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A l'approche de la cinquantaine, l'usure du temps a altéré les relations amoureuses du couple que forment Henri et Juliette. Leur fille Catherine est fiancée à Julien, jeune-homme d'origine modeste, bien perçu par Henri, mais beaucoup moins par son épouse. Juliette a, de notoriété publique, pris pour amant Georges, le plus proche collaborateur de son mari, lequel rêve dorénavant d'aventure avec Catherine. Chaque personnage poursuit ses fantasmes, prêtant aux autres les sentiments qu'il en espère, mais qui sont souvent très éloignés de la réalité. Tout le monde conjugue au conditionnel, mais n'est-ce pas un leurre ? La vraie vie ne se conjugue-t-elle uniquement à l'indicatif ?
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Seitenzahl: 102
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Romans
L’OGRESSE - Publibook 2003
LA COUGAR - BoD 2016
Théâtre
SACRÉ JEAN-FOUTRE - BoD 2017
VOUS RÊVEZ, MAÎTRE - BoD 2020
HENRI
JULIETTE, sa femme
CATHERINE, leur fille
JULIEN, fiancé de CATHERINE
GEORGES, secrétaire de HENRI amant de JULIETTE
UN SERVEUR
PREMIER ACTE
DEUXIÈME ACTE
TROISIÈME ACTE
QUATRIÈME ACTE
Un décor de rideaux noirs.
Un grand lit, une coiffeuse et un ou deux fauteuils symbolisent un intérieur bourgeois.
L’ensemble est sobre, mais évocateur d’un luxe certain.
Devant la coiffeuse, Juliette, la cinquantaine, qui a dû être belle, s’arrange les cheveux, s’énervant quelque peu.
Dans le lit, Henri, sensiblement du même âge, très hommes d’affaires, lit son journal. Après un temps, il le replie, visiblement satisfait, puis saisit le plateau à portée de sa main et s’installe pour déjeuner.
HENRI
Les sucreries Chancelle ont encore baissé de douze points hier. Encore deux séances comme celle-là et j’ai l’impression que tout ce beau monde ne tardera pas à rappliquer chez moi pour implorer secours et assistance. Seulement cette fois, ils pourront se fouiller. Il y a six mois, ils refusaient la fusion, maintenant qu’ils y sont contraints les conditions ne sont plus les mêmes. Je rachète, d’accord, mais je fous tout le monde dehors. Ça leur apprendra à faire la fine bouche. Quand on n’a pas la carrure, on ne met pas des épaulettes : on fait des poids et haltères où on renonce.
JULIETTE, aigre.
Et qu’est-ce que cela va te rapporter ? Un franc de plus par jour, un million d’impôts supplémentaires, quelques nouvelles heures de travail et une bonne raison d’être un peu moins chez toi et de m’abandonner à mon sort.
HENRI, affable.
C’est un peu vrai, mais ce n’est pas tout.
Il ajoute, grand seigneur.
Ce n’est pas seulement pour moi que je fais ça. C’est au nom de la justice. Parce que si l’on assure l’impunité à tous les crétins, on ne voit vraiment plus l’intérêt qu’il y aura à essayer de cultiver son intelligence.
JULIETTE, toujours aigre.
Tu es tellement intelligent, toi !
Elle marmonne.
En tout cas pour ce que cela t’aura servi !
HENRI
Je ne suis peut-être pas très intelligent, mais je n’en suis pas non plus à déposer mon bilan. Dieu merci, les sucres Duval et Compagnie se portent bien.
JULIETTE
Tes sucres, tes sucres, tu n’as que ça à la bouche. Veux-tu que je te dise, tu me fais penser au pékinois de la mère Brinuche. Lui aussi ne vit que pour son sucre. Ma parole, tu finiras diabétique à force de ne penser qu’à ça.
HENRI
Ça m’étonnerait, ça fait au moins dix ans que je n’en ai pas mangé un morceau. Et puis, de toute façon, il faut bien mourir de quelque chose.
JULIETTE
Tu auras peut-être réussi, mais on se demande vraiment à quoi. Tu n’auras profité de rien.
Elle crie soudain.
Même pas de ton sucre. Pas d’autres choses non plus d’ailleurs. Tu as amassé une fortune colossale pour ne même pas en jouir, ni toi ni personne. Tu passes ta vie entre ton usine et ton bureau et tout ce que tu as accumulé
n’aura servi à rien. Personne n’en aura jamais vraiment profité. Même pas toi.
HENRI
Tu oublies que nous avons une fille. D’ailleurs si elle dépense autant que toi, il n’est pas pressé que je m’arrête de travailler.
JULIETTE
Tu as bonne mine à te donner des allures de bon père de famille. Pour le cas que tu en fais de ta fille. Tu la laisses partir dans les bras du premier va-nu-pieds rencontré. Un bon à rien, un petit employé de rien du tout. Ah ! Tu peux en parler de ta fille. Tu l’auras tellement gâtée.
