Le quêteur de bonheur - Régis Berthelier - E-Book

Le quêteur de bonheur E-Book

Régis Berthelier

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Beschreibung

Avoir plus… ou être plus ? Telle est l’interrogation fondamentale qui hantera Herbert Teulier, jeune médecin en quête du véritable bonheur. Et si un remède révolutionnaire, capable d’éradiquer notre insatiable avidité matérielle, faisait son apparition sur le marché ? Que deviendraient nos sociétés consuméristes, érigées en temples du pouvoir d’achat, si leur fondement venait à vaciller ? Survivrions-nous à l’effondrement de cette idole moderne ? Dans un monde où « l’Être » primerait enfin sur « l’Avoir », l’humanité et la planète ne retrouveraient-elles pas leur éclat perdu ? Une fraternité inspirée par les Compagnons de la Joie Parfaite, chers à Saint François d’Assise, pourrait-elle insuffler une prise de conscience universelle et réenchanter notre destinée collective ?

 À PROPOS DE L'AUTEUR

Après avoir coécrit une biographie de Molière aux côtés de Pierre Chasseriau et publié quatre autres ouvrages, Régis Berthelier, diacre permanent de l’Église catholique, franchit une nouvelle étape dans son parcours littéraire. Avec cette nouvelle publication, il signe son premier roman philosophique, une œuvre où réflexion et fiction se mêlent pour offrir une vision profonde et inspirante du monde.Après avoir coécrit une biographie de Molière aux côtés de Pierre Chasseriau et publié quatre autres ouvrages, Régis Berthelier, diacre permanent de l’Église catholique, franchit une nouvelle étape dans son parcours littéraire. Avec cette nouvelle publication, il signe son premier roman philosophique, une œuvre où réflexion et fiction se mêlent pour offrir une vision profonde et inspirante du monde.


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Seitenzahl: 286

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Régis Berthelier

Le quêteur de bonheur

Avoir moins… pour être plus… et mieux !

Le fol espoir de l’Ampepem

Roman

© Lys Bleu Éditions – Régis Berthelier

ISBN : 979-10-422-6445-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mon cher petit-fils Gabriel,

en remerciement pour ses encouragements

à écrire ce roman un peu fou !

Du même auteur

La barrière temporelle, éditions Carrefour du Net ;

La gloire de l’olivier, éditions Édilivre ;

L’hydre, éditions Édilivre ;

Vindefontaine : Ombres et lumières sur la Lande de Morte-Femme, éditions Édilivre.

Avertissement

Cher lecteur,

Bienvenue dans les pages de ce roman philosophique ! Avant de plonger dans l’univers spirituel qui vous attend, je souhaite vous éclairer sur la structure de ce récit et sur le cheminement qui l’a façonné.

Tout au long de cette œuvre, vous serez invité à explorer des réflexions profondes sur la quête du bonheur, accompagnées de personnages dont les vies s’entremêlent et se nourrissent d’expériences diverses. Cependant, au-delà de cette trame narrative que j’espère captivante, vous rencontrerez également des intermèdes courts, des pauses délibérées qui jalonneront le chemin de la lecture.

Ces intermèdes ne sont pas de simples parenthèses, mais plutôt des fenêtres ouvertes sur ma propre vie, éclairant le processus de création qui a conduit à l’écriture de ce roman. Ils vous offriront un aperçu des entretiens inspirants, des échanges passionnés et des moments de solitude contemplative qui ont nourri ma réflexion. Vous découvrirez les pensées qui m’ont traversé, les doutes que j’ai affrontés, et les révélations qui ont émergé au fil de cette quête personnelle.

Ces pauses intermédiaires permettront non seulement de respirer entre les chapitres, mais aussi de méditer sur les thèmes abordés. Elles serviront de rappels que la quête du bonheur n’est pas uniquement une destination, mais un voyage, riche de rencontres et de découvertes. À travers ces pauses que j’ai intitulées « intermède », je souhaite vous inviter à réfléchir sur votre propre conception du bonheur et à vous interroger sur le sens que vous donnez à votre existence.

En vous immergeant dans ces réflexions personnelles, j’espère que vous trouverez un espace pour la contemplation et l’introspection. Chaque intermède est une invitation à faire une pause, à ralentir le rythme, et à savourer ces pensées, afin qu’elles résonnent en vous tout au long de votre lecture.

Je vous souhaite donc une belle aventure dans les pages du « Quêteur de bonheur », en espérant que chaque chapitre, ainsi que chaque intermède, vous rapprochera un peu plus de votre quête personnelle.

