Sacré Jean-Foutre - Jean-Gabriel Gobin - E-Book

Sacré Jean-Foutre E-Book

Gobin Jean-Gabriel

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Beschreibung

Jo est un rêveur, un peu artiste mais surtout paresseux qui vit aux crochets de sa compagne Lulu. Son aspiration à ne surtout rien faire décuple son imagination. Il ne prend pas une seconde au sérieux la menace de son amie de le quitter s'il n'adopte pas rapidement une attitude plus responsable dans la vie. Mêlant songe et réalité, il transpose toutes les situations pour les adapter à ses désirs. Situations comiques, dialogues percutants, personnages aux caractères bien typés font la richesse de cette comédie légère mais non dépourvue de réflexion.

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Seitenzahl: 85

Veröffentlichungsjahr: 2017

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Sommaire

Personnages

Premier Acte

Deuxième Acte

Troisième Acte

Quatrième Acte

PERSONNAGES

JO

LULU, sa maîtresse, accessoirement fille du chirurgien.

LE CHIRURGIEN

CLARA, sa femme.

RIRETTE, leur seconde fille.

LE DIRECTEUR DE LA MAISON DE PUBLICITÉ L'INFIRMIÈRE, LA BONNE (même actrice).

PREMIER ACTE

Un décor tout simple ou peut-être simplement des rideaux noirs.

Au milieu de la scène, un grand lit dans lequel on devine une forme humaine enfouie sous les couvertures.

Ici et là, un rare mobilier : une table, quelques chaises, une armoire, tout cela jonché de vêtements plus ou moins en chiffon.

LULU, depuis les coulisses :

Jo ?

JO, émergeant de sous la couverture,

la voix pâteuse :

Oui.

LULU

Tu peux me passer mon collant ?

JO, sans même relever la tête :

Je ne sais pas où il est.

LULU

Cherche.

JO, toujours enfoui sous la couverture :

Je ne le vois pas.

LULU, agacée

Sur un dossier de chaise.

JO

Puisque tu sais où il est, tu devrais venir le chercher toi-même.

LULU

Ah ! Ce que tu es emmerdant.

Elle paraît, en tenue légère. C'est une jeune femme, un peu replète mais pas trop laide et énergique. Elle s'exclame à la vue de Jo :

LULU

Tu n'es pas encore levé ?

JO

Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

LULU

Tu sais l'heure qu'il est ?

JO

Il n'est pas huit heures puisque tu n'es pas encore partie.

LULU

Et tu as rendez-vous à neuf heures et demie.

JO

Je sais, c'est moi qui te l'ai dit.

LULU, tout en s'habillant :

Tu te rends compte que tu as tout Paris à traverser ? Tu n'y seras jamais.

JO

C'est pour ça que je me demande si ça vaut bien la peine d'y aller.

LULU

Je croyais que c'était pour une place intéressante.

JO

Oh ! Tu sais, les petites annonces, il est rare qu'ils disent que ce n'est pas intéressant.

LULUva le secouer brutalement.

Ah ! Non. Pour une fois que tu trouves un travail qui est dans tes cordes, tu vas me faire le plaisir d'aller voir.

JO

Dans mes cordes... Après tout, je n'en sais rien.

LULU

Je croyais que tu avais téléphoné.

JO

Oui, mais tu sais, au téléphone... Il est difficile de se rendre compte.

Un temps. Elle continue de s'habiller.

JOdemande :

Tu ne veux pas mettre la radio ? Ça va être l'heure des informations.

LULU

Elle ne marche plus : les piles sont mortes.

JO

Tu n'en as pas acheté d'autres ?

LULU

Tu devais t'en charger..

JO

Ah oui ? Eh bien j'ai oublié. Tu aurais dû en acheter.

LULU

Je n'allais pas acheter des piles alors que tu m'avais dit que tu le ferais.

JO

Tu aurais dû te douter que j'allais oublier… Enfin tant pis.

Il se recouche. Lulu continue de s'habiller. Un temps. Elle s'en aperçoit soudain.

