Le Sang Noir - Manon Le Bras - E-Book

Le Sang Noir E-Book

Manon Le Bras

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Beschreibung

L'heure de la vengeance a sonné. Les ennemis passent à l'offensive. Le monde est à l'aube d'une nouvelle ère. D'une nouvelle menace, bien plus noire que les précédentes. Pour la énième fois, Naomi va voir tout son univers s'effondrer. Elle qui pensait pouvoir profiter pleinement de sa vie de femme mariée, elle n'en aura pas l'occasion. Son destin va, une fois de plus, être compromis. Ses rêves, en une seule seconde, vont être balayés. Son coeur va, encore une fois, être ravagé. Entre les menaces qui ne cessent de s'accumuler, et l'arrivée de Keran, un bel étranger tatoué au teint bronzé qui vient frapper à sa porte un pluvieux matin d'automne, la jeune femme va se retrouver confrontée à la dangerosité des Aînées, une communauté de sorcières adeptes de magie noire, aux agissements plus qu'effroyables, qui cherche à tout prix à lui mettre la main dessus. Face à cette nouvelle menace, des tensions naîtront au sein du couple, et Alexander sera brisé lorsque sa femme lui refusera la seule chose qu'il désire le plus au monde. Toutefois, avant de pouvoir se réconcilier avec sa belle, le vampire payera le prix de représailles diaboliques, en devenant un dommage collatéral des Aînées. Naomi, seule et désespérée, refusera de tirer un trait sur le seul homme qu'elle ait jamais aimé. Peut-elle seulement compter sur le soutien de Keran qui lui affirme être de son côté et prêt à tout pour la protéger ? Les personnes qui l'entourent sont-elles toutes dignes de confiance ? L'espoir d'un avenir meilleur est-il réellement possible ? L'amour qu'elle porte à son vampire sera-t-il assez fort pour le délivrer du sort dont il est victime ? Notre héroïne va alors devoir faire preuve d'un sang-froid à toute épreuve pour tenter de protéger ses proches et se battre pour le plus important : rester en vie.

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Seitenzahl: 600

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Ce livre n'est pas seulement une histoire d'amour banale ou

de romance paranormale. Il évoque la séduction, l'attirance,

l'amour bien sûr, mais également la souffrance, la tentation,

l'infidélité, la violence et le meurtre. Vous y trouverez aussi

des touches d'humour, ainsi qu'une multitude de

rebondissements.

Oh, et attention ! Certains passages sont... comment dire...

passionnés.

Bonne lecture.

À partir de 14 ans.

Œuvres précédentes :

Fantasy Urbaine :

. Le Sang Soleil – Tome 1

. Le Sang Lunaire – Tome 2

. Le Sang Scellé – Tome 3

Roman Sentimental/Suspense Romantique :

. BODYGUARD : Un amour interdit

'' What is love ? Love is pain. Love is butterflies and stomach aches. Love is looking out a windowpane. Tears dripping looking like you're in the rain, for someone you don't even know but somebody you may never see again. ''

'' Qu'est-ce que l'amour ? L'amour, c'est la douleur. L'amour, c'est des papillons et des maux de ventre. L'amour, c'est regarder par la fenêtre avec des larmes qui coulent comme si tu étais sous la pluie, pour quelqu’un que tu ne connais même pas et que tu pourrais très bien ne plus jamais revoir. ''

~ Swing Life Away ~

- Machine Gun Kelly -

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

ÉPILOGUE

1

C'en est trop. Je ne veux plus essayer. Je suis vannée. Je refuse de continuer à me battre pour obtenir une simple chose : la tranquillité. Ça y est : la coupe est pleine. J'en ai plus qu'assez de tout ça. Plus qu'assez d'espérer vivre une vie normale, pour qu'au final, un autre événement ait lieu et vienne me confirmer ce que je savais déjà : qu'une situation heureuse ne dure jamais bien longtemps ; la balance finit toujours par s'équilibrer, et le karma par me rattraper.

Depuis le temps, je devrais avoir retenu la leçon. Tous ces bagages que je trimballe auraient dû me mettre en garde contre l'espoir. L'espoir de pouvoir enfin être heureuse. L'espoir de pouvoir enfin tirer un trait sur tous les malheurs qui me sont arrivés. L'espoir d'envisager un avenir paisible et certain avec l'homme que j'aime. L'espoir de vivre. Tout simplement.

Bref. Vous l'aurez compris : l'espoir, ça craint.

À bout de nerfs, je ne me contrôle plus. Tous mes membres se mettent à trembler les uns à la suite des autres, et à me voir ainsi, si frêle et si misérable, ma colère prend le dessus sur mon chagrin, et réalisant que je suis sur le point de hurler de désespoir, une part de moi se brise. Comme si mon âme se divisait en deux et sortait de mon corps. Comme si mon cerveau se mettait volontairement sur « Pause ». Comme si ma conscience refusait d'accepter cette triste réalité : que ma vie est une fois de plus menacée.

Gabe a maintenant disparu. Il s'est volatilisé dans la nuit sombre, sans nous donner plus d’explications. Sans juger utile de nous en dire davantage. Mais je m'en moque, car son grand déballage a pour conséquence de débloquer quelque chose en moi. Curieusement, je n'ai plus envie de pleurer, mais plutôt de rire aux éclats face à cette situation tristement comique.

— Nan mais sans déconner ! mugit Alex en fermant violemment la porte, me sortant par la même occasion de ma légère absence. Pour qui il se prend, celui-là ?!

Épuisée et écœurée en voyant comment se dessine mon avenir, je ne réponds rien et garde mes yeux fixés sur le mur qui se trouve face à moi, sans bouger. Seulement, mon époux enchaîne, et je suis bien obligée de porter toute mon attention sur lui si je veux éviter qu'il ne panique encore plus :

— Il nous annonce qu'une communauté entière de sorcières va venir pour toi, et il se casse ! Normal, quoi ! À nous de nous démerder avec ça !

J'aimerais lui répondre quelque chose. J'aimerais le rassurer et lui dire que tout finira par s'arranger, mais je n'en suis pas capable. Aucun son ne daigne sortir de ma bouche.

À quoi bon parlementer ? Quel serait l'intérêt de lui faire croire qu'il me reste encore de l'espoir ? Un avenir ? À quoi ça servirait que je lui mente ?

Ne sachant pas comment réagir, je me contente d'observer mon mari, le regard vitreux, sans dire mot.

— Naomi ? profère-t-il en faisant un pas vers moi.

— Mmmh ?

— Ça va ?

— Oui, très bien.

Les yeux levés jusqu’au plafond, mon vampire me dévisage désormais avec une profonde sidération.

— Tu en es sûre ? insiste-t-il d'une voix blanche.

— Oui. Je vais aller prendre mon bain, maintenant.

Sous le regard stupéfait de mon mari, je me retire sans plus attendre de l'entrée et commence par monter les premières marches de l'escalier. Cependant, Alex se plante devant moi, la mine préoccupée, et me stoppe avant que je ne puisse aller plus loin :

— Tu... tu as entendu ce que l'elfe nous a dit, n'est-ce pas ? me demande-t-il en me retenant par le bras.

— Oui.

— Et... ça ne t'inquiète pas ?

— Non.

— Non ?

— Je crois que... c'est ma destinée. Après tout... je devrais m'y faire, depuis le temps.

— T'y faire à quoi ?

— Au fait d'être constamment menacée. Peut-être que ça doit finir ainsi. Avec moi.

Les yeux et la bouche grands ouverts, mon vampire ne semble visiblement pas savoir comment réagir. Ma réponse le réduit au silence et l'empêche également de faire tout mouvement. Je saute donc sur cette occasion pour m'éloigner de lui et filer à la salle de bain me glisser dans le fond de la baignoire. Seulement, j'ai à peine le temps de me laisser engloutir par la chaleur et la sérénité de l'eau, que les pas lourds de mon mari retentissent dans la pièce, et que son visage se dessine difficilement au-dessus de ma tête. L'instant d'après, ses mains puissantes m'agrippent par les bras et me remontent à la surface. Me voilà à présent assise, face à mon époux, qui paraît visiblement très inquiet par mon étrange comportement.

