Le déchirement - Nicolas Iochum - E-Book

Le déchirement E-Book

Nicolas Iochum

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Beschreibung

Dans le cadre d’un échange universitaire, un jeune homme décide de se rendre en Russie. Logé dans une des sept sœurs staliniennes, l’université d’État de Moscou l’accueille pour une période de six mois. Durant son séjour, il est directement confronté à la violence du conflit qui oppose son pays d’accueil à l’Ukraine. Les choses n’étant pas assez compliquées pour lui, il tombe amoureux d’une jeune russe, une histoire qui, il le sent, ne pourrait que mal se terminer… Récit initiatique, Le déchirement - Témoignage d’un étudiant français en Russie lève le voile de mystère qui a entouré la vie de son personnage principal pendant plusieurs mois.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Après un cursus scolaire exigeant, Nicolas Iochum cultive l’éclectisme et s’engage dans le milieu associatif, les échanges linguistiques ou même l’écriture. Il signe ici son premier ouvrage, fruit de son expérience au sein de l’Université d’État de Moscou.

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Seitenzahl: 106

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Nicolas Iochum

Le déchirement

Témoignage d’un étudiant français en Russie

© Le Lys Bleu Éditions – Nicolas Iochum

ISBN : 979-10-377-9045-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À cet amour déchu, A…

Introduction

Un lien particulier avec la Russie

Alors que j’ai 16 ans, mon père, passionné de littérature russe et fin analyste des questions de l’est, nous fait visiter la Russie. Aventureuse à bien des égards, cette première expérience est un bouleversement. D’abord, touristes sidérés par la grandeur moscovite, nous pénétrons dans l’hôtel qui sera notre domicile durant 3 jours : l’Hôtel Ukraine, immense bâtisse qui fait partie des 7 sœurs dont la vocation, pour Staline, est de concurrencer l’impérialisme américain.

À cette époque, adolescent étourdi, nous étions loin d’imaginer qu’un jour, j’étudierai au sein de l’université d’état de Moscou, l’une de ces sœurs, réservée à l’élite intellectuelle et financière moscovite. La seconde étape de ce voyage que je qualifierais de premier rapport, de première ouverture était évidemment, Saint Petersburg, ville inspirée du modèle parisien tant d’un point de vue architectural que d’un point de vue social : on y intègre les étrangers avec un peu plus de soin et on n’y déteste pas les homosexuels. Pour entamer notre troisième étape, nous sommes montés à bord d’un train-couchette à l’occasion d’une nuit de voyage époustouflante, odorante et agitée pour arriver sur les terres caréliennes, à Petrozavodsk, où nous avons vécu chez deux personnes admirables : Micha et Olga. J’avais alors été marqué par la robustesse de ces deux personnages qui vivaient de la pêche blanche, qui recevaient leurs courriers par hélicoptère et qui se déplaçaient à motoneige à coup de carburant pour quelques roubles. Je me souviens m’être dit que les -20 degrés étaient moins violents que le brouillard français.

Enfin, dans un dernier mouvement d’aventure, nous nous sommes rendus sur l’archipel des Solovki, site chargé d’une histoire pesante, de celle d’un ancien goulag bolchevique, de celle aussi d’un monastère encore actif qui couvre l’innommable par la parole divine et par les icônes incarnées de la religion orthodoxe, qui imposent le salut. Le véritable souvenir clair que j’ai de cette visite c’est la partie de foot que nous avons menée avec d’autres enfants russes qui, techniquement, étaient moins bons que nous, mais que le pays avait rendus plus résilients, que le froid avait rendus plus déterminés. Il s’agissait de prouver à des Français, langue encore jamais entendue de leur vie, qu’ils n’étaient pas bons qu’à la vodka ou à la Kalachnikov. Un duel au sommet m’étais-je dit, un duel qui fera office de première fois sur ces îlots meurtris.

Le retour était frappant, car le dépaysement avait plutôt ressemblé à un déracinement sans contrainte. Le déracinement, c’est l’expérience brutale et forcée de la vie en dehors du monde auquel on se sent appartenir. Pourtant, ici, rien n’avait été contraint. Mais, le déracinement s’imposait tant la brutalité russe, au sens de son authenticité (au sens de la pierre brute), rendait l’expérience étonnante et même, brutale. Car je crois que l’authenticité, c’est-à-dire la manifestation sans artifices est intrinsèquement brutale, car elle s’impose directement à la conscience, sans passer par des détours artificiels.

Ainsi, à 16 ans, j’étais revenu en France, ouvert à l’étonnement que j’espérais creuser encore.

