Le cœur de Kinshasa - Tome 1 - Obed Tshilomboji Muyumbe - E-Book

Le cœur de Kinshasa - Tome 1 E-Book

Obed Tshilomboji Muyumbe

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Beschreibung

À l'âge de 23 ans, je croyais avoir saisi toutes les subtilités de la vie. Je jonglais avec mon travail et mes activités caritatives, menant une existence bien accomplie en apparence. Cependant, il m’a fallu recroiser le chemin d'Ifoku, mon amie d'enfance, pour réaliser que l'amour était un territoire inexploré dans le dédale de mon existence.

Élevé dans une éducation imprégnée de la rigueur de la religion chrétienne et ancré dans une culture africaine, les préceptes de ma foi et les normes culturelles m'avaient maintenu dans l'ignorance des délices et des défis des relations amoureuses.

Le retour éclatant d’Ifoku dans ma vie, alors que je me tenais au sommet de ma réussite professionnelle, ne fut pas simplement une coïncidence, mais plutôt le déclencheur d'une transformation profonde. Les barrières érigées par mon éducation et ma culture commencèrent à se fissurer. Les souvenirs de notre amitié d'adolescents se transformèrent en un tourbillon d'émotions, dévoilant des sentiments que je ne me connaissais pas.

C’est ainsi que je découvris que l'amour était bien plus complexe que je ne l’avais imaginé, au point de percevoir mon expérience amoureuse avec Ifoku comme une révélation. C’était le début d’un voyage émotionnel où chaque mot, chaque sourire et chaque étreinte racontaient une histoire imprévisible.

Venez, plongez avec moi dans les mystères du genre humain au cœur de l’Afrique, ressentez les pulsations d’une vie encore à bâtir. Une chose est certaine, l'amour est intemporel et universel, demeurant le fil conducteur qui lie chacune de nos vies.

Je suis Mukole, et je vous invite à une quête de moi-même tissée dans les quartiers vibrants de Kinshasa, au début des années 2000.

À PROPOS DE L'AUTEUR



Obed TSHILOMBOJI MUYUMBE, Dignitaire d’État en République démocratique du Congo, est un homme dont le parcours exceptionnel se reflète à travers ses diverses réalisations.Depuis son enfance, Obed a été préparé, formé, éduqué et instruit dans divers domaines par des parents visionnaires. Dès l'âge de trois ans, il captivait une assistance de plus de 3 000 personnes avec ses discours publics, une préfiguration de la trajectoire exceptionnelle qui allait suivre.

Cette éducation précoce lui a permis de développer une spiritualité active et un ensemble d'aptitudes techniques, linguistiques, communicationnelles, managériales, ainsi que des compétences de leadership dans plusieurs secteurs d’activité. Dès l'âge de 22 ans, il a été nommé haut cadre FSN (Foreign Service National) au Département d’État Américain via l'Ambassade des USA à Kinshasa. Il a également servi en tant que Conseiller du Président Congolais Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO au panel CEEAC-SADC.

Double médaillé d'Or, Obed a été honoré pour son mérite civique et son rôle d’Ambassadeur Universel de la Paix, en tant que Haut-Représentant du Grand Cordon des Ambassadeurs Universels de la Paix dans le monde depuis 2014.



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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Couverture

Page de titre

Obeb Tshilomboji – Muyumbe

 

 

 

 

 

Le cœur de Kinshasa 

1 - Ifoku

 

 

 

 

 

« Le véritable héritage d'un homme réside dans les souvenirs qu'il laisse derrière lui. »

Nelson Mandela

 

 

Dédicace

 

À mon très cher défunt père, Oscar Mwanza Muyumbe (OMM), 

 

Aujourd'hui, je me tiens devant cette page blanche avec une profonde gratitude pour toi, mon mentor et coach extraordinaire. Tu as été bien plus qu'un père pour moi ; tu étais ma boussole dans la vie. 

C'est grâce à ta sagesse inépuisable que j'ai appris à voir au-delà des apparences et à comprendre le vrai sens de l'existence. Tu m'as enseigné les valeurs fondamentales qui guident mes pas chaque jour : l'intégrité, la résilience, la persévérance et le respect envers autrui. 

 

Tu étais un exemple vivant de force tranquille et de détermination inflexible. Ta capacité à surmonter toutes les difficultés avec dignité a toujours été source d'inspiration pour moi. À travers tes paroles empreintes de sagesse et ton amour inconditionnel, tu m'as permis de grandir en tant qu'être humain. 