— Naomi, tu me fais peur, m'avoue-t-il, l'expression sinistre.

— Moi, je te fais peur ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Pourquoi ? Peut-être parce que tu agis comme si tout allait parfaitement bien, alors qu'on sait bien tous les deux que ce n'est pas le cas.

— Alex...

— Non, écoute-moi ! Je sais ce que tu es en train de faire, aboie-t-il, les poings serrés.

— Ah oui ?

— Oui ! Tu es en train de baisser les bras !

— C'est faux, rétorqué-je. Je ne baisse pas les bras.

— Ah non ? On dirait, pourtant !

— Je ne baisse pas les bras, Alex. J'accepte simplement ma situation. Je sais parfaitement que tenter de lutter ne servirait à rien. Je suis certainement venue au monde pour vivre cette vie. Je ne vois pas d'autres explications.

— Tu le penses vraiment ? m'interroge-t-il, vraisemblablement révolté par ce qu'il entend.

— Oui.

— Très bien. Je t’assomme tout de suite ou tu préfères attendre d'avoir atteint tes vingt-cinq ans ?

— Je ne trouve pas ça drôle, réponds-je, les sourcils froncés.

— Tant mieux, parce que moi non plus. Où est passée la Naomi battante et courageuse que je connaissais ?

— Elle est lessivée, Alex. Elle est découragée.

— Non, je ne le permettrai pas, répond-il en secouant impétueusement la tête de gauche à droite. — Ah non ?

— Non. Tu vas te battre. Je te ferai changer d'avis.

— Et comment comptes-tu t'y prendre ?

— J'en sais rien. Mais je trouverai.

Sur ces mots, il se relève et quitte la salle de bain en faisant claquer la porte derrière lui avec une extrême violence.

— Génial...

Lorsqu'il redescend, ses pas continuent à raisonner dans toute la maison. Probablement parce qu'il est furieux et qu'il punit volontairement les marches de l'escalier dans sa colère. Ces pauvres marches en marbre blanc qui ont dû coûter une fortune et qui n'ont rien demandé à personne.

Me sachant incapable de rattraper mon mari et d'avoir une conversation sérieuse avec lui pour le moment, je ferme les yeux, et plonge entièrement dans cette eau chaude et savonneuse pour me laver, et me débarrasser de tous les tourments qui ravagent ma conscience et bouffent mon âme depuis déjà trop longtemps.

Une fois parfaitement sereine et relaxée, et me sentant enfin apte à affronter la fureur de mon époux, je revêts mon pardessus en satin noir et descends au salon pour le retrouver. Celui-ci est assis sur le canapé, la tête baissée, et les épaules voûtées. Étrangement, j'éprouve un immense malaise en m'avançant dans la pièce. J’ignore comment je vais réussir à entamer la conversation après son accès de colère, mais je ne peux pas le laisser ainsi à se torturer les méninges à mon propos : ce serait injuste de ma part.

Quand j'arrive à son niveau, je le vois lever le regard et me fixer sans aucun ressenti dans les pupilles. Elles qui sont habituellement si étincelantes de passion, ce soir, leur lueur n'est à présent plus que fantôme.

— T'es furieux contre moi, c'est ça ? lui demandé-je d'une toute petite voix.

Il pouffe silencieusement, avant de secouer la tête dans une flagrante exaspération.

— C'est ce que tu crois ?

Je hausse les épaules, attendant patiemment que mon bien-aimé enchaîne. Curieusement, il me prend par le bras dans une expression amusée et me guide jusqu'à lui pour que je puisse venir m'asseoir sur ses genoux.

— Naomi Wilkerson, jamais je ne pourrais rester furieux contre vous plus de cinq secondes, me répond-il avec un sourire en coin.

— C'est vrai ?

— Mmmh-mmmh. Simplement, je vous trouve très horripilante, et ce, chaque jour un peu plus.

— Horripilante ?

— Exactement. Très horripilante. Ultra horripilante. Méga horripilante même. Vous allez finir par me rendre fou.

— Je croyais que c'était déjà fait, répliqué-je en me mordant la lèvre inférieure pour retenir ce sourire grandissant qui persiste à s'afficher joyeusement sur mon visage.

La réaction de mon vampire ne se fait pas attendre, puisque dans un froncement de sourcils, il prend ma tête entre ses mains et abat sa bouche sur la mienne avec une exaltante frénésie. Aussitôt, mon souffle se coupe, et les battements de mon cœur s'intensifient avec une intense gravité.

— Je te demande pardon si j'ai été un peu sèche, tout à l'heure, chuchoté-je à ses lèvres. Pardon si je t'ai inquiété. Ce n'était pas du tout mon intention. Seulement... on était enfin heureux. On avait enfin la possibilité de pouvoir construire un avenir rien que tous les deux, et voilà : tout ceci recommence. Alors... j'étais un peu en colère, je l'avoue. En colère contre Gabe. En colère contre l'univers. En colère contre ma foutue destinée. Je ne pensais pas réellement tout ce que je t'ai dit.

— Je le sais, me dit-il. Excuses acceptées.

Soulagée, je laisse échapper un profond soupir, faisant reposer ma tête contre la poitrine de mon mari.

— Qu'est-ce que Dwayne me voulait, tu crois ? l'interrogé-je avec anxiété. Me prévenir ?

— J'en sais rien. Il pensait peut-être que tu avais la clé pour expliquer ces mystérieuses apparitions auxquelles nous avons assisté et avec lesquelles nous avons dû cohabiter pendant un temps.

— C'est moi, la clé. D'après Gabe, je suis un vortex à moi toute seule. J'attire les forces démoniaques tout droit vers moi.

— On va trouver un moyen d'y remédier, m'assure-t-il en dégageant mon front de plusieurs mèches rebelles.

— Ah oui ? Et comment ?

— Je ne sais pas comment, mais on y arrivera. On le doit.

— Ton optimisme est bien touchant, dis-je. Touchant, mais tellement naïf.

— Ce n'est pas être naïf qu'espérer que tout s'arrange, Naomi. Qu'espérer que tu aies un jour la vie de rêve que tu mérites tant.

— Alex, mon rêve, c'est toi. Ça s'arrête là. Mais aujourd'hui, il ne s'agit plus d'affronter des vampires, des loups-garous ou bien des fantômes, mais une communauté entière de sorcières.

Des sorcières qui ont des pouvoirs très puissants.

— Et en quoi est-ce différent, cette fois ? me questionne-t-il avec son habituel air arrogant.

— Parce que je t'ai menti ! J'ai la trouille, Alex ! J'ai vraiment la trouille ! Je ne sais pas pourquoi, mais... j'ai un mauvais pressentiment.

— Un pressentiment ?

— Oui. Fous-toi de moi si ça t'amuse, mais c'est ce que je ressens. J'ai peur, Alex. Cette fois, j'ai réellement peur. Et le fait de ne pas savoir pourquoi me terrifie encore un peu plus.

— Hé, viens par là, souffle mon cher et tendre en m'attirant dans ses bras. Il ne nous arrivera rien. Je te le promets.

— Tu ne peux pas en être sûr.

— Si : j'ai un pressentiment.

Incapable de rester triste plus longtemps, je souris contre son torse, avant d'enfouir un peu plus ma tête dans son cou.

— J'arrive pas à croire qu'un truc pareil nous tombe dessus. À nouveau.

— Je sais, me répond-il en déposant un doux baiser gelé sur ma joue, moi non plus, je n'arrive pas à le croire.

— Le pire dans tout ça, m'exclamé-je, c'est qu'avant toute cette histoire, j’aimais énormément la sorcellerie.

— Vraiment ?

— Oui, j' t'assure ! C'est quelque chose qui m'a toujours fascinée.

— Pourquoi me dis-tu cela ? Ce n'est plus le cas, désormais ?

— Oh non. Enfin, maintenant... on sait pourquoi Mona ne s'est jamais transformée après avoir bu mon sang. Je t'avouerai que ça, ça m'a longtemps perturbée.