C’est ainsi que nous nous y sommes rendus trois fois, suivant toujours cette même méthode qui consiste à voir le panel le plus large de la population russe : de l’immensément riche, protégé par des gardes du corps aussi brutaux qu’impressionnants, à l’habitant pêcheur. Cette méthode décroissante commençait toujours par un Bania luxueux et finissait par celui qui sert littéralement de bain au fond du jardin, en face du lac gelé. Je m’étais dit que le Bania dont beaucoup de Russes disposent était l’élément, par excellence, de l’expression du niveau de vie. Le riche l’utilise comme moyen de distraction quand le pauvre en fait son outil de lavage des corps. Les bains russes ne mentent pas…

Et c’est ainsi que mes approches progressives de la Russie ont participé à un intérêt très particulier, à une forme d’admiration que je ne saisissais pas, à une forme de sentiment perturbant d’appartenir, en quelque sorte, à une population qui n’était pas la mienne.

Bien des années plus tard, après une classe préparatoire, un master en finance d’entreprise dans une école de commerce et une licence de philosophie, j’ai l’opportunité de choisir une destination pour y faire un échange universitaire international. Il s’agissait de décrocher un classement suffisamment bon pour pouvoir prétendre à intégrer la meilleure et celle qui me tenait évidemment à cœur : l’université d’état de Moscou. J’ai été admis.

C’est ainsi que je prépare, en septembre 2021, mon départ pour Moscou, mon voyage qui s’avérera historique au sens de mon histoire singulière et de l’Histoire tragique que nous connaissons. C’est ainsi que deux degrés d’histoire s’entremêlent et frappent mon âme de toute leur puissance. Je définis ici mon âme comme mon for intérieur, cette partie de moi qui perçoit l’amour, l’admiration, le sublime et le déchirement.

Cet ouvrage se veut être un essai ou une tentative comme je préfère le dire. Une tentative imparfaite, souvent subjective, mais que je crois légitime étant donné ce que j’ai vécu durant 5 mois dans le pays le plus mystérieusement et cyniquement brutal du monde. Ce sera mon analyse d’un pays riche d’une culture monumentale, d’une authenticité aussi farouche que frappante et d’une sorte de digne pudeur dont on comprend plus tard qu’il s’agit de la peur.

Ce sera aussi la tentative de la mise en ordre d’une pensée que je crains ne plus être capable de figer plus tard et dont je doute parfois de la crédibilité du fait du temps qui passe et des falsifications massives. Le souvenir est fragile alors, j’écris avec urgence, la déchirure historique qui frappe le monde et moi. Pour ne pas oublier, pour prendre sa responsabilité, au sens de faire sienne son histoire et de se définir dans la lignée de la paix et de la vie.

Alors que l’amour m’a frappé en Russie, je m’interroge : ai-je le droit d’aimer une femme russe qui n’a connu que Poutine comme chef, qui n’a connu qu’une vision, qu’une falsification systémique qu’elle prend pour vraie parce que c’est sa vie, sa famille et son devoir ? Ai-je le droit moral de subir le manque d’une vie que j’ai aimée en Russie ?

Face à l’incertitude de mes sentiments, de mes mots, de l’imperfection de la perception, je développerai cette tentative avec une méthode de rédaction précise : je prendrai systématiquement un exemple précis dont j’ai été le témoin direct et j’en tirerai les conséquences logiques d’une pensée que je veux rigoureuse et la plus objective possible dans un monde où la désinformation se veut l’arme de destruction massive la plus efficace.

Le stéréotype,

un dangereux symptôme de défiance

Avant d’entrer méthodiquement dans l’analyse de la Russie et de son peuple, je tiens dans un tout premier temps à insister sur les stéréotypes permanents qu’entretiennent certaines personnes vis-à-vis du peuple russe. Loin de moi l’idée de blâmer qui que ce soit, mais nous verrons à quel point ces stéréotypes sont essentiels pour bien saisir la pensée russe générale. En effet, les préjugés ont tendance à enfermer les individus dans une forme de détermination et de prison psychique, qui consiste à réduire la pensée de tout un peuple, de toute une partie du monde à quelques idées préconçues. Dans l’être et le Néant, Sartre parle ainsi de « séparation ontologique originaire des consciences », c’est-à-dire de lutte des consciences entre les individus dans la mesure où chacun réduit l’autre pour en faire l’objet d’une analyse qui se veut rationnelle et simplifiée. Mais évidemment, personne ne veut être soumis à la représentation réductrice et en outre, péjorative de soi. C’est ainsi que chacun, désirant être saisi dans toute l’étendue de soi, manifeste sa liberté en s’affirmant, en s’opposant. Dès lors, on peut dire que le stéréotype est le symptôme d’une réification de l’individualité comme objet de la projection de la conscience d’un autre sur lui. La réaction possible de celui qui subit ce processus de chosification est double : s’y opposer fermement en affirmant sa liberté et en démontrant par une argumentation plus logique que l’accusation qu’il subit, qu’il est autre chose que cette réduction. L’autre possibilité, c’est l’abdication et l’enfermement délibéré de soi-même dans cette représentation. Le problème majeur du stéréotype européen vis-à-vis de la population russe dont elle dit, il faut être clair, « qu’elle est une population d’alcooliques ; que les femmes veulent voler l’argent des touristes ; qu’elles feront tout pour prendre vos papiers ; qu’ils sont violents et nationalistes ; qu’ils tirent toute la journée à la Kalachnikov… », participe à une forme d’humiliation du peuple russe qui est tout à fait conscient, par ailleurs, de ce qu’on dit de lui.