Dans ce livre, je te rends hommage, car c'est grâce à toi que j'en suis arrivé là aujourd'hui. Chaque ligne écrite porte ton empreinte indélébile, puisque je suis une partie intégrante du merveilleux héritage que tu as construit tout au long de ta vie. 

 

Papa OMM, jamais, je ne t'oublierai, car ton esprit vit en moi comme une flamme éternelle. Je continuerai à honorer ta mémoire en partageant les leçons que tu m'as transmises avec ceux qui croiseront ma route. 

 

Que ce livre soit une ode à ton héritage, un témoignage de mon amour filial et une source d'inspiration pour tous ceux qui auront la chance de le lire. 

 

Repose en paix, cher père, car ton impact sur ma vie est immortel. 

Avec tout mon amour, 

Obed Tshilomboji Muyumbe (OTM) 

 

Préambule

 

Si ce premier volume commence alors que j’ai déjà 23 ans, je tiens cependant à vous décrire le contexte dans lequel je suis né un beau jour de l’année 1978. Bonjour, je m’appelle Mukole, et voici mon évolution. 

Je suis venu au monde à Kinshasa dans l’hôpital le plus prestigieux de la ville à l’époque, sous le régime du puissant président MOBUTU SESE SEKO KUKU NGBENDU WA ZA BANGA, qui se considérait comme le Roi d'Afrique. D’ailleurs, ce nom déifié n’a plus jamais été porté après lui. Avant sa prise de pouvoir par la force en 1965, il était un grand lecteur, un journaliste qui travaillait pour les éditorialistes belges de l’époque, après l’indépendance. 

Mon pays a connu un chamboulement sans précédent depuis cette présidence chaotique, provoquant réellement sa chute l’année de ma naissance.  

 

Alors que 90% des expatriés investisseurs du Zaïre ont été expulsés par MOBUTU, pendant la « Zaïrianistion1 » les industries sont restées à l’abandon, devenant des lieux de tourisme pour les enfants qui venaient y jouer, sans comprendre qu’il s’agissait d’unités de production. 

Toute la grande industrialisation rencontrée à l’époque, s’est donc effondrée du jour au lendemain parce qu’il n’y avait plus de cadre ni d’ingénieur compétent pour les faire tourner. 

Mon papa, que l’on appelait Katuambi, faisait partie des ingénieurs locaux encore en poste. Il était dessinateur industriel, ayant la chance d’avoir étudié en Europe et aux USA. À son retour au pays, il a eu l’opportunité de travailler à un poste de directeur, comprenant très bien les mathématiques et la physique grâce à ses études en polytechnique. En ingénieur certifié, il occupait alors souvent des postes de direction dans des entreprises qui ont subsisté en négociant autrement avec le régime de MOBUTU pour survivre. 

Papa était déjà considéré comme une élite. Il gagnait très bien sa vie, possédait plusieurs voitures. C’est la raison pour laquelle je suis né à la clinique danoise la plus prestigieuse de Kinshasa. Seuls les enfants de présidents, de ministres et d’hommes de grande autorité pouvaient y naître. 

J'étais la troisième grossesse de maman, après une fausse-couche et la naissance de mon frère aîné. Tout comme les autres membres de la famille, j’évoluais dans une atmosphère très apaisée, malgré le contexte du pays. Nous, les enfants, connaissions très bien l’usage de la voiture, car cela faisait partie de nos déplacements quotidiens pour aller à l’école, ce qui nous sortait de la classe ordinaire. Nous vivions dans un quartier déjà considéré comme huppé. J'ai donc évolué dans un environnement où mon père s’est évertué à me parler en anglais, ma mère en langue vernaculaire (le lingala et le tshiluba), et en tant qu’élèves, nous devions apprendre le français à l’école. 

Ainsi, à partir de l’âge de deux ans, les enfants du foyer étaient déjà tous polyglottes avec quatre langues à leur actif. J'ai grandi, j'ai fait de très belles études maternelles, puis je suis passé aux études primaires dans les années 80. 

À partir de 1985, la situation du pays ne faisait qu'empirer. La « Zaïrianisation » a produit des séquelles irréparables où les industries ont été abandonnées du jour au lendemain. Les dettes pour rembourser les sociétés contraintes à partir du pays se sont accumulées et le conflit entre les Américains et le régime de MOBUTU s’est accentué. 