Mon vampire soupire, avant de venir fixer son regard divin au mien.

— Tu sais ce qu'on devrait faire, tous les deux ? lâche-t-il en prenant subitement mes mains dans les siennes.

— Prier ?

— S'enfuir. Rien que toi et moi.

— Argh. Arrête avec ça.

— Pourquoi ?! clame-t-il avec ébahissement. Pourquoi cette idée te paraît si absurde que ça ?!

— Parce que... tu ne le penses pas sérieusement.

— C'est vraiment ce que tu crois ?

— Oui.

Instantanément, Alex se lève du fauteuil, m'emportant avec lui dans son élan et sa force. Tous les deux dorénavant face à face, je peux, hélas, le voir lutter contre l'imminence d'une nouvelle crise. Une crise sur le point de s'abattre sur moi.

— Je suis fatigué de tout ça, Naomi, m'annonce-t-il gravement.

— De quoi tu parles ?

— De notre situation qui demeure éternellement figée !

— Figée ?

— Pourquoi est-ce que tu n'admets pas une bonne fois pour toutes que tu ne veux pas que je redevienne humain ?!

Dès l'instant où mon époux prononce ces mots ; ces mots si déchirants et si bouleversants, tous mes poils se hérissent, et ma respiration se bloque.

Merde. Alors, celle-là, je ne l'ai vraiment pas vue venir.

Inapte à lui répondre, je me contente de l'observer, en frissonnant de tous mes membres.

— ALLEZ, RÉPONDS ! s'impatiente-t-il.

— Non, tu as raison, je n' veux pas !

Malgré tous mes efforts pour le préserver, je ne réussis pas à garder cette réponse pour moi plus longtemps. Je me dois donc de le regarder encaisser cette violente révélation avec douleur, sans parvenir à me calmer.

— J' le savais, finit-il par dire, un anéantissement total dans la voix. Ce que tu aimes chez moi, c'est le fait que je sois un vampire ! Un être immortel qui amène de la fantaisie dans ta vie !

— Arrête ! C'est faux !

— Vraiment ?

— Oui ! J'aime le fait que tu sois un vampire, tu as raison !

Mais ce n'est pas cet aspect-là de toi que j'aime le plus, mais qui tu es, toi. Ce que j’aime le plus en toi, c'est qui tu es. Pas ce que tu es ! lâché-je en sanglotant.

— Tu en es certaine ? Tu ne veux pas plutôt passer ta vie avec un vampire pour qu'il puisse voler à ton secours à la moindre occasion ?

Abasourdie par ce que j'entends, je ne peux retenir mes larmes plus longtemps.

— Comment est-ce que tu peux dire ça ?

Le fait de me voir dans un tel état ne semble même pas le déranger plus que ça. Lui qui, d'habitude, déteste me savoir ainsi, aussi dévastée et brisée, paraît lutter de toutes ses forces pour aller au bout de ce nouveau conflit.

— J'en sais rien, Naomi. Je pensais que tu m'aimais assez pour envisager un jour cette solution.

— Ce ne serait pas une solution, dis-je, mais une tragédie.

— Tu vois ?! Tu n'as jamais été de mon côté ! Tu ne fais que me mener en bateau depuis le début !

— Non, tu te trompes ! Si je refuse que tu redeviennes humain, c'est parce que je ne veux pas que tu me le reproches plus tard ! Tu aimes être un vampire ! J' le vois bien ! Si jamais tu fais ça, tu finiras par me détester !

— Non, Naomi. Non. Ce n'est pas vrai.

— Si, c'est vrai. Et tu sais ce que je vois d'autre, Alex ? La lueur dans tes yeux qui a diminué depuis qu'on s'est mariés.

Depuis qu'on vit ensemble. Depuis que tu ne peux plus faire ce que tu veux. Tu n'es pas heureux, je le vois bien. Du moins, plus comme avant. Avant que tu me rencontres.

— Non. Je ne peux pas te laisser dire ça, réplique-t-il en reprenant mes mains dans les siennes. Je suis heureux, aujourd'hui. Bien plus que je ne l'aie jamais été.

— Non, tu mens. Tu as abandonné ta vie pour moi. Pour vivre avec moi, comme un humain. Mais tu n'es pas humain, Alex.

— Naomi...

— Je t'aime. Et c'est pour cette raison que je ne peux pas te donner ce que tu veux. Ma vie n'est pas compatible avec la tienne. Elle ne l'a jamais été.

— C'est vraiment ce que tu penses ? me questionne-t-il, complètement dévasté.

— Oui.

— Alors, quoi ? Tu veux qu'on se sépare ? C'est ça ? me demande-t-il en faisant couler une larme de sang sur sa joue.

Avant ce jour, je n'avais jamais vu Alex pleurer, et je dois bien avouer que cette vision est la pire des choses que j'aie pu voir de toute mon existence.

—Nan, mais... je ne veux pas que tu sacrifies ce que tu as de plus cher au monde pour moi.

— Mais ce que j'ai de plus cher au monde, c'est toi. Je n'en peux plus de ne pas te voir aussi souvent que je le voudrais.

Qu'on soit obligés de sortir uniquement la nuit. Je veux pouvoir vivre notre amour en plein jour. Je veux pouvoir t’emmener à la plage, te tenir la main au soleil, voir tes cheveux flamboyer... et bien plus encore.

— Alex...

— Je suis prêt, Naomi. Je le suis depuis le jour où je t'ai rencontrée.

— Je suis navrée, glapis-je, la vision brouillée par mon chagrin. Moi, je n' le suis pas.

Son visage à présent méconnaissable à cause de toutes les larmes de sang qui n'ont cessé de dévaler sur ses joues, mon mari se détache de moi en hochant mécaniquement la tête et en reculant de plusieurs pas. À présent, il ne me regarde plus. Il semble ailleurs. Déconnecté de la réalité. Déprimé, tel un homme à qui on aurait arraché le cœur. Un homme à qui on aurait refusé sa dernière volonté.

Quelques secondes plus tard, il finit par affaisser les épaules, avant de se diriger vers le couloir dans une démarche vacillante.

Intriguée par son comportement, je le suis sans perdre une seconde et le vois s’aventurer silencieusement jusqu’à l'entrée, sans en comprendre la raison.

— Où est-ce que tu vas ?

Mes regards de supplications n'ont, à cet instant, aucun effet sur lui. Il ne juge même pas utile de me répondre. Même pas utile de me regarder. Il se contente simplement d'ouvrir la porte dans un geste atone, et disparaît l'instant d'après dans la nuit froide et obscure de cet effroyable mois de novembre.

***

Ça ne peut pas être réel. Cette dispute ne peut pas avoir eu lieu. Pas déjà. Il ne peut pas être parti comme ça. Sans un dernier mot. Sans un dernier regard. Sans un dernier baiser.

Et pourtant si. Alex a bien franchi la porte. Il est réellement parti. Il a préféré opter pour la fuite plutôt que pour l'argumentation.

Même s'il est vrai que je me suis montrée dure avec lui, il aurait tout de même pu essayer de comprendre les raisons pour lesquelles je refuse de lui accorder la mortalité. Mais en y repensant, c'est vrai que j'ai réagi comme la pire des connes.

Putain, Naomi, tu as vraiment le chic pour tout gâcher !

Ne sachant absolument pas comment réagir après le départ de mon mari, je reste comme une idiote devant la porte d'entrée, à espérer le voir faire demi-tour. Malheureusement, personne ne franchit la porte, et je demeure là, au milieu du couloir, à cesser de combattre cette peine qui me hante. Je laisse toutes mes émotions me submerger, sans essayer de les canaliser. Avant ce soir, je n'avais jamais vu Alex aussi abattu, mais il ne se rend pas compte de ce qu'il me demande. Cela ne se peut pas. Sa requête est bien trop considérable. Bien trop démente. Bien trop définitive pour que je la lui accorde.

Dans tous mes états, je pars me poser devant la télé pour essayer de trouver un quelconque programme à regarder pour éviter à mes nerfs de partir dans tous les sens. Cependant, comme redouté, je ne parviens pas à rester concentrée sur la moindre programmation et éteins avec rage le téléviseur pour venir m'emparer de mes clés de voiture laissées dans le vide-poche posé sur le buffet, à l'entrée de la cuisine.

