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Arthur Bernède

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Beschreibung

Tandis que la rumeur de la présence d'un fantôme circule au musée du Louvres, un gardien du musée y est retrouvé mort. L'enquête est confiée à l'inspecteur Ménardier. Le jeune journaliste Jacques Bellegarde, pressentant une affaire complexe et retentissante, décide se lance à son tour dans l'enquête en marge de la police.

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table des matières

PREMIÈRE PARTIE LE MYSTÈRE DU LOUVRE

I LA SALLE DES DIEUX BARBARES
– Il y a un fantôme au Louvre ! Telle était l’étrange rumeur qui, le matin du 17 mai 1925, circulait dans notre musée national.

Partout, dans les vestibules, dans les couloirs, dans les escaliers, on ne voyait que des gens qui s’abordaient, les uns effrayés, les autres incrédules, et s’empressaient de commenter l’étrange et fantastique nouvelle.

Dans la salle dite des « David », devant le célèbre tableau, le Sacre de Napoléon, deux gardiens discutaient avec animation.

Bientôt, les balayeuses et les frotteurs qui, ce jour-là, n’accomplissaient que fort distraitement leur besogne, s’approchaient d’eux, afin d’écouter leur conversation, qui ne pouvait manquer d’être fort intéressante.

– Moi, je te dis que c’est un fantôme ! scandait l’un des gardiens.

Et tandis que son collègue éclatait de rire et haussait les épaules, il martelait avec un accent de conviction sous lequel perçait un certain émoi : – Gautrais l’a vu !… Et c’est pas un blagueur ni un poltron !… Même qu’il est en train de faire son rapport à M. le conservateur !

C’était exact.

Dans le bureau de ce haut fonctionnaire, Pierre Gautrais, un grand gaillard solide, robuste, aux épaules carrées, à la figure franche et un peu naïve, déclarait à son supérieur, M. Lavergne, qui, assis devant sa table de travail et flanqué de son adjoint et de son secrétaire, l’écoutait d’un air bienveillant mais plutôt sceptique :

– Je l’ai vu comme je vous vois !… Je me laisserais plutôt couper la tête que de dire le contraire. – Dites-moi, Gautrais… Vous n’aviez pas bu un petit coup de trop ? observait M. Lavergne. – Oh ! Monsieur le conservateur sait bien que je ne me grise jamais ! protestait Pierre Gautrais. – Alors, vous avez eu une hallucination.

– Oh ! non, monsieur… J’étais bien réveillé, bien maître de moi. Je suis un ancien soldat… et je puis dire, sans me vanter, que je n’ai jamais eu peur, même lorsque, à Verdun, les marmites me tombaient sur la tête dru comme grêle… Eh bien ! je n’hésite pas à vous avouer que, rien que de penser à ce que j’ai vu la nuit dernière, dans la salle des Dieux barbares… cela me fait courir un frisson dans le dos et dresser mes cheveux sur ma tête !

– Quelle heure était-il quand ce phénomène s’est produit ? interrogeait le conservateur-adjoint. – Une heure du matin, monsieur Rabusson, répliquait le gardien. J’étais en train de faire ma ronde dans les salles du rezde-chaussée qui donnent sur le bord de l’eau, lorsque, tout à coup, en arrivant dans la salle des Dieux barbares, j’aperçois une forme humaine qui, enveloppée d’un suaire noir et coiffée d’une sorte de capuchon, me tournait le dos et se tenait debout auprès de la statue de Belphégor…

« Tout en dirigeant vers elle la lumière de mon falot, je m’écrie : « Qui est là ?… » Mais le fantôme, d’un bond prodigieux, se jette hors de la lumière de ma lanterne… À la clarté de la lune qui passait à travers les fenêtres, je le vois se faufiler entre deux rangées de statues et s’engouffrer dans la galerie qui conduit à l’escalier de la Victoire de Samothrace… Empoignant mon revolver, je m’élance à sa poursuite… Je le rejoins au moment où, après avoir grimpé les marches, il atteignait le palier, et braquant sur lui mon arme, je lui ordonne : « Halte ! ou je tire ! » Mais à peine avais-je mis le doigt sur la détente que le fantôme faisait un bond de côté et disparaissait comme s’il s’était fondu dans les ténèbres… Affolé, je monte les degrés quatre à quatre, tout en déchargeant mon revolver… J’atteins le palier… Je cherche, avec mon falot, où pouvait bien se cacher mon lascar… Mais je ne découvre rien… J’examine le sol… Je palpe les murs qui portent les marques de mes balles… Toujours rien !… C’est à croire que le fantôme s’est volatilisé à travers les murs du palais… Voilà, monsieur, la vérité, toute la vérité, je vous le jure !

