Landru - Arthur Bernède - E-Book

Landru E-Book

Arthur Bernède

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Beschreibung

Cet ouvrage retrace la vie du tueur en série Henri Désiré Landru. Pendant la Première Guerre mondiale, il séduisait des femmes seules et riches. Ayant réussi à leur faire signer une procuration, il les assassinait dans sa maison de campagne puis faisait disparaître leurs corps en les brûlant dans un fourneau.

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Table des matières

Chapitre I : La veuve amoureuse. Le fiancé disparu. Au village de la Chaussée. Ce qu’on trouve dans une ceinture, Chagrin d’amour. Première apparition de Landru.

Chapitre II : Escroc et beau parleur. Un casier judiciaire. À Vernouillet. Un premier crime. Sur la pente.

Chapitre III : Une femme qui s’ennuie. La petite annonce du « journal » Landru se fait la main. L’ancienne. gouvernante.

Chapitre IV : Don juan de Vanves. Une partie de campagne. Petite friponne. Landru roule la Banque de France.

Chapitre V : Landru quitte Vernouillet. La ville de Gambais. Landru père de famille. Fiancées en série. Le billet double et le billet simple.

Chapitre VI : Le bec de gaz. Landru « roule sur la jante ». La conquête, d’une famille. Encore une victime, Le concierge et le „secret professionnel.

Chapitre VII : Bluffeuse et ingénue. La femme de chambre de la cartomancienne. Une histoire de Bijoux Landru roulé. Landru se venge.

Chapitre VIII_: Le. répertoire aux fiches. Opérations d’ensemble. « Tonton Frémyet ». Allons essayer le plumard ! Un pèlerinage au sacré cœur. Le roi des menteurs.

Chapitre IX : La femme au sombrero. Travaux d’amorçage. Un cadeau de jour de l’an. Un homme précautionneux. Une fiancée qui l'échappe belle. Un coup de foudre. La femme aux chiens. Une scène tragique.

Chapitre X : La police alertée. Landru arrêté et démasqué. Un Fregoli du crime. Adieu notre « petite table ». Perquisitions, trouvailles macabres etc... La lettre révélatrice. Le secret de Landru.

Chapitre XI : Une instruction laborieuse. Un mur de silence. En correctionnelle. Landru facétieux. Vingt des chefs d’accusation.

Chapitre XII : Un procès sensationnel Landru continue à nier. Incident d’audience. Réquisitoire et plaidoirie. Le verdict.

EPILOGUE

Chapitre I : La veuve amoureuse. Le fiancé disparu. Au village de la Chaussée. Ce qu’on trouve dans une ceinture. Chagrin d’amour. Première apparition de Landru.

Table des matières

Le 6 août 1914, tandis que les époux F... achevaient de déjeuner paisiblement dans leur salle à manger de petits bourgeois parisiens, une femme âgée de 39 ans environ, encore jolie et assez coquette, pénétrait en coup de vent et s’écriait bouleversée :

— Je suis à moitié folle !... voila trois jours que Raymond n’a pas reparu.

Cette nouvelle ne sembla pas du tout surprendre autrement le beau-frère et la sœur de Mme Cuchet, car ils échangèrent tous deux un rapide regard d’intelligence qui signifiait clairement :

— Parbleu !... C’était prévu.

Puis, M. F... reprit :

— Tu sais ce que je t’ai toujours dit, ma pauvre Jeanne ; je n’ai jamais eu confiance dans ce type-la...

— Ni moi... appuyait sa femme.

Mais Mme Cuchet, qui s’était laissée tomber sur une chaise, se relevait aussitôt en protestant avec force :

— C’est parce que vous ne le connaissez pas.

— Justement ! ponctuait M. F...

— Somme toute, observait judicieusement la sœur de la belle Jeanne ; comment as-tu connu M. Diard ? Par une annonce qu’il avait fait passer dans, un journal. Quels renseignements avais-tu sur lui ? Uniquement ce qu’il avait bien voulu te raconter... Nous avons eu beau, Pierre et moi, te recommander d’être prudente. Mais tu n’as pas voulu nous écouter... Tant pis pour toi si, après avoir obtenu de ta faiblesse ce qu’il voulait, il a joué la fille de l’air.

