Le Mythe Star Wars VII, VIII & IX  - Thibaut Claudel - E-Book

Le Mythe Star Wars VII, VIII & IX  E-Book

Thibaut Claudel

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Beschreibung

Dans ce livre, il s'agira d'étudier les rapports entre Georges Lucas, son héritage et les intentions de Disney.

Le 30 octobre 2012, Disney s'offrait l'entièreté de Lucasfilm pour la modique somme de quatre milliards de dollars. Mais de toutes les lignes d’un contrat que l’on imagine massif, Star Wars était évidemment la plus importante.
Depuis, la société américaine a produit énormément de nouveaux projets (épisode VII, VIII, IX, Mandalorian, etc.), qui entretiennent une relation complexe avec les trois premières aventures signées par George Lucas. Alors, comment Disney réinterprète-t-il la trilogie originale dans ses nouveaux films, séries et autres produits dérivés.

Les passionnés seront ravis par cette enquête journalistique sur les cinq premières années du Star Wars de Disney et l'analyse de fond de ses cinq films et séries !

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Couverture

Page de titre

Avant-propos

« N’essaie pas ! Fais-le, ou ne le fais pas ! Il n’y a pas d’essai. »

YODA AVAIT TORT. IL N’Y A QUE DES ESSAIS. Encore plus quand on rachète la plus grande des sagas de l’histoire du cinéma, pour la modique somme de 4 milliards de dollars. Le 30 octobre 2012, Disney s’offrait l’intégralité de Lucasfilm. C’est-à-dire ses franchises, dont Star Wars et Indiana Jones, mais aussi ses différentes succursales, à commencer par Industrial Light & Magic, célèbre compagnie dédiée aux effets spéciaux. Mais de toutes les lignes d’un contrat que l’on imagine massif, Star Wars était évidemment la plus importante.

Dès janvier 2013, l’ambition de Bob Iger, l’ancien président de The Walt Disney Company, se fait palpable. Au-delà d’une nouvelle trilogie, le chef d’entreprise promet à ses investisseurs un film tous les deux ans, au moins, ouvrant la porte à une nouvelle génération de métrages : des spin-off dérivés des films originaux – qui ne porteront aucun numéro et s’inscriront librement dans la continuité de Star Wars – sans même parler de l’avalanche de contenu qui les accompagnera dans les librairies, sur nos télévisions, consoles, PC et, bien évidemment, dans les parcs de Disney. À n’en pas douter, l’entreprise inaugure ainsi l’un des plus gros chantiers de son histoire. Un chantier qui restera entouré de mystère malgré son ampleur.

Depuis 2012, Disney s’est montré très discret dans sa manière d’aborder Star Wars. Il y a quelques années encore, les internautes pouvaient suivre le tournage de La Revanche des Sith1 en direct sur Hyperspace2. Entièrement en ligne, ce fan-club officiel et payant préfigurait les services de streaming en offrant aux amoureux de Star Wars un maximum de contenu : des nouvelles, des podcasts et, donc, même des vidéos. Préférant la culture du secret à ce genre d’avant-gardisme, Disney a caché Star Wars sous un voile. Celui-ci aura certes protégé de nombreuses révélations et quelques belles surprises, mais il nous prive aujourd’hui d’une version officielle quant au développement et à la production de ces films, comme celle qu’avait pu établir l’auteur Jonathan W. Rinzler dans ses livres making-of. D’abord en 20053 puis au cours des années 20104, l’auteur nous avait offert un historique très complet des épisodes III à VI de la saga.

En l’absence d’équivalent, établir la vision officielle de Disney pour Star Wars a posteriori n’aurait que peu de sens. Ce serait même périlleux, sachant que les sources se font rares et, parfois, se contredisent. En effet, depuis son rachat de la franchise, Disney a souvent laissé aux grands médias hollywoodiens le soin de commenter l’actualité de la licence. The Hollywood Reporter, Variety ou encore Deadline nous servent ainsi de supports, mais ne sauraient en aucun cas établir une vérité universelle sur le parcours des films Star Wars de l’ère Disney.

Ce que l’on peut tenter d’explorer, en revanche, c’est le rapport entre la trilogie originale et ces nouveaux métrages. Qu’ils soient issus de la nouvelle trilogie (ou postlogie), composée du Réveil de la Force5, des Derniers Jedi6 et de L’Ascension de Skywalker7, ou de cette fameuse collection de spin-off, aujourd’hui faite de Rogue One : A Star Wars Story8 et Solo : A Star Wars Story9, ces films entretiennent une relation complexe avec les trois premières aventures signées par George Lucas. Respectivement sortis en 1977, 1980 et 1983, Star Wars – plus tard rebaptisé Un nouvel espoir –, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi semblent former le mètre étalon de Disney pour sa propre interprétation de la saga.

Alors, comment Disney réinterprète-t-il la trilogie originale dans ses nouveaux films, séries et autres produits dérivés ? En cinq films et des centaines d’œuvres en tout genre, l’entreprise s’est souvent limitée à la simple imitation. Mais elle a fini par trouver le courage de prolonger avec plus ou moins d’audace l’œuvre originale, quitte à la réinventer, parfois radicalement. Et c’est ensemble que nous allons explorer les nouvelles histoires, les hybridations, voire les contradictions que Disney a pu créer en se frottant à l’œuvre de George Lucas.

L’auteur

Mais comme il ne faut jamais monter dans le cargo spatial d’un inconnu, permettez-nous de présenter l’auteur ! Pur produit de cette drôle de génération qui a découvert Star Wars entre la ressortie de la trilogie originale (dans son édition spéciale) et La Menace fantôme, Thibaut Claudel, alias Republ33k, est passionné par la saga depuis toujours. On a pu le lire sur Comicsblog.fr, 9emeArt.fr et bien sûr SyFantasy.fr, sur lequel on l’entendait déjà parler de Star Wars sur les ondes du podcast Wookie Leaks. Et entre le montage de deux sets LEGO Star Wars, il anime un nouveau podcast dédié à la saga, Outrider, qui s’intéresse à l’actualité et aux grands sujets de l’œuvre imaginée par George Lucas.