Puis, se levant, il fit : – Eh bien ! nous allons voir… Suivez-nous, Gautrais. Tout en relevant respectueusement sa casquette, Sabarat se dirigea vers son chef. – Monsieur le conservateur, annonça-t-il, on vient de découvrir ici des traces suspectes… Troublé par cette découverte, le conservateur en chef reprenait : – Voilà qui n’est pas ordinaire ; et c’est à se demander si un cambrioleur ne s’est pas introduit dans le musée. Le secrétaire ajoutait : – Et même de s’y cacher avant la fermeture. Grave, pensif, M. Lavergne décidait : – Je vais prévenir la police. Déjà il s’éloignait avec ses collaborateurs. Mais Sabarat, saisi d’une idée subite, le rejoignit en disant : – Très juste… – Qu’en pensez-vous, messieurs ? demandait M. Lavergne. – Sabarat a raison… approuvait M. Rabusson. – Avec lui, on peut être tranquille, affirmait le secrétaire. – Eh bien ! c’est entendu, mon cher Sabarat… La nuit prochaine, c’est vous qui serez de garde ! Tous trois quittèrent la salle. Dès qu’ils eurent disparu, Gautrais s’approcha de Sabarat et lui demanda : – Brigadier, voulez-vous que, cette nuit, je reste avec vous ? – Je te remercie, mon vieux… mais ce n’est pas la peine ! – Pourtant, il me semble que je pourrais vous être utile. – J’aime mieux être seul. – Alors, bonne chance, brigadier, fit-il en lui serrant la main. – Quoi de nouveau ? interrogea-t-elle. L’air sombre, le brave Gautrais répliquait : – Il a bien fait. – Pourquoi ? – On verra bien ! Moi, mes pressentiments ne me trompent jamais. Au comble de l’affolement, Gautrais se précipita dans la galerie voisine, appelant d’une voix de tonnerre : – Au secours ! au secours ! – Vivant !… Il est vivant ! s’exclama Gautrais. Un de ses collègues, qui venait de soulever le blessé, s’écriait, en montrant du doigt le derrière de sa tête : – Regardez… là ! – Il a dû être surpris… Il n’a même pas eu le temps de se défendre ! – Le fantôme !… Le fantôme !… Le gardien Sabarat était mort ! – Eh bien ! l’as des as, qu’est-ce que tu penses de cette histoire ? – Rien encore. – Allons donc !… – Et toi ? – Moi, ça m’embête ! déclarait le collègue de Bellegarde. – Chacun son goût ! ponctua Bellegarde, avec un fin sourire. – Ça te passionne, toi, ces machines-là ? – Pourquoi pas ? – Toi ! fit « Amer Menthe », avec une mine dédaigneuse, tu finiras dans la peau d’un romancier populaire. Bellegarde allait répliquer ; mais une porte s’ouvrit, livrant passage à M. Lavergne et à M. Rabusson. Tous se précipitèrent vers les deux fonctionnaires, les harcelant de questions. – Messieurs, je vous en prie ! suppliait M. Lavergne, en cherchant à se dégager. – Messieurs, je n’ai rien à vous dire ! –… et je serai reconnaissant à ces messieurs de bien vouloir adopter la même attitude. – Vous n’êtes guère aimable pour la presse, monsieur Ménardier… L’inspecteur répliquait nerveusement : – Dans cette affaire plus qu’en toute autre, une discrétion absolue est nécessaire. – Cependant… – Excusez-moi, messieurs, je fais mon métier. Avec un sourire plein de finesse, Bellegarde répliqua : – Et moi, je vais tâcher de faire aussi le mien. – Rassurez-vous, mon cher, lança Bellegarde, je n’ai nullement l’intention de vous suivre ! Et il ajouta avec une légère pointe d’ironie : – Je crois même pouvoir vous affirmer que je vais prendre une route tout à fait différente de la vôtre. Il s’éloigna, après avoir poliment soulevé son chapeau. – Ce lascar-là, grommela le limier, avec un accent de mauvaise humeur, j’aimerais mieux le savoir aux cinq cents diables ! – Sans doute, reprenait M. Lavergne, redoutez-vous qu’il n’en raconte trop long et ne donne ainsi l’éveil au coupable ? – Ce n’est pas cela ! fit Ménardier, avec un accent de franchise spontanée. Et il ajouta d’un ton inquiet : – J’ai surtout peur qu’il me grille ! Après avoir longé la rue de Rivoli et s’être engagé sur le boulevard Sébastopol, il se disait, tout en cheminant : « Ce n’est déjà pas trop mal, et ce n’est pas tout !… « Alors, allumons une cigarette. – Le fantôme… je l’ai vu là, dans le truc ! Autour d’eux, des colloques s’engageaient : – Moi ! clamait un petit trottin, je vous dis que c’est un fantôme. – Moi ! répliquait un vieux monsieur, l’air indigné, je vous dis que c’est un voleur. – Et vous, mademoiselle, qu’est-ce que vous en pensez ? – Vous êtes trop curieux, monsieur Bellegarde, répondit la jolie inconnue. Voici en effet, ce que contenait le petit bleu : Belphégor. – Belphégor ! fit Jacques, surpris… Ah çà ! Qu’est-ce que cela signifie ? – C’est toi, mon Jacques ?