La wolf - Eric Wolfer - E-Book

La wolf E-Book

Eric Wolfer

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Beschreibung

L'histoire vraie, incroyable et inspirante d'un adolescent placé par le juge en centre pour mineurs à 15 ans et qui deviendra, dix ans plus tard, une icône du volleyball français avec, entre autres, sa participation aux jeux olympiques de 1992 à Barcelone.

Plongez dans son passé et découvrez ce que cache cette enfance perturbée. Un récit émouvant qui ne peut laisser personne indifférent.

Co-écrit avec Mélodie Ducoeur

Eric Wolfer aurait pu choisir un journaliste pour écrire sa biographie. Il a préféré confier son histoire à Mélodie Ducoeur, une écrivaine résidant près de chez lui, connue pour sa sensibilité et sa plume émouvante. En récupérant son dossier de placement auprès des services sociaux et en fouillant dans son passé, elle a réussi à mettre en lumière des zones d'ombre occultées par (ou absentes de) la mémoire d'Eric. Avec la Wolf, Mélodie explore les profondeurs des relations humaines et en particulier, les liens qui unissent parents et enfants.

Résumé

« Placé par un juge en maison d’enfants alors que j’avais quinze ans, j’aurais pu mal tourner. Grâce à des mains tendues et à une volonté de fer, j’ai appris à combattre mes démons en me servant du sport pour extérioriser mon mal-être. J’ai dû composer avec ce que j’ai reçu et ce qui m’a manqué. J’ai connu la gloire, mais aussi des déboires. J’ai gagné des médailles, et j’ai eu droit à leur revers. En toute humilité, j’aimerais vous raconter mon histoire, avec l'espoir qu'elle soit inspirante pour des jeunes en souffrance. Lecteurs, soyez les bienvenus dans ma meute, la Wolf ! »

À PROPOS DES AUTEURS 

Né en 1966, Éric Wolfer est un ancien volleyeur professionnel originaire de Longuyon (54). Spécialisé au poste d'attaquant, il a fait partie de l'équipe de France qu'il a représentée 120 fois. Il a notamment participé aux JO de Barcelone en 1992 et a remporté une médaille d'or aux Jeux méditerranéens de 1993.

Mélodie Ducoeur est née le 1er octobre 1977 en Belgique. Mariée et maman de 4 enfants, avant d'écrire, elle pratiquait le triathlon. Après le succès inattendu de sa nouvelle  "le royaume de Séraphin", lauréate d’un concours en 2021, elle crée tout un univers littéraire autour de celle-ci, avec différents volumes et adaptations pour tous les âges. Hypersensible et très investie dans le milieu associatif, elle clame que la différence est une force et non un handicap.

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Seitenzahl: 233

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Table of Contents

Couverture

La Wolf

La Wolf

Éric Wolfer

Table des matières

Chapitre 1 - Prémices d’un placement

Chapitre 2 - Relations familiales

Chapitre 3 - Clubs de sport junior

Chapitre 4 - Arrivée au centre éducatif fermé

Chapitre 5 - Vie en communauté

Chapitre 6 - Apprentissage du ski

Chapitre 7 - Découverte du handball

Chapitre 8 - Année de transition

Chapitre 9 - Débuts en volleyball

Chapitre 10 - En famille

Chapitre 11 - En route vers l’indépendance

Chapitre 12 - Premiers clubs professionnels

Chapitre 13 - Tremplin du club parisien

Chapitre 14 - équipe Évasion

Chapitre 15 - Moments de gloire

Chapitre 16 - Blessures sportives

Chapitre 17 - Le monde de la nuit

Chapitre 18 - Le Prince noir des Peupliers

Chapitre 19 - Coupe d’Europe

Chapitre 20 - Service militaire sportif

Chapitre 21 - La Wolf, en équipe de France

Chapitre 22 - Jeux olympiques

Chapitre 23 - Déménagement dans le Nord

Chapitre 24 - Naissance du premier enfant

Chapitre 25 - Retour à la case départ

Chapitre 26 - Boxe et volleyball

Chapitre 27 - Loisirs et événementiel

Chapitre 28 - Généalogie

Chapitre 29 - Un électron libre

Chapitre 30 - Les médias

Chapitre 31 - Confinement et année olympique

Ses livres

Landmarks

Table of Contents

Cover

La Wolf

Plumes de Cœur Éditions

La Wolf

Éric Wolfer

À mes parents,
À mes enfants,
À toutes les personnes qui ont un jour croisé ma route.

