Le Sang Soleil - Manon Le Bras - E-Book

Le Sang Soleil E-Book

Manon Le Bras

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Beschreibung

Naomi, jeune femme de vingt-trois ans, quitte la France pour aller vivre à Nashville dans le Tennessee. Nouvelle vie, nouvelle maison, nouveau travail, son passé est désormais bien loin derrière elle. Cependant, toute sa vie bascule le jour où elle rencontre Alexander, un homme agaçant et prétentieux au premier abord, mais qui va par la suite se montrer charmant et bienveillant envers elle. Une relation commence donc entre eux, mais dès l'instant où la jeune femme apprend la vérité sur cet homme, tout s'écroule. Alexander s'avère être en réalité un vampire âgé de plus de deux cents ans, et il ne semble pas prêt à laisser Naomi lui échapper. La jeune femme est alors déchirée entre les sentiments et les peurs qu'elle éprouve pour lui. Seulement, le vampire n'est pas le seul problème que Naomi devra affronter, des forces maléfiques vont également s'intéresser à elle, tout son destin va changer, au point que ses choix pourraient bien avoir un impact sur sa vie. Vampires, loups-garous, sorcières, la jeune femme va vite se retrouver en plein cauchemar. Est-elle réellement prête à côtoyer ce danger permanent ? Les intentions d'Alexander sont-elles louables ? Dit-il la vérité quand il affirme tenir à elle ? Et pourquoi tout cet intérêt porté sur elle ? Qui est-elle en réalité ? Cette rencontre avec ce vampire va absolument tout changer, mais également devenir une force que personne n'aurait pu imaginer.

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Seitenzahl: 613

Veröffentlichungsjahr: 2021

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L’œuvre présente sur le support (fichier, livre...) que vous venez d’acquérir est protégée par le droit d'auteur. Toute copie ou utilisation autre que personnelle constituera une contrefaçon et sera susceptible d’entraîner des poursuites civiles et pénales.

Ce livre est une fiction. Toute référence à des événements historiques, des comportements de personnes ou des lieux réels serait utilisée de façon fictive. Les autres noms, personnages ou lieux et événements sont issus de l'imagination de l'autrice. Toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant existé serait totalement fortuite.

Ce livre n'est pas seulement une histoire d'amour banale ou de romance paranormale. Il évoque la séduction, l'attirance, l'amour bien sûr, mais également la souffrance, la haine, le sacrifice et le meurtre. Vous y trouverez aussi des touches d'humour, ainsi qu'une multitude de rebondissements. Oh, et attention ! Certains passages sont... comment dire... passionnés.

Bonne lecture.

À partir de 12 ans.

À ma famille, à mes parents, mes sœurs, à ma marraine, qui me soutient toujours dans tout ce que je fais. À mes frères et à Phane, mon étoile.

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

1

L'air est chaud, et le vent à peine perceptible. La ville de Nashville se présente devant moi : elle est de toute beauté. Le voyage a été long, éreintant même. Quitter ma maison en Bretagne n'a pas été facile, mais il le fallait. Je me sentais coincée dans ma petite campagne, j'avais besoin de liberté, même si mes parents ont eu beaucoup de mal à me laisser partir. J'ai aussi fait ce choix pour mettre de la distance entre moi et mon ancien compagnon, qui était devenu jaloux et possessif, mais maintenant que j'estime avoir mis assez de kilomètres entre lui et moi, ma nouvelle vie peut désormais commencer.

Après un vol de plus de douze heures, j'arrive à l’Aéroport International de Nashville, où je prends un taxi qui doit m'amener à l’adresse de ma nouvelle demeure, du nom de Laurel Street, dans le quartier huppé The Gulch.

Lorsque je monte dans le véhicule, le chauffeur, un homme d'une cinquantaine d'années, presque chauve, avec une barbe blanche de quelques jours, m'offre un large sourire en me voyant. Il déplace ensuite le siège passager vers l'avant pour me faire de la place à l'arrière, bien que je n'en aie pas réellement besoin. Je n'ai apporté que très peu de bagages. Je m'étais dit, avant de partir, que j'achèterais ce qu'il me faudrait le moment venu. De cette façon, je ne suis pas embêtée avec de lourdes valises de dix kilos.

Nous arrivons à destination en trente minutes, et au moment où le chauffeur m'annonce le prix de la course, je dois bien admettre que devoir le payer en dollars me fait vraiment bizarre. Moi qui ai payé toute ma vie en euros, lui donner la somme exacte est un véritable casse-tête.