… Allô… c’est moi, Simone. – Tu vas bien, mon petit ? répliquait le reporter sans enthousiasme. – Allô ! tu m’entends ?… Je te rappelle que je réunis ce soir quelques amis… Je compte absolument sur toi ! Visiblement agacé, Bellegarde répliquait : – C’est que je suis très pris… Cette affaire du Louvre… – Quelle affaire ? – Ah ! tu n’es pas au courant ?… Eh bien ! lis demain – Alors, tu viens ?… suppliait presque la voix inquiète. – Si je peux… je te le promets…, répliquait le reporter. – Tu le pourras, si tu le veux… – De toute façon, je ne serai chez toi qu’assez tard. – Entendu… pourvu que tu sois là !… Alors à tout à l’heure, mon chéri. – À tout à l’heure. Alors, tandis qu’une flamme d’audace illuminait ses yeux, le jeune journaliste s’écria : – Eh bien ! seigneur Belphégor, j’accepte le défi, et nous verrons bien lequel de nous deux sera le plus fort ! Et, sur un ton de mélopée, elle poursuivit, en appuyant chaque mot et en scandant chaque syllabe : Mais elle avait compté sans l’amour, qui ne devait pas tarder à s’emparer victorieusement, tyranniquement de son âme. Et rejoignant vite Jacques Bellegarde, elle lui tendit la main, tout en disant d’une voix mourante : – Ah ! vous voilà, vous… Enfin ! Puis, tout en le regardant longuement d’un air de tendre reproche, elle ajouta tout bas : – Pourquoi viens-tu si tard ? – Je n’ai pas pu… – Tu vas rester ?… – C’est impossible… cette affaire du Louvre… – Un prétexte… – Je t’assure que c’est très sérieux. Laisse-moi te raconter. – C’est inutile… – Pourquoi ? – Je préfère t’épargner un mensonge. – Tu verras demain dans les journaux… – Je ne lis jamais les journaux. C’était Elsa Bergen, la demoiselle de compagnie de Simone. – Toujours aussi toquée de ce journaliste ? – Ne m’en parlez pas ! répliqua Elsa Bergen d’un air pincé… Elle veut l’épouser. Le beau Maurice eut un léger sursaut… La Scandinave reprenait : – Mais… il refuse… Il prétend qu’elle est trop riche pour lui. Puis elle ajouta sur un ton de confidence : – Je crois plutôt qu’il en a assez… – Le fait est qu’ils ont l’air de se disputer ferme. – Elle lui fait encore une scène. – Elle est terrible. Le baron Papillon, assourdi par ce tapage, s’approcha de Simone, et lui demanda : – Quel est ce virtuose ? – Quelle artiste ! murmura M. Papillon en désignant Simone à sa femme. – On dirait qu’elle pleure, fit la baronne. La plantureuse commère eut un cri de surprise et de frayeur. – Le fantôme ! Mais reconnaissant le journaliste, elle fit, la main sur son cœur, comme pour en comprimer les battements : – Excusez-moi, monsieur Jacques, j’étais en train de lire votre article… Il est rudement tapé ! Et, tout en déposant le journal sur la table, elle allait se retirer, mais Jacques la rappela. – Un mot, madame Gautrais. – À votre service, monsieur Jacques, fit la brave femme en se rapprochant. Bellegarde réfléchit quelques secondes, puis reprit : – Il faut que votre mari m’aide à me cacher ce soir dans la salle des – Diable ! s’écria Marie-Jeanne… Ça ne va pas être commode. Jacques insistait : – Mais si, voyons… – Je veux bien essayer, seulement… Une sonnerie électrique vibrait dans l’antichambre. – Allez voir, ordonna le journaliste. En tout cas, je n’y suis pour personne ! La femme de ménage s’en fut, pour revenir presque aussitôt, annonçant d’un air d’hostilité : – C’est encore Jacques eut un geste d’agacement. – En voilà un crampon ! souligna Marie-Jeanne. – Faut-il lui dire que vous n’êtes pas là ? – Non ! répliquait Jacques… Elle serait capable de m’attendre dans la rue. Faites-la entrer dans mon bureau. Lorsque Marie-Jeanne eut disparu, le reporter grommela entre ses dents : – Cette femme me rend la vie intenable… Cela ne peut pas durer ! – Voilà ce que je viens de recevoir ! Jacques prit le message et lut : Belphégor. – Tu es folle ! ripostait Jacques. – Tu ne m’aimes plus !… haletait la jeune femme. Et elle se laissa tomber sur un siège, les épaules secouées par de douloureux sanglots. Bellegarde, gêné, se rapprocha d’elle. Puis, avec plus de douceur, il lui dit : – Voyons, sois raisonnable ! Relevant la tête, Simone protestait : – C’est précisément parce que je suis raisonnable que je te supplie de m’écouter. Et, d’une voix fébrile, elle accentua : – Jacques, j’en ai le pressentiment, tu cours un grand danger. – Moi !… – Oui, toi. – Eh bien ?