La seule protection que pouvait nous fournir le chef de famille était d’empêcher ses enfants d’aller à la dérive. Papa était un homme imposant, qui ne parlait pas beaucoup, mais s’exprimait calmement au moment opportun. Sa seule discipline était le rejet. S’il se sentait énervé, il ne frappait pas, mais il rejetait en déclarant haut et fort : « Tu n’es plus mon enfant ». On pouvait tout accepter dans notre tribu, sauf de ne pas être officiellement reconnu par nos parents. 

La peur d’être rejeté par papa Katuambi nous poussait à faire tout ce qu’il fallait pour satisfaire ses attentes. Ainsi, quand il déclarait qu’il pouvait pardonner notre comportement, excepté le fait d’abandonner nos études, nous avions tout intérêt à continuer d’aller à l’école, malgré un contexte chaotique. Papa possédait des notions de plomberie, de menuiserie et de charpenterie en plus de sa qualité de scientifique, et il nous demandait d’apprendre ces métiers à notre tour, pour pouvoir être autonomes. 

C’est ainsi que je me suis davantage rapproché de mon père et même aidé ma maman quand elle a ouvert son restaurant. J'avais seulement 8 ans et j’étais considéré comme un salarié, car elle ne souhaitait pas que je sois plus privilégié qu’un autre de mes collègues. J'ai appris la discipline et la valeur d’un dur labeur. À l'âge de 10 ans, mon travail est devenu plus important, et je collectais mon salaire dans une caisse. Je rendais service à mon papa au sein de la maison familiale et j'avais un salaire en retour. Ce qui me permettait d'avoir déjà deux salaires. 

J'étais un garçon très courageux et j'ai rapidement pris goût au business en étant initié très jeune. Je faisais parfois même des prêts à crédit à ma mère. Je gagnais l’équivalent, aujourd’hui, de 150€ par mois, c’est pourquoi j'ai proposé à mes parents de prendre moi-même en charge mes frais de scolarité. Donc à partir de mes 10 ans, je suis devenu indépendant financièrement. 

Alors que je n'avais que 11 ans, j’ai vu mon père perdre son emploi. Il était encore ingénieur, et cherchait un poste similaire. Avec l’unité qui restait, la société nationale d’électricité qui supervisait ce projet a rappelé papa Katuambi pour travailler. Cependant, la situation n’était pas aussi bonne qu’avant le départ des Américains. Papa a ainsi dû vendre quelques-uns de ses véhicules pour garder le même niveau de vie. Il a également vendu ses investissements immobiliers pour les mêmes raisons. Son souhait le plus fort était de donner une bonne instruction à ses enfants, dans un quartier agréable, même si le contexte du pays était décousu. 

De mon côté, je suis rapidement devenu connu et très sollicité dans notre quartier pour intervenir et aider la jeunesse à vivre une vie droite. Considéré comme l’assistant du pasteur, j'avais de grandes responsabilités spirituelles et séculières où je pouvais enseigner. Je comprenais rapidement les choses et j'étais très débrouillard. Je pouvais ainsi aider ma famille à tout moment si le besoin s’en ressentait. 

J'étais, malgré tout, un garçon qui se cherchait, au point qu’après le gigantesque pillage du pays, survenu entre septembre et octobre 1991, la situation s’est tellement détériorée que même la restauration ne fonctionnait plus. Il fallait avoir des liquidités que les gens n’avaient plus, pour pénétrer dans l’établissement. C’est pourquoi j'ai demandé à mes parents d’aller rejoindre les mines d’exploitation de diamants au centre du Zaïre. Ils ne souhaitaient pas me laisser y aller seul, alors nous avons décidé d’y vivre en famille. Il s’agissait de la province d’origine de mes parents, ce qui faisait d’une pierre, deux coups : voir la façon dont je m'organisais et m'en sortais, et rendre visite à leurs propres parents qu'ils n'avaient pas vus depuis des années. 

À 1500 kilomètres de Kinshasa, la situation était tout aussi difficile, même dans les régions les plus reculées. Le pays était plongé dans une paralysie totale. En 1993, alors que j'avais 15 ans et que je continuais mes études, j'ai pris la décision de rejoindre un groupe de mineurs artisanaux. Du fait de ma soif d’apprendre et de mon habileté, contrairement à tous les autres enfants qui travaillaient là-bas, on m'a rapidement nommé président de la mine, appelée Bakuatshimuna. 