Je ne peux pas rester ici à attendre sagement qu'il rentre ! Il faut que je parte à sa recherche.

Seulement, je me rends vite compte que je suis en nuisette et que je ne porte rien aux pieds. Toutefois, l'idée que quelqu'un m’aperçoive dans cette tenue m'est complètement égal.

Pour tout avouer, je m'en fous royalement.

Néanmoins, je ne peux pas conduire pieds nus. C'est donc sans attendre que je m'empare d'une paire de bottines noires et que j'enfile mon manteau le plus chaud.

Comme j'estime avoir perdu assez de temps comme ça, je cours au garage pour me réfugier à l'intérieur de ma Dodge, le palpitant à son maximum. J'insère la clé dans le système de contact comme une sauvage et démarre sur les chapeaux de roues. Je ne sais pas vraiment où je vais, mais ce qui est certain, c'est que je compte bien passer le quartier au peigne fin à la recherche de mon homme. Rien ni personne ne m'empêchera de faire demi-tour. Pas même cette foutue pluie qui s'abat à l'instant sur mon capot de manière très bruyante et qui vient dangereusement brouiller ma vision.

Si cette averse s'avère être un avertissement des Dieux pour que je fasse demi-tour sur-le-champ, je compte bien l'ignorer.

Toutefois, après trois heures à patrouiller sous les nombreuses trombes d'eau qui se sont déferlées en discontinue sur mon véhicule, je rentre à Melrose, bredouille et complètement anéantie. Je n'ai pas réussi à retrouver Alex, et je n'ai aucune idée de l’endroit où il pourrait être allé se réfugier.

Mon Dieu, je prie pour qu'il ne fasse pas de bêtises. J'espère sincèrement qu'il va se calmer et qu'il va finir par rentrer.

Une fois passé la porte d'entrée, je m'empare de mon téléphone portable et compose le numéro du Tasty Palace, sentant ma poitrine se serrer douloureusement à chaque seconde qui défile.

— Tasty Palace, le club le plus torride et le plus satisfaisant du coin. Anastasia à l’appareil. Que puis-je faire pour vous rendre heureux ?

... Non mais c'est quoi, cette phrase d’accueil ?

— Heu... Ana ? C'est Naomi.

— Oh, salut, Naomi ! Tout va bien ?

— Non. Pas vraiment. Alex et moi, on... on s'est disputés, et...

il a quitté la maison sans prendre son portable. Je ne sais pas du tout où il est allé. J'ai fait tout le tour du quartier en voiture, mais je ne l'ai pas trouvé. Tu ne l'aurais pas vu au club, ce soir, par hasard ?

— Alex est parti ? lâche-t-elle avec une stupéfaction évidente dans la voix.

— Oui. Tu l'as vu ou non ?

— Non. Il n'est pas passé ici.

Merde !

— D'accord. Si jamais tu le vois, tu peux m'appeler immédiatement ?

— Bien sûr. Mais ne t'inquiète pas trop. Il va revenir. C'est d'Alex dont on parle.

— Je ne sais pas. Ce n'était pas comme d'habitude.

— Comment ça ?

— J'en sais rien. Quand il a passé la porte, il était... vraiment très malheureux.

— Il s'est passé quelque chose ? m'interroge-t-elle, dorénavant intéressée par ce que je lui raconte.

— Non. Du moins... j'espère pas. Je te remercie encore, et n'oublie pas de me prévenir si tu l’aperçois quelque part.

D'accord ?

— Je n'y manquerai pas. Bonne nuit, Naomi.

— Merci. À plus tard.

« Bonne nuit »... Tu parles ! Ana est bien gentille, mais je ne vais pas réussir à fermer l’œil !

Hélas, je ne peux m'en prendre qu'à moi. J'ai été odieuse avec le seul grand amour de ma vie. Il a eu raison de partir et de me laisser en plan, dans le couloir, comme une moins que rien.

Mais c'est justement pour cette raison qu'il doit revenir. Il faut que je lui fasse mes excuses. Il doit revenir. Il le doit.

Ô Seigneur... Mais qu'ai-je fait ?

***

Debout depuis quatre heures trente, j'ai attendu le retour de mon vampire toute la nuit.

Mais où Diable a-t-il pu aller ? Va-t-il seulement revenir ?

Oui ! Il le faut !

Ana ne m'a pas appelée. Ni Jane, d’ailleurs. Alex ne s'est donc pas rendu au Tasty Palace après mon coup de fil.

Mais alors... où est-il ?!

À sept heures, je contacte tous les hôpitaux du coin et les morgues pour m'assurer qu'ils n'ont personne qui corresponde au signalement de mon mari. Et heureusement, ce n'est pas le cas.

Mon Dieu. Je ne peux pas rester ainsi. Il faut que je me bouge. Si je dois imprimer des affiches avec sa tête dessus et les coller un peu partout en ville, je le ferai !

Boostée au maximum par cette poussée d'adrénaline soudaine, il ne m'en faut pas plus pour réagir, car dans les minutes qui suivent, je file sous la douche, m'habille en quatrième vitesse et avale une tasse entière de café noir.

Quand je me mets au volant de mon véhicule, il est huit heures vingt passées. Je n'ai pas honte de le dire, mais je me rends au Young Hopes en oubliant toutes mes leçons de conduite : je grille des feux ; je roule largement au-dessus de la limitation de vitesse ; je double des voitures quand cela m'est interdit ; et je ne m'arrête même pas aux panneaux « STOP ».

Toutefois, et pour ma défense, m’inquiéter d'un éventuel contrôle de police serait mal venu et idiot. Surtout aujourd'hui.

Arrivée à Woodycrest, je pousse la porte du club avec frénésie et ne juge même pas utile de la refermer. Bizarrement, je trouve le Young Hopes vraiment très calme, voire lugubre, mais en progressant davantage sur les lieux, je ne tarde pas à entendre des tintements de bouteilles provenir très clairement de notre pièce de stockage. Je me précipite alors vers le brouhaha en question à grandes enjambées et tombe sur Charles qui est visiblement en train de contrôler le stock de nos réserves d'alcool, le tout, en sifflotant un air de jazz bien barbant.

— Charles !

Surpris, il se relève en vitesse, se cognant violemment la tête contre l'étagère du dessus.

— Aïe !

— Désolée. Je ne voulais pas te faire peur.

— Naomi ? s'égosille-t-il, vraisemblablement surpris de me voir ici. J'avais cru comprendre avec Harry que tu avais pris quelques jours de congé. Tu reviens bosser ?

— Oui. Enfin... non, pas vraiment. Si je suis ici, c'est pour te demander quelque chose de très important.

— Oh. Je t'assure que j'étais en train de travailler, dit-il en se frottant la tête à l'endroit apparemment douloureux. J' veux dire... je n'étais pas du tout en train de me la couler douce. Je...

— Peu importe ! le coupé-je, à bout de nerfs. Ce n'est pas pour cette raison que je suis là !

— Ah non ? Vraiment ?

— Alex, tu l'as vu ici récemment ?

— Alex... Ton mari ?

— Oui, Charles ! Mon mari ! Est-ce que tu l'as vu ?

— Non, pourquoi ?

— Merde !

Très contrariée, je repars illico dans la direction opposée, en laissant Charles dans la perplexité la plus totale, et ce, sans ressentir le moindre embarras.

— Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ? m'interroge mon barman en tentant de me rattraper.

— Rien ! Mais si jamais tu le vois, appelle-moi immédiatement, d'accord ?

— D'accord, mais... où est-ce que tu vas ?

— Je t'expliquerai plus tard ! Bonne journée, Charles.

Le cœur battant à tout rompre, je sors du Young Hopes dans un état déplorable, puis me précipite au parking dans l'intention de récupérer ma voiture. Et pourtant, je ne peux aller nulle part, car une camionnette blanche s'est garée à contresens, derrière ma Challenger, perpendiculaire à mon coffre.