Il faut bien comprendre que chacun s’est déjà amusé d’un préjugé, pire encore qu’il le véhicule sans se rendre compte de sa férocité malveillante et en pensant, en outre, être à l’initiative de l’élaboration d’une vérité évidente, c’est-à-dire qui apparaît vraie immédiatement à l’esprit. Le préjugé, associé à la force de martelage permanent permis par les réseaux sociaux viennent, ensemble, abîmer la perception du Russe à l’échelle mondiale.

Le problème majeur, c’est qu’entre autres, le chef russe ne peut se placer qu’en position victimaire face aux vagues fantasmagoriques des individus qui se prêtent au jeu.

Il s’agit pour le chef russe d’une véritable aubaine : il a un bon argument pour rallier la jeunesse à sa cause en avançant que les Européens les martyrisent et les humilient tout en essentialisant toute l’Europe afin de déterminer un ennemi commun.

Pour résumer, sur un fond de ridiculisation du peuple russe auquel participent quelques imbéciles sur les réseaux sociaux (notamment TikTok), le chef russe affirme depuis 22 ans que les Occidentaux humilient le peuple et qu’il va redonner sa grandeur à la Russie. Le russe lambda de 21 ans, qui n’est jamais sorti du pays et qui n’a connu que Poutine va évidemment être partisan de ce discours.

Je crois que Socrate dans l’apologie de Socrate de Platon l’avait déjà fait remarquer en -399 av. J.-C. Il dit « Je ne sais trop, Athéniens, quel effet mes accusateurs ont pu produire sur vous. Pour moi, en les écoutant, j’ai failli oublier qui je suis ». Dans notre cas, les Athéniens, ce sont les Russes, confrontés au martelage permanent des idées gouvernementales ; les accusateurs sont évidemment, le chef russe et ses collaborateurs et l’on pourrait dire que Socrate est par exemple celui dont on ne peut citer le nom en Russie : Navalny. Loin de moi l’idée d’associer un philosophe et un homme politique russe, mais, que ce soit clair, il est l’un de ceux qui a dénoncé, apporté des preuves claires des activités de l’état russe, subi une tentative d’empoisonnement et fini dans les geôles sibériennes après un jugement dont la décision finale était connue d’avance. La ressemblance historique me semble frappante. Socrate l’avait prévenu. L’humanité a-t-elle évolué ?

Je ne veux rendre personne responsable de la dictature poutinienne sinon son maître lui-même, mais il faut bien admettre que l’Europe et les États-Unis ont largement contribué à donner matière au chef russe pour sereinement installer sa parole et son discours de propagande. Ainsi, je dénonce également le manque de lucidité de l’occident sur les intentions calculatrices et macabres du Kremlin.

J’aimerais accompagner cette analyse d’un exemple très précis de ce type de préjugés auquel, quasiment inconsciemment, nous contribuons tous. Alors que j’étais en stage au sein d’une banque française, mon chef de service m’a demandé sur un ton évidemment narquois : « Tu vas faire quoi en Russie ? Boire de la Vodka et baiser des Russes ? » J’aurais aimé répondre que c’était aussi le pays des Tolstoï, Dostoïevski ou encore Pouchkine, mais, sa position hiérarchique me l’interdisait et, la mise en lumière de sa méconnaissance littéraire aurait probablement plombé l’ambiance.

En outre, je crois avoir compris que ma mère craignait que je me fasse prendre au piège par la gent féminine russe qui m’aurait spolié mes documents, mon sperme et mon âme. Comme si les Russes étaient les « Détraquers » d’Harry Potter.