Table des matières

Prologue
Chapitre 1 - Prémices d’un placement
Chapitre 2 - Relations familiales
Chapitre 3 - Clubs de sport junior
Chapitre 4 - Arrivée au centre éducatif fermé
Chapitre 5 - Vie en communauté
Chapitre 6 - Apprentissage du ski
Chapitre 7 - Découverte du handball
Chapitre 8 - Année de transition
Chapitre 9 - Débuts en volleyball
Chapitre 10 - En famille
Chapitre 11 - En route vers l’indépendance
Chapitre 12 - Premiers clubs professionnels
Chapitre 13 - Tremplin du club parisien
Chapitre 14 - équipe Évasion
Chapitre 15 - Moments de gloire
Chapitre 16 - Blessures sportives
Chapitre 17 - Le monde de la nuit
Chapitre 18 - Le Prince noir des Peupliers
Chapitre 19 - Coupe d’Europe
Chapitre 20 - Service militaire sportif
Chapitre 21 - La Wolf, en équipe de France
Chapitre 22 - Jeux olympiques
Chapitre 23 - Déménagement dans le Nord
Chapitre 24 - Naissance du premier enfant
Chapitre 25 - Retour à la case départ
Chapitre 26 - Boxe et volleyball
Chapitre 27 - Loisirs et événementiel
Chapitre 28 - Généalogie
Chapitre 29 - Un électron libre
Chapitre 30 - Les médias
Chapitre 31 - Confinement et année olympique
Remerciements
Note de Mélodie Ducœur
Biographie et bibliographie de Mélodie Ducoeur
Prologue
Placé par un juge en maison d’enfants alors que j’avais quinze ans, j’aurais pu mal tourner. Grâce à des mains tendues et à une volonté de fer, j’ai appris à combattre mes démons en extériorisant mon mal-être par le sport. J’ai dû composer avec ce que j’ai reçu et ce qui m’a manqué. J’ai connu la gloire, mais aussi des déboires. J’ai gagné des médailles, et j’ai eu droit à leur revers. En toute humilité, j’aimerais vous raconter mon histoire, avec l’espoir qu’elle soit inspirante pour des jeunes en difficulté.
J’ai eu la chance de recevoir beaucoup de soutien tout au long de ma vie. Ce livre est l’occasion de remercier celles et ceux qui ont fait de moi la personne que je suis.
C’est ma rencontre avec une écrivaine locale en décembre 2023 qui m’a fait franchir le cap de l’écriture de ma biographie. Ses valeurs et celles de sa maison d’édition sont les miennes. L’Humain, avec un grand H, et la générosité de cœur, c’est ce qui nous rassemble.
Lecteurs, soyez les bienvenus dans ma meute, la Wolf !