HENRI
Comment sais-tu que c’est un bon à rien, tu ne le connais même pas ?
JULIETTE
Parce que toi tu le connais ?
HENRI
Non. C’est pour ça que j’évite de le juger. J’attends de voir. Ça me semble une sage solution. Si ça se trouve, il est très bien ce garçon.
JULIETTE
Décidément, tu seras toujours d’une mauvaise foi…
HENRI, ironique.
Je sais que tu ne l’es jamais, mais je me demande quand même sur quoi tu te bases pour porter un jugement aussi catégorique
JULIETTE, avec une mauvaise foi écrasante.
Je me base sur mon intuition. Si tu connaissais un peu mieux les femmes, tu saurais que c’est chez elle quelque chose qui ne trompe pas.
HENRI
Je ne connais pas les femmes, j’en connais une et j’avoue que cela me suffit amplement. Je ne me sens vraiment pas de taille à en avoir plusieurs. J’ai d’ailleurs toujours admiré les sultans qui avaient un harem, parce que, à ce stade, quand ce n’est pas du gâtisme c’est de l’héroïsme.
JULIETTE, acerbe.
Ne t’inquiète pas, tu ne risques pas de finir en héros.
HENRI
J’ai nettement limité mes ambitions en ce domaine.
JULIETTE, furieuse.
Seulement, c’est un peu trop facile d’espérer t’en tirer ainsi. Quand tu m’as épousée, tu as pris un engagement.
Si tu ne t’en souviens pas moi je n’ai pas oublié. Tu as des devoirs, mon ami. Désolée d’avoir à te le répéter, mais tu oublies un peu trop souvent que tu as une femme.
HENRI
Je te fais toujours confiance pour me rafraîchir la mémoire.
JULIETTE
Heureusement. Parce qu’autrement j’ai l’impression qu’il y a belle lurette que tu l’aurais oublié.
HENRI
Et je serais si tranquille.
JULIETTE
Eh bien sois tranquille. Je ne suis pas près de te laisser tranquille. Tu serais trop tranquille.
HENRI
Je suis tranquille.
JULIETTE
Quand je pense à ce que j’aurais pu être. J’étais jolie, distinguée, j’avais tout l’avenir devant moi et il a fallu que je vienne m’enterrer avec toi, une machine qui ne pense qu’à compter ses sucres et à réduire les autres en poudre. Mon Dieu ce qu’on peut être bête à vingt ans.
HENRI
Tu n’as pas changé, tu sais.
JULIETTE
C’est ça, fais de l’esprit mon bonhomme. Ça au moins, ça ne te coûte rien.
HENRI
Je n’ai jamais su exactement de quoi tu te plaignais, mais je dois te dire que de toute façon j’ai renoncé. Tu n’auras passé ta vie qu’à cela et après tout ça t’aura fait une occupation.
JULIETTE, hors d’elle.
Comment ? Tu ne sais pas de quoi je me plains ? Tu crois que c’est une vie pour une femme celle que tu m’as faite ? Si tu avais fait vœu de chasteté, il ne fallait pas te marier, il fallait entrer dans les ordres. Là, au moins, tu pouvais espérer un avenir. Quoique, aujourd’hui, tu serais encore probablement dépassé par les événements. Seulement, si tu n’as jamais eu le courage de prendre tes responsabilités, moi j’étais en droit d’espérer un peu plus que ce que tu m’as donné.
HENRI
Je t’accorde que je n’ai peut-être pas très bien cherché, mais je n’ai jamais pu avoir, ne serait-ce qu’une idée, de ce qui aurait été susceptible de te satisfaire. Je ne cherche plus. Tu jouis de ma fortune, tu changes de robe trois fois par jour, tu passes ta vie chez le coiffeur et, en outre, tu as pris un amant. Tu reconnaîtras que je ne t’en ai jamais fait grief.
JULIETTE
C’est bien ce que je te reproche.
HENRI
Alors là tu exagères. Je veux bien que tu me taxes de tous les défauts de la terre, mais de là à m’entendre, moi, reprocher par ma femme le fait qu’elle a pris un amant dépasse quand même les limites du raisonnable.
JULIETTE
C’est toi qui m’y as forcée.
HENRI, qui commence à s’énerver, crie.
Ah non ! Je t’en prie. Reproche-moi ce que tu voudras, mais pas ça. Je suis un mauvais mari, d’accord, je suis un mauvais père, d’accord, je suis cocu, d’accord, mais je refuse de m’être fait cocu moi-même. J’avais suffisamment confiance en moi et assez de délicatesse pour ne pas me tromper, moi. Il y a des tours que je ne me suis jamais joués.