… – À peine les avais-je terminés, que je recevais ce billet. – J’ai reçu le même hier soir… – Et tu n’y attaches pas plus d’importance ? – Malice cousue de fil blanc ! – Comment cela ? – Oh ! je t’en prie… scandait le journaliste, excédé. Bouleversée, la jeune femme s’écriait : – S’il t’arrive malheur, je ne te survivrai pas ! – Ma pauvre Simone, reprenait Jacques Bellegarde, tu es une grande romanesque. Elle n’eut qu’un cri : – Je t’adore ! Celle-ci, qui ne l’avait pas quitté des yeux, murmurait, accablée : – Je sens bien que tout est fini ! – Adieu… fit-elle en chancelant. Dans ce mot, il y avait tant de détresse, que Jacques eut l’impression qu’un glas tintait à ses oreilles. Angoissé, il lui barra la route… Elle s’effondra dans ses bras. – Calme-toi… nous allons déjeuner ensemble ! – C’est vrai ? s’exclama Simone avec un sursaut de joie presque enfantine. – Oui. – Où cela ? – Aux . – Ma canne…, mon chapeau, fit-il. La femme de ménage revenait avec les objets demandés. Le reporter lui glissa à l’oreille. – Surtout n’oubliez pas de demander à votre mari… Marie-Jeanne eut un geste d’acquiescement ; puis Jacques et Simone gagnèrent le dehors. Alors, tout en les regardant s’éloigner, M Gautrais grommela : – Commande, papa, tu t’y entends beaucoup mieux que moi. – Entendu, ma petite Colette. – Tu connais ces gens ? demanda-t-elle tout bas à son ami. – Pas du tout !… répliqua celui-ci, en affectant un air indifférent. – Tiens, je croyais !… Simone se tut, rongeant son frein. –Tu es toujours décidé à t’occuper de cette affaire du Louvre ? Jacques, distrait, ne répondait toujours pas à la question que venait de lui poser son amie. Celle-ci, de plus en plus nerveuse, s’écriait : – Tu pourrais au moins m’écouter quand je te parle. Jacques tressaillit… Puis il fit, un peu gêné : – Que me disais-tu donc ? – Rien ! répliqua Simone, en prenant une attitude boudeuse. Cette fois, c’en était trop. Jetant rageusement sa serviette sur la table, Simone martelait : – J’en ai assez ! Jacques, déconcerté, tenta : – Voyons… qu’est-ce qu’il y a encore ? D’une voix agressive, la jeune femme poursuivait : – Parce qu’une jeune personne mal élevée te regarde avec effronterie, tu te figures tout de suite… – Simone, je t’en prie. – Laisse-moi… j’ai vu ce que j’ai vu, n’est-ce pas ! – Ça va… Adieu ! – On demande M. Claude Barjac au téléphone. – C’est pour ce soir ! Le maître d’hôtel s’approchait de lui, la carte à la main. – Et maintenant, demandait-il, qu’est-ce que monsieur choisit ? – J’ai fini, répliquait Bellegarde. Donnez-moi l’addition. Et il continua à écrire : Adieu. Jacques. – Pouvez-vous me dire qui sont ce monsieur et cette jeune fille qui déjeunent là-bas, à cette table ? Le maître d’hôtel répondit : – Je l’ignore, monsieur. C’est la première fois qu’ils viennent aux Jacques eut un dernier regard vers Colette, qui croquait, de ses jolies dents, de belles crevettes roses. Puis il s’éloigna. Colette le suivit des yeux… et elle soupira : – Pauvre garçon… c’est dommage ! – Tu dis que c’est pour ce soir ? Barjac, brusquement, releva la tête. – Je te raconterai cela tout à l’heure, fit-il d’un air grave. Et, d’un ton mystérieux, il ajouta : – Ici, les bosquets pourraient bien avoir des oreilles… L’inspecteur Ménardier n’était cependant pas resté inactif. Donc, la piste Gautrais était mauvaise, et il était inutile de s’y attarder. Jacques Bellegarde, plus que jamais décidé à élucider ce terrible mystère, avait agi de son côté… Jacques eut une minute d’hésitation ; puis, s’avançant vers elle, et tout en la saluant avec beaucoup de déférence, il lui dit : Il s’arrêta, un peu embarrassé. Colette reprenait toujours souriante, et feignant un certain étonnement : – Monsieur, je ne sais pas ce que vous voulez dire. – Vous avez beaucoup de talent, mademoiselle. Un peu gêné de sa bévue et s’emparant de la première idée qui lui traversait l’esprit, Jacques reprenait : – Alors, mademoiselle, vous n’avez pas peur des fantômes ? Gaiement, Colette répliquait : – Je n’y crois guère. – Pourtant, il paraît qu’il y en a un au Louvre. – Oui, je sais. – Figurez-vous que j’ai résolu de lui donner la chasse. – Eh bien ! bonne chasse, monsieur Bellegarde. C’était Claude Barjac. S’approchant de sa fille qui, en l’apercevant, avait légèrement rougi, il lui demanda d’un air grave : – Que te disait-il ? – Monsieur, je voudrais vous dire un mot. – Ce journaliste, qui parlait à l’instant à votre demoiselle… – Oui, eh bien ? – Il m’a fait demander l’autorisation de l’introduire cette nuit dans la salle des Et après ? – En ce moment, il doit courir après moi pour chercher ma réponse. – Eh bien ! ordonnait Barjac sur un ton impératif, rejoinsle vite et dis-lui que c’est entendu. – Mais, monsieur ! balbutiait le gardien, littéralement ahuri. – Fais ce que je te dis… imposait Barjac. Tu n’as pas besoin de comprendre. Gautrais s’empressa de déguerpir. Alors, Colette se levant et regardant son père avec émotion : – Père… fit-elle… je ne voudrais pas qu’il arrivât malheur à M. Bellegarde. – Tu t’intéresses donc à lui ? questionnait Barjac, fronçant les sourcils. Visiblement troublée, la jeune fille répondit : – J’ai lu ses articles… ses livres, et je lui trouve beaucoup de talent. Barjac enveloppa de son regard profond sa fille, qui ajouta : – Et je ne te cacherai pas qu’il m’est très sympathique. Colette, timidement, baissa les yeux, tandis que sur les lèvres de Barjac errait un étrange sourire… Le jeune reporter parut très satisfait ; et, tout en lui serrant la main, il fit, également à voix basse : – Alors, entendu ? – Entendu, ponctua Gautrais d’un air sombre… Sans prononcer une parole, celui-ci adressa de la main un signe à l’individu en pardessus. L’homme au trousseau de clefs, qui semblait gêné, embarrassé, regarda autour de lui d’un air inquiet. Et il murmura : – Monsieur Bellegarde, mon service m’appelle ailleurs. Sans ça, je serais bien resté avec vous. – C’est inutile, mon cher Gautrais, répliquait le journaliste… J’en ai vu bien d’autres. Et, tirant un browning de la poche de son manteau, il ajouta : Et, tout en serrant la main au gardien, il ajouta : Gautrais hocha la tête d’un air sceptique… et il s’en fut laissant seul le hardi reporter. Un rayon de lune, s’évadant des nuages, filtra à travers l’une des hautes et larges fenêtres. – Un peu de lumière… se dit Bellegarde. Est-ce un symbole ? « Cherchons donc à voir ce que cette divinité peut bien avoir dans le ventre ou dans la tête. » C’était le Fantôme du Louvre, tel que Pierre Gautrais l’avait fidèlement décrit à ses chefs… – Bandit ! je te tiens ! Jacques qui, instinctivement, avait saisi son browning, le déchargeait vers le Fantôme, qui avait déjà disparu dans la nuit. – Vite, à sa poursuite ! lançait Barjac, qui avait retrouvé tout l’élan, la force et l’audace d’un homme de quarante ans. – Barrez-lui la route. Nous le tenons ! – Monsieur Bellegarde, vous ici !… Votre présence est suspecte et je me vois obligé de vous arrêter. – Un instant… intervenait Barjac, qui avait rejoint le groupe. À la vue de ce nouveau personnage qu’il ne connaissait pas, l’inspecteur Ménardier interrogeait, menaçant : – D’abord, qui êtes-vous ? Et quelque peu gouailleur, il s’écria : – Mon cher Ménardier, je crois que nous avons manqué notre gibier. Après l’armistice, il avait donné sa démission et s’était établi détective privé. Comment se trouvait-il mêlé à cette histoire ?… En deux mots, voici : – Bonjour, chérie, fit le limier en lui rendant son baiser. – Rien de nouveau depuis hier soir ? interrogeait Colette, en s’asseyant sur un siège, en face de son père. – Non, rien. – Ménardier a dû être furieux, lorsqu’il vous a vus tous les deux, M. Bellegarde et toi !… – Et comment !… Il voulait maintenir Bellegarde en état d’arrestation ! – Allons donc ! – Le Fantôme ? Chantecoq garda le silence. – Et toi, papa, qu’est-ce que tu en penses ? interrogea la jeune fille. – Je cherche ! répliqua le détective, dont le front assombri reflétait le doute et l’anxiété qui étaient en lui. Brusquement, il se leva… et se mit à arpenter lentement son cabinet… Puis, au bout d’un instant, il s’écria : – Pourquoi ce gredin s’est-il attaqué à une statue aussi encombrante et aussi difficile à emporter ? – Eh bien ! petite ? Colette tressaillit… Puis, s’efforçant aussitôt de se ressaisir, elle répliqua, un peu gênée : – Moi aussi, je cherche ! Chantecoq, tout en lui caressant affectueusement la joue, reprenait : – Je crois plutôt que tu penses à un beau jeune homme… – Père ! protesta la jeune fille en rougissant. – Rassure-toi ! scandait le détective avec une solennité comique, tu ne tarderas pas à le voir apparaître. Et, prenant un pneumatique déposé sur son bureau, il le tendit à sa fille en disant : – Lis ce message, que je viens de recevoir. Il était ainsi rédigé : 31, avenue d’Antin Tél. : Élysée 86-29 Avec tous mes meilleurs sentiments, Jacques Bellegarde. – Décidément, ponctuait Chantecoq, le service du téléphone va de plus en plus mal. Je vais adresser une réclamation. – Tu étais rentré si tard et, ce matin, tu dormais si bien, que je n’ai pas voulu qu’on te dérangeât. – Papa, si nous travaillions ?