La vie au sommet - Vanessa Morales - E-Book

La vie au sommet E-Book

Vanessa Morales

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Beschreibung

Elle est une sportive chevronnée et infirmière aux urgences. Lui, est journaliste, spécialisé dans le sport. Le destin de Vanessa Morales et Geoffrey Charpille ne paraissait pas lié au premier abord. Et pourtant, après une première rencontre sur un plateau télévisé, ils se sont rendus à l’évidence. Ils devaient travailler ensemble. Vanessa voulait raconter une histoire. Son histoire. Avec de nombreux rebondissements. Geoffrey avait toujours voulu écrire. Une idée. Un mot. Une émotion. Une phrase. Une page. Plusieurs pages. Avec un dénouement inattendu. Plus qu’une simple rencontre professionnelle, une véritable histoire de confiance et d’amitié s’est créée entre ces deux personnes, avec une ambition commune : le partage et l’optimisme.

À PROPOS DES AUTEURS

Vanessa Morales est une jeune toulousaine de 35 ans qui ne recule devant rien. Pendant un an, cette infirmière, maman d’un garçon de 14 ans, s’est entraînée durement, notamment à ITEPS Sport de Muret, sous la houlette de Laurent Albo, en vue de gravir le Kilimandjaro en un temps record. Son défi a eu lieu le 16 septembre dernier. Ce jour-là, Vanessa a dû combattre les effets de l’altitude, puisqu’en peu de temps, son organisme est passé de 1 300 m à 5 895 avec les risques d’œdèmes cérébral ou pulmonaire que cela pouvait provoquer. Mais visiblement le plus difficile n’était pas là.

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Vanessa MORALES

&

Geoffrey CHARPILLE

L’aventure d’une vie.

Un défi unique.

Une femme. Vanessa.

Un homme. Ronald.

Une montagne. Le Kilimandjaro.

Un sommet. 5895m.

Un seul objectif.

Une seule ambition : un record du monde !

Un plan précis.

Un travail minutieux.

Un entraînement ambitieux.

La nature, elle, en avait décidé autrement…

De son enfance à son métier d’infirmière, le parcours de cette Toulousaine d’adoption a toujours été semé d’embûches. Pourtant, la jeune femme n’a jamais lâché.

Découvrez la véritable histoire de Vanessa Morales sur le toit du continent Africain !

Entre doutes et certitudes, larmes et joies, déceptions et ambitions, le voyage promet d’être intense. Et surprenant.

1.

Je l’envie. Je suis jalouse. J’essaye de l’imiter. Je veux reproduire ses envolées, ses sauts, ses arabesques. Elle m’inspire. Elle, c’est Surya Bonaly, la championne de patinage artistique. Sur la glace, j’aimerais avoir sa grâce et son courage. Je regarde chaque compétition et chaque vidéo de la nonuple championne de France. Surya Bonaly a également participé à trois reprises aux Jeux Olympiques. Un rêve. Avant de pouvoir atteindre son niveau, je continue de m’entraîner sur la patinoire de Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales. Une patinoire où j’ai chaussé mes premiers patins à l’âge de 4 ans.

Le rêve, pour moi, a commencé en CM2. La professeure de patinage me proposait d’intégrer la section sport-études pour continuer ma progression. Passer de l’école primaire au collège est un changement radical dans la vie de beaucoup d’enfants. La mienne allait prendre un virage encore plus grand. J’allais passer des deux entraînements hebdomadaires à un entraînement quotidien. Sans oublier les compétitions le week-end.

Rien ne me prédestinait à performer dans ce sport. Personne n’en pratiquait à un haut niveau dans ma famille. Personne ne me poussait non plus à percer dans cette discipline. Dans ma famille, le sport était vu comme une obligation professionnelle et non comme un loisir. Mon oncle, Jean-Jo, par exemple, était un excellent skieur. Il était pisteur secouriste et passait ses journées en montagne. Personne ne s’intéressait à mon sport. Ma mère a longtemps travaillé sur les pistes de ski, en s’occupant des perches pour les tire-fesses. Ma garderie ressemblait à une grande montagne couverte de neige. Avec ma sœur, Audrey, de 4 ans mon aînée, nous étions tout le temps là-bas pour les pauses déjeuner. Ma mère ne m’a vu sur la glace qu’une seule fois. Mon père, lui, ne m’a jamais vu patiner. Ce n’est que très récemment qu’il me l’a avoué, dans un mélange de tristesse et d’émotion. Aucune photo ou aucune vidéo de moi en patinage ne se trouvait à la maison.