1. La Revanche des Sith, de George Lucas, disponible chez Disney (2005).

2. https://www.starwars.com/news/starwars-com-an-oral-history

3. La Revanche des Sith – le making of – Star Wars, édité chez Presse de la Cité (2005).

4. Star Wars – le making of, édité chez Akileos (2014).

5. Le Réveil de la Force, de J.J. Abrams, disponible chez Disney (2015).

6. Les Derniers Jedi, de Rian Johnson, disponible chez Disney (2017).

7. L’Ascension de Skywalker, de J.J. Abrams, disponible chez Disney (2019).

8. Rogue One : A Star Wars Story, de Gareth Edwards, disponible chez Disney (2016).

9. Solo : A Star Wars Story, de Ron Howard, disponible chez Disney (2018).

Introduction

AVANT DE SAVOIR COMMENT DISNEY a pu s’approprier la trilogie originale, encore faut-il rappeler ce qu’elle est. Si on ose la sortir du panthéon de la culture populaire qu’elle a largement aidé à bâtir, la franchise se retrouve avec des origines bien modestes, et des débuts un rien chaotiques. Pire encore, si George Lucas avait eu les moyens de s’offrir les droits de Flash Gordon10 au début des années 1970, nous vivrions sans doute dans un monde privé de sa chère galaxie lointaine, très lointaine. C’est d’abord la contrainte qui force Lucas à coucher toutes ses folles idées, lieux étranges et noms imprononçables sur le papier. Puis les différents refus des studios, Universal notamment, et aussi, ironie du sort, Walt Disney Productions. Et pourtant, le CV du bonhomme a déjà de quoi séduire. Celui qui voulait jadis être pilote de course a conquis une partie de la critique dès son tout premier film, THX 113811. Il s’est également imposé comme un champion du cinéma indépendant en montant des sociétés telles que American Zoetrope, aux côtés de Francis Ford Coppola, puis Lucasfilm, qu’il a menée aux portes du succès en sortant American Graffiti12. Produit et promu pour un petit peu plus d’un million de dollars de l’époque, ce second long-métrage acclamé par la presse avait lentement conquis les salles, pour amasser un score total de 55 millions de dollars au box-office mondial. Un joli carton qui avait été confirmé par une ressortie au cinéma et une longue vie sur le marché de la vidéo, partout dans le monde. La France, notamment, avait accueilli le second bébé de George Lucas avec beaucoup d’enthousiasme. Mais Lucas n’arrive pas à gagner la confiance des studios pour son prochain projet, même avec ce succès à la ceinture. Il faut dire que l’univers de Star Wars et son histoire sont encore nébuleux.

Heureusement, le réalisateur s’accroche, et mélange toujours plus d’influences dans l’espoir de rendre son projet plus compréhensible, et donc plus séduisant. Il puise dans les westerns de John Ford et Sergio Leone l’amour des grands espaces, et leur emprunte quelques archétypes bien connus, du chasseur de primes au fermier isolé en plein désert. Il s’inspire de films de guerre comme Les Briseurs de barrages13 et Mission 63314 pour construire son troisième acte. Chez Akira Kurosawa, réalisateur japonais connu pour ses films de sabre, Lucas trouve un sens de l’épique, mais aussi une structure. Il reprend ainsi une partie de l’intrigue de La Forteresse cachée15, où il est question d’escorter un général et une princesse à travers les lignes ennemies. Il reproduit même le point de vue du film, qui observe un conflit à travers les yeux de deux héros presque anonymes, des paysans pauvres, Tahei et Matashichi, qui ne sont pas sans rappeler R2-D2 et C-3PO. Mais le réalisateur japonais n’est pas le seul à avoir un impact énorme sur les différents brouillons du projet Star Wars : les théories de Joseph Campbell vont également beaucoup inspirer George Lucas. Si l’auteur est surtout connu pour son livre Le Héros aux mille et un visages16, il développait dès les années 1940 le concept de monomythe, qui stipule que toutes les mythologies de notre monde racontent en fait la même histoire, dont elles ne sont que des variations. Cette histoire, c’est le voyage du héros, que Campbell divise en plusieurs étapes, dont les plus importantes sont l’appel de l’aventure, une série d’épreuves, l’obtention d’un gain, un retour plus ou moins réussi à la vie ordinaire et enfin, l’utilisation de ce gain pour améliorer le monde. Personnifiez l’aventure avec des droïdes, faites des combats de Star Wars de véritables épreuves, remplacez le gain par la Force, et vous avez le cheminement de Luke dans la trilogie originale, à peu de chose près.

Compte tenu de ces nombreuses influences, d’une version à l’autre, le scénario de Star Wars va donc osciller entre le film d’aventure et le plus pur conte de fées. L’histoire et ses personnages ne cessent d’être modifiés, même si l’embauche de Ralph McQuarrie va aider Star Wars à prendre une forme plus ou moins définitive. Engagé en 1975, cet illustrateur de génie, jusque-là confiné au dessin industriel, va mettre tout son talent au service du projet. Ses tableaux riches en couleurs et déjà bourrés de détails vont rendre l’univers de George Lucas plus tangible, à tel point qu’ils finiront par convaincre le studio hollywoodien de la 20th Century Fox. Convaincue par la précision du trait de McQuarrie et les premiers designs de C-3PO ou encore de Dark Vador, l’entreprise accepte de financer le film.

Mais la folie créative de Lucas ne s’arrête pas là et, en plein tournage, le réalisateur bidouille encore, changeant par exemple le nom de famille de Luke, Starkiller (ou « tueur d’étoile » dans la langue de Molière) en Skywalker (« marcheur du ciel »). Cependant, toutes les modifications ne sont pas aussi consensuelles, puisque la production de Star Wars est vite rattrapée par un certain nombre d’incidents, à commencer par une tempête sans précédent qui interrompt les premiers jours de tournage en Tunisie. Puis, c’est le manque de budget qui s’en mêle, malgré les talents du producteur Gary Kurtz qui trouvera quelques billets de plus pour peupler la célèbre cantina, par exemple. Le studio s’inquiète chaque jour un peu plus, poussant Lucas et Kurtz à produire de faux rapports pour calmer la Fox et gagner du temps, histoire que le film arrive un jour en salle de montage. Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là, et les premiers découpages du film sont loin de convaincre les pairs de Lucas, comme John Milius ou encore Brian de Palma, déçus par le travail de leur compère. Seul Steven Spielberg verra au-delà de l’absence d’effets spéciaux et poussera Lucas à continuer et à parfaire son projet. Dans cette tâche, il pourra heureusement compter sur celle qui était alors sa femme, Marcia Griffin, qui offrira à Star Wars un montage dynamique grâce auquel il obtiendra un Oscar.

