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Le GAL et rien nous fait le récit d’une enquête et d’une instruction judiciaire à charge. Il nous présente toutes les pièces nécessaires à la compréhension du nœud de l’histoire ainsi que les témoignages qui illustrent les faits. En un tour emphatique, il s’agit de souligner, pour les décrier, les graves défaillances du système légal qui s’est quelque peu égaré dans les labyrinthes de l’absurde, dans ce qu’il convient d’appeler l’affaire Pierre Baldès. Ce dernier, vous le verrez coupable dans les premières lignes de cet ouvrage, mais, à la fin, il n’en sera rien.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Sympathique mais téméraire,
Pierre Baldès use de toute son intelligence et de sa sensibilité pour graver dans la postérité l’histoire de sa vie. Sans haine ni revanche, il nous expose le chemin ô combien tortueux vers son innocence dans
Le GAL et rien, son premier ouvrage.
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Seitenzahl: 267
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Pierre Baldès
Le GAL et rien
Roman
© Lys Bleu Éditions – Pierre Baldès
ISBN : 979-10-377-6613-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Réclusion à perpétuité : une sanction qui a été une période d’exil total, hors de la vie.
Imaginez l’état mental d’un homme privé de tous les êtres qu’il aime, de sa maison, de ses habitudes, de tout ce qu’il possède, et cela en totale injustice. Il aurait pu devenir un homme vide, dénué de tout discernement, réduit à la souffrance dans des conditions rendues difficiles par la crasse, la promiscuité, les insultes, parfois la violence, inactivité, etc., etc.
Tout cela ne donne pas une image réelle de ce qu’est une longue peine de prison. C’est devenir un absent, un mort sans acte de décès.
L’écriture, me semble-t-il, fut une expérience toute personnelle, une sorte d’exaltation, parfois même un exutoire qui est né d’une situation. Capter des mots, les interpréter selon ma sensibilité fut le lev motif de ce récit et l’esprit dans lequel je me trouvais. Mon vécu fut aussi mon carburant, je ne fais que suivre mon périple et invite le lecteur à me suivre dans ma démarche.
On pourra constater dans ce récit que le soleil est presque toujours absent, que l’injustice, ici, n’est pas le fait d’une coïncidence, encore moins d’une hypothèse, mais d’une volonté farouche, indécente de sacrifier la vie d’un homme sur l’autel de la calomnie avec pour seul élément : l’intime conviction.
L’intime conviction, pour légale soit-elle, est suspecte, car subjectivement une intime conviction éveille que le doute, mais objectivement, elle ne peut en aucun cas constituer une preuve, à la même enseigne que les coïncidences.
C’est donc au lendemain de mon procès qui s’était conclu par la réclusion criminelle à perpétuité que j’avais demandée à mon avocate, Maître Claudine E… de TARBES, venue me rendre visite à la maison d’arrêt, de me transmettre la copie intégrale du dossier ; je voulais savoir ce qu’il contenait réellement, ce qui avait ou pouvait justifier une telle condamnation.
Dès que j’eus le dossier, je fis un premier constat ; à ma grande surprise, alors que je pensais à une pile de paperasse, je fus en face d’un paquet qui contenait deux cents pages, rapports d’expertises comprises…
Je m’appliquais néanmoins à sa lecture, j’essayais, non, en fait je cherchais à découvrir ce qui avait pu motiver les juges et jurés, à me croire coupable.
Doutais-je de mon innocence, penserez-vous ? Non ! Mes doutes étaient d’une autre nature ; je ne comprenais pas que l’on m’ait condamné alors que je savais pertinemment que je n’avais rien fait pour mériter cela.
Je ne comprenais pas que mon avocat Toulousain Maître F… ne se soit pas battu comme il avait pour habitude de le faire, en vrai spécialiste des Cours d’Assises et d’affaires Criminelles, car, c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une affaire criminelle.
Dans cet état d’esprit, qui oserait prétendre ne pas avoir de doutes ?
J’ai dû recommencer plusieurs fois la lecture du dossier, fastidieuse certes, mais à la fois difficile et captivante.
Difficile, car peu, voire pas du tout habitué à ce genre de lecture empreint d’un jargon subtil qui, jusqu’alors m’était inconnu.