Tous les soirs, les creuseurs devaient apprendre le français, l'anglais, ainsi que les rudiments des mathématiques et de physique avec moi. J'aimais donner ces cours. J'étais donc à la fois président de la mine, professeur et superviseur. J'ai participé activement aux travaux miniers, et en récompense de mes multiples interventions, on me permettait de prendre un sac de gravier qu’on appelait « Mutshanga ». 

J'étais responsable de l'organisation, de la gestion du camp, de la construction, de l'aménagement de l'espace, de l'assainissement et de l'hygiène pour prévenir les maladies. 

J'enseignais même des cours de santé publique. J'avais toujours avec moi des valises remplies de livres où je trouvais des sources d'information. Je lisais sur divers sujets en anglais et en français, qu'il s'agisse de fiction ou non. 

J'ai réussi à faire tamiser mes sacs de gravier, dont l'un d'entre eux renfermait enfin le trésor tant recherché. Ma mère est venue me rendre visite pour me reprocher d'avoir séché les cours pendant deux semaines. Elle était partagée entre la fierté de me voir aider la population locale et l'inquiétude pour mon instruction. Pour me faire pardonner, je lui ai demandé de choisir l'un des sacs de gravier à tamiser, avec l'espoir d'y découvrir un diamant. 

En tamisant son contenu, j'ai effectivement découvert un diamant sans imperfection de 17 carats, que j'ai vendu sur place pour l'équivalent de 100 000€. À l'époque, ce diamant valait bien plus, mais je n'en connaissais pas encore la véritable valeur. 

Cet épisode a complètement bouleversé ma vie, nous donnant un nouveau souffle en l'espace d'une semaine. À la fin de l'année 1993, toute ma famille est rentrée à Kinshasa, mais je n'ai pu les rejoindre qu’en 1995, à l'âge de 17 ans, avec un autre colis de diamants d'une valeur de 100 000€. 

J'ai ainsi repris mes études universitaires et je me suis présenté à mon école, obtenant un résultat exceptionnel au test d'admission. J'ai répondu correctement à 100% des questions, ce qui a suscité l'étonnement de l'équipe universitaire. J'avais un véritable amour pour la connaissance à travers la lecture, et à l'âge de 20 ans, en 1998, j'étais à la fois étudiant et consultant pour deux entreprises. 

Grâce à mes liquidités, j'étais déjà assez aisé, mais je gagnais également de l'argent en consultance, tout en développant des activités privées. J'ai racheté un bâtiment pour reloger le restaurant de ma mère, devenant ainsi actionnaire à 50% de son entreprise. La chaîne de restaurants comptait désormais six établissements que je finançais. 

Avec mon père, nous avons investi dans un grand atelier de menuiserie où j'étais pareillement actionnaire à 50%. J'ai embauché de jeunes talents pour fabriquer des meubles de grande qualité, que nous vendions entre 2000€ et 3000€. 

J'étais aussi propriétaire d'une boulangerie que j'ai nommée DIATA BAO, en hommage à ma mère. J'étais très à l'aise dans le monde des affaires, au point qu'à l'université, j'ai réussi à terminer mon cycle de gestion marketing et financière en seulement 3 ans. J'avais déjà acquis les notions de base qui me permettaient de travailler pour une multinationale américaine tout en étant consultant dans la diplomatie américaine, servant d'intermédiaire entre la politique gouvernementale américaine et la politique congolaise. 

Mon expérience passée dans une région reculée du centre du pays, a renforcé ma compréhension de la vie rurale. Mon père avait une leçon fondamentale à me transmettre : « Un homme ne se plaint pas, ne pleure pas, et ne demande pas. Plutôt mourir que d’aller demander. Le jour où tu le feras, tu insulteras toute la généalogie, et tu seras malheureux toute ta vie, jusqu’à ta mort. Même si tu n’as pas de jambes, trouve-toi un emploi de cireur de chaussures, du moment que tu ne demandes pas. » 

C'était l'un des grands principes qui résonnait constamment dans mon esprit, au point que mon père m'a doté d'un scaphandre moral et spirituel, d'une résilience sans précédent. J'étais capable d'être très malade sans que personne le sache, me battant comme un félin jusqu'à trouver la solution à mon problème. Mon cerveau fonctionnait à plein régime, et le stress m'accompagnait alors que je m'efforçais de ne jamais demander d'aide extérieure. 