Autant d’exemples qui témoignent d’un développement pour le moins complexe, typique d’un film indépendant presque dépassé par ses ambitions, et donc à mille lieues des franchises hollywoodiennes telles qu’on les conçoit aujourd’hui. Pour faire simple, Star Wars est un ovni total, un véritable accident. Après un tournage éreintant, un montage complexe et une post-production limitée, Star Wars débarque sur moins de quarante écrans américains le 25 mai 1977. Et pourtant, le succès est immédiat, et force même la Fox à équiper plus de salles en seulement quelques jours. Quelques jours, c’est tout ce qu’il faut au public américain pour tomber amoureux du film, qui combine avec brio les effets spéciaux qui ont déjà fait la notoriété de 2001, L’Odyssée de l’espace17 avec une narration beaucoup plus claire et un univers foisonnant, que l’on pourrait rapprocher des comic books de l’époque, alors bien plus populaires qu’aujourd’hui. Star Wars est un carton monumental, qui renfloue immédiatement les caisses de son studio pour des années entières, et trône encore aujourd’hui au rang des films les plus rentables de l’Histoire, si on ajuste son score à l’inflation. Un succès plus tard transformé en romans, bandes dessinées, jouets et produits dérivés en tout genre, qui feront la fortune de George Lucas, en plus de bâtir un empire pour la plus célèbre de ses créations.

Mais ça, c’est le Star Wars que l’on connaît aujourd’hui. Celui des années 1970, l’original, le plus dingue, le plus créatif, ce Star Wars-là est encore loin des millions de dollars systématiquement investis dans la distribution et le marketing qui qualifient aujourd’hui la franchise. Sachant cela, on est en droit de se demander comment une méga-corporation comme Disney, qui avait déjà racheté Pixar en 2006 et Marvel trois ans plus tard, pouvait réitérer l’exploit. L’entreprise aurait-elle seulement le temps ou le loisir de laisser sa créativité s’exprimer après avoir dépensé 4 milliards de dollars ? Dès 2012, on se rassure en invoquant le savoir-faire de la maison, qui a réussi à bâtir des univers avec plus ou moins de succès. Le Marvel Cinematic Universe n’est pas encore hégémonique, mais on peut déjà rappeler à notre bon souvenir Toy Story, Pirates des Caraïbes, et dans une moindre mesure John Carter. Mais surtout, on murmure déjà les noms des artistes les plus populaires de Disney, à commencer par celui de Brad Bird, tout juste passé de Ratatouille18 à Mission : Impossible – Protocole fantôme19. Malgré cette expertise et ce vivier de talents, ce sont deux autres facteurs qui vont réellement jouer en faveur de l’entreprise.

Le premier n’est autre que la réception, à l’heure du rachat, des films Star Wars les plus récents, à savoir La Menace fantôme, L’Attaque des clones et enfin La Revanche des Sith (en mettant de côté les débuts de The Clone Wars dans les salles obscures). La seconde trilogie Star Wars, aussi connue sous le nom de prélogie, est loin d’avoir fait l’unanimité chez les fans, comme dans les cahiers critiques. Disney sait que toute une frange du fandom20 est prête à effacer la prélogie de sa mémoire pour peu que ces nouveaux films soient davantage inspirés par la trilogie originale. La firme avait donc les débats bien ancrés en tête, voire la haine provoqués par cette prélogie lorsque la décision fut prise de développer une nouvelle série de films. Elle cherchera donc à asseoir sa filiation avec les premiers métrages qui guideront la vision de tous les artistes dépêchés sur celui qu’on appelle alors l’Épisode VII. Depuis, l’entreprise a tout de même tendu la main à la prélogie et à plusieurs de ses représentants – du personnage de Dark Maul à l’acteur Ahmed Best, connu pour avoir incarné le tristement célèbre Jar Jar Binks – en 2012, cependant elle marche encore sur des œufs.

Par ailleurs, Disney a la chance de pouvoir compter sur un gigantesque grenier d’idées, avant même que les premiers mots du scénario du futur Épisode VII ne soient couchés sur le papier. On veut bien sûr parler de l’univers étendu, parfois abrégé en « UE », constitué de centaines de romans, comics et autres jeux vidéo qui ont su divertir les fans, notamment en période de disette Star Wars sur le grand écran, quand ils n’ont tout simplement pas créé de nouvelles générations de passionnés. Dans cet univers étendu, on retrouve d’ailleurs déjà des suites à la trilogie originale, qu’on connaît en France sous le nom de La Croisade noire du Jedi fou21. Parus dans les années 1990 et écrits par Timothy Zahn, les romans L’Héritier de l’Empire, La Bataille des Jedi et L’Ultime Commandement s’intéressent aux destins de Luke, Han et Leia après Le Retour du Jedi. Trois des histoires que Disney aurait pu choisir d’adapter directement. Mais coup de tonnerre, le 25 avril 2014, on apprend que l’entreprise met au placard l’ancien univers étendu et ses œuvres, qui rejoignent une collection portant terriblement bien son nom : « légendes ». Le fandom Star Wars est sous le choc. Bien plus qu’après le rachat de Disney, semble-t-il, mais la transition est actée : l’entreprise a non seulement le champ libre, mais peut en plus se permettre de piocher un personnage, une planète ou une histoire dans ces « légendes » pour les réinterpréter à sa manière, sans jamais s’embarrasser de l’ensemble et de sa continuité.

