner que la compensation financière des heures de travail supplémentaires, y compris pendant les vacances scolaires, n’est pas assurée. Pour moi, ce fut le contraire. L’organisation de trois voyages, trois mobilités pour parler en terme technique, en un an m’avait valu une prime de 300 euros, geste que j’apprécie sincèrement.
Et puis il y a Romain, parti en Irlande pour un an d’immersion. Je l’ai rencontré place Saint-Michel, alors que je lui faisais passer un entretien pour le recruter sur une colo. Coup de foudre. Je passe l’été à penser à lui. Il s’est coupé les cheveux, a un look plutôt cool et des yeux bleu clair dans lesquels j’aime me perdre.
Le 31 août 2010, j’ai 29 ans. J’arrive à ma pré-rentrée en retard d’un bon quart d’heure, me place au fond du réfectoire d’où je fais profil bas, la mine sérieuse et attentive, heureuse d’être enfin là après plusieurs jours de malaise à transiter depuis l’Afrique du Sud. J’ai choisi de porter des santiags qui n’échappent pas à l’attention joueuse d’un collègue.
— On a besoin de cowboys ici ! me fixa-t-il.
Je souris et ne bronche pas.
(Boulot)
Je travaille dans un collège et cette année-là, l’année de mes 30 ans, je suis professeur principale d’une classe de sixième, certains les petits frères ou sœurs d’élèves que j’avais connus lors de mon année à Lescot, un lycée professionnel à Châtelet. Pour leur rentrée, nous sommes deux dans la salle au tableau de craie et à la fresque colorée mésopotamienne couvrant le mur du fond. C’est la 214. Nous accueillons les petits sixièmes. Elle me montre, m’explique, m’assiste, me donne des conseils sur les procédures à suivre. Plus tard, nous continuerons à travailler ensemble. Rendez-vous avec les parents, préparation de vie de classe, réflexion pédagogique seront parmi d’autres sujets que nous partagerions au cours de l’année. La contextualisation de nos cours respectifs donnerait lieu à un questionnaire :
— Qu’avez-vous appris aujourd’hui ? Qu’avez-vous fait ?
— On a collé une feuille !
Soupir.
Au collège, je me positionne au sein de l’équipe pour être ERAEI, enseignant référent pour les actions européennes et internationales. À cette appellation correspondent un ou deux séminaires visant à promouvoir lesdites actions auxquelles nous étions tenus d’assister. Les lieux choisis furent très emblématiques du projet, entre différents instituts culturels et le campus international de la ville. Portée par une équipe collégiale et ancienne du collège, énergique et créative, je m’intéresse à ce genre de projets. L’année passée, j’avais mis en contact les élèves de Première pro commerce et des élèves d’outre-mer via une plateforme d’échanges linguistiques, e-pals. Je ne m’imagine pas tout de suite envisager les projets de grande envergure qui nous sont présentés lors de ces séminaires. Au-delà de simples voyages culturels « d’agréments », comme on l’entend parfois être désigné, il s’agit d’action courant sur le long terme et impliquant des rencontres entre élèves de différentes nationalités. Ma chef m’en touche deux mots. Quelle bonne idée ce projet d’ouverture culturelle ! J’ai justement reçu un mail à ce sujet que je vous transférai. Il s’agit d’une connaissance.
J’opine, souris, entre deux portes, à aller ou revenir de je ne sais quelle tâche qui nous incombe : « oui bien sûr ».
À l’issue d’une année de mobilités, d’un projet sur les classes de sixième impactant mes pratiques, parmi plein d’autres, du départ d’une collègue d’origine, partante pour partager l’expérience Comenius, devenu par la suite Erasmus, je me sens hors service.
(Pierre)
L’année se passe avec beaucoup de préparations, les heures de cours à assurer, les entraînements de capoeira, les séances chez la psychologue, et les sorties entre amis, certains qui deviendront des aventures. Pourtant, je suis médusée par Pierre. Pierre est assistant d’éducation, je l’entends frapper à la porte, entrer et prendre le billet d’absence que je lui tends parfois, en panique. Je suis déjà habituée à faire deux choses à la fois. Pierre fut l’épopée. Il me prend par la taille un soir de fête au Rosa Bonheur. Je ne résisterai pas à tant d’insolence. Nous passons la nuit ensemble, je prends note qu’il urine au milieu des voitures. C’est merveilleux. Je l’aime. Au matin, la vie d’avant recommence et l’on fait comme si rien ne s’était passé.
— Je te donne des cours de piano contre des cours d’anglais, dit-il, de la façon la plus sexy qui soit (il se tortillait près du bar, disons mur de séparation entre l’espace cuisine et pièce à vivre de mon petit studio parisien).
Je refuse sa proposition. J’efface cette nuit de ma vie. Elle n’a jamais existé.
Et je passe l’année à regretter. Chercher ailleurs. Être déçue. Séduire de tous les moyens possibles. Je mange à la cantine pour le voir. J’oublie toujours quelque chose dans mon casier de la salle des profs où je me rends, quitte à jeter un regard à l’aquarium des assistants d’éducation, les pions, les surveillants, pour la plupart jeunes, étudiants. Juste pour le voir une dernière fois. Lui dire : je suis là, dans mes rêves.
Il part.
Je l’oublie. J’apprends à l’oublier. Je revois Romain qui est rentré d’Irlande et s’installe en colocation à Paris.
La deuxième année, je commence à peiner, à porter le projet seule, malgré l’aide tout investie de la principale du collège et de sa gestionnaire. J’ai commencé une thérapie, des séances avec une psychologue qui me pousse vite à parler de mes rêves. À l’époque, le même rêve me revient sans cesse ; celui d’avoir la gorge et la bouche emplie de vases gluantes m’interdisant l’accès à la parole. Avec elle, je parle aussi d’écriture, je parle de relations familiales, je parle de moi. Des séances non remboursées, 35 euros les trois quarts d’heure, dans les quartiers de Beaubourg.
(Crise)
Je pratique également la capoeira, commence à être moins assidue aux rendez-vous de fin de journée quasi hebdomadaires. Je prends mes distances. Je suis prise dans un tourbillon. Cela ne va pas. Cela ne va pas. Mes amies s’inquiètent. Une amie avertie alors vivant à Austin, Texas, trouve bon de joindre tous les membres de ma famille accessible : mes parents, mon frère, ma sœur avec le même discours « Charline ne va pas bien. » Ce n’est pas moi qu’elle appelle. Pourquoi ? Ne suis-je donc pas la première concernée par ce mal-être grandissant ?
(Hosto)