Chapitre 1 - Prémices d’un placement

Moissons Nouvelles et CES – 1979 - 1980
L’événement le plus marquant de ma vie est sans doute mon placement au centre fermé de Briançon. J’avais quinze ans. Je vivais à Longuyon, une ville d’environ 5 000 habitants située au nord de la Meurthe-et-Moselle, à quelques kilomètres de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Je ne me souviens pas de tous les détails, car le jour où j’ai quitté mes parents, je ne savais pas encore ce qui m’attendait. Mais à présent, avec le recul et sachant ce qui m’est arrivé par la suite, je me rappelle qu’à l’instant où j’ai pris mes affaires je pensais partir pour quelques jours seulement. Des jours qui se sont finalement transformés en semaines, puis en mois… loin de la maison, de ma famille, de mes amis. Je ne suis pas certain que l’on puisse vraiment parler d’un traumatisme, mais ça n’en est pas loin. Je ne souhaite à personne d’être arraché aussi brutalement à son environnement familial. Pourtant, avec le temps, je reconnais que cette rupture était indispensable : pour moi, pour mes parents, pour mon avenir, même si cette période a été douloureuse pour l’adolescent que j’étais. On dit que les épreuves forgent le caractère ; le mien a été bien façonné. J’étais un enfant difficile, rebelle, qui ne faisait rien à l’école. Je venais d’ailleurs d’être renvoyé de mon collège à la suite d’une altercation avec le proviseur.
En me replongeant dans mes souvenirs et dans mon dossier de placement, je réalise que la décision de m’envoyer à Briançon n’a pas été prise du jour au lendemain. Il y a eu des étapes. Le 3 septembre 1979, par exemple, alors que j’avais treize ans, je suis devenu – temporairement mais officiellement – assimilé aux pupilles de l’État. Sur le document qui consigne ce fait, il est précisé que mes parents participaient à mes frais à hauteur de cinq francs français par jour. En lisant ce papier que je viens de récupérer, cela me fait mal. Rendez-vous compte : si j’ai officiellement été adopté par l’État, cela revient à dire que j’ai été abandonné par mes parents qui ont délégué mon éducation à quelqu’un d’autre. Bien que je sache que cela n’était que temporaire et dans le but de m’aider à trouver ma voie, j’ai l’impression qu’une plaie mal fermée se rouvre.
Aujourd’hui, je sais que cette séparation n’était pas ma première blessure psychologique. Je vous en parlerai plus tard, car à quinze ans je n’étais pas encore au courant de ce qui m’était arrivé à une époque où j’étais trop jeune pour avoir des souvenirs.
D’après mon dossier de prise en charge par l’ASE[1], les raisons de mon placement étaient mes difficultés sur le plan du comportement familial – il est précisé que je me montrais « grossier » – et sur le plan scolaire.
Ce fameux 3 septembre 1979, alors âgé de treize ans, j’ai fait ma rentrée dans un centre éducatif professionnel à Boulay-Moselle, à environ une centaine de kilomètres de chez moi. J’étais censé ne regagner mon domicile qu’aux vacances scolaires. Mais à peine un mois plus tard, le 6 octobre exactement, mon père et ma mère sont venus me récupérer, à ma demande et contre l’avis des éducateurs. « Depuis son entrée à l’établissement, le garçon a manifesté sa réticence au placement et a si bien manipulé ses parents que ces derniers sont venus le reprendre d’autorité. », écrivait une éducatrice à la DDASS. Ainsi prit fin ce premier placement à Moissons Nouvelles.