Avec le vilain souvenir de la prélogie dans le rétroviseur et des années de carburant créatif dans le réservoir, Disney est prêt à nous embarquer dans une nouvelle ère Star Wars. Première étape de cette longue route spatiale : l’imitation, et pas n’importe laquelle. Dans un premier temps, il s’agit d’être fidèle à George Lucas.

10. Créé par Alex Raymond, Flash Gordon est un comic strip de science-fiction culte, adapté à de multiples reprises, dans des romans, à la radio et bien sûr au cinéma.

11. THX 1138, de George Lucas, disponible chez Warner Bros (1971).

12. American Graffiti, de George Lucas, disponible chez Universal Studios (1973).

13. Les Briseurs de barrages, de Michael Anderson, disponible chez Studio Canal (1954).

14. Mission 633, de Walter Grauman, disponible chez MGM (1964).

15. La Forteresse cachée, d’Akira Kurosawa disponible chez Wild Side Video (1958).

16. Le Héros au mille et un visages, de Joseph Campbell, édité chez J’ai Lu (1949).

17. 2001, L’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick, disponible chez Warner Bros (1968).

18. Ratatouille, de Brad Bird, disponible chez Disney (2007).

19. Mission : Impossible – Protocole fantôme, de Brad Bird, disponible chez Paramount Vidéo (2011).

20. Le fandom (contraction de fan domain) est une culture propre à un ensemble de passionnés, qui s’intéressent à tous les détails et facettes d’une œuvre, d’une personne ou d’une discipline.

21. La Croisade noire du Jedi fou, de Timothy Zahn, disponible en intégrale chez Pocket (1991).

Partie 1 : Imiter

Chapitre 1 : Nouvelle trilogie, vieille histoire

On se posait déjà la question après la sortie des Derniers Jedi, et encore plus une fois la postlogie de Disney terminée : comment ces trois films ont-ils été écrits ? À première vue, la réponse est assez simple : sous la forme d’un cadavre exquis, chaque auteur invité à bord reprenant tout ou partie des travaux du précédent. Trois équipes se sont ainsi succédé. Celle de l’Épisode VII inaugure les hostilités en janvier 2013. Elle se compose du réalisateur J.J. Abrams et du scénariste Michael Arndt, l’homme derrière l’histoire de Toy Story 322, plus tard remplacé par Lawrence Kasdan, scénariste de légende et habitué de Lucasfilm, pour qui il a signé les scénarios de L’Empire contre-attaque23, du Retour du Jedi24 et des Aventuriers de l’arche perdue25. Pour le huitième opus, l’équipe est constituée d’un seul homme, Rian Johnson, alors connu pour Looper26 et ses épisodes cultes de Breaking Bad27. Il est annoncé dès juin 2014, mais Disney attendra mars 2015 pour nous confirmer qu’il écrira et réalisera ce nouvel épisode lui-même. Les choses seront plus compliquées pour le neuvième film de la saga, qui sera confié en août 2015 à Colin Trevorrow. Fort du succès de Jurassic World28, le réalisateur retrouvera ensuite son ami et scénariste Derek Connolly, à qui l’on doit depuis Kong : Skull Island29 ou encore Detective Pikachu30. Mais le duo ne se montrera pas à la hauteur des attentes du géant Disney, et sera d’abord épaulé par Jack Thorne, l’auteur de la pièce de théâtre Harry Potter et l’enfant maudit31, avant d’être simplement congédié, pour être rapidement remplacé par un J.J. Abrams sur le retour, cette fois accompagné de Chris Terrio, scénariste oscarisé pour Argo32 mais aussi connu pour Batman v Superman33. Sept artistes entre 2013 et 2019, donc, qui se sont passé le relais pour écrire une nouvelle trilogie Star Wars.

Le petit résumé précédent a de quoi faire peur, et d’ailleurs, de nombreux fans trouvent dans cet enchaînement l’explication de toutes leurs déceptions. Il est certain que le cadavre exquis entraîne avec lui son lot de contraintes, mais rappelons-nous que George Lucas lui-même n’avait pas tout prévu depuis le début. S’il aime parfois laisser courir ce bruit pour en sortir grandi, il suffit de recouper quelques déclarations pour se rendre compte que non, même celui que l’on surnomme « the maker » n’avait pas su tout prévoir. On manquera de place pour analyser ses errances au sein de la trilogie originale – même si le baiser entre un frère et une sœur devrait vous mettre la puce à l’oreille –, mais on peut en revanche se pencher sur la vision de George Lucas pour cette postlogie. Car oui, l’idée n’a pas été inventée par Disney. Elle remonte même aux origines du tout premier Star Wars.

Celles et ceux qui se sont penchés sur le long processus d’écriture de la saga le savent bien, Lucas avait un temps imaginé non pas trois, six ni même neuf, mais bien douze films pour Star Wars. Douze histoires qui auraient été, çà et là, couchées sur le papier de ses petits carnets, et qui ont su traverser les années, sous une forme ou sous une autre. Si on accepte de la réduire à une seule et simple idée, alors oui, la postlogie est d’abord une idée de George Lucas, et de George Lucas seul, même s’il s’est souvent amusé à partager ses plans avec d’autres. De nombreuses déclarations de Mark Hamill, l’interprète de Luke Skywalker, vont dans ce sens. Et d’après l’acteur, Lucas parlait déjà de ces nombreuses suites lors du tournage du premier épisode, c’est-à-dire en 1976. Et deux ans plus tard, en 1978, c’est un profil sur George Lucas du magazine Time34 qui explique que Star Wars Corp, l’ancêtre de Lucasfilm, allait produire Star Wars II (sic) et dix autres films. Vers la fin des années 1970, Lucas calmera un peu ses ardeurs en passant de douze à neuf films, mais l’idée reste la même. La trilogie originale aura une suite, et elle sera plus ésotérique, presque philosophique, d’après ce que Hamill et Lucas lui-même ont pu révéler au fil des années, comme l’a montré un article de Jonathan Rinzler paru sur StarWars.com35.