Captivante, car au fur et à mesure que j’avançais, que je comprenais, m’apparaissait l’invraisemblance de la méprise. Je constatais avec effarement toute une certaine énergie employée à m’accabler !
Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’elle devenait mienne, que je résolus d’y avoir une participation : me battre.
De mon attitude, de mon apparence, il en fut question tout au long des trois jours de débats que dura le procès.
En expliquant aux Jurés la raison de ce meurtre ; les tenants et les aboutissements du GAL (groupe antiterroriste de libération). J’ai été condamné, non pas au vu de preuves, il n’y en avait pas, mais en raison de l’image que l’on avait tracée de moi.
Le réquisitoire de l’Avocat Général, mais aussi les plaidoiries de Parties Civiles, eurent pour fin d’éclairer la vraisemblance de ma culpabilité tel qu’ils m’imaginaient dans leurs descriptions, tel qu’ils me voyaient ; dès lors, il a semblé logique que je fusse coupable, puisque même mon avocat ne prit la peine d’expliquer pourquoi je ne pouvais pas être coupable.
Dans cette lecture appliquée du dossier, je notais :
1. L’absence de preuves ;
2. L’absence d’aveux ;
3. Les différents rapports d’expertises balistiques ;
4. Les abondants témoignages contradictoires ;
5. Une enquête précipitée ;
6. Une instruction rapide et uniquement à charge.
De ces grandes lignes il ne me restait qu’à analyser mes réflexions, en commençant par les témoignages.
Je me suis donc intéressé aux descriptions abondantes du tireur par les témoins.
Les contradictions devenaient apparentes, évidentes, fantaisistes, autant de signes de mon innocence, que je vous invite à lire dans les pages qui vont suivre, celles-ci constituent une analyse pour réfuter les charges qui pèsent sur moi ; écrasantes, ont-ils dit ! Vous constaterez qu’elles n’écrasent que la vérité de ma non-participation dans cette affaire.
Il me plaît d’être seulement coupable d’innocence ; j’ai été l’objet d’une condamnation idéologique. Je le démontre en tant que tel et je mets les Magistrats, Policiers et Jurés devant le fait accompli, je vous laisse, lecteur, découvrir la nature politique et policière de cette affaire.
Le texte décrit une affaire judiciaire, une histoire dramatique, douloureuse, difficile à supporter par tous, et qui, malheureusement, peut arriver à n’importe qui.
Si dans l’esprit du lecteur se manifeste un sentiment d’injustice, il ne doit pas s’arrêter après la lecture, mais au contraire, car le premier objectif que je souhaite sera que l’on se pose des questions, et pour ceux qui voudront se donner la peine de méditer et peut-être même considérer avec attention le caractère sommaire et injustifié des affirmations, qui m’ont valu la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, je considérerais en effet, comme un signe de disponibilité qui, au lieu de s’attaquer aux choses pour les transformer conformément aux besoins de l’homme et les consommer, les accueillent dans leur nature propre et s’étonnent de ce qu’elles sont.
C’est pourquoi, mon rôle sera donc, de souligner les incohérences évidentes de ce dossier, car je ne puis accepter la règle du jeu qui a fait de moi un criminel condamné à la prison à vie, par un procès inéquitable, bâclé et par certains côtés discriminatoires.
Je n’ai rien inventé, je n’ai rien imaginé. Tout ce qui va suivre est vrai, authentique et malheureusement vécu.
Cette histoire-là, je n’ai qu’une seule façon de la raconter, la mienne, sans complaisance avec personne et en premier lieu, avec moi-même. J’ai laissé faire par négligence, par manque de culture, de savoir et en particulier dans le monde judiciaire qui a ses codes, son langage qui est une énigme pour des individus bien souvent en marge de la société, un monde bien à part où seuls les initiés savent et tirent les ficelles.
Comment écrire une histoire que l’on ne comprend pas, qui a existé pourtant, puisque malheureusement, je l’ai vécue ? L’ai-je rêvée ? L’ai-je imaginée ? Comment vais-je trouver les mots, le fil conducteur ? Il m’a fallu pourtant bien commencer par écrire quelque chose, c’est tellement difficile et compliqué.