De ce court passage dans cet établissement, je me souviens que j’aurais dû apprendre un métier manuel, et que les élèves avaient plusieurs options possibles. Par défaut et en raison de mes notes peu élevées, je me suis retrouvé en mécanique alors que j’aurais préféré l’électricité. Mais pour cela, il aurait fallu que je me mette à étudier. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas en atelier que je m’éclatais, mais plutôt sur le terrain de foot. En quittant Boulay, seuls les tournois de football entre centres éducatifs m’ont manqué. J’étais passionné par ce sport et étais inscrit au club de ma ville. J’aurais sans doute pu faire carrière si j’avais saisi l’opportunité qui m’a été proposée trois ans plus tard. Je vous en parle bientôt.
J’avais pris l’habitude d’aller voir tous les matchs de l’équipe longuyonnaise et lorsque mon père ne pouvait pas m’emmener, je montais dans le bus qui déplaçait les joueurs. Vous n’imaginez pas à quel point j’étais heureux de me retrouver aux côtés de footballeurs comme Faletta, Longhini, Bendouma, Pesce, Rachati, Menguelti, Bassi, Przybylski, Comito, Laurent, Lothaire, Petruzzelli, Callà, Gulin, Marolla et Collet. En revanche, lorsqu’il n’y avait plus de place pour moi, je rentrais chez moi terriblement déçu.
Mes premières grandes émotions avec le football professionnel, je les ai vécues vers l’âge de douze ans lorsque M. Tarnus, un boulanger de Longuyon, nous emmenait, son fils et moi, voir les matchs du FC Metz. Bien plus tard, lors d’un championnat interentreprises, je me suis retrouvé à jouer dans la même équipe que M. Tarnus. Il était gardien et moi avant-centre. Je marquais des buts, et lui les arrêtait. Que c’est bon de se remémorer de tels souvenirs !
Une anecdote à vous raconter : j’ai assisté à l’arrivée d’un joueur, Malik Menguelti, qui venait d’un club voisin, celui de Beuveille. Dans les yeux du gamin que j’étais, on pouvait lire l’émerveillement !
Les jeunes de Moissons Nouvelles auraient aimé que je reste dans leur équipe parce que je les faisais gagner. Mais moi, je voulais quitter cette maison d’enfants dans laquelle je me sentais prisonnier. Je ne sais pas si ma claustrophobie est apparue à ce moment-là ou si j’en souffrais déjà depuis tout petit, mais une chose est certaine : j’avais besoin de retrouver ma liberté, mes copains, ma ville.
J’ai dû terminer l’année scolaire au collège Sainte-Chrétienne. Mon grand-père y travaillait comme chauffeur de bus et mon père en assurait depuis peu l’entretien intérieur et extérieur, étant donné qu’il venait d’accepter sa retraite anticipée de l’usine de la Chiers, également connue sous le nom d’Usinor. Celle-ci se trouvait en pleine restructuration. À cette époque, la sidérurgie longovicienne[2] vivait ses dernières années, et les rassemblements visant à empêcher la fermeture des hauts-fourneaux étaient nombreux. Je me souviens être allé sur place avec mon collège qui, comme d’autres établissements de la région, avait organisé un transport en bus des élèves et des professeurs en marque de soutien aux manifestants. Je revois les pillages dans les magasins, les ouvriers qui lançaient des écrous sur les CRS et les banderoles affichant le slogan « Longwy vivra ». Les événements étaient relayés par les deux radios locales : Lorraine Cœur d’Acier et Radio Aria. Je me rappelle les images qui ont fait la une des journaux