— Ce n’est pas possible ! s’écriait Mme Cuchet avec véhémence. Depuis le mois de février où je l’ai rencontré pour la première fois, Raymond ne m’a donné que des preuves d’amour les plus désintéressées et les plus sincères. Il m’a entouré de soins les plus affectueux, et m’a fait faire d’excellents placements d’argent. Si nous ne nous sommes pas mariés plus tôt, ce n’est nullement de sa faute, c’est parce qu’il attend toujours une pièce indispensable.

D’un air sceptique, M F... s’écriait :

— Et il est allé la chercher !

— Ne plaisante pas, reprenait Mme Cuchet. Je suis très inquiète. .. Il a dû lui arriver malheur !...

Mme F... eut un haussement d’épaules. Mais sa sœur poursuivait avec véhémence :

—Je vous dis que si vous... vous n’avez jamais pu le supporter ; c’est du parti pris ! Mais moi en cinq mois d’existence commune, j’ai pu l’apprécier à son juste mérite. Jamais il ne m’a inspiré la moindre inquiétude, causé la moindre peine ; jamais je ne l’ai entendu prononcer un mot plus haut l’un que l’autre. Il est la douceur et la bonté même... et les moments que j’ai passés avec lui, dans notre petit logement de la Chaussée, sont certainement les meilleurs de ma vie... D’ailleurs, interrogez mon fils ; André vous dira qu’il le considère déjà comme un second père... et qu’il n’a qu’un désir, c’est que notre situation se régularise dans le plus bref délai... Et tout en essuyant ses larmes, Mme Cuchet ajouta :

— Ce n’est pas gentil à vous de me dire du mal de mon pauvre Raymond...

Apitoyée, Mme F... reprenait :

— Voyons, raconte-nous ce qui s’est passé...

— C’était lundi dans la matinée. Raymond me dit qu’il avait besoin d’aller à Chantilly pour faire viser son livret militaire, car, il tenait à être en règle avec l’autorité militaire. Il prit son auto et partit...

— Et après !...

— Je l’attends encore.

— Es-tu allée aux renseignements ?

— Bien sûr... Au commissariat de police, à la gendarmerie, au bureau militaire... Je l’ai demandé partout, et on ne l’avait vu nulle part...

— C’est bizarre.

— Je me demande, s’écriait Mme Cuchet, si Raymond n’a pas été attaqué par des gens qui l’auraient assassiné pour lui voler sa voiture et l’auraient ensuite enterré dans la forêt !

— En plein jour ?

— Tout le monde est tellement occupé par la guerre. Il y a une telle pagaye, que la police ne doit pas avoir le temps de s’occuper des malfaiteurs !

M. F... se prit à réfléchir ; Il aimait beaucoup sa belle-sœur... et appréciait infiniment ses qualités. Restée veuve très jeune, avec un fils à élever, elle s’était mise courageusement au travail.

Confectionnant de la lingerie fine pour une importante maison de Paris, elle gagnait largement sa vie et passait même pour posséder un certain avoir. Assez jolie femme ne cachant pas son désir de se remarier ; la solitude lui était à charge et elle désirait aussi trouver un protecteur pour son jeune fils qu’elle aimait tendrement, et qui était employé depuis 1913, à la Chemiserie Edmond, 34, rue Vivienne.

Au mois de février 1914 Mme Cuchet faisait part à son beaufrère et à sa sœur de son projet d’épouser un M. Raymond Diard, commis ambulant des Postes. Elle s’en était très vite éprise... et bientôt, également, elle annonçait son mariage à son patron. Le 18 avril, elle rapportait dans ses magasins les derniers travaux de couture effectués pour son compte. Dès le lendemain, elle s’en allait s’installer avec son fiancé au village de la Chaussée, près de Chantilly, où, chaque semaine, du samedi au lundi, le jeune André Cuchet, âgé de dix-sept ans, venait la rejoindre.