Oh non... Ce n'est vraiment pas le jour !

— Hé ! crié-je en faisant le tour du véhicule pour m'adresser au conducteur. Vous pouvez bouger votre fourgonnette ?!

Seulement, arrivée devant la vitre concernée, je ne distingue qu'un siège laissé à l'abandon à travers l’extrême saleté du carreau.

— De mieux en mieux...

Agacée, je tourne la tête de gauche à droite, dans l'espoir d’apercevoir la moindre personne. Malheureusement pour moi, je suis la seule entité vivante présente sur ce parking angoissant.

— Bon, tant pis pour lui : j’appelle la fourrière.

Grandement irritée, je pousse un long soupir d'agacement et sors avec empressement mon téléphone portable de ma poche.

Toutefois, je n'ai même pas le temps de le déverrouiller, puisque la portière arrière de la fameuse fourgonnette finit par s'ouvrir dans un bruit de coulissement.

Soulagée de ne pas avoir à passer ce coup de fil qui s'avère être toujours un peu gênant et délicat, je m'apprête à tourner la tête vers l'individu qui vient de sortir du van pour lui demander de bien vouloir bouger son fourgon. Cependant, je n'en ai pas non plus l'occasion, car une main ferme vient précipitamment se plaquer sur ma bouche.

Prise de panique, je tente immédiatement de me dégager de l'emprise de mon agresseur, mais une douleur semblable à une piqûre survient dans mon cou, m'empêchant de reprendre l'avantage. Je tente tout de même plusieurs initiatives de défense en donnant des coups de coude dans le buste de mon assaillant, mais hélas : à mesure que je frappe, mes forces s’affaiblissent, et ma tête se met à tanguer.

J'ignore si c'est l'habitude des expériences passées, ou bien tout simplement un pressentiment, mais je comprends immédiatement que toute tentative de fuite serait inutile et que je dois malheureusement accepter ce qui est en train de m'arriver : que je suis en train de me faire enlever, et que cette fois, personne ne viendra pour me sauver.

2

Il y a une odeur étrange, ici. Une odeur de Lizol ou d'un nettoyant quelconque pour le sol très désagréable qui me pique les narines. Cependant, ce n'est pas le plus étrange, car une sensation lugubre englobe mon corps, et j'ai comme la sensation d'être observée.

Et pas de la plus innocente des façons.

Lorsque j'entreprends d'ouvrir les paupières, je suis obligée de m'y reprendre à plusieurs fois : elles sont étrangement lourdes et très douloureuses. J'ignore pourquoi, mais j'ai comme l'impression de sortir d'un long coma. De satanés étourdissements font également leur apparition, et une minute m'est nécessaire pour refaire entièrement surface. Toutefois, la luminosité de l'endroit m'oblige à garder les yeux fermés un long moment. Bizarrement, tout mon flanc gauche me fait souffrir, et un murmure continu de voix humaines se fait entendre à quelques mètres de là, assez difficilement audible, comme si ces personnes se trouvaient dans une dimension autre que la mienne.

Désorientée, je suis contrainte de forcer sur mes bras pour me redresser, et reste quelques instants assise, à regarder tout autour de moi, dans l'espoir de trouver un indice qui pourrait m'aiguiller sur l'endroit exact où je me trouve.

Malheureusement, c'est une initiative que je me dois de remettre à plus tard, car un foutu mal de crâne se réveille soudainement, anéantissant mes capacités à me concentrer.

Étant dans l'inaptitude de soulager mes maux pour le moment, je me relève avec beaucoup de difficulté et m'avance jusqu'à une minuscule arrivée d'air présente dans le mur. Le peu que je puisse en dire, c'est que je suis apparemment séquestrée dans une pièce très propre et vraisemblablement chauffée.

Une pièce chauffée, soit, mais une pièce tout de même munie de barreaux.

Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, ni du lieu dans lequel je me trouve, mais il se pourrait bien que mon enlèvement ait un lien avec la disparition d’Alex, et si c'est le cas, je dois à tout prix découvrir qui sont les individus responsables de tout ça.

Sans plus attendre, je me rapproche des barreaux en oscillant et passe mes mains entre eux pour vérifier le système de fermeture. Il s'agit d'une serrure visiblement récente et très coûteuse. Il est donc inutile d’espérer réussir à l'enfoncer avec la seule force de mes petits bras.

Bordel de merde.

C'est un cauchemar. Il faut que j'agisse. Je ne peux pas rester ici. Alex n'a plus donné signe de vie depuis hier soir, et il se peut que je sois là depuis plusieurs heures. Enfermée dans cet endroit. Et si mon vampire n'est toujours pas venu à mon secours, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison. Une raison qui m'inquiète énormément, puisque même fâché contre moi, mon mari ne me laisserait pas dans cette cage, à me faire du souci pour ma vie. À me faire du souci pour sa vie.

Non. Il faut que je me bouge.

Je me concentre donc avec attention sur les sons qui m’entourent, et finis par reconnaître très nettement des bruits de klaxons et de moteurs de voitures à quelques mètres à peine du lieu où je me trouve. Je ne suis donc pas retenue prisonnière dans un endroit isolé, mais dans un endroit où il y a de la circulation. Alors, avec un peu de chance, si je hurle assez fort, un passant pourrait m'entendre et appeler la police.

Parfait. C'est décidé : je vais crier.

Cependant, au moment où je prends une grande inspiration pour hurler à pleins poumons, une femme blonde aux yeux noisette, approchant de la trentaine et très élégante, pénètre dans la pièce. Elle est habillée d'un chemisier crème en dentelle à manches longues, d'une jupe légère parsemée de rouge et de rose, et munie de bottes marron en suédine.

Une vraie princesse sortie tout droit d'un conte de fées.

— Bonjour, Naomi, lance-t-elle d'une voix aérienne. Je suis heureuse de pouvoir enfin mettre un visage sur ce ravissant prénom.

— Vous êtes qui, vous ?

— Je m’appelle June. Je représente la figure d'autorité des Aînées.

— La quoi des quoi ?

— La figure d'autorité des Aînées. La patronne, si tu préfères.

— La patronne ? répété-je en haussant brièvement un sourcil.

— Parfaitement, me répond-elle sur un air hautain. C'est moi la cheffe. La dirigeante de notre communauté divine. La plus puissante communauté au monde.

Dès l'instant où cette inconnue prononce ces mots, mon assurance se meurt. Immédiatement, je prends tristement conscience que la personne qui se trouve en face de moi n'est pas une simple femme. Il s'agit d'une sorcière. Une sorcière qui appartient apparemment à une communauté très puissante.

Une communauté dont Gabe m'avait mise en garde.

Mon Dieu, il faut à tout prix que j'en sache plus.

— Vous avez dit « communauté » ? finis-je par lâcher après un long moment de réflexion.

— Oui, Naomi. Je suis la dirigeante d'une communauté entière de sorcières noires. Et ensemble, nous formons... les Aînées.

C'est pas vrai. Alors, Gabe disait vrai. Tout ça est bien réel. La communauté existe vraiment.

— Oh, merde. Alors... c'est vrai ? Vous existez réellement ?

— Oui. J'en ai bien peur, souligne June en souriant allègrement. C'est pas génial, ça ? De vraies sorcières. Enfin... je devrais plutôt dire « sorciers ». Même si nous n’en avons qu'un seul au sein de notre communauté, il n'en reste pas moins très important.

— Pourquoi ça ? demandé-je, le regard vitreux.

Ce n'est pas que ça m'intéresse de le savoir, mais si cette folle a prévu de me tuer, je préfère gagner du temps.

— Parce qu'il est notre dernier espoir ! annonce-t-elle en élevant la voix. Il est le seul à pouvoir nous rendre notre monde tel que nous le connaissions avant. Avant que le premier buveur de sang ne fasse son apparition.

— Pff... Encore ce satané refrain... Vous n'en avez pas marre à la fin ? Notre monde est tel qu'il est. On ne peut plus rien y faire.

— C'est là que tu as tort, rétorque June en fronçant des sourcils. Nous pouvons purifier ce qui a été sali !