Une fois descendue du taxi, j'attends qu'il s'éloigne et remonte les quelques résidences qui se dressent sur la route de Laurel Street. Ma maison n'est pas directement visible de la route, ce qui me plaît plutôt bien d'ailleurs. Je dois prendre une légère descente et tourner à gauche sur une allée gravillonnée.

Dès que je me trouve en face de la propriété, je reste un instant, immobile, à la contempler. C'est une très jolie demeure, colorée de marron et de blanc, avec un petit escalier qui mène à la porte d’entrée et une minuscule terrasse bétonnée.

C'est tout ce dont j'ai besoin, après tout.

L'avantage de cette maison, c'est qu'elle ne me coûte pas cher. Elle appartient à une de mes meilleures amies qui est partie poursuivre ses études à Belleville, dans l'Ontario. Ses parents étant toujours absents, ils m'ont donné la permission d'y habiter le temps qu'il me conviendrait, ce qui est très bien comme ça, car je n'ai pas grand-chose niveau finance. J'ai quitté mon boulot dans un disquaire, qui était très peu payé, pour devenir assistante de production dans un label à Berry Hill, du nom de Believe in U. En plus de ça, j'ai mis toutes mes économies dans le billet d'avion : je suis complètement ruinée à présent. Ce boulot est donc la chance de ma vie et j'en suis pleinement consciente. Il va falloir que je me donne à fond, quitte à mettre de côté ma vie privée, qui, de toute façon, est totalement inexistante, et c'est encore plus vrai aujourd'hui. Mais peu importe, à présent, j'ai la maison, le travail, mais surtout ma liberté. Il ne me reste plus qu'à en profiter.

***

Déballer mes affaires est un jeu d'enfant. Je n'ai apporté que le nécessaire, puisque j'ai décidé que j’achèterais ce qu'il me faudrait au fur et à mesure pour limiter les dépenses inutiles, et puis la maison est déjà meublée : les propriétaires laissent tout comme tel quand ils s'en vont.

Sereine, je décide de commencer par faire le tour de la propriété, dans le but de me familiariser avec la demeure. Le rez-de-chaussée est très joli. Le salon, lui, est disposé à gauche de l'entrée, avec deux fauteuils et un canapé de couleur beige. Il y a également une petite table basse brune en noyer massif, ainsi qu'une télévision. À droite de la porte, j’aperçois une console dorée en verre, qui est posée en bas des escaliers, où un téléphone fixe sans fil charge sur son socle. Au fond de la salle de séjour, une cuisine dans les tons noir et marron y est installée, mais à la place d'une table à manger basique, on peut y voir une table de bar haute, avec deux grands tabourets rustiques. L'escalier blanc dans l'entrée, quant à lui, mène à une grande chambre bleu et noir, et dans le fond à droite, une salle de bain moderne de couleur chocolat y est aménagée, avec une cabine de douche et une baignoire très chics.

Une fois débarbouillée et désaltérée, je me mets au lit, épuisée de mon voyage et stressée pour demain, parce que je sais pertinemment qu'il faut que je sois au top dans mon nouveau boulot si je veux rester vivre ici. Je dois aussi envoyer un message à Kate pour lui dire que je suis bien arrivée, cependant, je suis beaucoup trop fatiguée et je sais parfaitement que je n'arriverai pas à lui envoyer ne serait-ce qu'une émoticône. Je décide donc de l'appeler, et mon amie décroche presque immédiatement :

— Allô ?

— Kate ? C'est Naomi. Ça va ?

— Naomi ! Salut ! Mais... attends, tu es dans l'avion ? Ou tu es peut-être déjà arrivée ? Attends, mais... quelle heure est-il ? demande-t-elle.

— Oh... je n'en sais rien, et oui, je suis arrivée, dis-je en me laissant retomber sur mon oreiller. Je voulais te dire encore merci pour la maison. Elle est vraiment super, et tu remercieras tes parents aussi. C'est très gentil de leur part de me laisser vivre ici quelque temps.

— Bah, tu sais bien que ça nous fait plaisir, dit-elle. Alors, c'est vrai ? Tu es vraiment arrivée ? Pas trop compliqué à trouver ? Ça a été ?

— Oui, enfin, tu me connais. Moi et mon sens de l’orientation...