Je le fais pour de multiples raisons. Peut-être pour me convaincre que je l’ai vécue. Pour expliquer aussi l’affaire, pas pour convaincre de mon innocence. Je la sais et a mes yeux, aucun argument ne se justifie pour la faire reconnaître. C’est l’objet de ce livre : Le GAL et rien.
Bien que je sache qu’il est délicat d’écrire et à plus forte raison une affaire judiciaire dont je suis le principal intéressé, je le fais pour deux raisons :
La première :
Après tout ce que l’on s’est permis d’écrire ici et là sans me connaître, il me paraît indispensable que je m’exprime, que je prenne la parole et raconte ma mésaventure.
La deuxième :
Parce qu’il est à la fois injuste et insoutenable que je ne fasse pas sortir de l’ombre l’inexactitude des faits qui me sont reprochés. Ils constituent à mon sens une qualité sérieuse de nature à permettre une réhabilitation. Aussi, persuadé de ce que j’entreprends, je m’y engage tout entier et on s’apercevra en me lisant que je ne puis écrire ces lignes qu’en prenant des distances avec les personnes citées.
Certes, je suis conscient que mes réflexions ne seront pas du goût de tout le monde, mais je ne suis pas là pour écrire uniquement des mémoires, je suis contraint d’en parler, ma vie a été en jeu sans que personne ne s’en soit soucié, je n’ai donc pas à être complaisant.
Puisque je vais évoquer divers témoignages de personnes concernées, ce qui importe avant tout, c’est de saisir le sens de ces conduites étranges, comprendre la cause et la justification de ces excès. Cela équivaudra à les reconnaître en tant que faits humains avec leurs parts d’erreurs et les accepter en tant que caractères aberrants d’actes purement instructifs qui justifient les excès de ce genre.
De toutes les activités que nous propose le monde, aucune peut-être ne requiert davantage de nous-mêmes que d’être simplement honnêtes.
Je n’ai nullement la prétention d’être un saint, je veux parler ici de mon innocence, je l’écris et le l’affirme.
Je me souviens que c’était hier, que ce sera aussi demain, car l’immuable n’habite pas seulement les murs, l’immuable habite en nous, en vous, et dans la mesure où vous ne me croiriez pas ou que vous feriez semblant, c’est pour prouver que ça m’est arrivé que je pense que ça vaut la peine que je l’écrive.
Non ! Je n’ai pas commis l’attentat dont on m’a accusé d’en être l’auteur le 29 mars 1985 à Bayonne.
Innocent, j’ai droit à la justice.
Aujourd’hui, bien des années plus tard, dans le calme relatif à la détention, quand tout semble s’être éloigné, que les passions se soient éteintes et que des informations sur le problème basque et ses conséquences se soient révélées au grand jour, il me semble que ce qui s’est passé est relativement simple pour en parler. En fait, une seule manière s’impose à moi, ramener l’affaire à ce qu’elle fût réellement, concernant ma participation, c’est-à-dire… à rien.
Connaissant la chronologie rigoureuse des faits, j’ai commencé par me faire une idée des choses à travers cette masse complexe d’informations.
Mon analyse de cette affaire m’a amené à certaines conclusions que l’honnêteté devrait m’obliger à rester prudent avant de les formuler, cependant, je passerais outre la prudence, puisqu’à mon tour je prétends témoigner de ma bonne foi.
J’ai donc remarqué que pour la société en général, il est un besoin souvent de suivre des opinions qu’on sait fort incertaines. Ainsi, j’en ai conclu qu’il n’y avait aucune chose qui fut telle qu’on la fait imaginer. Ceci, parce qu’il y a des hommes et des femmes qui se méprennent en raisonnant, en jugeant. Ils ont pensé que j’étais sujet à faillir, non pas autant que n’importe qui, mais plus qu’un autre.
Partant de ça, il a donc fallu que je fusse coupable, que la police, le Magistrat instructeur, le Parquet, la Chambre d’Accusation ne se soient pas trompés. En quelques mots, que la machination ne fût découverte ; il s’agit d’un complot et j’emploie ce mot à dessein.