— Sali ? Mmmh... Étonnant de la part d'une sorcière de déclarer une telle chose, car... si ma mémoire est bonne, c'est bien l'une de vos ancêtres qui est à l'origine du tout premier vampire, je me trompe ?

— Non, tu dis vrai. Elle ne devait certainement pas se rendre compte de la bêtise qu'elle faisait ce jour-là.

— Mmmh.

— De toute façon, nous allons réparer ça. Définitivement.

— Ah oui ? Et comment ? Je serais curieuse de l' savoir.

— Patience, ma chère. Patience.

— C'est vous qui avez Alex ?

— Hou... Un très bel homme, cet Alexander, je dois bien le reconnaître, jubile June en m'offrant une expression indécente.

Enfin... « homme » n'est pas le mot qui conviendrait. Le mot « mort-vivant » serait plus adéquat.

— Où est-il ?

— Ne t'inquiète pas pour lui. Il a le droit à un p'tit sursis. Et ce, grâce à toi.

— Mais de quoi est-ce que vous parlez à la fin ?

— Toi et notre unique sorcier noir, vous êtes les seuls à pouvoir débarrasser notre monde des vampires. Ces êtres infâmes et contre-nature qui ne cessent de s’accroître un peu plus chaque jour.

— Merci, mais... j'ai déjà donné dans ce combat. Jamais je ne vous donnerai mon sang.

— Oh non, trésor. Je ne suis pas ici pour te demander ton sang. Ces loups-garous avaient de bonnes intentions à Atlanta, il faut bien l'avouer, mais niveau procédé... ils étaient complètement à la ramasse.

— Alors... comment comptez-vous vous y prendre sans mon sang ?

— Grâce à l'enfant, me dit-elle.

— De quel enfant parlez-vous ?

— Du tien.

— Quoi ?!

— Grâce à ton enfant, nous allons retrouver un monde pur et sain, clame la sorcière en se tournant sur elle-même.

Le regard levé vers le ciel, et les bras tendus, June se met à présent à fermer les yeux en inspirant profondément.

Troublée par son comportement, je la dévisage avec gravité, me demandant avec sincérité si je dois rire ou bien pleurer.

— Vous avez fumé ou quoi ? l'interrogé-je avec le plus grand sérieux.

— Pourquoi me demandes-tu une telle chose, jeune dévergondée ?

— Parce que vous déraillez, ma pauvre. Je n'attends aucun enfant.

— Pas encore, réplique-t-elle en s'approchant de la cage. Vois-tu... l'unique sorcier de notre communauté sera le père de ton enfant.

— Je vous demande pardon ?

— Nous avons besoin d'un ange, Naomi. Mais pas d'un ange blanc, comme toi, Non. Il nous faut un ange... bien plus puissant.

— Heu... désolée de venir gâcher vos plans, dis-je, mais les anges ne viennent au monde que tous les millénaires. Alors...

— Oui. Ça, j' le sais, petite insolente ! Seulement, il est possible de forcer un peu l'univers. Cet univers qui a fait de toi ce que tu es.

— Vous pouvez développer ?

— Bien sûr, me répond-elle avec enthousiasme. Si un ange blanc s'unit avec un sorcier noir, il mettra au monde l'enfant de l'espoir. Un enfant mi-ange mi-sorcier. Un ange noir. Capable de détruire tous les démons présents sur terre, les mâles comme les femelles. Un être bien plus puissant qu'un vampire. Un enfant Dieu.

— Vous êtes complètement malade.

— Pas du tout. Je ne te permets pas de me parler de la sorte !

me réprimande-t-elle.

— Je vous parle comme je veux ! C'est moi qui suis enfermée dans une cage sans pouvoir en sortir ! Vous n'avez aucun droit de me garder ici !

— Oui, eh bien, vois-tu, ce n'est pas toi qui fixes les règles, ici.

— C'est qui, alors ? Vous ?

— Naomi, il faut que tu comprennes que c'est un don du ciel que tu as reçu là. Un sang possédant la capacité de guérir l'âme meurtrie des vampires mâles. Sais-tu pourquoi ?

— Parce que...

— Car l'univers a fait en sorte que tu puisses transformer un vampire en humain si jamais tu en tombais amoureuse.

— Oui, je suis au courant de tout ça, merci beaucoup.

— L'univers a toujours été d'une âme romantique, rajoute June en posant la main sur son ventre dans un geste affectueux.

— Vous parlez de l'univers comme si c'était une personne, lui fais-je remarquer.

— Eh bien... ce n'est pas réellement faux.

— Donc... si j'ai bien compris ce que vous êtes en train de me raconter... vous voulez que je porte l'enfant du seul sorcier noir de votre communauté. C'est ça ?

— En effet.

— Vous voulez que lui et moi on... s'accouple pour que je tombe enceinte d'un enfant miracle ? C'est bien ça ?

— Exact. Quelle est ta réponse ?

— Ma réponse ? Ma réponse est la suivante : Allez vous faire foutre !

Aussitôt, la sorcière perd sa bonne humeur. Les traits de son visage se durcissent, et ses poings, le long de son corps, se resserrent bruyamment.

— Bien ! tonne-t-elle en me fusillant du regard. Peut-être que lui réussira à te convaincre.

— Lui ?

— Notre sorcier noir.

— Oh ! Ça, c’est une excellente idée. Allez-y. Amenez-le-moi.

Je serai ravie de le rencontrer pour lui balancer la même réponse à la figure.

— Tu ne te rends pas compte de l'importance de ton implication, me sermonne June. Tu as le devoir de faire ce qui est juste.

— Ce qui est juste ?! Vous vous foutez de moi ? Vous voulez que je couche avec un mec que je ne connais même pas, uniquement pour que je puisse mettre au monde un enfant mi-ange mi-sorcier, pour que lui puisse détruire tous les vampires présents sur terre ?

— Parfaitement bien résumé, me félicite la sorcière. Qu’est-ce qui te choque ?

— Ce qui me choque ? J'en sais trop rien... Peut-être vos propos complètement insensés. Si j'étais vous, j'irais consulter sans tarder.

— La terre a besoin que nous lui rendions sa pureté, Naomi.

Et nous n'y arriverons pas sans toi. Tu dois faire ta part de boulot.

— Ça n'arrivera jamais.

— Oh si. Ça arrivera. Ça prendra peut-être un peu de temps, mais ça arrivera. Mais avant ça, il faudra que tu nous débarrasses de l'élu.

— De l'élu ? Quel élu ?

— Ton mari.

— Pardon ?

— Tu vas devoir le tuer.

— Tuer Alex ?

— Oui, me confirme la sorcière.

— Ah ! Alors là, vous rêvez !

— Toi seule peux le faire. Tu dois mettre un terme à ce lien qui vous unit. Et la seule façon d'y arriver, c'est en le tuant de tes propres mains. Sans ça, il ne pourra y avoir d'union.

— Eh bien, tant mieux, parce que je ne tuerai jamais Alex.

Jamais.

— Très bien. Si tu refuses, nous allons devoir nous en mêler.

Forcer un peu le destin, comme je te l'ai dit. Si tu refuses d’intervenir, nous te forcerons à le faire.

— Comment ça ? l'interrogé-je, dorénavant inquiète du tour que prend la conversation.

— Je pourrais empoisonner son âme. De cette manière, tu n'aurais pas d'autre choix que de le tuer.

— Comment ça « empoisonner son âme » ?

June ne me répond rien, mais me dévoile un sourire sardonique, avant de s'éloigner de ma prison et de se diriger vers la porte par laquelle elle a fait son entrée il y a quelques minutes de cela.

— Hé ! Revenez ! crié-je.

Elle n'en fait rien et disparaît de mon champ de vision.

— C'est pas vrai, quelle garce.

Mon Dieu, c'est encore pire que ce que j'imaginais. Il faut que je sorte d'ici, et vite.

***

Les heures défilent, et je sue à grosses gouttes. Je ne sais pas si Alex aura dans l'idée de se concentrer sur les battements de mon cœur pour me retrouver, mais s'il est, lui aussi, séquestré ici, je peux toujours l'attendre.