— Oui, c'est pour ça que je demande...

— J'ai pris un taxi, alors il n'y a eu aucun souci.

— Tant mieux. Je viens de regarder l'heure et il est vingt-deux heures, donc à Nashville, il est vingt et une heures, m'annonce-t-elle.

— Waouh. J'avais l'impression qu'il était plus tard que ça...

— C'est normal, puisque tu as passé tout ton temps dans l'avion. Sans compter l’aéroport et le taxi.

— Oh, m'en parle pas, j'ai les fesses en feu !

Kate et moi partons immédiatement dans un fou rire infernal.

Je me souviens, lorsqu'elle et moi étions petites, on passait notre temps à faire des bêtises. Nous sommes amies depuis l'école préparatoire, et depuis, on ne s'est jamais quittées, jusqu'à ce qu'elle parte au Canada avec son petit ami, il y a quelques mois de cela.

— Bon, bah... repose-toi. Il faut que tu dormes. Tu commences à quelle heure demain ? m'interroge-t-elle.

— Neuf heures.

— Ça va. Si j’étais toi, j'irais direct au lit !

— Ouais bah, je ne t'ai pas attendue pour le faire, réponds-je.

— OK. Bonne nuit, Naomi. Tu me manques. J'espère qu'on pourra se voir l’année prochaine, aux vacances de juillet.

— Tu me manques aussi, et oui, j'espère vraiment. J'ai l'impression que ça fait des années qu'on ne s'est pas vues.

— Pareil.

— Oh, une dernière chose, Kate !

— Oui ?

Mon Dieu, j'ai presque failli oublier.

— Tu peux envoyer un message à ma mère pour lui dire que je suis bien arrivée ? Je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit. J'ai l'impression que tous mes membres m'abandonnent les uns après les autres.

Si jamais j'oubliais de prévenir ma mère que je suis arrivée à bon port, ce serait la fin de mon existence. Elle serait même capable d'alerter le FBI.

— Ça marche. Je le fais tout de suite, m'assure-t-elle. Bonne nuit, Naomi.

— Merci beaucoup, Kate. Je t'adore. À plus tard.

Sur ces dernières paroles, je raccroche, et une immense vague de solitude choisit cet instant pour venir me submerger. Je décide alors d'enfouir mes yeux larmoyants dans l'immense oreiller bleu nuit, en tentant de nous imaginer, Kate et moi, nous retrouvant dans dix mois, au mois de juillet prochain. Si je suis toujours là.

Quelle idiote, bien sûr que tu seras toujours là.

***

Le grand jour arrive, et je suis enfin prête à affronter ma première journée de travail.

Impatiente, je décide de me lever tôt pour terminer tout ce que j'ai à faire avant de partir : déjeuner, prendre une douche et lancer une lessive. Je n'ai pas pu changer de vêtements pendant le vol. Résultat : ils sont tous chiffonnés et sentent affreusement mauvais. Après ça, je jette un œil à mon reflet dans le miroir et me dépêche de m’habiller. J'opte pour un top noir à manches trois quarts, une jupe taille haute à carreaux noir et rouge, des collants fins noirs et des bottines. Je passe ensuite un dernier coup de brosse dans ma chevelure blonde, qui m'arrive maintenant au niveau des fesses, ce dont je suis très fière d'ailleurs, puis attrape mon long manteau vert avant de me diriger à l'extérieur.

Attaché à la maison, il y a un petit garage où se trouve la voiture de mon amie, Kate. Elle l'a laissée ici, car son petit ami lui en a offert une autre. Du coup, elle n'en a plus aucune utilité.

Même si Kate est ma meilleure amie, j'ai tout de même été surprise quand elle m'a dit que je pouvais l'utiliser. C'est une vieille petite Cadillac bleu clair, très à la mode aux States.

Je me mets donc sans attendre au volant de cette antiquité, attrape mon téléphone portable, lance l'application GPS, puis tape l'adresse du label. Quelques secondes plus tard, j'allume la radio, où Danielle Bradbery et Lauren Alaina m’accompagnent jusqu'à ce que j'arrive à destination.

Après exactement douze minutes de trajet, je vois le label apparaître devant mes yeux.

Nerveuse, je me gare, arrête le moteur et prends une grande bouffée d'oxygène avant de sortir de mon véhicule.

— OK, Naomi, respire. Tout va bien se passer. Tu vas tout déchirer.