Avec chaleur et gratitude,

Régis Berthelier

La vie ne peut être comprise qu’en regardant en arrière, mais elle doit être vécue en regardant en avant.

Sören Kierkegaard, Journal

Chapitre premier

Les origines de ma quête

Alors que le froid hivernal enveloppait Paris, et que le brouhaha du Café des Belles Plantes, au 47 rue Cuvier, niché dans l’écrin du Jardin des Plantes, créait une ambiance de convivialité, je me laissais aller à la légèreté des échanges avec mes amis de la fac de médecine. Les conversations, bien que banales, étaient teintées de rires et d’anecdotes qui agrémentaient notre quotidien parfois trop studieux.

Mes yeux glissèrent sur une bibliothèque à portée de main, avec une collection éclectique de livres qui semblait m’appeler. Curieux de nature, je saisis le premier ouvrage à ma portée : un livre de Victor Hugo. Sa couverture, usée par le temps et quelque peu tachée, promettait une plongée dans l’univers riche et poétique de l’auteur.

Je feuilletai rapidement les pages, appréciant l’odeur du papier vieilli, tandis que mes amis continuaient de discuter des dernières nouvelles de la fac, de nos cours toujours plus exigeants et des projets d’avenir. Les mots de Hugo résonnaient en moi, évoquant des thèmes de passion, de lutte et d’humanité. Je me laissais emporter par la poésie flamboyante de cet auteur emblématique de situations dramatiques, tout en profitant du moment partagé, entre rires et réflexions.

La chaleur du café, le parfum des pâtisseries qui flottait dans l’air, et le doux murmure des voix autour de moi formaient un tableau merveilleux, où la littérature et l’amitié se mêlaient harmonieusement. C’était un instant de répit, une bulle de paix, avant de plonger de nouveau dans le tumulte des études et des responsabilités. Je pris le risque de lire à haute voix quelques lignes du célèbre auteur.

— Le logis était propre, humble, paisible, honnête, l’enfant avait reçu deux balles dans la tête…
— Oh Herbert ! hurla Jean-Philippe, le plus agité de mes copains. C’est quoi ce que tu nous déclames ? Du Kafka ou du Zola ?
— … On voyait un rameau bénit sur un portrait. Une vieille grand-mère était là qui pleurait.
— Ni l’un ni l’autre, ignare ! Tout simplement du Victor Hugo ! Souvenir de la nuit du 4.
— Et pourquoi tu nous casses le moral avec tes tirades lugubres ?
— C’est que je suis en train de penser que ce n’est pas d’hier…
— Quoi ?
— … Que les humains se tirent dessus et s’entretuent comme des cons plutôt que de chercher la paix et le bonheur, pour eux-mêmes et pour leurs contemporains.
— Ah ! ça, c’est sûr ! Mais tu n’es pas le premier à t’en apercevoir ! ça, mon vieux, c’est la vie !
— Eh bien non, justement, c’est idiot de dire ça ! Ce n’est pas la vie, c’est la mort ! C’est la stupidité du genre humain qui n’évolue pas et qui pense comme un crétin qu’il vaut mieux s’étriper plutôt que de s’entraider. Ah, quelle misère !
— Ben, c’est vrai que c’est la merde, mais c’est pas toi qui vas changer le monde comme il va, il vaudrait mieux te faire une raison !
— Moi tout seul, non, mais si toi et moi on s’y mettait ? Et si toi et moi et d’autres et encore d’autres…
— Oui, on connaît la chanson « Si tous les gars du monde voulaient se donner la main… » ça s’appelle de l’utopie ou de l’illusion !

Comme le lecteur peut aisément s’en rendre compte, nous n’étions plus du tout dans la magnifique versification lyrique de Hugo ! Je m’acharnai cependant, espérant contre toute vraisemblance une écoute attentive qui, malheureusement, ne vint pas.

La nuit était lugubre ; on entendait des coups

De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres.

Il faut ensevelir l’enfant, dirent les nôtres.

Et l’on prit un drap blanc dans l’armoire en noyer1.

— Ah non ! Assez ! Arrête un peu tes pleurnicheries, on a déjà assez de quoi faire avec la guerre en Israël, à Gaza, au Liban, en Ukraine, en Afrique et un peu partout…

Telles furent les bribes de conversation que j’échangeais avec mes copains de la fac de médecine, alors que nous prenions un pot au Café des Belles Plantes, rue Cuvier, non loin de la rue Buffon et du Boulevard de l’Hôpital, à Paris, en cette fin d’après-midi, au cours de l’hiver 2024.