 

Partie 1 : On pose le décor

Chapitre 1 : L’homme derrière le costume

 

J'entamai une nouvelle semaine avec le rituel que je m’étais instauré depuis maintenant plusieurs années. Je pris une douche tonifiante après avoir effectué ma séance de sport matinale, puis m'habillai en costume cravate pour me rendre à mon travail. Du haut de mes 23 ans, je ne me rendais pas encore compte des fautes de goût que j’accumulais en associant des couleurs et des matières qui ne méritaient pas de faire partie d’une seule et même tenue. Mes chaussettes étaient très souvent dépareillées, mais je ne m’en souciais guère. J'avais un mental d'acier, et je me préoccupais davantage de conquérir le monde des affaires plutôt que de ma garde-robe. 

De toute façon, mon père me disait toujours que l'homme ne devait pas être trop beau, qu’il devait plutôt se rapprocher de l’animal. Son côté viril devait être mis en avant, et son parfum aussi musqué que de la testostérone. À cette époque, je ne me rendais pas encore compte que je me cachais derrière une façade qui n'était pas réellement moi. Je détestais affronter le miroir, peut-être par peur d'y découvrir des choses que je ne voulais pas voir. 

Ce jour-là, je me rendis comme à mon habitude au travail, d'apparence sûr de moi, lorsqu'une collègue m'interpella pour me faire remarquer mon manque de style. J'en fus d'abord déstabilisé. Pourquoi était-elle aussi familière avec moi, alors que nous étions dans un contexte professionnel ? Pourtant, quand je gagnai mon bureau, son discours me fit réfléchir. Je compris à l’instant même, qu'elle voulait me rendre service. 

Si je voulais un jour rencontrer l'être aimé, je devais retravailler mon allure générale. Plus qu'une envie, ma façon de m'habiller était devenue un besoin pour refléter la personne que j'étais vraiment. Il était alors temps que je m’émancipe du jeune Mukole que mes parents avaient accompagné toutes ces années, pour devenir l’homme complet auquel j’aspirais. 

*** 

Ma mère était une femme entrepreneure très courageuse. Elle était très connue dans le milieu où nous habitions grâce à son parcours entrepreneurial, ainsi qu’à sa bonne volonté d’enseigner les valeurs chrétiennes contenues dans la Bible. La voix de maman M’KET était considérée comme parole de Dieu auprès de ses voisins et de toute personne qui lui prêtait oreille. Elle l’exerçait d’ailleurs souvent de porte-à-porte le week-end. D’aussi loin que je me souvienne, mes frères, mes sœurs et moi-même l’avons toujours vu travailler dans divers commerces. C’était une femme battante qui s’appliquait à aider financièrement notre père pour pouvoir joindre les deux bouts à la fin de chaque mois. 

Tout le monde l’appelait DIATA-BAO par respect et reconnaissance envers toutes les choses qu’elle avait accomplies depuis des années. Son surnom provenait de la langue KIKONGO, parlée en RDC et quelques autres pays africains. Le mot « Diata » traduit en français signifiant « piétiner », « marcher sur », ou « dominer sur » et « Bao » étant le pronom personnel à la troisième personne du pluriel « ils » ou « elles » également utilisé pour « eux » ou « elles », l’expression voulait simplement dire « Domine-les » ou bien « Reste au-devant d’eux ». Maman M’KET avait gagné ce sobriquet par son excellence dans sa recherche effrénée du perfectionnisme dans ses entreprises. 

Au-delà de la tradition, je réalisai que j'évoluais depuis des années selon la religion qui m'empêchait de déshonorer mes parents. Je devais étudier, puis travailler, mais je ne pouvais m'exposer à l'amour qu'au moment où j'aurais un emploi stable. Je n'avais pas de petite amie, car je devais me marier chaste. 

J'étais un jeune homme sérieux qui devait avant tout me focaliser sur mes études, reléguant les autres aspects de ma vie à une place moins importante. Je me concentrais ainsi durant des années sur l'apprentissage d'un métier. J'étais très discipliné et intelligent. Après les cours, je rentrais chez moi à une heure raisonnable, car il ne m'était pas permis d'être exposé à la vie romantique. D'ailleurs, les menaces anticipatives de mes parents m'en dissuadaient. J'aurais porté la malédiction si j'avais été amené à souiller une demoiselle en l'engrossant. De son côté, la jeune femme aurait porté ce fardeau seule. 