Après ce discours à moi-même plutôt réconfortant, je me dirige vers l'entrée, qui est dotée d'une immense porte métallique, et remarque aussitôt qu'il s’agit d'une serrure électronique. J’appuie sur la touche « Caan » de l'interphone, qui est le nom de mon patron, et une dame à la voix fluette me répond presque immédiatement :

— Oui ?

— Oui, bonjour. Je suis Naomi Dubois. Je suis la nouvelle assistante de Monsieur Caan, dis-je d'une voix tremblotante.

— Oh oui, bien sûr. Je vous ouvre, Mademoiselle Dubois.

— Merci.

La porte émet alors un bip, suivi d'un léger clic, avant de se déverrouiller. Je m'introduis sans attendre dans le bâtiment, et un escalier gris se présente devant moi. Je l'emprunte et arrive à un étage d'une luminosité contradictoire avec le rez-de-chaussée, qui lui, était plutôt lugubre.

Quelques instants plus tard, je pousse une grande porte en verre et débarque dans une pièce colorée de noir et de blanc, où, sur le sol, sont disséminées de nombreuses plantes vertes.

Joli endroit.

À droite, derrière un comptoir d'accueil blanc, j’aperçois une jeune femme rousse d'une vingtaine d'années, une oreillette sans fil à son oreille gauche, et comprends aussitôt qu'elle est au téléphone lorsque je l'entends prononcer des propos assez techniques. Je patiente donc dans le couloir, me balançant d'une jambe sur l'autre, en regardant autour de moi.

Sur les murs, sont accrochés des tableaux abstraits orange et bleu, qui ne sont pas vraiment plaisants à regarder, et dans le fond à droite, je remarque une porte d'ascenseur argentée.

Si j'avais su qu'il y en avait un, je l'aurais pris : ça m'aurait évité de monter cet escalier qui, en plus de filer la chair de poule, était vraiment très raide.

— Mademoiselle Dubois ? appelle une voix féminine.

Je sursaute instantanément, et en me retournant, je me retrouve en face de la jeune femme rousse de l’accueil, qui me présente sa main. Elle est légèrement plus grande que moi et porte une jupe crayon noire avec un chemisier blanc : une tenue élégante et très professionnelle.

— Bonjour. Navrée de vous avoir effrayée. Carol Wesler, je suis l’hôtesse d’accueil du Believe in U, m'informe-t-elle.

Je lui serre la main et lui offre mon plus beau sourire.

— Naomi Dubois. Enchantée.

Je suis certaine que cette fille est plus jeune que moi.

— Je vais vous conduire jusqu'au bureau de Monsieur Caan. Si vous voulez bien me suivre.

Je hoche la tête et la suis jusqu'à un long couloir, dans les mêmes tons que le hall d'entrée. Rapidement, nous arrivons devant une porte entrouverte, où le nom « Caan » est inscrit dessus. L'homme qui se trouve derrière le bureau se lève et se dirige vers moi, dès l'instant où il nous voit.

— Naomi Dubois, je présume ? Bonjour, je suis Harry Caan, le directeur du label. Je suis ravi de votre présence ici.

En jetant un rapide coup d’œil derrière moi, je m'aperçois que Carol a déjà disparu. Mon nouveau patron, lui, s’avance vers moi et me présente sa main droite, que je serre en lui adressant un sourire jusqu'aux oreilles.

— Vous allez bien ?

Il est enjoué et m'a l'air d'être quelqu'un de très sympathique.

Il doit avoir la cinquantaine et possède de magnifiques cheveux gris d'une petite longueur.

— Oui, très bien, merci. Je suis très heureuse d'être ici.

— Et moi donc. Vous êtes prête à rentrer dans le bain illico ? me demande-t-il, extatique.

— Bien sûr, dis-je, enthousiaste.

— Parfait ! Je vais vous faire visiter les lieux. Suivez-moi.

Impatiente, je le suis sans aucune hésitation, et plusieurs secondes plus tard, il me fait découvrir ce merveilleux endroit où je vais à présent travailler.

Après avoir fait le tour du bâtiment, nous revenons promptement à son bureau.

— Asseyez-vous, Naomi. Prenez un siège.

Je précède Harry à l'intérieur et m'assieds dans un des deux fauteuils blancs, qui font face à un joli bureau en chêne. Mon patron prend alors place dans son siège et commence à fouiller dans un des tiroirs de son bureau, d'un geste précipité.