Je refermai le livre de l’illustre auteur, et les quelques échanges qui suivirent me plongèrent dans un abîme de réflexion. Le bonheur existe-t-il ? Et, s’il existe, en quoi consiste-t-il ? Comment le trouver et surtout… le garder ? Étais-je dans une phase de souci narcissique du bonheur personnel ou dans une recherche du bonheur universel ? Je n’en savais rien. Tels furent les prémices de ma quête.

N’allez pas compter sur la fraude et n’aspirez pas au profit !

Si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur.

Psaume 6

1er intermède

Conversation téléphonique avec ma fille

— Allo! Bonjour Marie ! Tu vas bien ?
— Bonjour Papa ! Oui, ça va bien, merci, et toi ?
— Oui, globalement ça va bien, merci, malgré mes petits soucis de santé habituels et quotidiens.
— Rien de grave, j’espère ?
— Non, je t’assure, tout va bien ! Et cela d’autant plus que je viens de lire le livre que vous m’avez prêté, Damien et toi, tu sais, Paresse pour tous de Hadrien Klent.
— Alors ? … ça t’a plu ?
— Formidable ! J’ai enfin trouvé un auteur qui ose écrire à contre-courant ! ça fait du bien !
— J’étais sûre que ça te plairait ! Et le style ? Pas trop gênant ?
— Non, ça décoiffe un peu au début, bien sûr, surtout pour quelqu’un de mon âge qui n’est pas forcément familier de cette façon d’écrire, mais on s’y fait vite, au fil des pages.
— Bon ! La forme, c’est une chose, mais le contenu ?
— Eh bien, c’est justement pour ça que je t’appelle. Je suis en fait complètement fan du concept qui va à contre-courant de toute l’actuelle bienpensante société. Oser attaquer la valeur travail comme Klent le fait, c’est du jamais vu ! C’est carrément l’inverse et la négation du sarkozyste « travailler plus pour gagner plus ! ». Et aussi le contraire de l’injonction biblique « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ! »
— C’est bien pour cette raison que je t’ai passé le livre, par rapport à ton idée personnelle qui est aussi complètement à contre-courant.
— Oui, mais ce que Klent défend reste imaginable, à la limite réalisable. À l’extrême, il suffirait d’une mini-révolution et quelques lois à revoir, comme Lionel Jospin l’avait fait pour les trente-cinq heures. Alors que, pour mon idée, il faudrait un véritable renversement des lucidités, une prise de conscience à la fois généralisée et individuelle, quasi universelle, et c’est malheureusement une pure utopie.
— Dommage !
— Eh oui ! Attends, on frappe à la porte, je vais voir et je reprends notre conversation car j’ai besoin d’un conseil de ta part…

C’est quand même assez pénible d’être toujours dérangé aux moments les plus intéressants de la journée. Deux gars, d’ailleurs très corrects, me demandaient la permission d’élaguer les arbres du jardin. J’ai eu beau leur dire que je ne suis que locataire de cette maison, ils insistaient un peu lourdement et j’ai tellement hâte de continuer ma conversation avec Marie que je leur ai donné le feu vert. Parce que ma fille, c’est quelqu’un ! Enfin je veux dire quelqu’un de bien ! Elle travaille pour l’association « Action contre la Faim » et elle est sans cesse occupée, chez elle en télétravail ou à son bureau, à Montreuil. Et, quand elle n’y est pas, bien sûr, elle s’occupe des enfants, de son mari, de sa maison, de son jardin, enfin bref, elle a sans cesse quelque chose sur le feu. Mais, en vérité, elle ne travaille pas pour AVOIR, non, pas du tout ! Elle travaille pour ÊTRE. Je vous expliquerai plus tard…