Ce manque d’intérêt familial, j’en ai souffert étant enfant. J’aurais aimé progresser en patinage. J’aurais aimé avoir les mêmes tenues que les autres filles de mon club. La situation familiale ne le permettait pas. Ma mère récupérait des tissus usagés pour me fabriquer de nouveaux justaucorps. J’aurais aimé pouvoir participer aux stages que proposait Philippe Candeloro au sein même de la patinoire municipale. Je me contentais de ma place assise, dehors, derrière les grandes baies vitrées de l’enceinte, pour admirer ce champion et les conseils qu’il donnait. J’aurais aimé essayer de découvrir le niveau national en patinage artistique. Pour atteindre ce niveau, les entraînements doivent être réguliers. Qui pouvait m’amener à la patinoire ? Personne. Si, mon grand-père. Je montais avec lui dans sa voiture. Le voyage retour existerait-il ? C’est la question que je me posais à chaque fois. Mon grand-père était particulier sur la route. Un homme qui pensait que la route était à lui. Quitte à presque renverser des gens sur le bitume. Je me souviens qu’il avait failli écraser la patronne du PMU qui se trouvait sur le trottoir du village, en face du bar. Je n’ai jamais vu mon papy passer la troisième en voiture. Traverser tout Font-Romeu en fond de deuxième était risqué. Et bruyant. Ce sont des souvenirs qui vous marquent. Tout comme certains moments de vie. Pouvez-vous imaginer que deux petites filles passent le réveillon du 24 décembre au soir, toutes les deux, dans un train ?

C’est ce qui nous est arrivé avec Audrey, la personne dont je suis le plus proche. Aujourd’hui, nous sommes toutes les deux adultes. Nous avons nos vies de famille, nos vies professionnelles, nos vies privées. Nous prenons toujours le temps de nous appeler une, deux, voire trois fois dans la journée. Un doute ? C’est elle que je contacte. Une bonne nouvelle ? Elle est la première à la connaître. De la nostalgie ? Je l’appelle tout de suite. C’est avec elle que je partais de notre maison, en haut du village pour aller prendre le bus. Chaque jour, chaque soir, nous étions ensemble pour parcourir les 300 mètres de dénivelé positif entre l’abribus et notre demeure. Une sorte de premier entraînement pour ma vie future.

Lorsque ma sœur a eu 10 ans, ma mère a commencé à travailler la nuit, dans un casino. Mon père, lui, travaillait dans une discothèque. Nous nous sommes construites toutes les deux avec Audrey. Nous avons toujours eu l’habitude de gérer nos vies ensemble. Quand nous fêtions Noël chez notre tante, Marie-Jo, nous étions les seules enfants dont les parents étaient absents. Nous étions toujours entre plusieurs personnes : nos grands-parents, notre tante, mais très rarement notre papa et notre maman.

Pourtant, malgré ce manque de cadre familial, j’en tire aujourd’hui beaucoup de positif. Oui, j’ai dû donner plus que les autres étant plus jeune. Oui, ma mère est tombée gravement malade à l’âge de 33 ans. Toutes ces épreuves m’ont forgée. Je n’ai aucun regret concernant mon enfance. Une enfance que j’ai passée à patiner, une échappatoire pour moi.

Ma sœur, elle, a toujours été passionnée par le monde équestre. C’est en troisième que je l’ai rejointe dans un internat. C’est également à cette époque que tout est devenu plus compliqué pour moi.

2.

« Vanessa a un problème au niveau des jambes. Il faut qu’elle consulte un spécialiste. Cela peut se révéler très grave. » Cette phrase, c’est ma professeure de patinage qui l’a prononcée à ma mère. Je n’avais même pas encore 15 ans. On m’enlevait le sport-études. On m’enlevait mon rêve. Le patinage était ma vie. Je n’imaginais pas ma vie sans lui. J’étais prête à prendre tous les risques pour pouvoir retourner sur la glace. Cette glace qui me faisait pourtant souffrir dès que je chaussais les patins. Je ne pouvais pas tenir debout. Je m’écroulais par terre et je devais attendre 20 minutes pour remarcher. Un enfer. Mon enfer.