Dans tout le pays, on l’appelait Mme Diard, et tout le monde estimait beaucoup le faux ménage qui semblait d’ailleurs beaucoup plus uni que bien des couples réguliers.

En effet, la belle Jeanne n’avait pas menti en racontant à ses parents que son Raymond la rendait parfaitement heureuse. A tous égards, il était le modèle des compagnons. Affectueux, tendre, et même passionné, sachant employer les procédés qui plaisent aux femmes, spirituel à l’occasion, faisant oublier un physique naturellement rébarbatif par une bonne humeur que l’on pouvait croire inaltérable, doué d’une voix aux inflexions pénétrantes et harmonieuses, Raymond Diard n’avait pas tardé à capter entièrement la confiance de Mme Cuchet... qui lui avait remis une grande partie de ses économies que son fiance s’était empressé de déposer en compte à la succursale de la Société Générale à Chantilly...

Et voilà que, depuis trois jours, lui si exact, si ponctuel, qui jamais encore, n’avait laissé seule sa compagne pendant vingt-quatre heure sans lui faire parvenir de ses nouvelles, lui, aussi ménager de son temps que de ses dépenses, ne donnait plus le moindre signe d’existence. Voila pourquoi Mme Cuchet, qui ne pouvait admettre un seul instant l’hypothèse d’un lâchage, ne cessait de répéter a travers ses sanglots :

— Il a été sûrement assassiné !

Si M. et Mme F... avaient toujours blâmé cette liaison qui, soi-disant, devait se terminer par un mariage, et si, Raymond Diard ne leur avait inspiré qu’une sympathie très relative, ils n’en comprenaient pas moins que leur devoir était de venir en aide moralement à la pauvre Jeanne.

Avec bonté, Mme F... reprenait :

— Ne te désole pas ainsi... Et dis-nous ce que nous pouvons faire pour toi.

— Je ne sais pas...

— Le mieux, posait M. F..., est que tu retournes à la Chaussée. ..

— Toute seule ?...

— Nous allons t’accompagner, ta sœur et moi. Là, je ferai sur place une première enquête, et nous verrons ensuite...

— Tu es très gentil de t’occuper ainsi de moi.

— As-tu parlé de tout cela à André !

— Non, pas encore.

— Tu as bien fait...

— Alors, quand partons-nous !

— Le temps d’aller demander au commissariat des laissez-passer pour ma femme et moi... et nous filons.

— Je n’oublierai pas ce que vous faites tous les deux pour moi.

— C’est tout naturel, déclarait M. F..., et nous ne souhaitons qu’une chose, c’est que tu n’aies pas à te repentir d’avoir été trop confiante.

Une heure après, Mme Cuchet, M, et. Mme F... arrivaient à la gare du Nord, et, à travers la cohue provoquée par la mobilisation qui battait encore son plein, ils parvenaient non sans peine à s’installer dans un train de voyageurs en partance pour Chantilly.

Après un trajet plutôt laborieux, ils arrivaient à la Chaussée, et pénétraient dans le petit logement qui venait d’abriter l’irrégulière lune de miel du commis ambulant et de la confectionneuse... Laissant les deux femmes seules, M. F..., fidèle au plan qu’il s’était tracé, s’en allait immédiatement dans le pays, aux renseignements... Tout ce qu’il put apprendre, au point de vue faits, c’est qu’on avait vu ledit prétendant Raymond Diard, partir dans son auto, un vieux tacot qui sonnait quelque peu la ferraille... dans la direction de Chantilly, et que, depuis ce moment, il était demeuré invisible... Au, point de vue moral, M. F...put constater que son éventuel beau-frère n’avait pas précisément ce qu’il est convenu d’appeler une bonne presse. On le trouvait fier... pas aimable... plutôt mystérieux, et tous étaient unanimes à dire qu’il avait « pas les yeux de tout le monde ! »

M. F... rejoignit sa femme et sa belle-sœur, de plus en plus ancré dans ses soupçons. Il les trouva toutes les deux en train de fouiller dans les meubles... afin de voir si elles ne découvriraient pas quelques papiers capables d’éclairer le mystère d’une disparition que les époux F... mettaient sur le compte d’une fugue définitive, et que Mme Cuchet s’obstinait a rattacher à un crime.