avec François Mitterrand sur les lieux des émeutes. Il promettait qu’aucun boulon de cette usine ne serait jamais démonté. Pourtant, quelques semaines plus tard, les démolitions ont commencé, entraînant dans leur sillage leurs lots de suicides, de plans de reconversion et de préretraite ; solution choisie par mon père moyennant une belle somme d’argent. Beaucoup de ses collègues ayant fait le même choix que lui ont été ruinés en un an ou deux. Ils avaient tout dépensé sans avoir réussi à retrouver du travail. Ceux qui avaient accepté d’être mutés, à Dunkerque par exemple, s’en sont un peu mieux sortis.
Mon père avait passé ses journées et parfois ses nuits devant une chaîne de montage à répéter inlassablement les mêmes gestes. Il était bobineur ; son travail consistait à attendre la bobine de fer et à la prendre avec une pince géante pour la déposer plus loin. Lorsque j’ai compris dans quelles conditions il travaillait, choqué et les larmes aux yeux, je me suis promis de ne jamais travailler à la chaîne, car c’était pour moi de l’esclavage moderne. Je suis ressorti de l’usine malade pour mon père et tous ces ouvriers, qui partaient tôt et rentraient tard, enchaînant sans relâche des mouvements répétitifs.
***
À l’école, je ne m’intéressais à rien, sauf au sport. J’avais un retard scolaire dans pratiquement toutes les matières. Non pas que j’étais intellectuellement déficient – il est indiqué dans mon dossier que j’avais un degré d’intelligence normal –, mais je n’en avais rien à faire de ce que l’on m’enseignait. Je ne faisais pas ce que les professeurs me demandaient et, pire, je perturbais la classe en inventant bêtise sur bêtise. Si j’étais né en 2020, des démarches auraient sans doute été entreprises pour tenter de savoir si mon besoin de bouger provenait d’un trouble du neurodéveloppement comme le TDAH[3] ou plutôt d’une situation d’anxiété liée à un souci à la maison. Mais dans les années soixante-dix, ce n’était pas monnaie courante. La vérité se trouve probablement dans un mélange des deux puisque, aujourd’hui encore, je ne peux pas rester immobile.
Chaque fois que je me faisais exclure d’un cours, je me rendais dans la salle de sport. J’y retrouvais Alain Geoffroy, le seul professeur avec lequel je me sentais bien. Comme je n’étais pas censé être là, je ne pouvais pas me joindre aux autres élèves qui s’entraînaient. Je me contentais donc d’observer, en silence, les jeunes qui se défoulaient.
— Tu t’es encore fait virer ?
C’est ainsi qu’il m’accueillait, avec un air las. Je baissais la tête, un peu honteux. Lui semblait plein de compassion pour moi. Interrogé récemment, il a déclaré qu’il m’avait trouvé intelligent et malicieux, mais surtout instable et très difficile à gérer. Sans oublier que je m’emportais pour un rien et que je refusais toute autorité. Il a ajouté que j’étais toujours prêt à rendre service et à partager ce que j’avais avec les autres, et que c’était mon air de saint-bernard qui l’avait touché. Alain Geoffroy fait partie des rares personnes qui arrivaient à percevoir l’enfant en souffrance derrière ma carapace.
J’aurais normalement dû être viré du collège Sainte-Chrétienne, mais il est allé plaider en ma faveur auprès de la directrice. À partir de ce jour, je ne suis plus retourné en classe et j’ai passé toutes mes journées avec lui. Je l’aidais notamment à mettre le matériel en place dans la salle de sport.