La maladie dont je souffrais à l’époque ne sera décelée que plus tard. Elle m’a détruite pendant plusieurs mois. Je souffrais du syndrome des loges. Une maladie rare due à des efforts particulièrement intenses sur un muscle. Ces efforts peuvent entraîner une élévation de la pression dans les muscles. Ceux-ci se retrouvent à l’étroit à l’intérieur de la loge, qui est le contenant du muscle. Tout ce processus entraîne une compression des vaisseaux sanguins et des nerfs qui le traversent.

Je n’ai pas été opérée. L’opération était risquée et complexe. Pour parler vulgairement, « il fallait tout casser dans ma jambe pour tout reconstruire. » La reconstruction, pour moi, a été longue et douloureuse.

Je ne pouvais plus m’échapper par le sport. J’étais littéralement effondrée. Je ne pouvais plus continuer en sport-études. J’aimais l’effort physique. Je l’aime toujours d’ailleurs. Plus que tout.

Sans le patinage artistique, j’étais un peu désœuvrée. A l’époque, Mulo, un copain de Font-Romeu m’a beaucoup aidé. C’est en partie grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui. C’est lui qui m’a fait découvrir les sorties en haute altitude. Ou plutôt redécouvrir. Car la montagne a toujours été pour moi un lieu familier. Récemment, Laurence, une de mes cousines m’a rappelé d’où je tenais cet amour de la montagne. Plus jeunes, elle et Audrey partaient sur les sommets pour s’amuser. Je voulais les suivre alors que j’étais à peine âgée de trois ans. La seule condition ? Ne pas me plaindre et suivre les directives « des grandes. » Je ne m’en souviens pas. Audrey et Laurence, si. Elles m’ont raconté que je suivais sans broncher dans la montagne, alors que j’arrivais à peine à marcher !

Mon grand-père pêchait. Ma mère faisait de l’équitation et de longues sorties. Il n’y avait rien d’exceptionnel avec la montagne.

Mulo, je l’ai rencontré au collège. Entre nous, ça a toujours bien fonctionné. J’ai toujours connu la montagne. Je suis née là-haut. J’ai grandi avec. Pourtant, avec Mulo, j’ai appris à la redécouvrir. Nous partions tous les deux pour de longues sorties en altitude. Notre jeu préféré consistait à monter le plus vite au sommet d’une montagne… Et de redescendre encore plus vite. Avec du recul, j’en rigole. Ce jeu était cependant très risqué. Nous prenions le risque à chaque fois et il en valait la peine. Nous avons découvert des endroits et des paysages somptueux. Se lever tôt, voir le lever du soleil en haut d’une montagne n’a pas de prix. Même si nous devions emprunter des passages escarpés et affronter une météo pas toujours clémente, nous étions heureux. Nous étions libres. Nos éclats de rire, je peux encore les entendre. Nos doutes aussi. Ils ne restaient jamais longtemps en nos esprits. Il suffisait que je regarde Mulo s’élancer avec son grand bâton pour que je m’évade. Son bâton, il l’avait toujours avec lui. Il s’en aidait pour faire des bonds à travers la montagne. Une sorte de Tom Sawyer. Ces sorties m’ont donné envie de sortir encore plus en extérieur. Rien ne pouvait m’arriver en altitude. La montagne était un médicament pour moi. Quand j’étais dehors, je ne ressentais plus aucune tristesse. La montagne me faisait oublier mes problèmes. Et le regard des autres. J’étais très complexée, car j’étais maigre. Au patinage, les filles avaient déjà des formes. Moi, je n’en avais pas. Je ne me sentais pas comme elles. Je n’étais pas une fille depuis mes débuts dans le patinage. Même si j’étais plus âgée, j’en souffrais encore. Petite, j’avais pu m’accrocher à Sylvain. Sylvain, mon premier amoureux de la maternelle à la 6e. Nos chalets étaient presque collés dans le village. Nous étions tout le temps ensemble à construire des cabanes et à faire du sport. Il aimait la pêche, la montagne. Nous nous étions tout de suite bien entendus. Sylvain s’est tué sur le Cambre d’Aze en étant guide de haute montagne il y a 11 ans. Je pense souvent à lui, à nos excursions d’enfance. Je n’ai jamais pensé abandonner la montagne pour autant. Autant pour lui rendre hommage que pour mes propres sensations.