Les événements n’allaient pas tarder à donner raison aux deux premiers, en effet, remuant le fond d’une cantine où la « fiancée » de Raymond Diard avait laissé quelque argent, quelle ne fut pas sa stupéfaction en y découvrant un livret militaire et un livret de mariage, l’un et l’autre au nom d’Henri-Désiré Landru.

Sidérée, la malheureuse se refusa d’abord à croire que ces deux pièces officielles appartenaient à son Raymond.

— Ce n’est pas possible, murmura-t-elle. C’est un de ses amis qui a dû les lui confier... Car il est incapable de m’avoir menti à ce point...

Plus méfiant, M. F... s’emparait des deux documents. Bientôt il constatait qu’aucun doute n’était possible...

En effet, le signalement porté sur le livret militaire d’Henri-Désiré Landru, correspondait d’une façon tellement probante avec celui de Raymond Diard, que la pauvre Jeanne dut en convenir elle même. Quant-au livret de mariage, il établissait que son détenteur était marié et qu’il avait deux fils.

— Peut-être, se raccrochait désespérément Mme Cuchet, m’a-t-il caché tout cela parce qu’il m’aimait vraiment, et qu’il ne voulait pas risquer de me perdre en m’avouant la vérité ?

Mais les dernières illusions de cette amoureuse opiniâtre n’allaient pas tarder à s’évanouir... En effet, dans la même cantine, où, si imprudemment, le faux commis ambulant avait déposé ces pièces si compromettantes, Mme F... découvrait d’abord plusieurs lettres des fils de Landru à leur père et dans lesquelles ceux-ci, tout en le remerciant des subsides qu’il leur avait fait parvenir ainsi qu’à leur mère, lui témoignent un respect qui n’était pas sans ressembler quelque peu à de la crainte ; puis toute une correspondance avec de nombreuses femmes, qui ne pouvait laisser subsister aucun, doute sur les écarts de conduite dont Henri-Désiré n’avait cessé de se rendre coupable, non seulement avant, mais pendant sa liaison avec l’infortunée Jeanne.

Effondrée, elle dut enfin admettre la vérité. Elle ne put qu’éclater en sanglots et s’écrier dans la sincérité, du plus touchant des désespoirs :

— Jamais je n’aurai cru cela de lui. Jamais ! jamais !

— Allons ! Allons ! encourageait sa sœur, pense à ton fils que tu aimes tant et qui est si gentil pour toi.

El puis nous sommes là, aussi, mon mari et moi...

— Tu peux être tranquille, appuyait M. F... nous ne t’abandonnerons pas... Tu peux compter sur nous. Tu vas emporter tout ce qui t’appartient... Nous, allons rentrer à Paris. Tu n’as pas donné congé de ton logement ?

— Non ... articulait faiblement Mme Cuchet, à travers ses larmes.

— Tu vas pouvoir y rentrer tout de suite. Dans quelques jours, quand tu seras un peu calmée, tu te remettras au travail... et tu auras vite, oublié ce mauvais rêve...

Véritable loque humaine, Jeanne demeurait là, incapable de réagir

Tandis que Mme F... commençait, à faire des paquets, elle murmura simplement :

— Et ses affaires à lui ?... Et ses papiers ?

— Il n’y a qu’à les laisser ici, décidait son beau-frère. S’il en a besoin. Il viendra les chercher...

Et en guise de conclusion, il crut devoir ajouter :

— Va, il n’est pas bien intéressant...

Secouée par les sanglots, l’abandonnée haletait.

— C’est... c’est possible... Mais moi, je ne l’oublierai jamais !

Le même soir, Mme Cuchet réintégrait le modeste mais confortable logement qu'elle occupait au 67 de la rue du Faubourg-Saint-Denis.

Lorsqu’elle se retrouva seule dans ce petit appartement où elle n’avait pensé revenir que pour, son mariage, elle fut prise d’une telle crise de désespoir, qu’étrangère à tout ce qui n’était pas sa douleur, elle demeura prostrée, anéantie, incapable de faire un geste, de prononcer une parole.