Chapitre 2 - Relations familiales

Longuyon – 1966 - 1979
C’est surtout avec ma mère que j’étais en conflit. J’étais dur avec elle : dans mes propos, mais également quand je la poussais à bout et qu’elle finissait par quitter la maison. Sous l’effet de la colère, je pouvais claquer des portes et lancer des objets. Prénommée Odette et mariée à mon père, Jean, elle s’occupait de moi à plein temps. Elle était ce qu’on appelle une mère au foyer, comme beaucoup de femmes de son époque. Née à Stenay en 1928, elle se montrait très possessive avec moi. D’après mes cousines, Sylviane et Noëlle, elle m’avait tant désiré qu’elle craignait de me perdre. Il paraît même qu’elle en faisait des cauchemars la nuit. Elle était toujours sur mon dos et s’inquiétait dès que je m’éloignais du domicile qu’elle passait son temps à astiquer dans les moindres recoins. Il fallait que tout brille, et surtout qu’on ne salisse pas. Elle répétait que les assistantes sociales pouvaient venir à tout moment, et qu’il arriverait malheur si elles découvraient un foyer mal entretenu. Plusieurs témoins rapportent que, durant mes crises de colère, je pouvais tout casser dans la maison.
À treize ans, je n’arrivais pas à mettre des mots sur mon mal-être. Ce n’est que des années plus tard que j’ai appris que ce qui me rongeait, de manière inconsciente, était sans doute lié au secret de famille que l’on me cachait. En découvrant la vérité, j’ai mieux compris pourquoi ma mère était si anxieuse, mais enfant, je ne me posais pas trop de questions.
Elle était aussi dure avec moi qu’elle m’aimait, et à cette époque les fessées étaient courantes et ne choquaient personne. Mon père s’en mêlait parfois, pour retrouver sa tranquillité. Je me rappelle avoir goûté au martinet, mais mes parents ne purent l’utiliser que très peu, car rapidement j’en ai retiré une à une toutes les lanières en cuir.
Mes cousines racontent qu’elles craignaient les remontrances de la tante Odette – comme elles l’appelaient – et que quand elles venaient à la maison, elles restaient sagement assises sans bouger. Elles affirment qu’elle criait beaucoup, et que tout le monde lui obéissait, sauf moi. Elles confirment que je faisais souvent des crises qu’un rien déclenchait. Par exemple, j’étais très nareux[4] et si quelqu’un avait le malheur de toucher un de mes couverts, je le jetais par terre, refusant de manger. Ma mère s’énervait alors sur la personne qui avait malencontreusement déclenché ma crise. Un cercle sans fin de cris et de violences, qui créait beaucoup de tensions.
Fabienne Lesquois, la fille de ma marraine, me gardait souvent quand j’étais tout petit. Elle se souvient elle aussi de mes accès de colère. Elle prétend que je hurlais et qu’elle avait beaucoup de mal à me calmer, sauf si j’obtenais ce que je désirais, ce qui n’était pas toujours possible, bien évidemment.
Avec le temps, c’était presque devenu un jeu entre ma mère et moi. Peu importe ce que je demandais, elle me le refusait systématiquement. Parfois, mes tantes tentaient de s’interposer et d’adoucir sa décision, mais elle restait ferme, déclenchant des crises de plus en plus intenses. L’une d’elles les a particulièrement marquées. Elles ne se souviennent plus du contexte, mais seulement qu’après avoir donné un violent coup de poing sur la machine à laver, j’ai attrapé un tabouret et l’ai balancé par la fenêtre, choquant des habitants du quartier des Canadiens où nous habitions à l’époque.
Bien qu’elle fût très stricte, il est indéniable que ma mère adorait les enfants. Avant ma naissance, se désespérant de ne pas tomber enceinte, elle avait même proposé à sa sœur qui en avait huit d’adopter les deux plus jeunes, ou tout du moins de les élever. Ma tante n’avait pu se résoudre à envisager cette possibilité mais, à défaut, avait accepté que sa sœur vienne tous les dimanches lui prêter main-forte.