… Se départant de sa froideur habituelle, la Scandinave déclarait avec émotion : « Monsieur Jacques, il faut absolument que vous reveniez près d’elle. « Je ne vous en dis pas davantage. Je laisse à votre conscience le soin de décider ! Très pâle, mais d’une voix assurée, il fit : – Puisqu’il en est ainsi, mademoiselle, je passerai tout à l’heure chez Simone. – Vous la sauvez ! répliqua la Scandinave en lui tendant la main. Et elle ajouta : – Je cours vite lui annoncer cette heureuse nouvelle. Simone… n’était-ce pas sa vie intime gâchée, son avenir compromis, son talent en péril, son âme à la dérive ? Mais on frappait à sa porte. – Entrez ! fit-il en cherchant à se ressaisir. C’était Marie-Jeanne. –Monsieur Jacques, déclara-t-elle, excusez-moi si je suis en retard, mais ça ne va pas à la maison. – Qu’y a-t-il donc ? lança Bellegarde d’un ton un peu distrait. – Dites à votre mari de venir me voir, ce soir, vers dix-huit heures, au – Je lui ferai la commission, monsieur Jacques… Et encore, merci. Alors, le bossu mit en marche sa voiturette et s’élança sur les traces du taxi… Marie-Jeanne qui, pour donner de l’air, avait ouvert la fenêtre, aperçut son dos voûté et penché au-dessus du volant. – Un boscot… fit-elle. Quel malheur que je ne puisse pas caresser sa bosse ! On prétend que ça porte bonheur. Et, tout en secouant la tête, elle ajouta : – En attendant, j’ai grand-peur que tout cela ne finisse très mal pour tout le monde ! D’une voix à laquelle il s’efforçait de donner une intonation à la fois persuasive et caressante, il lui disait : Maurice de Thouars se pencha vers Simone… Mais, d’un geste las, la jeune femme l’écarta. – Laissez-moi, fit-elle d’une voix brisée. Et elle ajouta, le regard perdu et comme fixé sur un rêve entrevu s’envolant lentement : – Je sens bien que vous avez raison. Mais comment vous écouterais-je, quand je ne m’entends plus moi-même ? –Il va venir ! déclarait la Scandinave en saisissant les mains que son amie lui tendait. – Il va venir ! répétait Simone, qui parut renaître subitement à l’existence. Le visage de Maurice de Thouars se rembrunit. – Quand cela ! interrogeait la poétesse. – Dans un instant. Un taxi stoppait devant l’hôtel… suivi à distance par la voiturette du mystérieux bossu. Simone fit d’un ton presque impérieux : – Laissez-moi. Un cri jaillit de ses lèvres : – Toi enfin ! Toi !… – Simone ! murmura Jacques, ému par ce grand déchirement. Elle se laissa tomber dans ses bras en sanglotant : – Je ne puis croire que tout soit fini ! Et comme il la sentait fléchir, Jacques, avec beaucoup de douceur, la fit asseoir sur le divan. Il y eut un silence… un de ces silences pesants, presque tragiques qui semblent envelopper de mort les êtres et les choses. Et elle soupira : – Tu me l’as déjà dit ! Et… tout en désignant des lettres éparpillées sur un petit meuble placé à portée d’elle, la jeune femme ajouta : Jacques obéit. Simone reprit aussitôt : Sa main s’en fut vers les lettres… Elle en prit une. Bellegarde eut un geste qui signifiait : À quoi bon ? Mais déjà, Simone, d’une voix désespérée, lisait : N’ai-je pas raison ? observait Jacques. – Non, je ne veux pas !… Je ne peux pas ! « Si c’était vrai ? » Et son angoisse se traduisit par cette pensée : « Si j’allais la tuer ! » Le reporter, troublé par ce si brusque revirement, se demandait : « Que s’est-il passé en elle et que va-t-elle me dire ? » – Simone ! – Adieu… Simone…, reprit Bellegarde. Juliette, la femme de chambre, accourut la première. Avec colère, Maurice de Thouars s’écriait : – Ce journaliste, c’est lui qui l’a assassinée ! – Tout d’abord, attaquait Bellegarde, permettez-moi de vous remercier encore. – Pourquoi donc ? – Allons donc ! s’écriait Bellegarde. – Je savais, déclarait le détective, que vous deviez passer la nuit dernière dans la salle des – Vous savez donc tout ? – Plus que jamais, en effet, monsieur Chantecoq, affirmait le journaliste avec force. – À la bonne heure ! scandait le détective. Je vois que nous sommes faits pour nous entendre. Et, tout de suite, il ajouta : – M’avez-vous apporté les documents dont vous m’avez parlé hier soir ? – Ce Belphégor a vraiment de l’audace… déclara-t-il d’un ton grave. – C’est tout à fait mon avis. – Puis-je garder ces lettres ? – Je vous en prie. – Mademoiselle, balbutiait Jacques troublé, en regardant tour à tour Colette et Chantecoq. Celui-ci, tout en accentuant son sourire, reprenait : – Comment ! vous n’aviez pas deviné ?