JULIETTE
Tu ne vas quand même pas nier que c’est toi qui m’as jetée dans ses bras ? Tu l’as choisi et tu le paies en plus. Tu avoueras que c’est un comble.
HENRI
N’exagérons rien. Georges est secrétaire général de la société et je n’ai jusqu’à présent rencontré personne qui accepte d’exercer gratuitement cette fonction. Sinon, je l’aurais tout de suite engagé, ne te fais aucun souci à ce sujet.
JULIETTE
Tu aurais pu le mettre à la porte.
HENRI
Je ne vois vraiment pas pourquoi je me serais séparé d’un collaborateur qui fait très bien son travail et qui est un garçon consciencieux. Sans compter que tu en aurais profité pour me faire des histoires.
JULIETTE
C’est cela, tu l’as dit : c’est pour ne pas avoir d’histoires. Tu ferais n’importe quoi pour ne pas avoir d’histoires.
HENRI, débarrassant son plateau et s’apprêtant à se lever.
Tu trouves suffisamment d’occasions d’en faire, je ne vois vraiment pas l’utilité d’en créer de nouvelles. Maintenant, excuse-moi de mettre fin si rapidement à une discussion aussi enrichissante, mais premièrement si ça continue je vais être en retard au conseil d’administration et deuxièmement, tu m’emmerdes.
JULIETTE, haineuse.
C’est cela. Va t’occuper de ton sucre et profites-en pour t’en faire casser un peu sur le dos.
HENRI, avant de sortir.
C’est une occupation que je te laisse volontiers.
Elle reste un moment seule, lissant ses cheveux et se
calmant peu à peu.
L’éclairage change, se fait plus diffus.
Paraît un homme d’une quarantaine d’années :
beau, élégant, sportif. Elle ne l’a pas vu entrer. Il
s’approche d’elle et lui passe des bras autour du cou.
Surprise, elle sursaute.
JULIETTElui parle dans la glace.
C’est toi, mon chéri. Tu m’as fait peur. Mais tu es fou de venir ici.
GEORGESembrasse ses cheveux.
Oui, je suis fou, mon ange. Fou d’amour. Fou de toi.
JULIETTEse dresse pour se jeter dans ses bras.
Mon amour.
Ils s’embrassent. Elle rit comme une folle puis soudain s’arrête, anxieuse et dit gravement.Quand même, tu ne devrais pas. S’il nous surprenait.
GEORGES, mystérieux.
J’espère bien qu’il va nous surprendre.
JULIETTE, inquiète.
Qu’est-ce que tu dis ?
GEORGES, dont le visage se durcit.
Je suis venu pour cela. Toute cette comédie doit finir. Finis les baisers volés, les regards qui se croisent sans jamais se rencontrer, les rencontres furtives entre deux portes. Tout cela va enfin se terminer. Je suis venu à cette fin.
JULIETTE, réaliste.
Mais se terminer comment ? Tu n’y songes pas, s’il te voit ici, tu ne sais pas de quoi il est capable. Il est fichu de te tuer.
GEORGES, sortant un revolver.
Soit sans crainte, je l’aurai avant.
JULIETTE, affolée.
Quoi ? Mais tu es fou.
GEORGES, haineux
Oui, je suis fou. Je te l’ai dit. Fou d’amour. Je suis venu mettre fin à ce jeu stupide. Il y a des moments où l’on se croirait dans une pièce de théâtre, un de ces vaudevilles qui n’a rien de comique même s’il prétend l’être. Je suis venu pour l’abattre, mais avant, je vais me payer un dernier luxe. À chacun son tour le beau rôle. Je veux qu’il te voie dans mes bras.
JULIETTE
Mon chéri, tu ne sais plus ce que tu dis. Tu ne feras jamais ça.
GEORGES, menaçant.
Tu ne m’en crois pas capable ?
JULIETTE
Non Georges. Tu ne feras pas ça. Tu ne le feras pas. Je te le défends.
GEORGEScrie.
Qu’est-ce que tu me défends ? C’est moi qui t’enlève, non ? Tu ne crois quand même pas que dans un rapt on demande son avis à l’intéressé.
JULIETTE
Lâche ce revolver Georges. Lâche-le.
Elle s’est jetée sur lui.
Surpris il n’a pas eu le temps de réagir et s’est laissé
prendre l’arme. Elle le tient en joue à présent.
GEORGES, piteux.
C’est bon. Comme tu voudras.
Il ajoute.
D’ailleurs, il n’était pas chargé.
Moment de gêne. Il dit enfin.
Je pense que dans ces conditions je n’ai plus qu’à me retirer.
JULIETTE, apitoyée.
Mon chéri, tu es idiot. Tu fais des drames pour rien. Pourquoi veux-tu que les choses changent ? Nous nous aimons, n’est-ce pas le principal ?
GEORGESimplore.