Cet enthousiasme pour des suites va perdurer, du moins jusqu’au Retour du Jedi. Sorti en 1983 sur nos écrans, le film apparaît comme un accouchement dans la douleur pour le pauvre George Lucas, complètement malmené par la production, et marqué par ses divorces : l’un créatif avec le producteur Gary Kurtz, et l’autre amoureux avec sa femme Marcia Lucas. Cette époque sombre de la vie du créateur le pousse à revoir son ambition à la baisse. Cela se ressent dans l’intrigue du Retour du Jedi, qui voit un Luke déjà Jedi retrouver sa sœur cachée, qui est en fait Leia. Tout comme le développement des pouvoirs de Luke, cette idée d’un membre disparu de la famille Skywalker aurait dû diriger ces suites hypothétiques. Mais pressé par le temps et les circonstances, Lucas brûle plusieurs de ses cartouches dans le film, dont il confie la réalisation à Richard Marquand. Soudainement, il n’est plus question de douze, neuf ou même six films : Star Wars n’est qu’une trilogie et les déclarations de l’époque iront dans ce sens, quitte à revenir sur tout ce qui a été dit auparavant. On comprend donc pourquoi il laissera à l’auteur Timothy Zahn le soin d’écrire la suite des aventures de Luke, Han et Leia. Quelques années plus tard, le romancier révélera à Entertainment Weekly36 qu’il avait pu discuter avec Lucas de ses plans pour une nouvelle trilogie. Et selon lui, le réalisateur en avait bien prévu trois. Celle déjà filmée, celle qui s’intéresserait aux parents de Luke, et celle qui serait dédiée à ses enfants. Une version corroborée par Jonathan W. Rinzler, l’auteur des fameux making-of Star Wars, qui dira lui aussi avoir pu poser les yeux sur des morceaux de la postlogie selon Lucas.

Finalement, le créateur choisira le chemin inverse et décidera de remonter le temps avec la prélogie, qui s’intéresse au sort d’Anakin Skywalker et à son ascension sous le masque de Dark Vador. Une autre période délicate de la vie artistique de Lucas, qui reçoit une belle volée de bois vert pour La Menace fantôme37 et de ses deux suites, L’Attaque des clones38 et La Revanche des Sith39. Mais ni la critique ni son exploration du passé de Star Wars n’empêchent George Lucas de parler du futur. Et durant la production de la prélogie, il reviendra régulièrement sur la question d’une suite au Retour du Jedi. Intrigués, et sans doute un peu décontenancés par les aventures du jeune Anakin, les fans se mettent à espérer. Mais de son côté, Lucas coupe court aux fantasmes en expliquant qu’il serait surtout amusé par l’idée de retrouver Carrie Fisher, Mark Hamill ou encore Harrison Ford dans les rôles qui les ont rendus célèbres, mais avec quelques années de plus. Faut-il comprendre « quelques années de trop » ? L’anecdote a des allures de private joke, mais au sortir de La Revanche des Sith, Lucas semble enfin prêt à tourner la page. Il répète alors à qui veut bien l’entendre que l’histoire de Star Wars s’arrête à la tragédie d’Anakin Skywalker, avant d’enfoncer le clou au début des années 2010.

En effet, le 17 janvier 2012, il envoie un véritable missile depuis les pages du New York Times40 : « Pourquoi en faire d’autres quand tout le monde vous crie dessus, tout le temps, pour vous dire que vous n’êtes qu’un idiot ? » Une réplique qui sonne le glas pour les fameuses suites du Retour du Jedi, du moins en apparence. Plus malin que jamais, Lucas est déjà en train de préparer sa retraite, et quelques mois après sa déclaration choc, il va faire de Kathleen Kennedy son héritière. Il faut dire que celle qui avait commencé sa carrière dans la télévision n’a en fait jamais évolué très loin du réalisateur et de l’un de ses plus proches collaborateurs, un certain Steven Spielberg. Pour la petite histoire, elle avait fait ses premières armes au cinéma en devenant l’assistante de John Milius, avant d’être repérée par ce bon Steven sur le tournage de 194141. Peu impressionné par ses qualités de dactylographe mais épaté par ses idées, le réalisateur l’avait très vite fait évoluer de simple assistante à productrice à part entière, en l’impliquant toujours un peu plus, sur des films comme Les Aventuriers de l’arche perdue, Poltergeist42 puis le carton E.T. l’extraterrestre43, pour lequel elle reçut son premier crédit de productrice. Et non contente d’avoir produit une bonne moitié de la filmographie de Spielberg, elle est également l’une des cofondatrices de la société Amblin Entertainment, aux côtés de son mari Frank Marshall. C’est avec ce dernier qu’elle avait fondé la maison de production Kennedy/Marshall Company, qu’elle dirigea des années 1990 jusqu’au fameux coup de fil de George Lucas. Nous étions alors en 2012, et le réalisateur entamait déjà des négociations avec Disney, dans le plus grand secret. Sacré George.

La postlogie selon Lucas

« Donc, ce que je t’ai dit était vrai, mais d’un certain point de vue. » À bien y regarder, Lucas a tout appris d’Obi-Wan Kenobi. Les mots qu’utilisait le maître Jedi pour défendre les secrets qu’il avait cachés à Luke peuvent aussi bien s’appliquer aux déclarations du réalisateur. Il ne faut jamais les prendre pour argent comptant, et le temps finit toujours par les transformer, leur donner un nouveau sens. Effectivement, George Lucas ne fera plus d’autres Star Wars. Mais ça ne veut pas dire que la saga doit s’arrêter pour autant ! Le concept de postlogie vient de lui, on l’aura compris, mais son impulsion aussi. À un moment donné, au début des années 2010, Lucas a décidé de revenir aux affaires, dans l’espoir d’offrir à la saga ses suites tant attendues. Il le fait aux côtés de Kathleen Kennedy, qui devient son bras droit dès juin 2012. On sait depuis qu’il avait également rencontré Mark Hamill, Carrie Fisher et Harrison Ford pour les convaincre de reprendre leurs rôles. Une anecdote particulièrement savoureuse dans le cas de Ford, qui n’avait jamais caché sa déception face au Retour du Jedi, dans lequel il aurait aimé sacrifier son personnage. Lucas lui accorde enfin son souhait le plus cher, et a donc, déjà, une idée de l’intrigue. Plus que le casting, c’est une histoire qu’il commence à assembler. Il met ses idées en ordre aux côtés de Lawrence Kasdan, qu’il rappelle à ses côtés en tant que consultant, puis il engage Michael Arndt, le scénariste de Toy Story 3 et Little Miss Sunshine44, pour développer ses idées en un scénario complet. D’une certaine manière, ce ne sont donc pas les équipes de Disney qui ont inauguré le cadavre exquis de cette nouvelle prélogie, mais bien George Lucas et Michael Arndt.