— Tu es toujours là, Marie ?
— Oui, bien sûr, Papa, je ne suis pas impatiente comme certains que je connais…
— Je ne vois pas…
— Tu n’aurais pourtant pas loin à aller pour voir ! Enfin, je me comprends ! Mais je n’allais quand même pas te raccrocher au nez !
— Où en étions-nous ? Ah, oui, l’éloge de la paresse de Klent. Tu sais quoi ? Je trouve qu’il va un peu loin quand il propose d’élargir la devise de la République française en y ajoutant « paresse ». Ça rimerait à quoi, sur le fronton de nos mairies et établissements scolaires : Liberté, Égalité, Fraternité, Paresse ? Grotesque ! Moi, je crois qu’on peut défendre une idée sans tomber dans l’absurde…
— C’est juste une exagération pour provoquer, pour faire réagir…
— Oui, mais la provoc, elle a des limites !
— J’espère que ce n’est pas là tout ce que tu as retenu de ta lecture…
— Non, non, bien sûr, mais quand même il…
— Écoute, Papa, ce livre c’était seulement une idée pour te mettre à l’ouvrage, en te montrant qu’on peut donner suite à une idée, et pas seulement en la proférant tous azimuts, mais en la consignant par écrit…
— Mais… sous quelle forme ?
— Je ne sais pas, moi, mais toi qui écris des romans à foison, pourquoi pas développer ton idée par une nouvelle ou un ouvrage romancé, un opus quelconque…
— Un écrit qui pourrait bien devenir un brûlot !
— Pourquoi ça ?
— À cause des polémiques qu’il pourrait engendrer. Quand j’observe les réactions enflammées des contradicteurs de Klent, j’en arrive à penser qu’on me prendra pour un doux rêveur ou un provocateur ou, tout simplement pour un imbécile !
— Comme disait Brassens, il faut parfois savoir mourir pour des idées…
— D’accord, mais de mort lente ! D’accord, mais de mort len-en-en-te !
— Allez ! On y croit ! Je compte sur toi !
— Bon, je vais essayer mais… Tu ne te moqueras pas de ton père ?
— Promis ! Je t’embrasse !

Le plaisir peut-il apporter une réponse satisfaisante au problème de l’existence humaine ?

Erich Fromm, Être ou avoir

Chapitre 2

L’influence du livre de Qohèleth

Réjouis-toi, jeune homme, dans ton adolescence, et sois heureux aux jours de ta jeunesse. Suis les sentiers de ton cœur et les désirs de tes yeux ! Mais sache que pour tout cela Dieu t’appellera en jugement. Éloigne de ton cœur le chagrin, écarte de ta chair la souffrance car l’adolescence et le printemps de la vie ne sont que vanité.

Telles furent les paroles que j’entendis dans le feu de mes vingt-cinq printemps quand, par hasard, et en plein marasme existentiel, je me rendis dans une église du 19e arrondissement de Paris, l’église Saint-Jacques-Saint-Christophe, un dimanche de novembre 2025.

C’était un extrait du Livre de Qohèleth.

Et le texte poursuivait :

Souviens-toi de ton Créateur, aux jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours mauvais, et qu’approchent les années dont tu diras : « Je ne les aime pas » ; avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, et que reviennent les nuages après la pluie ; au jour où tremblent les gardiens de la maison, où se courbent les hommes vigoureux ; où les femmes, l’une après l’autre, cessent de moudre, où le jour baisse aux fenêtres ; quand la porte se ferme sur la rue, quand s’éteint la voix de la meule, quand s’arrête le chant de l’oiseau, et quand se taisent les chansons ; lorsqu’on redoute la montée et qu’on a des frayeurs en chemin ; l’amandier est en fleurs, la sauterelle s’alourdit, et la câpre ne produit aucun effet ; lorsque l’homme s’en va vers sa maison d’éternité, et que les pleureurs sont déjà au coin de la rue ; avant que le fil d’argent se détache, que la lampe d’or se brise, que la cruche se casse à la fontaine, que la poulie se fende sur le puits ; et que la poussière retourne à la terre comme elle en vint, et le souffle de vie, à Dieu qui l’a donné.

Vanité des vanités, disait Qohèleth, tout est vanité !

« Ce texte extrait de la Bible m’avait interpellé, et remué jusqu’au fond de mes entrailles. J’embrassais alors la prime jeunesse et, comme la plupart des gens de mon âge, j’avais l’intention de croquer la vie à pleines dents. Mais ce texte proclamé avec emphase et gravité par le lecteur avait suscité en moi une question ontologique : qu’est-ce que l’existence, le fait d’ÊTRE ? Et, par suite, qu’est-ce que le bonheur ? Où est-il ? Comment l’appréhender ? J’avais pourtant toutes les raisons d’envisager l’avenir sous les meilleurs auspices, avec mes diplômes en poche (j’étais en fin de septième année de médecine), ma petite famille en devenir (car ma femme attendait notre premier enfant), un appartement – certes en location – mais vaste et confortable, des amis, des parents en bonne santé… Alors, pourquoi cette sourde angoisse au sujet de l’accession au bonheur ?

De plus en plus perplexe, voire inquiet, à ce sujet, je décidai de consulter… Mais à qui m’adresser ? Un psychothérapeute ? Un psychiatre ou un psychanalyste ? Un philosophe ? Un prêtre ? Un conseiller spirituel ?