… – C’est-à-dire que… hésitait le jeune homme. – N’est-ce pas, monsieur Bellegarde, que mon père possède au suprême degré l’art de se camoufler. – C’est tout simplement admirable, déclarait Bellegarde, enchanté de cette diversion. – Et pourtant, s’écriait le détective, je n’ai jamais été comédien. – Je ne voudrais pas être indiscret, reprenait le journaliste. Je vois que vous vous prépariez à sortir. – Seulement, observait Colette, il faudra nous dépêcher, si nous voulons arriver avant la fermeture. – J’ai là justement une voiture, déclarait Jacques. – Eh bien ! filons ! conclut le détective. Un instant après ils montaient dans le taxi du reporter, qui stationnait avenue des Ternes. Non loin de là, le bossu, dans sa voiturette, était toujours aux aguets. À haute voix, le reporter lançait au chauffeur : – Au musée du Louvre ! – Alors, c’est la triple alliance !… Et, tout en ricanant, il scanda : – Soit ! mais rira bien qui rira le dernier ! – C’est bien là, n’est-ce pas, qu’il a disparu ? – C’est bien là ! – Rien, grommela-t-il… C’est bizarre ! Et, tout en faisant disparaître ses deux instruments d’investigation, il ajouta : Chantecoq réfléchit un instant, puis il reprit : De nouveau, le détective regarda autour de lui. – C’est sur la gauche qu’il a bondi… Voyons un peu de ce côté ! Et, tirant de sa poche un plan du musée, il allait le consulter, lorsque retentit le cri quotidien et réglementaire : – On ferme ! Un flot de visiteurs, poussé par un gardien, apparut au sommet de l’escalier. – Fini pour aujourd’hui, conclut Chantecoq Allons-nousen ! – Eh bien ! monsieur Chantecoq, qu’en dites-vous ? interrogeait Bellegarde en descendant les marches. – Pour cela, reprenait Colette, il faudrait que nous puissions pénétrer dans la salle des J’y songe ! ponctuait le détective. Ils se retournèrent… Pierre Gautrais, sa casquette à la main et l’air navré, se tenait devant eux. – Eh bien ! mon brave, qu’y a-t-il donc ? interrogeait le grand limier. – Ça y est ! Je suis révoqué ! expliquait le gardien d’un ton désespéré. Tout en le fixant bien dans les yeux, Chantecoq reprenait : – Tu sais ce que je t’ai promis… – Alors, s’écria Gautrais, vous me prenez à votre service ? – Ainsi que ta femme ! – Ça, appuyait Gautrais, j’en réponds, et je vous prie de croire que vous allez être soignés. – Alors, s’exclamait Jacques avec bonne humeur, vous m’enlevez ma femme de ménage ? – Je vous demande pardon… j’ignorais… s’excusait la jeune fille. – Marie-Jeanne vous trouvera ça… affirmait Gautrais, ravi de la tournure que prenaient pour lui les événements. Et il ajouta rondement : – Au revoir tout le monde et encore merci ! L’excellent homme s’éloigna, tout exubérant de joie. Alors, Colette, s’avançant vers Jacques qui s’apprêtait à prendre congé d’elle et de son père, lui dit : – Moi aussi, il faut que je vous remercie. – De quoi donc, mademoiselle ? – Mais du sacrifice que vous avez bien voulu consentir en notre faveur. – N’est-ce pas tout naturel ? Et, s’adressant au détective qui regardait les deux jeunes gens avec un bon sourire, le reporter ajouta : – Quand aurai-je le grand plaisir de vous revoir ? Avec bonhomie, Chantecoq répliquait : – J’accepte avec plaisir. – N’est-ce pas, qu’il est charmant ? – Comme le prince du même nom, dit Chantecoq en tapotant la joue de Colette qui se colora d’un joli rose. Et, prenant le bras de son père, elle s’en fut avec lui dans la direction du Carrousel. – Je crois que Belphégor sera content de moi !… – Et maintenant, à l’ouvrage ! Quand il eut terminé, il semblait troublé… inquiet… indécis… – C’est étrange, fit-il, très étrange. Colette releva la tête. – Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle. – Viens voir. La jeune fille se leva ; et, tout en lui désignant les trois documents étalés devant lui, Chantecoq reprit : – Tu vois ces trois messages ? L’un m’a été adressé par Jacques Bellegarde. – Je le connais, soulignait Colette. – Les deux autres ont été envoyés par Belphégor. – Par Belphégor ? Colette obéit. – Eh bien ? interrogea le détective quand elle eut fini de lire. – D’accord… mais n’as-tu pas fait d’autres remarques ? – Mon Dieu ! non. – Veux-tu te donner la peine de fixer particulièrement le de Bellegarde et le de Belphégor ? – Volontiers. Colette regarda pendant un instant les deux lettres que lui indiquait son père. Celui-ci