La tête posée contre le mur, face à l’arrivée d'air, je ferme les yeux en essayant de réfléchir à un plan pour me sortir de là.

Cependant, au même moment, une porte s'ouvre bruyamment, m'obligeant à me redresser et à tourner la tête vers l'individu qui vient de faire son entrée dans la pièce.

— Tiens. Encore vous. Moi qui me faisais une joie de pouvoir enfin rencontrer votre sorcier noir.

— Il ne va pas tarder, me répond June dans une démarche nonchalante.

— Eh bien... je l'attends avec impatience.

— Oh, crois-moi, tu ne seras pas déçue.

— Si vous l' dites...

Dans la seconde, la sorcière s'approche paresseusement de la cage et vient agripper les barreaux entre ses mains en m'interrogeant d'un regard avide.

— Alors ? Est-ce que le fait de rester ici dans cette cage t'a fait changer d'avis ?

Toujours sur mes gardes, je choisis de ne pas répondre à cette question, préférant enchaîner sur un autre sujet :

— Vous allez me garder ici encore combien de temps ?

— Le temps qu'il faudra. Tiens ! Mange ça, lance-t-elle en faisant passer un objet ovale emballé dans du film plastique à travers les barreaux. C'est un sandwich au thon.

— Pas de bol : je déteste le thon, réponds-je en fixant l'objet en question tombé au sol avec dégoût.

— Tant pis pour toi, déclare-t-elle avec véhémence. Quand tu auras faim, tu le mangeras.

— June, il y a quelque chose que je ne comprends vraiment pas, répliqué-je en me levant. Vous avez l'air d'être une personne intelligente, alors... comment pouvez-vous tolérer une telle chose ? Vous êtes une femme, vous aussi, bon sang !

La sorcière s'apprête à me répondre quelque chose, mais je la vois refermer la bouche dans la seconde. Elle semble réfléchir durement avant de bien vouloir me fournir une réponse, et quand elle se décide enfin à parler, l'expression de son visage se fait plus rigide :

— Pour sauver mille personnes, serais-tu prête à en tuer une ?

Parce que moi, oui.

— Mais personne ne devrait avoir à mourir, voyons !

— Si, Naomi. Les vampires n'ont pas leur place sur terre. Ils ne l'ont jamais eue. Si nous les laissons proliférer, tu verras qu'un jour, ce seront eux qui domineront le monde. Et l'humanité n'aura plus lieu d'être. Les humains deviendront les esclaves des morts-vivants.

— Alors... vous voulez vous servir de mon enfant hypothétique pour réparer le sort qui est à l’origine du tout premier vampire ?

— Oui. Mais si jamais tu reviens sur ta décision, sache que ton bébé ne souffrira point. Il ne nous faudra qu'une simple goutte de son sang. Associé à un sort, nous rétablirons l'ordre en moins d'une minute. Il n'aura même pas à le savoir. Et de cette manière, jamais il n'aura à apprendre l'existence des sangs-froids. Il ne saura jamais que le monde aura abrité ces sordides et infâmes créatures. Jamais.

— Vous êtes en mesure de lancer un tel sort ? m'exclamé-je, bouche bée.

— Oui.

— Waouh. Alors ça, c'est... waouh.

— Je sais, lâche June sur un ton suffisant. Alors, tu en es ?

Avant de lui faire part de ma réponse, je prends volontairement une profonde inspiration, rive mon regard au sien et lui offre mon plus beau sourire. Un sourire de petit ange.

— Plutôt crever.

Son sourire à elle disparaît. La lueur dans ses yeux se fige, et l'air dans la pièce devient soudainement très étouffant. Pour ne pas dire... irrespirable.

— Parfait ! rugit-elle en faisant un furieux pas en arrière. C'est toi qui vois ! Et tu as raison quand tu dis que je suis une femme intelligente. C'est pour cela que je vais te poser une seule et unique question. Au sujet d'une chose qui me turlupine et qui m'irrite grandement.

— Si j' vous dis que je m'en fous royalement, vous débarrasserez le plancher ?

— Ma communauté et moi avons mis tous nos efforts dans le réveil des Manaigh Dorcha, et tes amis et toi, vous les avez anéantis sans aucune difficulté, alors qu'il est presque impossible d'en venir à bout.

— Je ne dirais pas ça...

— Vous avez obligatoirement reçu l'aide d'une puissante sorcière. Donne-moi son nom.

— Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez.

Je sais bien que mon obstination la rend folle. Elle aimerait pouvoir me jeter un sort pour que je lui avoue tout, mais le fait que je sois un être surnaturel à cinquante pour cent vient considérablement contrarier ses plans, et ça, la méchante sorcière ne peut pas le supporter.

— Comme tu voudras, finit-elle par cracher après une longue minute de silence. Je la retrouverai sans ton aide. Ce n'est qu'une question de temps. De toute façon, toutes les sorcières qui ne répondront pas à l'appel devront faire un choix.

— L'appel ? Quel appel ? Et quel choix ?

— L'appel que je ne vais pas tarder à lancer. Toutes les sorcières le recevront.

— Et si certaines d'entre elles refusent de le suivre ?

— Elles n'auront pas le choix, car ce sera se rallier à nous ou mourir.

— Vous êtes une véritable ordure.

— Pense ce que tu veux de moi, me dit-elle avec désinvolture.

Si ça t'aide à dormir la nuit...

Sur ces dernières paroles, June s'éloigne et commence à regagner la sortie. Pourtant, elle se retourne une dernière fois vers moi, en prenant soin de me sourire machiavéliquement.

— Oh, j'allais oublier, siffle-t-elle en agitant modestement la tête, tu risques d'être surprise en voyant notre sorcier noir franchir la porte, mais ça ne doit pas t’empêcher d'être aimable.

Je compte donc sur toi pour lui réserver un bon accueil.

June quitte enfin la pièce, faisant claquer la porte derrière elle avec une grande brutalité.

Voilà pourquoi Zelda protège sa maison avec de la sauge. Elle savait que ça allait arriver. Elle savait que les Aînées chercheraient à la retrouver pour essayer de la recruter. Voilà pourquoi elle était aussi réticente à nous apporter son aide au début.

Mon Dieu, il ne faut surtout pas que la communauté mette la main sur elle, car June n’hésitera pas à la tuer pour avoir trahi les siens.

***

La luminosité dans la pièce s’assombrit progressivement, et les bruits de la circulation, eux, s'intensifient. C'est certainement l'heure de pointe : les gens rentrent du travail. Il doit donc faire nuit.

Et si j’appelais à l'aide ? Alex m’entendrait sûrement. Surtout si lui aussi est retenu ici.

Oui. Ça se tente.

Seulement, je n'en ai pas l’occasion, car la porte du fond s'ouvre à nouveau, et un individu qui ne m'est pas inconnu s'avance vers moi de manière quelque peu réticente.

— Dites-moi que je rêve... C'est toi ? Le sorcier noir... c'est toi ?

Mon interlocuteur ne me répond rien, préférant me dévisager avec une grotesque perplexité. Et voyant qu'il n'est pas décidé à s'expliquer, je choisis d’enchaîner, mon corps prêt à exploser d'une rage intense :

— Tu vas enfin me dire ce que tu as à me dire ou tu vas continuer à me fixer ainsi comme un sale con ?

— Salut, finit-il par lâcher dans sa barbe après avoir pouffé silencieusement. J'avais peur que tu sois blessée. Que tu te débattes un peu trop fort.

— Épargne-moi tes conneries, tu veux ? Dès que je t'ai vu, j'ai su que tu n'étais pas honnête. J'ai senti tout de suite qu'il y avait un truc. Tout ça, toute cette mascarade, ça sonnait faux. Sans parler de ton sourire niais et de ton allure ringarde. Je savais bien que je ne pouvais pas avoir confiance en toi, Charles.

Vous l'aurez compris : le sorcier noir n'est autre que mon barman adoré.

— Crois-moi, je n'ai jamais eu besoin de faire semblant, réplique-t-il en secouant la tête. Tu es... facilement appréciable.