La nuit venue, elle n’eut même pas la pensée d’allumer l’électricité. Elle se laissa envelopper par les ténèbres. Jusqu’alors, si excellente mère, elle en était arrivée à oublier son fils, et c’était toujours l’autre... celui qu’à travers les divagations de son cerveau enfiévré, elle persistait à appeler son Raymond, dont elle subissait l’obsédante hantise.

Vers dix heures du soir, une sonnerie qui vibrait dans l’antichambre, l’arracha à ses pensées. Elle redressa la tête.

— Qui peut bien venir a cette heure ? se demandait-elle. Mon beau-frère, ma sœur, mon fils, peut-être ?

Mais elle restait figée sur place, redoutant de n’avoir pas la force de faire un pas. Le visiteur insistait. Elle se leva, et la démarche dolente, elle s’en fut ouvrir. Dès qu’elle eut entrebâillé la porte, un cri lui échappât.

— Lui !

Un homme brun, de quarante-cinq à quarante-six ans, au crâne dénudé, au nez allongé et aminci du bout, la barbe touffue, une grosse moustache qui n’arrivait pas à cacher entièrement des lèvres charnues, sensuelles, les yeux brillants, vêtu avec simplicité, mais avec une correction parfaite, une rosette violette à la boutonnière, se profilait sur le seuil.

C’était Henri-Désiré Landru !...

Chapitre II : Escroc et beau parleur. Un casier judiciaire. À Vernouillet. Un premier crime. Sur la pente.

Table des matières

À demi défaillante, Mme Cuchet s’appuyait contre le chambranle de la porte. Landru s’approcha d’elle, et la poussant à l’intérieur du corridor, il fit d’une voix très douce, très persuasive :

— Ne reste pas là, viens !...

Et, après avoir refermé le battant, il l’entraîna dans la chambre, tout en disant :

— Ne m’en veux, pas de t’avoir causé de l’inquiétude. Mais je vais tout t’expliquer... et tu verras qu’il n’y a pas de ma faute...

Prévenant, empressé, il aida la pauvre Jeanne à s’asseoir sur un fauteuil. Puis, tout en déposant son chapeau sur une table, il fit, sans le moindre embarras :

— Il ne faudrait tout de même pas oublier qu’il y a la guerre...

— La guerre ! répétait machinalement sa maîtresse.

— Hé oui... Je m’en suis bien aperçu, lundi dernier.

Lorsque je suis arrivé à Chantilly, l’autorité militaire a voulu réquisitionner ma voiture...

Comme je faisais valoir a l’officier de service qu'elle ne valait plus grand-chose, et qu’il ferait mieux de me la laisser, ce militaire l’a pris de haut, et m’a même injurié ; j’ai eu tort de lui répondre, et il m’a fait coffrer... Heureusement que je connaissais...

Mais il s’arrêta. Debout, transfigurée, frémissante d’indignation, Mme Cuchet s’était dressée devant lui, clamant :

— Inutile de mentir davantage, je sais qui tu es...

— Qui je suis ! sursauta le faux commis ambulant.

— Oui, j’ai trouvé aujourd’hui même, à la Chaussée, ton livret, militaire et ton livret de mariage... Tu ne t’appelles pas Raymond Diard, mais Henri Landru... Tu es marié... et tu as des enfants. ..

— Et après ! posait son interlocuteur avec un aplomb et un sang-froid extraordinaires.

— Après, ripostait Jeanne, sidérée...

Il lui prit les mains et l’enveloppant d’un regard magnétique qui, aussitôt, désarma sa colère, il fit :

— J’ai eu tort, je le reconnais. Mais je ne pouvais pas agir autrement... parce que, depuis l’instant où je t’ai connue, je t’ai aimée, je t’ai voulue... et je ne voulais pas risquer de te perdre en te disant la vérité !

— Raymond ! persistait à l’appeler Jeanne. Raymond... c’est abominable... d’avoir abusé de la confiance d’une femme qui t’aimait. ..