C’est dans cet engrenage que je fus pris, malaxé, broyé, condamné. Parcourant mon dossier, j’ai pu déchiffrer que si le hasard pouvait être à l’origine de mon arrestation, il n’a plus sa place dans le déroulement de l’enquête, de l’instruction et du procès d’assises.
Je le disais donc, si mon arrestation est mise sur le compte du hasard, sur un concours de circonstances, il faut aussi tenir compte du chaos dans le Pays basque, d’un contexte politique sur des charbons ardents, une fusillade de plus et un homme qui se trouve malheureusement aux abords. Voilà le hasard s’arrête là, mais tous les ingrédients sont là…
En cette année 1985, le chaos régnant dans le Pays basque français, l’opinion publique, le gouvernement réclamaient les coupables. Les pouvoirs publics se devaient de les trouver et les livrer à la vindicte populaire. Pour cela, il fallait que la police, le pouvoir et la presse se distinguent. Ils reçurent des ordres.
Les attentats se succédaient aux attentats, la police ne trouvait pas. La presse se déchaînait et accusée, la police était prête à arrêter n’importe qui…
N’importe qui, ce fut moi…
Comment cela a-t-il pu se faire ? L’enchaînement est simple, je fus pris a parti par un groupe de personnes excités, tabassé et livré aux services de police qui traînaient par là. Ça y est, la machine est en route et rien n’y fera pour l’arrêter, bien au contraire. Comme on ne sait rien, on invente, il faut que ça colle, il faut que ça ait l’air vrai, tant pis pour les conséquences, d’ailleurs, il n’en n’y aura pas, qui va se soucier d’un délinquant, inculte et à moitié gitan basané ?
Premiers alliés : les témoins, bien malgré eux. Comme ils ne sont pas très éloquents et qu’ils ne savent pas grand- chose, il faut les aider… Faisons confiance à la police, ils savent très bien faire ce genre de manipulation.
La presse y a sa part : la désignation par la presse du moindre suspect vaut à la fois d’accusation et de verdict, aider en cela par les services de police, il serait vain de le nier, de ne pas l’admettre.
Le lynchage médiatique sans pitié, sans retenue, sans recours aboutit à pervertir le système judiciaire et ce qui est d’autant plus grave et inadmissible à détruire des vies.
Le principe de l’analyse policière a présidé à instruction au détriment de la recherche judiciaire.
Mes reproches s’adressent donc en premier lieu à la police, plus exactement, aux enquêteurs de cette affaire et principalement au commissaire chargé de l’enquête, Roger BOSLE (partie prenante aux problèmes basques, on le verra plus tard) il est l’auteur de la synthèse (la saisine), d’où il apparaît qu’il a tiré un peu trop rapidement ses conclusions après l’attentat et mon arrestation, je dirais plutôt, mon agression.
Pour formuler cette accusation, je m’appuie sur la parution du journal la nouvelle république du 30 mars 1985 : (voir planche 1 en annexe) Un tarbais tue un jeune homme.
Énonçant les circonstances de l’attentat, de l’arrestation et publiant ma photographie. Dès lors, une question peut être posée : Qui, sinon les services de police, a dévoilé en quelque sorte le secret de l’instruction ? Que dis-je ? Instruction, ce n’est que le début d’une enquête, puisqu’arrêté la veille, un juge n’est pas encore nommé… Un individu, quel qu’il soit, arrêté et suspecté, n’est-il pas, selon la loi française, présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit jugé et reconnu coupable ?
Ces déclarations prématurées et maladroites révèlent en fait la manœuvre, le doute n’est pas permis. Les policiers du SRPJ de Bayonne, dirigé par le commissaire Bosle, ont passé toute mesure et il n’est de l’intérêt de quiconque, ni de la justice, ni de la police, ni de l’État de se solidariser avec eux dans cette affaire.