Je m'adonnais beaucoup à la lecture et à l'écriture en même temps que mes études. Je développais ainsi d'autres qualités essentielles pour un homme africain. J'acquérais l'état d'esprit et l'habileté d'un entrepreneur en apprenant beaucoup de petits métiers, notamment la menuiserie, la charpenterie et les notions d'électricité de base. Tout cela dans le but d'être autonome et de réduire les coûts de construction de mon futur foyer. 

Jeune, je trouvai un emploi dans une société multinationale qui me propulsa rapidement à un poste de directeur, me permettant de bien gagner ma vie au début des années 2000. À 23 ans, j'étais très épanoui dans ma vie professionnelle. Mes parents comprirent qu'à cet âge, j'avais déjà une position à haute responsabilité et que j'étais prêt à me lancer dans le mariage. Ainsi, ils me permirent de côtoyer des jeunes femmes. Malheureusement, je ne connaissais encore absolument rien à ce sujet, car je n’avais jamais eu l’occasion d’être coaché. 

Je me décidai quand même à expérimenter, pour la première fois de ma vie, la notion romantique dans ce contexte d'ignorance. Que signifiait réellement l'amour ? Je n'avais jamais exploré le corps d'une femme, je n'avais même jamais appris à leur parler. Mais je me disais que tout ce qui était naturel était également universel. En grandissant, je ressentis le désir de l'intimité, je savais donc au moins que ma morphologie différait de celle d'une femme. Cependant, je ne m'y étais jusqu'alors jamais intéressé, de peur de décevoir mes parents ou de déshonorer ma famille. Avant cela, je n'avais jamais voulu aller plus loin pour en connaître davantage sur l'évolution d'une relation amoureuse. 

Malgré mon statut de directeur dans une grande société, je n'avais jamais été exposé aux courbes d'une femme. Certes, il existait des journaux de l'époque avec des photos de femmes dénudées, mais j'aurais pu devenir la risée de tout un peuple si j'avais été pris en possession d'un tel magazine. 

J'avais également peur des représailles sur le plan de la religiosité. Je craignais une exclusion de la part de ma communauté chrétienne, ce qui aurait jeté l'opprobre sur les valeurs auxquelles j'étais attaché. Je redoutais énormément la honte que je pouvais porter sur ma famille, et par-dessus tout, sur le nom de mon Dieu. 

Depuis mon enfance, j'étais un individu hyper discipliné, constamment sous un contrôle étroit pour satisfaire les attentes de mes proches. Je vivais dans une prison de dogmes établis par mes parents. Au fond de moi, je n'aimais pas cette existence, mais j'étais contraint de l'accepter. Je subissais ma vie pour plaire à mes parents et à la société. 

Ma curiosité pour certaines choses allait crescendo, d’autant plus que l’étau des interdits se resserrait sur moi. Mes parents nous imposaient tout, et ils ne prenaient guère le temps nécessaire d’expliquer aux enfants les conséquences de certains interdits et tabous. Les enfants craignaient plus les coups de chicotte et la panoplie disciplinaire qui s'en suivrait que le respect intrinsèque des raisons fondamentales justifiant la pratique desdits interdits. 

Par exemple, ma mère me mit un jour en garde en disant : « Tu couches avec une fille et elle tombe enceinte de toi, j’ampute ton organe génital. » Sans jamais m’expliquer pourquoi c’était mauvais d’engrosser une fille avant le mariage. 

Comme je n'avais jamais appris à parler aux femmes, malgré mes 23 ans et ma situation professionnelle bien établie, il m'était impossible d'entamer une conversation avec la gent féminine. Personne ne m'avait préparé à affronter cette situation, ni mon père, ni ma mère, car le sujet était tabou. 

Même s'il y avait des étudiantes, les hommes et les femmes restaient généralement séparés. Il y avait bien quelques individus rares qui maîtrisaient les interactions humaines, mais étant donné le contexte familial draconien prônant les normes et les non-dits que je ne devais pas transgresser, je ne m'autorisais pas à faire partie de ces initiés des relations entre hommes et femmes, surtout qu’ils étaient connus et bien identifiés dans chaque quartier à l’époque. 

*** 

Dans les décennies précédant les années 2000 en République Démocratique du Congo, les jeunes garçons et jeunes filles évoluaient dans un cadre empreint d'une pensée très rationnelle. Dans certaines maisons, on pouvait même constater une discipline extrêmement rigide, d'autant plus que dans les grandes familles africaines, l'honneur était un sentiment d'estime et de considération qui primait sur tout le reste.