Mes amies de l’époque ne comprenaient pas mon choix. Elles estimaient qu’à cet âge, les filles « normales » faisaient la fête. Elles comprenaient d’autant moins que j’étais la seule à vivre dans le centre-ville. Ma mère avait continué sa vie avec un nouveau compagnon. Entre nous, les relations n’ont jamais été très bonnes et pourtant nous nous aimions. C’est vrai que j’ai commencé à me rebeller à cette époque. J’ai donc vécu dans une petite chambre du village. Vivre seule a été compliqué. Douloureux. Enrichissant. L’ami de ma mère m’a offert du travail au sein du restaurant du casino. Durant cette période, je partais le matin récupérer des champignons en montagne. Je les rapportais ensuite pour le service du midi. L’après-midi, je retournais en forêt pour le service du soir. Les sorties extérieures étaient devenues banales. J’en avais besoin. Peut-être pour me sentir bien et faire le vide. Peut-être également pour oublier le patinage artistique. Mes patins étaient enfermés dans un placard et je ne les ai regardés qu’à la fin de l’année 2018 pour les besoins d’un documentaire. Le patinage me manquait. Il me manque encore. Aujourd’hui, quand je pars courir au Groenland ou en Finlande et que le thermomètre affiche -30 degrés, je retrouve les mêmes sensations que j’avais sur la glace étant petite. Le souffle froid, les mains gelées, le vent sur mon visage : inconsciemment, je me revois à l’époque et ce souvenir m’emplit de joie.

Au casino, j’ai fait la connaissance d’une jeune femme sportive. On a commencé à courir ensemble. Je n’étais pas dans la course au début. Pour moi, ça a toujours été plus de l’échauffement qu’un sport à part entière. Ce sport a été pour moi comme un déclic. Courir. Longtemps. Très longtemps. Tenter des défis improbables. Tout a commencé là, alors que je travaillais au casino.

Cette période de ma vie a été importante pour moi. Elle m’a appris la rigueur. Malgré la situation familiale et personnelle, je devais rester concentrée sur le domaine professionnel. Je travaillais. J’étais rémunérée pour faire de mon mieux. Je devais faire abstraction de tout, même de mes problèmes de santé. De tout ? Presque. Car trois ans plus tard, à 21 ans, la vie m’a donné le plus beau cadeau dont une femme puisse rêver. Elle a fait de moi une mère. Matéo a été pour moi et pour son papa, Félicien, un véritable cadeau. Quel bonheur de voir cet enfant arriver dans ma vie. Je ne cherchais pas forcément à tomber enceinte à l’époque. Mais je l’ai accepté. Avec Félicien, nous étions plus dans une relation de flirt qu’une relation vraiment sentimentale basée sur le long terme. À l’époque, nous étions jeunes. Nous étions insouciants. Nous savions tous les deux que notre aventure pouvait se terminer rapidement. Pourtant, l’arrivée de cet enfant a été pour nous deux une véritable opportunité. Nous avons été responsables d’un nourrisson très tôt. Une nouvelle épreuve qui m’a endurcie et dont je me souviendrai encore toute ma vie. 

Le souvenir de cette naissance sera toujours pour moi typique de notre relation avec Félicien. C’est toujours un grimpeur, qui pratique sa discipline en extérieur et en montagne. Le 30 mai 2004 j’étais à un rassemblement de grimpeurs. Le terme de la grossesse était passé. J’en étais à neuf mois et trois jours. Pourtant, j’étais là, en haut des rochers. Félicien me faisait confiance. Je lui faisais confiance. Nous étions dans le même sentiment de liberté. Nous n’étions pas inquiets. Ce sont nos amis qui nous posaient des questions et qui nous réprimandaient. Matéo est né deux jours après.