Ma mère avait trente-huit ans quand, enfin, je suis venu combler son manque affectif. Il paraît que quatre à cinq ans plus tard, elle avait souhaité avoir un deuxième enfant. Son vœu ne s’étant pas exaucé, elle avait fini par se résigner.
Je m’interroge beaucoup sur mon tempérament rebelle et sur les raisons de mon conflit avec elle. L’ensemble des témoignages recueillis est unanime : elle m’aimait énormément. M’aurait-elle trop couvé ? Il est probable qu’elle m’ait quelque peu étouffé en voulant me surprotéger et en angoissant pour tout à mon sujet, mais je crois que ce sont les tabous et tout ce qui m’a été caché qui ont créé mon mal-être. Est-ce que j’aurais été différent si elle m’avait élevé autrement ? À vrai dire, je n’en sais rien. Je pense qu’elle a fait ce qu’elle a pu avec cet enfant arrivé sur le tard. Elle m’a donné beaucoup d’amour, même si elle a été très stricte avec moi. Je lui serai éternellement reconnaissant de tout l’amour qu’elle m’a donné. Aujourd’hui, je ne peux plus le lui dire de vive voix puisqu’elle est décédée.
***
Mon père aimait le calme et avait tendance à céder à tous mes caprices pour avoir la paix. Je sais que, comme ma mère, il était heureux d’avoir un garçon. Il me gâtait et voulait toujours me faire plaisir. Quand j’étais tout petit, il passait chaque jour au bureau de tabac et me rapportait une voiture. J’avais le droit de jouer avec, mais pas longtemps, car ma mère la rangeait rapidement dans sa boîte pour la protéger. Il paraît que le soir où mon père est rentré les mains vides, j’ai piqué une colère. Ma collection avoisinait pourtant les deux cents pièces.
Avec lui, j’allais régulièrement voir des courses de côte et des rallyes. En effet, après le foot, le sport automobile était ma deuxième passion. Quand il ne pouvait m’emmener, Jean-Luc Feller – mécanicien et commissaire de course – et son fils, Fabien, me prenaient avec eux. Je me souviens par exemple de pilotes comme Gérard Calabro, qui avait une belle R5 turbo, et de Jean Krempf – dit Jeannot –, qui roulait dans une charmante petite Dauphine nacrée. Ce dernier avait fabriqué une voiture spéciale : il avait coupé deux véhicules pour ne conserver que la moitié avant de chacun. Il les avait ensuite assemblées. L’automobile disposait donc d’un volant à l’avant et d’un autre à l’arrière, ce qui lui permettait de se déplacer dans les deux sens. Il y avait également Christian Pino, qui faisait des rallyes.
Fasciné par le bolide de mon voisin Alain Rémy, je le regardais rentrer ou sortir sa jolie BMW 2002. Elle était si imposante – ou son garage si petit – qu’il devait faire attention pour passer la porte. Je me rêvais déjà au volant d’une aussi belle voiture.
Je n’ai d’ailleurs pas attendu d’avoir le permis de conduire pour emprunter celle de mes parents. Je ne me suis jamais fait arrêter malgré mon âge, pas même la fois où je suis tombé nez à nez avec des policiers. Je venais d’aller voir une course de côte et, ne sachant pas comment rentrer à la maison, je m’étais trompé de chemin. Sans me laisser perturber, je suis allé leur demander ma route. À aucun moment ils n’ont cherché à vérifier mes papiers d’identité. Il faut dire qu’avec ma taille et mon assurance, je faisais plus que mon âge. Je roulais sans me soucier des limitations de vitesse et me garais où je voulais. Mes cousines prétendent que des PV de stationnement tombaient régulièrement dans la boîte aux lettres de mes parents. Je n’en aurais jamais rien su si je n’avais pas cherché à recueillir des témoignages sur mon passé pour écrire ce livre.