Ce qui pouvait paraître vrai fut plus important que ce qui était vrai. Évidemment, cela leur a facilité les choses. Il fallait qu’ils se fournissent un moyen de s’en sortir. La police s’est autoconvaincue que le coupable était celui désigné et fourni par l’opinion publique. Il fallait un coupable pour la société. Ils en avaient trouvé un. Ce fut alors l’enchaînement : Lacunes volontaires, témoignages erronés, une machination montée e toute pièce. Il n’existe pas l’ombre d’une preuve, je l’affirme. On remplira ce dossier d’artifices par la suite car désormais il faut monter l’affaire. On renversera le principe essentiel de la loi Française, selon lequel, au lieu de prouver la culpabilité e l’accusé, celui-ci sera présumé coupable et ce sera à lui de prouver son innocence…
Prouvez que vous êtes innocent, voilà ce que l’on peut lire entre les lignes du dossier.
Quant à cette police et au juge d’instruction qui ont entraîné l’inculpation et la détention ils n’ont pensaient qu’à à se justifier, car l’affaire faisait déjà grand bruit. Pour se protéger de leur erreur, ils accusèrent sans preuve. Dès lors qu’il avait été décidé que j’étais coupable de cet attentat, à quel homme va-t-on demander de prouver son innocence ?
À un ouvrier cuisinier dont les origines sont étrangères que rien n’a préparées à un tel combat !
Je reproche également au magistrat instructeur sa partialité. Cependant, sa défaillance est d’une autre forme. Je veux dire que c’est quand même en partie et contre son gré, que grâce à lui qu’une partie de la vérité peut apparaître.
Ce que je lui reproche, c’est de ne pas avoir fait tout ce que son rôle lui demandait d’effectuer. Sans doute recevait-il des instructions d’en finir et d’en finir vite (sept mois d’instruction, alors que dans toute affaire criminelle le délai varie entre dix-huit mois et deux ans, voire davantage) mais il n’avait d’instruction à recevoir de personne, que de lui seul.
Devant son dossier vide et l’homme arrêté, inquiétait-il ? Possible ! Mais la police le rassurera en garnissant tant bien que mal son dossier, car, je le disais plus haut, dès les premières heures, elle s’est autoconvaincue de tenir le coupable.
Cependant, à côté de la forme il y a le fond, or, ce dossier ne contient ni preuve, ni aveu et comment pourrait-il en être autrement ? Ils n’ont abouti qu’à des résultats relativement décevants, c’est la raison de leur échec. Quand on cherche ce qu’il n’y a pas, forcément, on ne trouve rien… Alors, quand au-delà des mauvaises intentions la réalité est tangible, le paysage se fait moins flatteur.
Dès lors, on interrogea les témoins, on les convaincra de tenir l’assassin, on les convaincra que s’ils n’aident pas la police, s’ils n’aident pas la justice, le suspect, quasi coupable, sera remis en liberté.
Il n’est pas difficile de suggérer à demi-mots ce que l’on veut entendre, et l’on peut faire confiance en la police dans ce domaine, à son langage écrit, parce que les témoins, ne peuvent pas ne pas croire en elle, ils sont prêts à l’aider et au besoin, à forcer la vérité avec bonne conscience et bonne foi. Il s’agissait de châtier un criminel.
À qui le magistrat veut-il faire croire qu’il ne s’en est pas rendu compte ?
À ces défaillances s’ajoutent, tout aussi grave, celles du parquet.
Il faut savoir qu’au-dessus du juge d’instruction, la chambre d’accusation contrôle et statue sur une instruction. En ce qui me concerne, elle a manqué à sa tâche, à sa fonction, à sa raison d’être. Comment expliquer sinon qu’elle ne s’est pas aperçue des lacunes, des anomalies qui jalonnent tout au long de ce dossier ?
Est-ce que par hasard, par surcroît de travail, elle ne l’aurait pas lu ? Ou… Les magistrats auraient fait ce qu’il fallait ? Y a-t-il eu concertation en haut niveau ?
À moi, cela me paraît évident, des indices me permettent de faire cette supposition, voire même de le penser.
Vous êtes à même de penser que le propre du dispositif de sécurité de notre système judiciaire veut que son fonctionnement ne laisse aucune trace. La réalité de leur puissance et de leur solidarité n’a ni lieu ni visage. Un seul peut parler au nom de tous. Sa faiblesse ou sa force, c’est selon, de l’institution judiciaire, c’est la solidarité entre collègues. Plutôt que de dire la vérité, on préfère éviter d’être désagréable entre confrères.