LULU

Tu t'es recouché ?

JO, se redressant en catastrophe :

Moi ? Non.

LULU

Non mais tu ne te ficherais pas du monde par hasard ?

JO

Tsss ! Tsss ! Un peu de modestie ma cocotte…du monde ?… N'exagérons rien.

LULU

Inutile de faire le rigolo. Je commence à en avoir assez de tes salades. Il y a belle lurette que tu ne me fais plus rire. J'en ai marre de te supporter toute la journée à rien foutre pendant que moi je vais au boulot. Marre de voir monsieur se la couler douce alors que moi je suis là pour le nourrir.

JO

Tout de suite les questions matérielles. Ce que tu peux être futile ma pauvre chérie.

LULU, le tirant par la manche :

Eh bien, futile ou pas, tu vas me faire le plaisir de te lever, et plus vite que ça. Allez ouste !

JO

Tu me fais mal.

LULUcrie :

Debout.

JO

C'est bon, c'est bon, je me lève.

Il le fait à regret.

Ce que tu peux être brutale !

Il essaie de l'attirer contre lui.

Alors que tu es si douce quand tu veux.

LULUle repousse brutalement.

Oui, eh bien pas maintenant. J'ai autre chose à faire si tu veux le savoir.

JO

Comme tu es bassement terre à terre.

LULUhausse les épaules.

Il y a un café chaud dans la cuisine.

Il sort, traînant ses savates. Un temps, on l'entend demander :

JO

Où est-ce que tu as mis le pain ?

LULU

Il n'y en a plus. Il reste des biscottes.

JO, revenant avec le nécessaire

pour déjeuner :

C'est tout de même désagréable de ne pas avoir un peu de pain frais pour avaler son café au lait le matin.

LULU

Si ça t'ennuie tant que ça, la boulangerie est ouverte. Ne te gêne surtout pas pour aller en chercher.

JOhausse les épaules.

Le journal est arrivé ?

LULU

Je ne sais pas. Va voir.

JO

Alors, il faut que je fasse tout dans cette maison

Il sort de mauvaise humeur pour revenir avec le journal. Il se réinstalle à table et commence à beurrer une biscotte tout en parcourant son journal des yeux.

JO

Ah ! C'est nul ces biscottes. Pas moyen de les beurrer sans qu'elles se cassent.

Un temps. Il s'est replongé dans sa lecture tout en déjeunant.

Tu ne sais pas ce que tu ferais si tu étais gentille ? … Tu irais chercher du pain à la boulangerie.

LULU

Non mais tu te fous de moi ? Je travaille moi, mon bonhomme. Dans cinq minutes il faut que je sois partie.

JO

En te dépêchant, tu n'en as pas pour plus de cinq minutes.

LULU

Non mais tu me prends pour une courge ou quoi ?

JO

Ce que j'en disais…

Encore un temps. Il sifflote tout en lisant le journal.

Tiens, c'est pas mal ça. On recherche un ingénieur électronicien pour diriger service technique. Salaire quatre mille huit cents euros, références exigées. Écrire au journal qui transmettra. C'est intéressant ça. Qu'est-ce que tu en penses cocotte ?

LULU

Quoi ? Qu'est-ce que j'en pense ? Tu n'as jamais fait d'électronique.

JO

Évidemment, c'est un peu ennuyeux.

LULU

Et puis tu n'as pas de références.

JO, résigné :

Non plus. C'est dommage, parce qu'au point de vue salaire, ça collait assez bien. Pour débuter s'entend.

Il soupire.

Ah ! Il n'est pas facile de trouver du travail. Le marché est vraiment très encombré.

LULU

Non mais tu te fous de moi ? Ça fait au moins la vingtième place que tu refuses depuis le début du mois. Tu ne crois pas que ça fait un peu beaucoup ?

JO

Mais enfin cocotte, tu ne voudrais tout de même pas que j'accepte n'importe quoi ? J'ai ma dignité. Je ne tiens pas à ce que tu aies honte de moi.