La réponse me fut donnée par une amie, Aude-Marie, qui me conseilla tout simplement un sage, un guide spirituel, dont elle me donna l’adresse et les coordonnées. « Tu verras m’avait-elle dit, c’est l’ancien Provincial de la Congrégation des Salésiens, un phare dans la tempête, un philosophe et un puits de science ! Et puis, surtout, il connaît fort bien la nature humaine. Cerise sur le gâteau, il a des relations très haut placées. Vas-y ! Tu ne seras pas déçu ! »

Sur son insistance et avec un tel portrait, j’obtempérai, et ce fut ainsi que je fis la connaissance de Job Inisan.

Il habitait un petit logement au milieu de la rue Monte-Cristo à Paris 20e. Nous convînmes d’un rendez-vous et notre rencontre allait bientôt apaiser mes angoisses.

L’homme était debout, face à la fenêtre de son bureau. Il regardait le défilement des nuages. Après un bon sourire et m’avoir invité à m’asseoir, il se retourna et abaissa son regard chaleureux vers moi. Il me fixa intensément. Puis, d’une voix très basse, presque inaudible :

— Vous êtes venu chez moi, j’en suis heureux et je suis là pour vous écouter.
— Merci, Monsieur ! J’ai une question à vous poser, d’ordre… disons personnel.
— Je vous en prie…
— Ma démarche et ma question superficielle vont vous sembler d’une banalité abyssale, pour ne pas dire hadale. Je suis en recherche spirituelle et humaine. Mais, foin de fioritures, je serai direct… Selon vous, qu’est-ce que le bonheur pour un être humain ?

Je crus voir que mon mentor était désemparé par ma question, car il resta coi, mutique durant quelques secondes.

— Avant de vous donner une définition qui serait très probablement déficiente, je vous retourne la question, car vous avez sans doute vous-même une opinion à ce sujet, peut-être aussi une conviction… Comme tout un chacun, que vous en soyez conscient ou non, vous êtes en quête d’une forme d’épanouissement de votre moi profond, que vous qualifiez « bonheur ».
— Je ne sais pas exactement, avouai-je humblement. C’est la raison pour laquelle je suis venu vous consulter. Mais, cette question me laisse perplexe…
— Mais, comme ça, spontanément, sans réfléchir, que diriez-vous ?
— Le bonheur, j’imagine, c’est peut-être tout simplement attendre de la vie qu’elle nous réserve jour après jour des surprises, des rencontres et des satisfactions professionnelles, un grand amour, des enfants, une famille, de l’argent, la reconnaissance de nos pairs… Sans doute aussi un certain confort de vie et une bonne santé…
— Il y a du bon et du mauvais dans votre réponse…
— Ah ! J’aimerais en savoir davantage, et justement pouvoir discerner le bon du mauvais ! Vous aurez probablement une réponse plus ajustée à me suggérer. Le témoignage de l’homme d’expérience que vous êtes me serait précieux pour affiner ma réponse… Oserais-je vous demander un conseil, un enseignement, une conduite à suivre… On m’a dit que vous étiez un sage…
— Un sage, vraiment ? Si j’ai acquis une certaine forme de sagesse, elle n’est pas de moi-même, je l’ai reçue d’ailleurs, et par mes expériences de vie, mes lectures, et par les enseignements que j’ai suivis.
— Quel genre de lecture, si ce n’est pas indiscret ?
— Si je vous dis : « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers… »
— « … et notre Père céleste les nourrit. » Matthieu, 6-25 ! citai-je, fier de me souvenir de cette référence à l’Évangile.
— Bravo ! Je vous félicite ! Les jeunes gens de votre âge ignorent trop souvent cette source de vie que sont les Évangiles. Mais, plus que d’une performance de mémoire, appliquez-vous dans votre vie cette forme de sagesse, cet abandon à la Providence ?
— Pour être franc avec vous, je n’en suis pas sûr…
— Mais, au moins, y aspirez-vous ?
— Pas vraiment… car, excusez-moi, bredouillai-je, mais nous les humains, nous ne sommes pas des oiseaux. Nous avons besoin de semer, de moissonner et d’amasser, de prévoir pour assurer nos lendemains.
— Laissez faire cela à ceux qui en sont convaincus… Mais, pour vous, pour cette quête de bonheur qui vous travaille, ne cherchez pas trop à avoir, aspirez plutôt à être !
— Comment cela ?
— Être pleinement ce que vous êtes ! Épanouir et développer en vous tous les dons, talents et charismes qui sont enfouis au fond de vous-même ! Voilà où se trouve le bonheur ! Contrairement à ce que vous pensez aujourd’hui et que, pourtant, vous admettrez probablement demain comme étant une évidence, la quête du vrai bonheur se résume en cinq mots… Avoir moins pour être plus ! Essayez de creuser cette maxime…
— Ce n’est pas vraiment ce que pensent la majorité de nos contemporains… ni ce qu’on m’a appris en thérapie de développement personnel.
— C’est hélas vrai ! admit-il sereinement. Beaucoup d’entre eux sont stupidement cupides et matériellement insatiables ! Pourtant, que sert à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme ?