Chapitre 3 - Clubs de sport junior

Longuyon – 1979 - 1980
Dans mon récit, je me suis quelque peu éloigné du jeune adolescent scolarisé à Sainte-Chrétienne. J’y reviens. Autant je détestais l’école, autant j’adorais jouer au foot. Je faisais partie de l’ES Longuyon et j’étais plutôt doué pour ce sport. Il n’était pas rare que je marque quatre à cinq buts avant la mi-temps. À l’adolescence, j’ai obtenu le record jeunes du plus grand nombre de buts marqués en une saison : environ quatre-vingt-cinq.
Je peux citer, entre autres, parmi mes camarades du club : Tony Zacardo, Mohamed Bouamara et Christophe Jean. Ce dernier a joué une année sur deux avec moi, car il avait un an de moins. Par conséquent, quand je suis passé en pupille, lui est resté en poussin ; et quand je me suis retrouvé en minime, lui a continué en pupille.
Nos entraîneurs, Vincent Faletta et Michel Przybylski, avaient de quoi devenir dingues tant nous étions laxistes par rapport à nos obligations. Par exemple, nous étions censés arriver à 13 heures pour partir sur un lieu de match, et à la place nous traînions au bistro, chez Ali, à jouer au flipper. Michel Przybylski était obligé de venir nous chercher. Je me dis qu’il fallait qu’il soit vraiment passionné pour nous supporter.
Ça vous dirait que je vous dévoile une anecdote amusante ? Notre club était sponsorisé par un bar à champagne appelé le Curling et situé à Longuyon. Si, si, je vous assure que c’est vrai ! Nous portions un maillot sur lequel son logo était imprimé, alors que nous n’étions pas majeurs. Je me souviens d’ailleurs que le gérant, Guy Poidevin, qui roulait en Peugeot 604, avait organisé une réception avec des filles en mini-jupes et manteaux de fourrure. Cette fête a marqué le gamin que j’étais, mais je peux vous dire que c’est le public qui a été le plus choqué. Comment un tel sponsor avait-il pu être accepté pour un club de mineurs ? Aujourd’hui, ce genre de soutien serait tout simplement impossible.
Un autre moment mémorable du foot à vous raconter : quand on partait en déplacement, normalement, nos parents étaient chargés de nous emmener sur les lieux des matchs. Mais, parfois, ils étaient insuffisamment nombreux. Donc, Daniel Simon, un passionné, était notre chauffeur, avec sa Citroën DS. On se tassait à six ou sept à l’intérieur. À cette époque, les véhicules n’étaient pas encore équipés de ceintures de sécurité à l’arrière, et le nombre de passagers n’était pas réglementé comme aujourd’hui, il me semble. Fort heureusement, nous ne nous sommes jamais fait arrêter. On se planquait, couchés par terre, tandis que notre conducteur se prenait pour Fangio, un pilote de course argentin. Je vous assure que si on avait pu rentrer dans la boîte à gants, on l’aurait fait. Je ne peux m’empêcher de sourire en repensant à ces épisodes complètement fous.
***
En plus du foot, j’ai commencé à jouer au volleyball dans le club où Alain Geoffroy, mon prof de sport de Sainte-Chrétienne, était entraîneur, et où mon pote Vincent Jacotot jouait. Mais ça n’a pas duré. Mon coach n’a pas apprécié mon comportement déplacé : j’arrivais souvent en retard aux entraînements – quand je prenais la peine de m’y rendre – et je n’écoutais pas les consignes. Il explique aujourd’hui qu’il a été obligé d’en arriver là, comme ses collègues professeurs à l’école, pour que je prenne conscience que la discipline était indispensable pour embrasser une carrière sportive. Il avait décelé mon potentiel et voyait grand pour moi, mais il savait que si personne ne m’imposait des règles, ça serait impossible. Je reconnais qu’il a eu raison, même si sur le coup, je m’en fichais d’avoir été viré.
De ces quelques semaines (ou mois), je me souviens du joueur qui me faisait les passes. Il s’appelait David Dentini et, comparé à moi qui étais très grand pour mon âge, lui était plutôt petit.
***
En raison de l’échec de ma scolarité à Moissons Nouvelles, de cette année catastrophique à Sainte-Chrétienne, et du fait que la relation avec ma mère ne s’apaisait pas, le placement en centre fermé était inévitable.
D’après un document retrouvé dans mon dossier, j’avais bien compris la nécessité d’un éloignement de mon domicile, mais je pense que mon esprit n’avait pas vraiment intégré tout ce que cela impliquerait. Peut-être qu’inconsciemment j’espérais pouvoir convaincre mes parents de me reprendre aussi rapidement qu’à Boulay. Mais cette fois-ci, on n’allait pas me laisser décider de la durée du placement.
Rapport du 2 septembre 1980 : « La mère demande qu’Éric soit placé en internat et qu’il rentre peu souvent à la maison. Elle dit qu’il n’a fait aucun effort pendant le mois d’août. »
En attendant qu’une place soit trouvée, je suis allé durant environ deux mois au collège Paul Verlaine de Longuyon. Le bulletin scolaire relatif à cette courte période de présence n’est pas catastrophique, avec des moyennes oscillant entre onze et treize dans toutes les matières. J’ai même relevé une note qui me stupéfie : 17,6/20 en orthographe. Les professeurs ont mentionné que j’aurais sans doute pu faire mieux, mais il n’est nullement indiqué que j’ai été exécrable, ce qui m’étonne fortement.
En lisant la synthèse rédigée par une assistante sociale en date du 11 juin 1981, je comprends mieux les raisons et les étapes qui ont abouti à mon placement début 1981 au CAPA[5] de Val-des-Prés sur demande du SAEMO[6] de Briey.
« Éric, né le 22 février 1966 (15 ans) présente des problèmes comportementaux depuis plusieurs années, dont l’intensité est allée en s’accentuant. Sur le plan scolaire, il a été renvoyé en décembre 1980 de l’établissement scolaire où il était inscrit depuis la rentrée de septembre, les enseignants ne supportant plus son attitude.
Éric pose d’importants problèmes à sa famille, et les rapports avec les parents sont très agressifs. Il exige que ceux-ci satisfassent ses moindres désirs, leur impose ses volontés, et il ne supporte pas qu’on lui interdise quoi que ce soit. M. et Mme Wolfer doivent organiser leur temps, leurs activités et leur budget en fonction des demandes de leur fils.