LULU

Ne t'en fais surtout pas pour la honte que tu pourrais me causer. Trouve déjà un travail, quel qu'il soit, je m'en contenterai.

JO

Évidemment, tu n'as aucune fierté. Seulement moi, j'en ai. Quand on a une certaine classe et un peu d'amour-propre…

LULU

C'est sans doute au nom de cet amour-propre que tu vis à mes crochets ?

JO

C'est fou la propension qu'ont toujours les femmes à tout déformer. Je ne vis pas à tes crochets : je t'aime. Ça n'a rien à voir. L'amour est au-dessus de ces considérations matérielles.

LULU

Eh bien justement, dans un couple, c'est l'homme qui travaille. Et c'est lui qui fait vivre sa femme.

JO

D'abord, tu n'es pas ma femme. Le mariage est une institution bourgeoise qui va à l'encontre de mes principes. Et puis, deuxièmement c'est faux. Soixante-huit pour cent des femmes travaillent. Je peux te fournir les statistiques, je les ai découpées dans le journal la semaine dernière.

LULU

Et les autres ?

JO

Minorité. On ne peut pas s'y référer, ce serait parfaitement antidémocratique. Et puis de toute façon, si je te suis dans ton raisonnement, les autres ne travaillant pas, elles vivent par conséquent aux crochets de leur mari, comme tu dis, ce qui est exactement la même situation que nous.

LULU

La situation inverse tu veux dire.

JO

Quoi la situation inverse ? Mais voyons ma cocotte, tu n'y es plus du tout. Tu retardes terriblement. Tu as des conceptions d'un autre âge. Enfin, l'égalité de l'homme et de la femme, ce n'est pas moi qui l'ai inventée. Je suis pour, cependant. Je trouve parfaitement odieux que la femme soit mal considérée comme ce fut le cas trop longtemps.

LULU

Eh bien justement, au nom de cette égalité, tu devrais aussi travailler.

JO

Mais c'est naturellement ce que j'ai toujours pensé. Seulement, je ne trouve pas de travail. Est-ce ma faute à moi si nous sommes si mal gouvernés et s'il y a tant de chômage ? Je t'assure que si j'étais au gouvernement, les choses prendraient une tout autre tournure.

LULU

Tu ne trouves pas de travail, seulement quand on t'en propose tu refuses.

JO

Quelle place j'ai refusée ? Tu veux parler de Grosfilon ? Non mais tu rigoles ? Ce vieux barbon réactionnaire, rosette de la Légion d'honneur et tout le bataclan. Tu n'aurais tout de même pas voulu que j'aille me commettre dans une entreprise aussi fasciste que la sienne.

LULU

En tout cas fasciste ou pas, aujourd'hui tu as un rendez-vous et tu vas t'arranger pour que ça marche. Parce que j'en ai marre de toujours te traîner à ne rien faire pendant que moi je me crève. Alors, si ce soir tu prétends encore que ça n'a pas marché, je te plaque, et puis c'est tout.

JO

Allons, allons, ne t'emporte pas ma cocotte. Tout finira par s'arranger. Il faut quelquefois avoir de la patience dans la vie. Et ça, j'en ai. Tu me connais, je suis tenace. Seulement voilà, je suis un artiste. Et malheureusement, de nos jours, aux artistes on ne fait pas souvent la part belle. C'est navrant mais c'est ainsi. Note bien que tout cela finira inévitablement par rentrer dans l'ordre. Il y a toujours eu des périodes fastes et des périodes de crises. Et puis, les artistes mettent plus ou moins de temps à percer. Et cela ne signifie pas que ceux qui mettent plus longtemps ont moins de talent, au contraire. Ce sont ceux qui refusent les compromissions. Et là, tu peux me faire confiance : de la rigueur, j'en ai. Je ne suis pas prêt à cautionner n'importe quel intérêt mercantile. Le ciel m'a pourvu d'un don : je ne me sens pas le droit de le gaspiller.

LULU

Pourvu que tu ne connaisses pas une gloire posthume.

JO