Le vieil homme se retourna vers moi et positionna deux fauteuils en osier en face de la fenêtre. Il m’invita à prendre place à côté de lui tout en gardant son regard vers le ciel.

— Comme il est bon de s’asseoir quand on est fatigué ! soupira-t-il. Quelle merveille !

— Peut-être serait-il encore mieux de n’être pas fatigué, osai-je stupidement ne sachant quoi répondre.

— Le croyez-vous vraiment ? interrogea-t-il pensivement de sa voix grave. Croyez-vous qu’une vie sans cette alternance des moments de pleine énergie avec ceux de la fatigue serait plus exaltante ? Le printemps serait-il aussi beau s’il n’y avait pas d’hiver ? Mesurons-nous toujours ce plaisir de l’assouvissement des sens ? Et, en même temps, comme s’interrogeait Erich Fromm, le plaisir peut-il apporter une réponse satisfaisante au problème de l’existence humaine ?

In petto, je réalisai que je n’avais jamais pensé à cet aspect des choses.

— Eh bien, hésitai-je un peu décontenancé, je pense qu’une vie sans fatigue serait probablement plus facile…
— Qu’est-ce que la fatigue ? fit-il sans quitter son air pensif et comme pour lui-même, en observant une formation en V d’oiseaux dans le ciel. Qu’est-ce que la fatigue sinon l’expression du corps ou de l’esprit manifestant une utilisation partielle de l’énergie qui nous a été donnée ? Regardez ces canards. Leur formation en chevron les aide à couvrir de longues distances de manière très efficace. Sans avoir rien appris, ils transfèrent des tourbillons créés par la traînée à chacun des bouts du V, sur chaque participant au vol. L’efficacité énergétique peut ainsi doubler. Les oiseaux volent en rotation ; aucun ne reste jamais en permanence au bout du V, pour répartir l’effort dépensé sur tout le groupe. La formation facilite aussi la communication, permettant aux oiseaux de maintenir le contact visuel.
— Oui, approuvai-je d’un ton perplexe, c’est très beau mais… excusez-moi, je ne vois pas ce que vous cherchez à me faire comprendre…
— Je cherche à vous donner conscience que ces oiseaux sont heureux de dépenser leur énergie. Ils ne se posent pas la question de savoir s’ils seront fatigués après l’épreuve.

L’homme marqua un nouveau temps de silence. Je me préparai à mettre fin à notre entretien quand, se tournant vers moi, il me retint.

— Professionnellement, où en êtes-vous ?
— Je termine mon cursus de médecine. Il me reste à faire mes preuves en qualité d’interne dans un hôpital, mais je ne sais pas encore lequel je vais choisir.
— Fort bien ! Je vais vous proposer de relever un challenge, ou plutôt un défi pour mieux respecter notre belle langue française.
— Un défi ? Mais de quelle nature ?
— Eh bien, puisque vous avez terminé votre cursus universitaire, je vous propose de prendre un mois pour enquêter sur cette notion de bonheur dont nous venons de parler. Mais avant que vous ne partiez, je veux vous aider et, pour cela, vous donner une maxime… une pensée héritée de ma longue expérience, appelez ça comme vous voulez…
— Je vous écoute…

— Souvenez-vous bien de ce que je vous affirme aujourd’hui, la recherche de l’AVOIR est un piège sournois, une souricière, et l’aspiration à posséder est très souvent un chemin de perdition ! La recherche de l’ÊTRE, en revanche, même si elle cache aussi ses pièges, est une aventure exaltante, un chemin plein de surprises extraordinaires. Il nous faut plonger dans les abysses de notre essence, de notre véritable identité, et partir à la découverte de cette insondable et merveilleuse profondeur de notre être, et surtout ne pas rester en surface !

— Je m’en souviendrai, Monsieur, je vous remercie de cette leçon de sagesse !

— Ne me donnez plus du « Monsieur ». Si nous devons nous revoir, vous m’appellerez Job, comme le Livre de Job !

— C’est noté, et c’est d’accord ! Autre chose ?