La justice ne devrait pas être ainsi. Rien n’est aussi important que la vérité, hélas, on ne néglige que cela.
Il ne serait pas juste, si je ne citais pas ici, qu’à côté des défaillances que j’ai mentionnées, celle de la défense : mon avocat.
La défense n’a pas fait son devoir.
Elle se devait de demander des compléments d’enquêtes, elle ne l’a pas fait !
Elle se devait de protester contre certains témoignages, dénoncer le faux, en tout cas, les fausses déclarations. Elle ne l’a pas fait !
Elle se devait de dénoncer la machination, la manipulation. Elle ne l’a pas fait !
Dans une affaire de ce genre, comme dans d’autres d’ailleurs, il ne fallait épargner rien ni personne, ne pas s’épargner soi-même, il fallait aller jusqu’au bout de sa tâche, en assumer tous les risques, car, il n’est pas de plus grands risques, il n’est pas de grande faute que celle de laisser condamner un innocent, monsieur l’avocat.
Trop souvent la défense joue le jeu, elle mouchette ses armes pour les rendre inoffensives et les brandit avec courtoisie. Lorsque la justice réclame la condamnation d’un innocent sans être en mesure de prouver sa bonne foi, le temps de la courtoisie n’a plus sa place, celui de la connivence non plus. Être auxiliaire de la justice, ici, avocat de la défense, signifie qu’on doit aider la justice et non pas se courber devant ses défaillances, tel est mon constat.
Et enfin, mes reproches ne seraient pas complets si je ne disais très clairement, qu’à cette époque-là, il y eut un certain nombre de déclarations de journalistes, en tout cas de la presse française, qui mériteraient d’être critiquées à défaut d’être condamnées.
Il faut bien admettre et il serait vain de le nier, l’influence de la presse sur les esprits. Elle fait défait l’opinion, elle malaxe les cerveaux, impose ses jugements, fournit jusqu’aux mots que l’on n’a plus qu’à utiliser. Formidable rouleau compresseur ! La plus puissante machine (de standardisation) que l’homme ait pu inventer.
La confrontation de l’indiscrétion par devoir professionnel des journalistes, ces procureurs du public, avec le devoir obligé des enquêteurs et des juges d’instruction est forcément conflictuelle et, malheureusement, ce n’est pas toujours la discrétion qui l’emporte. Le secret de l’instruction est de plus en plus méconnu par ceux-là mêmes qui en ont la charge. Lorsque les mœurs établissent d’une manière aussi formelle qu’une loi peut être transgressée, peut-on parler du secret d’une instruction ? De la sérénité d’un procès ?
Comment peut-on prétendre juger impartialement une cause dont le parti est pris d’avance et l’issu certaine ?
Comment peut-on juger un individu équitablement s’il est déjà condamné par les médias, alors que tout individu qui doit comparaître est présumé innocent ?
Où, l’on conserve l’instruction traditionnelle qui s’inscrit dans un système inquisitoire et qui implique bien évidemment le secret, où, on adapte le système accusatoire dont le signe distinctif est la transparence. Dans les deux cas, un impératif : Préserver la présomption d’innocence.
Si les premiers Rois de France ont toujours voulu imposer l’administration d’un pouvoir central aux provinces conquises, la tradition de la couronne espagnole a été au contraire, de laisser vivre les particularismes culturels et juridiques. On a toujours été Castillan, Catalan ou Basque, avant d’être Espagnol.
C’est seulement en 1876 qu’ont été abolis les privilèges ancestraux de la province basque et qu’elle a été soumise au régime général.
Habitués à l’autonomie, dès cette époque, les Basques voient, dans la centralisation, le symbole de l’oppression du pouvoir madrilène.
Après un bref retour à un système d’autonomie sous la deuxième république en 1936, c’est la guerre civile, le bombardement de Guernica en 1937 et la victoire de Franco en 1939. Le régime franquiste est un modèle de centralisme. Guernica reste une plaie béante dans le cœur du peuple basque : le fossé s’est élargi.