Quelles étaient leurs idées ? Tout n’a pas encore été révélé à l’heure où nous écrivons ces lignes. Et comme Lucas nous l’a montré jusqu’ici, certains concepts pourraient nous tomber dessus à tout moment, pour mieux être déboutés quelques années plus tard. Mais on a tout de même quelques beaux morceaux à se mettre sous la dent. Commençons par les idées brutes de Lucas, avant qu’elles ne soient polies par Michael Arndt.

Le réalisateur voulait apparemment faire amende honorable en choisissant des adultes d’une vingtaine d’années comme protagonistes, en lieu et place du (trop) jeune Anakin Skywalker, boudé à l’époque de La Menace fantôme. On sait également que le héros de sa trilogie, comme celle de Disney, aurait été une héroïne. Celle qui deviendra Rey s’est un temps appelée Kira, une référence à peine déguisée à Akira Kurosawa, pour qui Lucas a le plus grand respect. D’après Pablo Hidalgo, membre du « Story Group » de Lucasfilm (un département chargé d’assister les créateurs impliqués sur Star Wars dans leurs histoires), la version de Lucas aurait vu Kira partir à la recherche du grand Luke Skywalker, pour le retrouver beaucoup plus tôt que dans Le Réveil de la Force. Mais elle n’est pas la seule à être déjà présente, et d’autres personnages semblent avoir fait la transition de la version Lucas à celle de Disney. C’est le cas de Sam, qui deviendra plus tard Finn, et qui a un temps été envisagé comme le fils de Han et Leia, d’après les pistes dévoilées dans Tout l’art du Réveil de la Force45. Même certains éléments de l’intrigue ont réussi à survivre au rachat. Comme l’idée de suivre les petits-enfants de Dark Vador, pour commencer, mais aussi des concepts plus élaborés. Comme un Luke en exil suite à la descente aux enfers de l’un de ses élèves, qui, d’après Phil Szostak, l’auteur des artbooks de cette nouvelle trilogie, préfigure les idées de J.J. Abrams, comme celles de Rian Johnson. Bien entendu, ce fameux apprenti deviendra Ben Solo, alias Kylo Ren, et fera ses débuts déjà corrompu dans la postlogie de Disney. Mais tous les indices à notre disposition laissent entendre que Lucas avait l’intention de faire de ce personnage un enjeu majeur de cette nouvelle histoire.

Maintenant, d’autres idées de Lucas paraissent un peu plus confuses. On peut notamment citer la présence de Dark Talon. Ce pendant féminin à Dark Maul apparaît dans des travaux préparatoires pour Le Réveil de la Force, alors qu’elle avait été créée en 2006 pour les comics Star Wars Legacy46, qui se déroulaient plus de cent ans après les événements du premier Star Wars. D’après Phil Szostak, Lucas aimait l’apparence de cette alien (une Twi’lek) tatouée et un rien dévêtue. Il aurait ainsi envisagé de lui donner vie au cinéma pour tenter d’attirer l’enfant de Han et Leia vers le côté obscur. L’idée n’a pas terriblement bien vieilli, mais on peut y voir une référence aux femmes fatales des polars et films noirs des années 1950 que Lucas dévorait avec appétit. Plus fou encore : l’existence des Whills et de leur monde microbiotique, que le réalisateur avait révélée à son compère James Cameron dans James Cameron’s Story of Science-Fiction. Dans cette émission de la chaîne américaine AMC, depuis transformée en livre47, George Lucas révèle que : « Les trois films Star Wars suivants devaient explorer un monde microbiotique, un monde peuplé de créatures qui vivent différemment de nous. Je les appelle les Whills, et les Whills sont en fait les créatures qui contrôlent l’univers. Ils se nourrissent de la Force. […] En fin de compte, nous ne sommes que des voitures, des véhicules avec lesquels les Whills se déplacent. Nous ne sommes que des vaisseaux pour eux, et la route est faite de midi-chloriens, ce sont eux qui communiquent avec les Whills. Les Whills, pour faire simple, sont la Force. Si je m’étais accroché à l’entreprise, j’aurais pu le faire, et je l’aurais fait. Bien sûr, de nombreux fans aurait détesté cette idée, comme ils ont détesté La Menace fantôme et tout le reste, mais au moins, toute l’histoire, du début à la fin, aurait été racontée. » Comment un concept aussi radical aurait-il pu trouver sa place dans l’intrigue de la postlogie de George Lucas ? Nul ne le sait. Mais plus les déclarations se multiplient et plus les Whills semblent faire office d’à-côté. À bien y regarder, leur rôle auraient pu se limiter à une scène ou quelques dialogues, à la manière de midi-chloriens dans La Menace fantôme. Pour rappel, on y apprenait que ces êtres microscopiques faisaient résonner la Force dans nos cellules, mais c’est à peu près tout.