Aujourd’hui, Félicien et moi sommes séparés, mais toujours en contact. C’est grâce à lui que j’ai eu la chance de devenir maman et de voir notre progéniture grandir. Il a refait sa vie de son côté avec Lucie, une femme bienveillante et généreuse. Ensemble, ils ont deux filles et ils forment un joli couple. Je sais que je pourrai toujours compter sur eux. Ils l’ont encore prouvé en avril 2020, quand, à cause de la pandémie du coronavirus, je devais passer mes journées et mes nuits à la clinique. Un endroit qui m’est familier depuis de nombreuses années…

3.

J’avais 21 ans. J’étais mère. J’avais travaillé dans le domaine de la restauration et en maisons d’enfants à caractère sanitaire avec des enfants obèses ou parfois asthmatiques. Lorsque j’ai accouché, je travaillais en maisons d’enfants, parfois en urgences sociales, notamment pour les enfants maltraités. Ce travail me plaisait, car j’avais toujours eu l’impression de connaître ce milieu. J’ai été élevée et j’ai grandi en partie avec mes grands-parents. Avec ma sœur, nous avons toujours vu notre mamie se dévouer pour les autres. Elle avait la garde des enfants de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, autrement dit, la DDASS. Ma mamie a même adopté un enfant né avec un handicap mental, Thierry. Dès mon enfance, j’avais un certain contact et une certaine envie de prendre soin des autres. Je regardais ma grand-mère prendre soin de ces bébés et je me disais que j’aimerais bien faire comme elle plus tard.

Avant de devoir arrêter l’école, j’ai validé un BEP de service à la personne, je voulais continuer dans ce domaine. Dans ma vie, j’avais l’impression que même si personne ne cherchait à briser mes rêves, personne ne m’aidait non plus à y parvenir. En revanche, je voulais aider les autres en retour. Avec ma blessure aux jambes, j’avais côtoyé le domaine médical très rapidement et très régulièrement. Durant mon BEP, j’ai dû effectuer un stage en maternité. Je ne savais pas encore vers quel domaine me diriger. Ce stage a été pour moi formateur. Il m’a conforté dans l’idée de mon choix. Je voulais aider les gens, tout simplement. Humainement, médicalement, socialement : j’essayais tous les moyens pour que les personnes se sentent mieux. J’ai beaucoup discuté avec mes anciens collègues. J’ai beaucoup appris. J’ai vu des scènes que je n’aurais préféré ne pas voir.

Lors de ce premier stage, un couple est entré à la maternité pour accoucher. Je les ai pris en charge. Leur sourire et leur joie dissimulaient largement leur angoisse. Ils allaient devenir parents. Le plus beau jour de leur vie est devenu un cauchemar en quelques heures. La sage-femme s’est occupée de l’accouchement alors que j’étais en observation. Un accouchement qui s’est passé de la meilleure des manières… Jusqu’à ce que la sage-femme m’apprenne que le nouveau-né était trisomique. Ensemble, nous avons dû l’annoncer au jeune couple. Ils étaient dévastés, anéantis. Et ils ont préféré l’abandonner sous X. Je ne comprenais pas cette décision. Peut-être parce que ma tante, Marie, est trisomique elle aussi. Mais c’est surtout que ce choix me montrait à quel point certaines décisions peuvent être cruelles envers les enfants. J’avais accompagné ce couple à vivre un moment inoubliable. Un moment qui n’aura pas eu la fin escomptée. L’espace d’un instant, j’ai voulu adopter cet enfant. Je n’étais pas encore mère à cette époque, mais quelques années après, j’avais le mien.

Matéo qui me reprochait mon travail.

« Maman, tu t’occupes des autres et moi, j’ai l’impression que tu me laisses un peu. »

Cette phrase, je l’ai entendue de la bouche de mon fils. Il n’avait que quatre ans. Elle m’a fait mal. Elle m’a blessée. Elle m’a aussi et surtout fait prendre conscience de la chance que j’avais. J’étais mère et je ne passais pas assez de temps avec mon fils.

Sans délaisser mon travail, je me suis rapprochée de lui. J’en ai également profité pour intégrer les sapeurs-pompiers en 2006. C’était une idée qui avait germé dans mon esprit quelques années auparavant. Le sport, l’envie d’aider les autres. Deux aspects que je retrouvais à la caserne. Ce métier m’a tellement plu que j’ai décidé de passer au niveau supérieur en 2008. Je venais de me séparer de Félicien. J’ai décidé de partir de Font-Romeu pour avoir plus de compétences et de responsabilités dans une caserne. Direction Canet-en-Roussillon. J’avais besoin de voir autre chose et de me rapprocher de ma famille.