Le nationalisme basque avait été théorisé à la fin du dix-neuvième siècle pas Sabino Goïri. Ce fils de bourgeois traditionaliste rejette non seulement le pouvoir madrilène mais aussi les immigrés venus d’autres régions pour travailler dans les mines de charbon et la sidérurgie. Il les considère comme des secteurs du machinisme et de « la débasquisation ».
Sabino Arana Goïri crée le P.N.V. (parti nationaliste basque), qui rallie surtout la paysannerie et les classes moyennes perturbées par la révolution industrielle.
À cette époque, le P.N.V. est toujours traditionaliste. Il ne se préoccupe pas de lutte de classe. Après la victoire de Franco, le pays continue à s’industrialiser.
Le paysan se prolétarise, le P.N.V. se gauchit.
Mais de jeunes loups le trouvent décidément trop modéré. Ils le quittent pour fonder l’ETA (Euskadi Ta Azkatasuna, le Pays basque et ses libertés).
Sa création remonte au 31 juillet 1959. Si le nom est resté inchangé, le contenu de l’organisation a vite évolué. ETA est rejointe à partir des années 1960, par une mouvance révolutionnaire.
Elle jouit à ses débuts d’une grande popularité, non seulement au Pays basque, mais aussi dans le reste de l’Espagne pour son opposition frontale au régime dictatorial du général Franco.
Chaque militant reçoit une formation de six mois, fondée sur l’apprentissage des théories de Sabino Arana et de l’histoire de la province. Au terme de ce stage, chacun doit prêter le serment de garder à jamais le silence sur ces activités et celles du mouvement.
Autant la P.N.V. était profondément catholique, autant l’ETA se veut laïque.
Durant deux ans, les nouveaux résistants se contentent d’inscriptions sur les murs.
Les attentats débutent en 1961 : un explosif est placé dans l’ascenseur du gouverneur de Vitoria, un autre dans l’immeuble de la police de Bilbao. Une troisième action, la tentative de déraillement d’un train échoue.
En 1962 a lieu sa première assemblée, dans laquelle elle est définie comme une « organisation clandestine révolutionnaire ». 1965 commencent les attaques à main armée et l’encaissement de l’impôt révolutionnaire (extorsion de fonds auprès des Basques).
Le 7 juin 1968, le policier José Pradines Arcay est abattu. L’auteur, Txabi Etxebarrita, est abattu par la police.
Le 2 août, en représailles, le commissaire Meliton Manzanas, un tortionnaire notoire, est abattu par ETA.
Jusqu’au début des années 1970, les coups de main de l’ETA restent peu nombreux. Il faut dire que la police de Franco ne lésine pas sur les moyens lorsqu’elle arrête des militants.
L’activité du mouvement est essentiellement idéologique. Il se définit clairement en revendiquant la violence et en prônant la révolution et dispose d’une branche militaire qui prend modèle sur le F.L.N. algérien.
La popularité de l’ETA est certaine. Elle s’affirme au grand jour lors du procès de Burgos. Neuf des seize militants séparatistes jugés sont condamnés à mort. Malgré la répression franquiste, des manifestations se déroulent presque chaque jour dans le Pays basque pour qu’on leur laisse la vie sauve.
Soutenues par l’église de la province, elles réunissent au coude à coude des nationalistes modérés et radicaux et tous les opposants à Franco.
Dans toute l’Europe, les opinions publiques se mobilisent également pour obtenir la grâce des condamnés.
L’ETA apparaît, désormais, comme la seule structure organisée capable de s’opposer à la dictature franquiste, c’est ce qui explique la sympathie dont elle jouit à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières.
L’organisation commet plusieurs attentats avec mort d’hommes. Sa popularité n’en souffre pas puisqu’elle vise essentiellement des franquistes « durs » et des membres de la Guardia Civil, la police du dictateur.
Le 20 novembre 1973, c’est l’assassinat de l’amiral Luis Carrero Blanco, chef du gouvernement, bras droit et successeur probable du dictateur Franco. Cet attentat eut un rôle dans la fin du régime franquiste.
À partir de 1974, l’accroissement des attentats de plus en plus in discriminés aboutit à la scission d’ETA en deux branches, l’une dite « ETA Militaire » composée en grande partie d’exilés vivant au Pays basque français qui privilégient l’action militaire et l’autre, « ETA politico-militaire », composée principalement de militants vivant au Pays basque espagnol et qui donnent de l’importance aux actions politiques, en s’exprimant par le bulletin de vote, sans pour autant renoncer au terrorisme.