reprenait : – Ne trouves-tu pas que ces deux semblent avoir été écrits par la même main ? – En effet, reconnut la jeune fille. – Ce n’est pas tout, poursuivait le détective… regarde bien à présent les boucles des – Elles sont les mêmes. – Et celles des ? – Pareilles ! Et, subitement angoissée, Colette s’écriait : – Père, soupçonnerais-tu M. Bellegarde ? Le détective garda le silence. – Parfaitement. – Et alors ? – Je n’affirme rien ! Je constate simplement que son écriture et celle de Belphégor ont de frappantes analogies. Avec émotion, Colette reprenait : – Dans quel dessein ? – Mais pour faire dévier sur lui les recherches de la police. – C’est précisément ce que je voulais te faire déclarer ! s’écriait le grand détective. – Alors, tu es de mon avis ? – Entièrement. Et une flamme dans le regard, il martela : – C’est donc de ce côté… Chantecoq referma donc la fenêtre et s’en revint vers Colette, qui avait ramassé le galet et le tendait à son père. Chantecoq s’écriait : – Ça… c’est le comble de l’audace ! Et les yeux étincelants, il scanda : – Eh bien ! nous allons voir ! Chantecoq ne lui répondit pas. – S’il ne s’agissait que de moi, reprenait le détective, je ne ferais qu’en rire… Mais il y a toi… – J’en ris, moi aussi. – Je connais ta bravoure et je sais qu’elle est à l’abri de toute défaillance. – Ne suis-je pas ta fille ? Avec un accent de paternelle tendresse, Chantecoq s’écriait, en attirant Colette contre lui : – Tu sais bien que tu es tout pour moi… S’il t’arrivait malheur, ma chérie, ce serait la fin de mon existence ! Colette protestait : – Tu as tort, ma chérie, de considérer cette menace aussi à la légère. – Et le grand Chantecoq s’effacerait devant lui ! – Père… tu te dois, avant tout, à ton œuvre, à ta tâche. – Comme elle m’a fait jurer de veiller sans cesse sur toi. – Ma petite ! – Père, je ne te reconnais plus… s’écriait Colette dont le visage resplendissait d’un véritable héroïsme. – Eh bien ! soit, s’écriait Chantecoq, tout frémissant de la fierté que lui inspirait l’attitude de sa fille. Et il ajouta, tout en déposant sur le front de Colette le plus tendre des baisers : – Pardonne-moi cette défaillance, la première de ma vie, mais quand il s’agit de toi, je ne suis plus qu’un père. – Moi aussi, je t’aime tant !… mais il me semble que je t’aurais moins aimé, si tu avais cédé à Belphégor. – Alors, fit Colette en un grand cri d’espérance… Chantecoq sera encore vainqueur ! – C’est trop !… Je n’en puis plus !… – Monsieur de Thouars, reprenait la Scandinave avec calme, voulez-vous me permettre de vous donner un conseil ? Le bellâtre s’arrêta et eut un léger haussement d’épaules. M Bergen poursuivait : – Jusqu’à ce jour vous avez été raisonnable… Eh bien ! continuez. – Je suis à bout. – Son esclave ! répétait Maurice de Thouars. Vous avez dit le mot. – Et, complétait Elsa Bergen, je ne doute pas que la comparaison ne soit toute à votre avantage… – Je voudrais être plus vieux de quelques jours, fit M. de Thouars d’un air sombre. – Allez donc voir si Mademoiselle n’a besoin de rien ? fit la dame de compagnie. – Allez, vous dis-je… ordonnait M Bergen avec autorité. Simone, étendue sur son lit, dormait profondément. Au même moment, une scène étrange se déroulait dans le jardin de l’hôtel. Surgissant d’un bosquet, une ombre se glissait derrière les arbres… Et cette ombre était le Fantôme du Louvre. – Mademoiselle repose et je n’ai pas voulu la réveiller. Toujours à pas feutrés, le Fantôme se dirigea vers la fenêtre. Mais, dans sa retraite, il heurta un petit meuble qui tomba en entraînant une potiche qui se brisa avec fracas. Un cri lui échappa. Courageusement, il s’élança vers lui… pas assez vite, cependant, pour entraver la fuite du mystérieux personnage. – Au secours ! J’ai peur ! J’ai peur ! – Le Fantôme ! je viens de le voir, de ma fenêtre, qui traversait le jardin. – Oui, c’est lui, c’est lui !… répétait Juliette, prête à défaillir. – Calmez-vous, ma chère enfant, disait M Bergen à Simone, tout en l’aidant à s’asseoir sur le divan. – Le Fantôme !… Le Fantôme ! Elle se pencha… chercha, et s’écria : – Les lettres de Jacques… On a volé les lettres de Jacques ! – Simone !… s’écria-t-il avec angoisse. Il allait s’élancer. Mais, d’un geste, M Bergen le retint. – Et le Fantôme ? demanda-t-elle, tandis que, figée de peur, la femme de chambre n’osait faire un mouvement. Gravement, M. de Thouars répondit : – Il a disparu !

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