Le plus dur, ce fut d'attendre le bon moment pour... agir. Il faut dire que tu ne m'as accordé ta confiance que très longtemps après notre rencontre.

— Et j'avais raison. J'aurais dû écouter mon instinct.

— Écoute, Naomi, dit-il en s’approchant de ma prison, je ne te veux aucun mal. Il faut seulement que tu comprennes qu'on le fait pour le bien de l'humanité.

— Le bien de l'humanité ? Qu'est-ce que tu peux sortir comme conneries, toi !

Il éclate immédiatement d'un rire retentissant, baissant la tête sans oser me regarder dans les yeux.

— C'était qui, dans le fourgon ? poursuis-je.

— Dahlia. Une sorcière de notre communauté. Normalement, c'est moi qui aurais dû t'enlever. Seulement... les autres trouvaient que je prenais un peu trop mon temps.

— Tu es le seul homme, donc ?

— Je suis le seul sorcier de notre communauté, oui.

— Les Aînées.

— C'est ça.

— Et toi ? Est-ce que... Charles est ton vrai nom, ou bien... tu t'es dit qu'un prénom assez courant en France amadouerait la jeune femme naïve que je suis ?

— Non, ce n'est pas mon vrai nom. Il faut dire qu'au début, j'avais peur que ton vampire ne creuse un peu trop dans ma vie, mais... il ne l'a pas fait. Bizarrement, il avait... confiance en moi.

Lui.

— Et comment dois-je t'appeler, alors ? Faux jeton ?

Imposteur ? Traître ?

— Tu peux m'appeler Arzel. Ça suffira amplement.

— Arzel ? C'est ton vrai nom, ça ?

— C'est le nom que ma mère m'a donné, oui.

— Hein hein...

— Naomi, June a raison, tu sais. Notre enfant est la seule chose qui puisse venir à bout de tous ces macchabées.

— T'es un grand malade. Tout comme elle.

— Non. J'ai simplement besoin que tu comprennes pourquoi il est de ton devoir de mettre au monde cet enfant.

— Charles ! Ou Arzel... ou qui que tu sois... Écoute bien les mots qui vont sortir de ma bouche : VA TE FAIRE FOUTRE !

— Naomi...

— Il n'y a pas d'enfant ! Il n'y aura jamais d'enfant ! Alors, tu peux aller dire à ta cheffe que jamais je ne porterai ton enfant, jamais ! Maintenant casse-toi. Dégage de ma vue !

— Comme tu voudras, capitule-t-il. Ce serait tellement plus simple si tu étais d’accord.

— Je préférerais encore mourir !

— Oh non, lâche-t-il en faisant de grands yeux ébahis, tu dois rester en vie. Car ton sang... est bien trop précieux pour l'imaginer cesser d'exister.

Au même moment, il sort un canif de la poche de son jean et se met à entailler sa paume gauche de la lame acérée. Du sang perle alors sur sa main, pour finir par atterrir sur le parquet en liège qui nous entoure.

— Tu me fais quoi, là ? le questionné-je en haussant les sourcils.

— Il n'y a rien qui te choque quand tu regardes mon sang ?

Troublée, je jette un meilleur coup d’œil à la tache présente au sol et écarquille les yeux. Le sang d'Arzel, alias Charles, n'est en rien semblable au nôtre. Il n'est pas de couleur rouge, mais bien aussi noir qu'une plume de corbeau.

— Waouh.

— Impressionnant. N'est-ce pas ?

— J'aurais plutôt dit « dégueu », mais... chacun son truc.

Cet enfoiré se met une fois de plus à rire.

— Oui. Rien de surprenant chez toi.

— Maintenant, je comprends enfin, lancé-je en m'approchant de lui et en passant mes mains à travers les barreaux. Je comprends pourquoi tu as pété un plomb au club, la fois où tu t'es coupé la main. Tu ne voulais pas que je puisse voir ta main.

— Du sang noir, ça aurait été compliqué à expliquer.

— Alors ? demande soudainement une sombre voix.

June vient de pénétrer dans la pièce et étudie la scène qu'elle a sous les yeux avec une flagrante impatience.

— Elle ne veut toujours pas coopérer, lui confie le renégat à la longue chevelure soyeuse.

— Tant pis pour elle. Elle l'aura voulu. Nous allons donc pouvoir procéder au plan B, lâche-t-elle avec une hostilité folle.

— C'est quoi, le plan B ?

Personne ne me répond, et monsieur Le-traître sourit à pleines dents, avant de suivre June hors de la pièce, me laissant à nouveau seule dans ma prison, à me ronger les sangs.

Le pire dans toute cette histoire, c'est que je ne suis pas plus étonnée que ça, mais plutôt très furieuse contre moi-même. J'ai toujours senti que Charles... Arzel, n'était pas net. Tous mes sens me disaient de me méfier de lui. Le pire dans tout ça, c'est que je lui ai confié des choses importantes sur moi et sur ma vie. J'ai confié des informations personnelles à un putain de traître, et maintenant, je ne peux m'en prendre qu'à moi.

S'il existait une médaille de la personne la plus crédule au monde, je la remporterais sûrement.

***

Environ une heure plus tard, vous-savez-qui refait son apparition dans la pièce à présent obscure, dans une démarche vacillante, la mine bougonne.

— Bah alors... qu'est-ce qui t'arrive ? lâché-je avec une jouissance surjouée. Tu t'es fait engueuler ? Parce que tu as une tête affreuse.

Il ne juge pas utile de rentrer dans mon jeu, et dans un soupir profond, je l'observe s'avancer vers moi et insérer une clé dans le verrou de la cage dans laquelle je suis séquestrée depuis maintenant plusieurs heures.

— Tu peux t'en aller, m'informe-t-il avec gravité.

Les yeux baissés sur les mouvements de la clé, je reste immobile, sans oser faire le moindre geste.

— C'est quoi le piège ?

— Il n'y en a pas, et crois-moi, si ça ne tenait qu'à moi, je te garderais ici.

— Et pour Alex ?

— Lui aussi a été libéré.

— C'est vrai ?!

— Oui. Mais... si j'étais toi... je me préparerais à avoir un choc.

— Pourquoi ? Que lui avez-vous fait ?

— Je brûle d’envie de te le dire, mais... ça ruinerait la surprise.

— Où est-il ?

— Alors ça, j'en sais rien. Débrouille-toi pour le retrouver.

La porte s'ouvre enfin, et mon ex-barman se pousse pour me laisser le champ libre.

— Si madame veut bien se donner la peine, raille-t-il en me faisant signe de sortir.

J'obéis avant qu'il ne change d'avis et me rue sur la porte.

Cependant, monsieur L'imposteur m'interpelle subitement de son effroyable voix, m’obligeant à m’arrêter :

— Naomi !

Je me détourne avec prudence, la main posée sur la poignée de porte, prête à prendre la tangente à n'importe quel moment.

— Tu sais ce qu'on attend de toi, me dit-il, alors... ne nous déçois pas.

— Jamais je ne tuerai Alex.

— Tu n'auras peut-être pas le choix.

Je ne comprends pas son allusion, mais je m'en fiche : j'ai plus important à faire. Là. Maintenant : je dois retrouver mon mari.

Dans la seconde qui suit, je passe la porte à toute vitesse et déambule dans des couloirs très sombres en courant comme une forcenée. Des voix féminines se font entendre dans les pièces voisines, mais je n'ai aucune intention de rester pour mettre des visages sur ces voix.

Même si ce serait une bonne chose de réussir à identifier les éventuelles sorcières qui constituent la communauté des Aînées, ce ne sera pas pour cette fois.

Inconsciemment, j'augmente mes foulées et choisis d'ignorer le point de côté qui vient de faire gentiment son apparition à mon flanc gauche. Par chance, j’atterris rapidement à l'extérieur, sur la chaussée humide et gelée d'une rue très fréquentée.

Curieuse de connaître l'identité de ce lieu, je lève les yeux sur la façade du bâtiment que je viens de quitter et ne tarde pas à tomber des nues.

— Je rêve ou c'est... ? Le Black Sanctum ?!