Les attentats se multiplient jusqu’à la mort de Franco en novembre 1975.
Son successeur, Juan Carlos, entame le processus de démocratisation. On pense alors que le problème basque va se résoudre puisque le nouveau régime a décidé d’octroyer un statut d’autonomie à la région. C’est le contraire qui se produit ; il va devenir de plus en plus complexe.
En fait, à la veille d’engager des négociations avec le nouveau pouvoir, le mouvement basque connaît de multiples scissions. C’est le P.N.V. qui mène les discussions sur le statut d’autonomie avec le gouvernement de centre droit d’Aldolfo Suarez.
Elles aboutissent au statut de Guernica, voté par le parlement en juillet 1979 (par 94,60 % de l’électorat basque et 41,14 % d’abstention) et ratifié par référendum trois mois plus tard, fait du Pays basque l’une des régions les plus autonomes d’Europe.
Le P.N.V. a évidemment appelé à voter oui, mais une partie de l’ETA politico-militaire a préconisé le non, ainsi que le Harri Batasuna, un mouvement dont les membres ont de nombreux contacts avec l’ETA militaire.
Désormais, le Pays est d’un gouvernement placé sous l’autorité d’un Lendaraki (le nom traditionnel du chef de l’exécutif provincial), lui-même assisté d’un conseil. Un parlement élu au suffrage universel contrôle le tout.
Désormais, le Pays basque possède un drapeau officiel, sa langue est reconnue (alors qu’elle était interdite sous Franco) il dispose de multiples compétences administratives, législatives et économiques, ainsi qu’en matière de police d’éducation, de culture, de tourisme et d’environnement.
Mais en fin de compte, Madrid rechigne à opérer les transferts de compétences prévus. La méfiance s’installe. L’ETA militaire accroît sa pression. C’est d’ailleurs durant la période 1978 – 1980, ou fut discuté, puis mis en place le nouveau statut d’autonomie, que le terrorisme a fait le plus de victimes.
118 victimes pour la seule année 1980, année de la formation du parlement basque.
1982, des pourparlers ont lieu entre le gouvernement central espagnol et la coalition Euskadiko Ezkerra pour mettre fin aux violences ; une amnistie pour les membres d’ETA poursuivis ou incarcérés est accordée en contrepartie de l’arrêt des activités terroristes. ETA « politico-militaire » s’autodissout cette année, ses militants abandonnant l’usage de la violence pour atteindre leurs objectifs.
Cependant, ETA « militaire » (qui est désormais désigné simplement par ETA politico-militaire s’étant dissoute) considérera comme traîtres ceux qui acceptaient de mettre fin à la lutte armée, et fit assassiner des membres d’ETA en exil qui rentraient au Pays sous couvert de l’amnistie.
1997, ETA commença à cibler des élus Basques, des intellectuels Basques ou des policiers Basques considérés comme « traîtres ». Le point de départ de cette politique est l’assassinat d’un élu du parti populaire, Miguel Angel Blanco.
Le sentiment de voir l’action de ETA dégénérer en guerre civile, ainsi que la lassitude de la population devant la violence, a érodé le support populaire à ETA.
Une certaine accalmie régna à partir de septembre 1998, ETA décida d’une trêve unilatérale. Devant l’échec des négociations avec le gouvernement espagnol, ETA rompit la trêve en novembre 1999. Les attentats recommencèrent, L’année 2000 fut relativement violente avec quatre cents (400) actes de sabotages : vingt-trois (23) personnes assassinées dont des politiciens et un journaliste basque, ainsi que des militaires et policiers espagnols.
Le rêve indépendantiste basque est de réunir un jour les sept (7) provinces historiques basques en un seul état souverain, l’EUSKADI.
L’ETA croit que la seule façon de parvenir à ses fins c’est de forcer la main à Madrid et à Paris.
Les partis politiques modérés estiment y parvenir démocratiquement avec l’élargissement d’une Europe plus fédéralisée.