— Eh bien, puisque je connais votre cursus de médecine, je vais me permettre un autre conseil…

— Je vous écoute…

— Je vous invite à prendre rendez-vous avec le directeur et fondateur des prestigieux Laboratoires de Fontbrune, Gonzague de Fontbrune, c’est un ami à moi. Il vous conseillera efficacement et vous proposera peut-être même un emploi au sein de son entreprise. Je crois vraiment que cela pourrait vous intéresser.

— Merci ! Si vous pouviez me recommander auprès de ce monsieur, la démarche me serait plus facile…

— À ce sujet, vous pouvez compter sur moi, je vous l’ai dit, c’est un ami. Et j’espère que vous me rendrez compte de vos entretiens…

— Certainement ! Merci Job !

— Bravo ! À bientôt, Herbert !

La grâce, c’est peut-être de voir ce qu’il faut choisir et ce à quoi il faut renoncer.

Jacques de Bourbon Busset

Chapitre 3

Premiers pas professionnels

Quand, suivant le conseil de Job Inisan, je vins au Château de Valpré pour la première fois, attendu par le docteur Gonzague de Fontbrune, fondateur et directeur des prestigieux laboratoires Fontbrune and Co, j’étais un peu intimidé. Le patron – homme pragmatique et rigide – m’avait-on dit – aimait connaître longtemps à l’avance l’identité et le caractère de ses éventuels futurs collaborateurs.

Perché sur une colline verdoyante, le château, siège du laboratoire, était majestueux, dominant un paysage qui s’étendait à perte de vue. Les deux tours latérales du château s’élevaient avec élégance, leurs flèches effleurant les nuages, et les murs en pierre de granite rose resplendissaient au soleil. Le toit, orné de tuiles émaillées d’un bleu profond, et les fenêtres à meneaux, encadrées de dentelles de pierre sculptées, semblaient offrir des aperçus sur un monde enchanté. J’étais ébloui !

Le parc entourant le château était un véritable chef-d’œuvre de la nature et de l’art paysager. J’y engageai doucement ma voiture. Dès l’entrée, un grand portail en fer forgé, finement travaillé, s’ouvrait sur une allée bordée de buis taillés en formes élégantes. L’allée serpentait à travers un jardin luxuriant, où les parterres de fleurs multicolores se mêlaient harmonieusement avec des massifs d’arbustes taillés avec soin. Je progressai lentement, faisant crisser le gravier sous les pneus de ma voiture.

Les arbres séculaires, imposants, créaient un ombrage bienvenu et offraient des jeux de lumière fascinants à travers leurs feuillages. Des sentiers pavés invitaient à la promenade, contournant des plans d’eau scintillants où des nénuphars flottaient paisiblement. J’étais émerveillé par tant de beauté.

Chaque recoin du parc semblait raconter une histoire, chaque fleur et chaque pierre étaient placées avec soin pour créer un ensemble harmonieux et enchâssé dans la beauté intemporelle du château. Mon rendez-vous avec Fontbrune s’annonçait dans un cadre paradisiaque.

Sur le seuil de la splendide demeure, un employé de maison fort courtois m’accueillit et m’introduisit sans tarder auprès du docteur, directeur et fondateur Gonzague de Fontbrune.

— Le docteur vous attend, m’annonça-t-il tout en marchant lentement, il aime les hommes directs et déterminés. Si je peux me permettre un avertissement, ne vous perdez pas dans des fioritures inutiles.
— OK ! Merci du conseil !

Ainsi cordialement prévenu, progressant vers le bureau du maître des lieux, et me préparant à un entretien sans aménité, je formulai intérieurement mes premiers mots de présentation. Enfin arrivé devant l’homme, j’osai :

— Bonjour Docteur ! Je me présente Herbert Teulier, en fin de septième année de médecine, je…

— Je sais qui vous êtes, coupa impérieusement Fontbrune, Job Inisan m’a parlé de vous. Il vous a en haute estime et… j’ai votre curriculum sous les yeux. Soyez le bienvenu et asseyez-vous !