Si on passe maintenant du côté de Michael Arndt et de ce qu’on sait de son scénario, on se retrouve face à une histoire beaucoup plus conventionnelle. Peut-être car le scénariste n’a pas quitté son poste, malgré le rachat de Lucasfilm par Disney en 2012. Sans doute parce qu’il disposait d’assez de libertés pour adapter les idées de George Lucas à sa manière. Mais dans tous les cas, et d’après ce que l’on sait de ses différents brouillons, le récit de Michael Arndt aurait été centré sur le trio original formé par Luke, Han et Leia, et c’est à travers leurs yeux qu’on aurait découvert un certain nombre de nouveaux personnages. C’est ainsi que Luke faisait son apparition en milieu de film, en croisant la route de la fameuse Kira. Séparés entre les deux trilogies, Han et Leia, quant à eux, devaient mettre leurs différends de côté pour mieux se retrouver en fin de film. Ce qui, au passage, contredit la version de Lucas, qui aurait donné à Harrison Ford l’occasion de tuer Han Solo. En survivant à ce récit, le célèbre contrebandier aurait emmené ce film dans une direction bien différente de celle du Réveil de la Force. L’absence de parricide va d’ailleurs dans le sens d’un enfant lentement dévoré par le côté obscur, comme Lucas le souhaitait. Et pourtant, quelques idées imaginées par Arndt se sont révélées très importantes dans la vision de Disney. C’est sans doute pourquoi le scénariste est encore présent au générique du Réveil de la Force, même si les règles de la Writer’s Guild of America, chargée de décerner ce genre de paternité, restent assez obscures en la matière. On peut citer, par exemple, la présence de différentes reliques tirées des restes de Dark Vador, qui devaient apparaître dans cette histoire, et qu’on finira par apercevoir dans le film de J.J. Abrams. Il est même un temps question de retrouver une information précieuse, contenue dans les restes de l’Étoile de la Mort, une idée qui fera finalement surface dans L’Ascension de Skywalker, des années plus tard. Deux exemples qui en disent long sur l’influence qu’a pu avoir Arndt chez Disney, lui qui choisira pourtant de faire cavalier seul après plusieurs mois de travail. Il cite lui-même des difficultés à écrire le film, mais des conflits de calendrier et des dates butoir toujours plus pressantes ont également été évoqués dans la presse américaine.

Qu’elles viennent de George Lucas, de Michael Arndt ou des deux, l’ensemble de ces idées aurait pu avoir un impact certain sur la trilogie originale, et la saga Star Wars de manière plus générale. L’attention qu’aurait donné ce prototype de septième épisode aux personnages de la toute première trilogie aurait permis d’assurer une transition plus douce que celle proposée par La Menace fantôme, mais à l’inverse, d’autres concepts possédaient déjà une odeur de soufre. Comment les fans auraient-ils réagi aux Whills ? Ou même à l’idée qu’un nouveau jeune homme soit tenté par le côté obscur pendant trois films ? Avec le recul, formuler de telles questions est presque amusant. Mais il faut imaginer que pendant des années, George Lucas et toutes celles et tous ceux qu’il a bien voulu embarquer dans cette aventure ont dû se les poser, encore et encore. Sachant cela, le réalisateur avait-il la force de s’attaquer à une nouvelle trilogie, de gérer ses futurs fans et des détracteurs déjà annoncés ? Essayait-il de tester sa capacité à collaborer avec de nouveaux artistes en engageant un scénariste comme Michael Arndt ? Chaque question en entraîne une autre, jusqu’à l’ultime interrogation : s’il avait les idées et les ressources nécessaires à une nouvelle trilogie, pourquoi Lucas a-t-il vendu Star Wars ?

22. Toy Story 3, de Lee Unkrich, disponible chez Disney (2010).

23. L’Empire contre-attaque, d’Irvin Kershner, disponible chez Disney (1980).

24. Le Retour du Jedi, de Richard Marquand, disponible chez Disney (1983).

25. Indiana Jones et les aventuriers de l’arche perdue, de Steven Spielberg, disponible chez Paramount Vidéo (1981).

26. Looper, de Rian Johnson, disponible chez M6 Vidéo (2012).

27. Les épisodes Fly, Fifty-One et Ozymandias, disponibles dans l’intégrale Breaking Bad chez Sony Pictures (2008).

28. Jurassic World, de Colin Trevorrow, disponible chez Universal Pictures France (2015).

29. Kong : Skull Island, de Jordan Vogt-Roberts, disponible chez Warner Bros. (2017).

30. Detective Pikachu, de Rob Letterman, disponible chez Warner Bros. (2019).

31. Harry Potter et l’enfant maudit, de Jack Thorne et J.K. Rowling, disponible chez Folio Junior (2016).

32. Argo, de Ben Affleck, disponible chez Warner Bros. (2012).

33. Batman v Superman : L’Aube de la justice, disponible chez Warner Bros. (2016).

34. https://content.time.com/time/subscriber/article/0,33009,915986-1,00.html

35. https://web.archive.org/web/20121101072047 / http://starwarsblog.starwars.com/index.php/2012/10/30/the-long-winding-and-shapeshifting-trail-to-episodes-vii-viii-ix/

36. https://ew.com/article/2012/11/02/star-wars-sequels-timothy-zahn/

37. La Menace fantôme, de George Lucas, disponible chez Disney (1999).

38. L’Attaque des clones, de George Lucas, disponible chez Disney (2002).

39. La Revanche des Sith, de George Lucas, disponible chez Disney (2005).

40. https://www.nytimes.com/2012/01/22/magazine/george-lucas-red-tails.html

41. 1941, de Steven Spielberg, disponible chez Universal (1979).

42. Poltergeist, de Tobe Hooper, disponible chez Warner Bros (1982).

43. E.T. l’extraterrestre, de Steven Spielberg, disponible chez Universal (1982).

44. Little Miss Sunshine, de Valerie Faris, disponible chez 20 th Century Fox (2006).

45. Tout l’art du Réveil de la Force, de Phil Szostak, disponible chez Huginn & Muninn (2015).

46. Star Wars Legacy, de John Ostrander et Jan Duursema, disponible chez Delcourt (2006).

47. Histoire de la science-fiction, de James Cameron, disponible chez Mana Books (2019).

Chapitre 2 : L'heure du rachat

Dans une réalité alternative où Lucas s’est occupé lui-même de sa nouvelle trilogie, ce livre n’a pas lieu d’être. L’appropriation ne sera pas nécessaire, ou du moins, on pourrait le résumer à la vision d’un auteur, George Lucas, qui a décidé d’étendre et de modifier sa création, une nouvelle fois, comme il le faisait déjà en ajustant numériquement certaines scènes, ou plus simplement, en écrivant de nouvelles histoires. Mais avec le rachat opéré par Disney, le tableau se complique. Il n’y a plus une ou deux visions, mais une multitude de personnes qui vont s’exprimer sur l’avenir de Star Wars. Et cela peut faire peur. Aux fans, certes, mais aussi à George Lucas, qui sait ? En 2015, alors qu’il est en pleine promotion de Strange Magic48 (un film d’animation dont il est le producteur), le réalisateur révèle à USA Today49 qu’il avait un temps envisagé de réaliser le septième opus de sa saga, pour mieux le vendre ensuite. En se montrant fidèle à ce plan, Lucas aurait ainsi obligé son acheteur à prolonger sa vision, mais il finira par se contenter d’une promesse plus tacite en 2012, lorsqu’il décidera de vendre l’intégralité de Lucasfilm à Disney. Alors, pourquoi ?