Mon père et Montsé, sa sœur vivent à côté de Canet, à Villeneuve de la Raho. Une belle partie de mon enfance s’est déroulée dans ce village.  Ma tante m’a toujours accompagnée et soutenue, elle continue d’ailleurs aujourd’hui.

Je travaillais en tant que saisonnière au sein de la brigade des pompiers. Physiquement, j’ai progressé et j’ai franchi un cap dans ce service. Des sacrifices, j’en faisais depuis toute petite. J’ai continué à en faire là-bas. Penser aux autres avant soi. Prendre en charge des blessés. Éteindre le feu. Mettre sa vie en danger. Tous ces petits détails n’en sont finalement pas. Ce sont des signes qui m’ont toujours animée et confortée dans ma vie professionnelle et personnelle. Avec mes collègues, nous étions vraiment unis. Nous pouvions faire des raids multisports chaque une à deux fois par an ou bien jouer de façon très régulière au squash. Moi qui voulais continuer le sport à côté de mon travail, j’étais servie. Je faisais même parfois les deux en même temps. Cette mission d’intérim ne durait que quatre mois dans l’année. Le reste du temps, j’enchaînais les petits boulots toujours dans les maisons d’enfants à caractère social sur un poste de monitrice. Mon fils veut aujourd’hui être pompier professionnel. Il est encore jeune, il n’a que 15 ans. Cette envie, il me l’a confiée alors qu’il ne voulait pas entendre parler de ce métier jusqu’à ses 13-14 ans. Aujourd’hui, je suis fière de lui quand je le vois aider une personne âgée à porter ses courses jusqu’à une voiture ou renseigner une personne malvoyante dans son établissement scolaire pour la cantine. Il aurait aimé être docteur. Un docteur qui déteste l’école, je n’en ai jamais vu. S’il termine pompier, je serai la maman la plus comblée du monde.

Cette parenthèse enchantée chez les sapeurs-pompiers s’est terminée brutalement quand j’ai dû emménager (au lieu de « aménager ») du côté de Toulouse pour me rapprocher de ma sœur et de ma maman malade. Lorsque je suis arrivée, j’ai travaillé dans un foyer d’accueil pour jeunes adultes handicapés. Je faisais des remplacements jusqu’à ce que je passe mon diplôme d’état d’aide médico-psychologique. Je suis restée 7 ans dans cet établissement. L’usage de la formule est peut-être un peu cliché. Elle résume pourtant mon état d’esprit au bout de ce septennat : « Je n’ai pas vu le temps passer. »

Le temps, je l’ai pris par la suite. J’ai entamé une formation d’infirmière. Pourquoi ? J’avais l’impression d’avoir fait le tour du médico-social. Toujours aussi sportive, je voulais également pouvoir associer mon travail à mon loisir. En tant qu’infirmière, je ne supporte pas ne pas comprendre ce qui se passe. J’ai besoin de tout contrôler et d’avoir un maximum de réponses aux questions. Ces questions, on ne me les pose pas forcément. Je me les pose moi-même. Comment est-ce possible ? Pourquoi un patient a développé cette maladie ? Quels symptômes atypiques présente cette patiente ? J’ai besoin de faire du lien et de comprendre les personnes que je prends en charge. Au niveau du cerveau, des bronches, des globules blancs, des globules rouges, je veux avoir le maximum de compétences pour être sereine dans mes prises en charge. Je suis plus à l’aise avec les personnes présentant des particularités que j’ai déjà rencontrées au niveau sportif. Je cours en haute altitude, parfois dans des endroits où le thermostat affiche -40 degrés. En Finlande, j’ai eu l’occasion de vivre un bronchospasme à cause de mes voies aériennes qui étaient bouchées. Un jour, aux urgences, un patient est arrivé, car il n’arrivait pas à faire entrer de l’air dans ses poumons. Il s’étouffait, il paniquait et il avait peur. J’avais eu cette même sensation durant quelques minutes. Je l’ai rassuré. Je lui ai expliqué le meilleur comportement à adopter et il s’est détendu. Il m’a remercié par la suite. Ce sont des histoires comme ça qui font que je me sens légitime à aider mon prochain.