L’homme, grand, âgé d’environ soixante ans, était un exemple de distinction. Vêtu d’un complet de tweed gris clair sur chemise blanche et cravate bleu roi, l’éclat de son regard bleu acier vous percutait jusqu’aux entrailles. Petites lunettes cerclées d’or et cheveux coiffés en brosse, il impressionnait ! Alors que j’étais saisi par le ton sec du docteur, il poursuivit :

— Monsieur Teulier, j’ai aussi sous les yeux les résultats des entretiens préalables auxquels vous vous êtes prêté avec les analystes de la DRH, et… je dois le reconnaître, ces résultats sont excellents ! Donc, si au terme de votre premier cycle d’études, terme désormais tout proche, vous deviez rejoindre nos rangs, il faut que vous soyez auparavant informé des objectifs et de l’éthique de nos laboratoires. Vous savez probablement déjà que nos équipes et services travaillent pour concevoir et produire de nouveaux médicaments, et cela sous les normes de sécurité les plus rigoureuses et les plus sécurisantes.
— Oui, bien sûr, Docteur ! affirmai-je assuré, je connais la bonne réputation de vos laboratoires, je me suis beaucoup renseigné avant de poser ma candidature…
— Fort bien ! Je n’ai donc rien à vous apprendre concernant la recherche préclinique, les tests in vitro et in vivo réalisés pour évaluer l’efficacité, la pharmacocinétique et la toxicité d’un nouveau médicament…
— Aucun souci, Docteur, j’ai étudié tout cela en deuxième année de faculté… ainsi que les essais cliniques.
— Bien, fort bien ! Quand vous rejoindrez nos équipes, et si vous en êtes d’accord, il vous sera donc demandé de contribuer aux processus de tests, d’abord sur un petit nombre de volontaires sains pour évaluer la sécurité, la tolérance et la pharmacocinétique, puis en faisant des essais sur un plus grand groupe de patients pour évaluer l’efficacité et la sécurité à court terme de nos produits. Il faudra aussi tenter de débusquer les éventuels mésusages de nos médicaments.
— Tout cela correspond parfaitement à ce qui était précisé dans l’annonce du « Lancet2 »…
— Oui, certes ! Mais j’aime bien repréciser les choses avant d’engager un nouveau collaborateur. Ah ! J’oubliais… Vous aurez aussi à surveiller les effets secondaires, voire indésirables, et comparer les nouveaux médicaments à des traitements standards ou à un placebo.3
— Certainement, Docteur, je me plierai à vos méthodes.
— Vous me plaisez, Teulier ! Vous me semblez être un garçon réactif et plein de bon sens. Si nous faisons affaire ensemble, je vous appellerai par votre prénom, Herbert, c’est bien cela ?
— Oui, ce sera pour moi un honneur, Docteur !
— L’entretien est terminé, Herbert, nous vous recontacterons la semaine prochaine pour vous préciser les enjeux de la mission que nous venons à peine d’évoquer. À bientôt. Bon retour chez vous !

Sans plus de cérémonie, le directeur se leva, me serra la main et se rassit à son bureau. Je tournai les talons et allai me retirer lorsque l’homme qui m’avait accueilli, une sorte de majordome, me fit signe de le suivre pour sortir par une autre issue. Il fallait sans doute éviter que je rencontrasse d’autres impétrants, attendant leur tour dans la salle d’attente.

— Veuillez issir par ici, Monsieur !
— Pardon ?
— La sortie, Monsieur ! La sortie se trouve par ici !

Quoiqu’un peu interloqué par la formule surannée de mon accompagnateur, je fis semblant d’être coutumier de ce langage désuet et lui rétorquai un mot de mon cru.

— Merci, mon valeureux ami, de votre grande bienveillance !

Formule qui le laissa quelque peu pantois.

Arrivé à ma voiture, je réalisai, satisfait et heureux, que mon avenir professionnel semblait assuré ! J’avais les cartes en main pour être embauché par l’un des plus prestigieux laboratoires pharmaceutiques d’Europe. L’avenir allait me laisser le temps de déchanter !

La satisfaction sans restriction de tous les désirs ne contribue pas au bien-être et n’est pas davantage le chemin du bonheur…

Erich Fromm, Être ou avoir

2e intermède

Entretien téléphonique avec mon fils

— Allo ! Bonjour Guillaume !
— Bonjour Papa ! Comment vas-tu, Patriarche ?
— Bof, c’est moyen, avec ce temps épouvantable ! La pluie succède au vent et le vent au froid, quand ce n’est pas les trois conjugués ! Mais heureusement, je me plonge souvent dans l’écriture de mon nouveau roman, ça me sort un peu de mes idées neurasthéniques et… météorologiques !
— C’est drôlement bien ! Moi, j’en serais incapable…
— Je suis sûr du contraire ! Un jour, tu t’y mettras, tu verras. D’une part, c’est parfois rigolo, et même jubilatoire, d’écrire… mais, d’autre part, ça fatigue un peu le ciboulot ! La difficulté, c’est l’angoisse de la page blanche. C’est un peu pour ça que je t’appelle, pour me faire une récréation, et pour que tu me donnes des idées, tu vois ?
— Moi ? Des idées ?
—