On peut imaginer que les années de lutte avec les fans de Star Wars l’avaient épuisé. On sait aussi qu’il avait déjà plusieurs projets sur le feu, notamment son musée, le Lucas Museum of Narrative Art, qui ouvrira ses portes à Los Angeles en 2021, et une envie de s’atteler à des films plus expérimentaux. Mais plus important encore, Lucas voulait que son héritage lui survive. C’est la raison qu’il invoque en octobre 2012 dans un communiqué de presse : « Je voulais conduire l’entreprise là où une plus large entité saurait la protéger. Disney est une société énorme. Ils ont toutes sortes de moyens et d’infrastructures, et il y a beaucoup de force à en tirer. Je le fais pour que ces films vivent plus longtemps, et pour que plus de fans puissent continuer de les apprécier, à l’avenir. C’est un univers très vaste que celui que j’ai créé, et il y a un tas d’histoires qui attendent d’être racontées. » Au-delà de ses films, c’est donc sa propre philosophie que laisse Lucas à Disney. Et si on peut légitimement s’inquiéter des pouvoirs d’une telle entreprise, il faut également rappeler que Disney a toujours mis un point d’honneur à défendre la vision de ses créateurs les plus illustres, à commencer par Walt, dont les principes guident encore la compagnie. C’est sans doute cette expérience qui finit par convaincre George Lucas de vendre son entreprise et toutes ses propriétés intellectuelles. Ça et l’idée de faire partie de l’équation, pour quelque temps encore.

Car, quand Disney s’empare de Star Wars, l’entreprise rachète également la trame de trois nouveaux films, imaginée par Lucas lui-même. Mais le contrat passé entre les deux entités n’oblige pas Disney à adapter cette histoire « pitchée » par le réalisateur, même s’il est enrôlé en tant que consultant. Une nouvelle fois, on est en droit de se dire que l’appropriation ne sera pas nécessaire. Des tensions sont à prévoir, comme dans toute négociation, mais Disney pourrait très bien se contenter de suivre les conseils et les idées de George Lucas. Ce faisant, l’entreprise éloignerait le moins possible les films qu’elle a en tête des originaux et de leur créateur. Mais très vite, cette collaboration échoue.

Dans son livre, The Ride of a Lifetime50, l’ex-président de Disney, Bob Iger, explique que la situation s’envenime dès la première grosse réunion entre Lucas et les nouvelles forces derrière la saga Star Wars, à savoir : Kathleen Kennedy, la présidente de Lucasfilm, Alan Horn, le président de Walt Disney Studios (la branche cinéma de la société) et enfin J.J. Abrams. Selon Iger, c’est déjà à contrecœur que Lucas a accepté le rôle de consultant qui lui est confié, lui qui aurait préféré une garantie de voir ses histoires adaptées. Alors, quand on lui présente une toute nouvelle vision pour cette troisième trilogie, le divorce est amorcé. Le président de Disney est le premier à reconnaître dans son ouvrage qu’il aurait pu mieux préparer Lucas à cette conversation. Mais en l’état, le créateur de Star Wars n’est pas ménagé, et lorsque tout ce petit monde se retrouve au Skywalker Ranch pour lui annoncer que son histoire ne sera pas suivie, la nouvelle ébranle immédiatement la confiance de Lucas. On s’en doute, la collaboration n’aurait jamais été facile pour quelqu’un comme George Lucas, réputé introverti. Cependant, la relation entre les deux parties aurait pu mieux démarrer, et s’est terminée avant même d’avoir réellement commencé. Forcément déçu, Lucas se retire petit à petit du processus créatif. Il sera l’un des premiers à découvrir Le Réveil de la Force quelques années plus tard, mais dans l’intervalle, c’est aux forces de Disney de trouver un nouveau moyen de prolonger la trilogie originale, car la transition reste pour le moment financière.

Le choix Abrams

Cette appropriation aurait pourtant pu davantage se montrer créative, et ce, dès le choix d’un réalisateur plus connu ou plus identifiable que J.J. Abrams, par exemple. S’il est facile de caricaturer le réalisateur avec l’image d’une overdose de lens flares – ces halos de lumière qui viennent parasiter l’image –, il est vrai que son style n’est peut-être pas aussi marqué que celui des autres metteurs en scène courtisés par Kathleen Kennedy. Parmi ceux-ci, on aurait sans doute voulu trouver Steven Spielberg. En toute logique, le réalisateur, qui était un temps intéressé par l’idée de mettre en scène l’un des opus de la prélogie, aurait très bien pu reprendre le flambeau. Il est d’ailleurs fort possible que Kennedy le lui ait proposé, mais dès 2012, dans un article du Guardian51 il explique qu’il ne montera jamais aux commandes d’un Star Wars, par respect pour George Lucas.

Le nom du grand Spielberg automatiquement rayé de la liste, Kennedy se tourne vers des profils très variés, comme celui de Matthew Vaughn. Il faut dire que le réalisateur anglais a fait une entrée fracassante dans la culture populaire quelques années plus tôt, avec des films comme Kick-Ass52 ou X-Men : Le Commencement53 qui le propulsent en tête de liste. La rumeur veut même qu’il ait abandonné la réalisation d’un nouveau X-Men pour mieux se préparer à ce septième Star Wars, et pourtant, il finira par quitter le navire à cause de différends créatifs.