— Et qui m’aime encore s’écriait Landru, avec passion.

— Non, non, c’est fini...

— Pourquoi ?

— Un homme marié !

— Je suis en instance de divorce... Ça ne marche pas aussi vite que je l’aurais espéré. Cette maudite guerre, surtout, va tout retarder. Mais sois tranquille ! j’ai des amis très hauts placés, et ils m’ont promis de faire en sorte d’accélérer la marche de la justice...

— Et toutes ces lettres de femmes que j’ai trouvées aussi ! sanglotait éperdument la malheureuse.

— Plaisanterie sans importance... déclarait Landru. Je voulais m’amuser. Voir jusqu’où pouvait aller la crédulité féminine...

— Et sans doute à moi comme à toutes, tu as joué la comédie de l’amour...

Tout en l’attirant étroitement contre lui, Landru affirmait d’une voix empressée :

— Avec toi, j’ai toujours été sincère ! Les autres étaient des marionnettes qui ne comptaient pas dans ma vie. Trois petits tours et puis... s’en vont. Tandis que toi, tu m’as pris tout entier, et à un tel point que je n’en reviens pas moi-même...

Mme Cuchet secouait la tête d’un air sceptique. Landru reprenait :

— Tu ne me crois pas. Eh bien, je vais t’en donner la preuve. Sentant que, depuis quelque temps, tu prenais sur moi un ascendant certain, et ne voulant pas aliéner ma liberté, j’avais pris le parti de te quitter...

— Tu vois bien !

— Mais je n’ai pas pu résister à trois jours de séparation, car j’ai senti qu’il me serait désormais impossible de vivre sans toi... Je suis retourné à la Chaussée, et quand j’ai trouvé notre petit logis désert, j’ai eu une vraie crise de désespoir... et vite je suis rentré à Paris, pensant bien te trouver chez toi. Maintenant, me voici revenu pour toujours. Pardonne-moi mes mensonges... Ils étaient nécessaires à notre bonheur à tous les deux... Oui, à notre bonheur que rien désormais ne viendra plus troubler, je te le jure, ma bienaimée... sur la tête de mes fils et du tien !

La malheureuse, toujours en pleurs, avait laissé retomber sa tête sur l’épaule de son amant. Elle se défendait, mais mollement, en femme qui s’apprête à capituler.

— Non, je ne veux plus... Tu es marié...

— Puisque avant trois mois je serai divorcé...

— Et tes enfants ?

— Ils t’aimeront, j’en suis sûr, comme une seconde mère...

— Raymond, pourquoi as-tu fait cela ?... C’est mal !...

— Jeanne, je t’adore...

Landru avançait ses grosses lèvres rouges avides de baisers, dispensatrices d’ardentes et subtiles caresses... vers la bouche entrouverte de sa maîtresse qui... désarmée, ferma les yeux et s’abandonna au vainqueur...

Le lendemain matin, ils réintégraient leur logis da la Chaussée. Quelques jours après, chassés par l’avance des anciens ennemis, ils revenaient à Paris.

Landru, désormais, la tenait à sa merci. Profitant de l’influence mystérieuse qu’il exerçait sur elle, il l’amenait à rompre avec son beau-frère et sa sœur... en qui il n’avait pas été sans flairer des adversaires redoutables. En revanche, il redoubla d’amabilité envers le jeune André Cuchet, auquel, naturellement, on avait tout laissé ignorer, et le ménage irrégulier coula d’heureux jours... insensible au grand drame du jour qui secouait non seulement la France et l’Europe, mais encore le monde entier de la plus formidable émotion qu’ait jamais connu l’Univers...

Mais Landru avait déjà son but. Peut-être, lorsqu’il était entré en rapport avec Mme Cuchet, n’avait-il pas encore l’Intention de lui donner la mort ?... Mais il n’est pas douteux qu’il avait déjà conçu de dépouiller la trop confiante veuve, de tout son avoir...

Quel était en réalité cet homme destiné à devenir l’un des criminels les plus effroyables de tous les temps ?

En quelques mots, nous allons le préciser à nos lecteurs.