— Tenez ! dit-il

Il me tend une carte magnétique, et je comprends aussitôt qu'il s'agit là de la carte qui permet de déverrouiller la grosse porte métallique.

— Ça vous permettra d'ouvrir la porte d'entrée. Comme ça, plus besoin de sonner à l'interphone.

Bingo !

— Merci.

Je prends avec plaisir ce que Harry me donne et redirige mon regard vers lui.

— Bon, Naomi, je voudrais que vous alliez rendre visite à quelqu’un pour moi, m'annonce-t-il. Une personnalité très importante, au niveau finance j'entends. J'aimerais que vous réussissiez à le convaincre d'investir dans notre nouveau talent : un jeune très prometteur. Bien sûr, je pourrais le faire moi-même, mais disons que... j'ai envie de vous faire passer un genre de test. Si jamais vous arrivez à le convaincre, cela voudra dire que je ne me suis pas trompé lorsque je vous ai engagée.

— Entendu.

J'avoue que ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais pour mon premier jour, mais bon, quand faut y aller...

— Parfait ! s'écrit mon patron. Alors tenez, voici la démo et tout ce que vous devez savoir sur notre future star. Bonne chance !

Waouh ! Ce dossier semble peser au moins cinq kilos !

— Ah, au fait, rajoute Harry en se levant, cette personne que vous devez rencontrer...

— Oui ?

Il hésite un instant avant de poursuivre :

— Eh bien, disons que... Bah, vous verrez bien !

OK...

Sur ces paroles, je me lève, prends le dossier et la démo que mon patron me donne, et me dirige vers ma voiture. Ce dossier doit sûrement contenir toutes les informations sur ce talent que je dois réussir à « vendre » à un certain individu, individu très riche apparemment.

Sur cette démo, il y a un post-it avec un nom et une adresse :

« Alexander W. Boîte de nuit : le Tasty Palace - Edgehill ».

Une boîte de nuit ? Sérieux ?

En plus de ça, mon patron a trouvé drôle l'idée d'y ajouter une note très personnelle : « PS : ne le laissez pas vous déstabiliser ».

Mince, l'homme que je dois aller voir a vraiment l'air d'être quelqu'un de très important.

Cependant, quelque chose me chiffonne : pourquoi m'écrire de ne pas le laisser me déstabiliser ? Du coup, je suis en panique.

Merci beaucoup, Harry.

Sur ces réflexions, je rejoins mon véhicule et m'assieds sur le siège conducteur, où j'ouvre sans perdre une seconde le dossier, dans l’intention de prendre connaissance de toutes les informations que je peux absorber sur ce jeune talent.

Je prends donc la démo et l'insère dans le lecteur, et instantanément, la voix de l'homme qui en sort me fait presque oublier la raison pour laquelle je me tiens assise, à ce moment, dans ma voiture. Pendant trois minutes, j'oublie que je bosse en tant qu'assistante administrative de production et que j'ai un travail à faire.

Ce jeune artiste mérite vraiment d'être reconnu, j'espère vraiment que je vais réussir à accomplir la tâche que mon patron m'a donnée.

Une fois la démo arrivée à sa fin, je lance le dossier sur le siège passager et écris dans l'application GPS de mon portable l'adresse indiquée sur le post-it.

Je ne connais absolument pas le coin, et si je n'avais pas de GPS, je me perdrais sûrement, d'autant plus que je n'ai aucun sens de l'orientation.

Dès que la voix féminine intégrée dans l'application m'avertit que nous sommes prêtes à prendre la route, je souffle un bon coup et tourne la clé de contact.

J'arrive à Edgehill sans problème, le tout en neuf minutes. Je jette un œil autour de moi pour regarder un peu où j'ai atterri, et mes idées préconçues en prennent un sacré coup. L'endroit me paraît vraiment chic, genre très chic. Mes yeux se posent alors sur un immeuble noir tout en longueur, avec une immense porte aussi noire que la façade, ainsi qu'une pancarte indiquant le nom du lieu, inscrit en bleu.

C'est sans doute le genre d'endroit à avoir des néons et tout le tralala.

Je m'attarde quelques secondes sur l'extérieur de cette boîte de nuit, lorsque quelque chose m’interpelle : il n'y a aucune fenêtre.

Étrange. Quel genre de personne n'installe pas de fenêtres dans un lieu qui accueille du public ?

Le parking est désert, ce qui me stresse encore plus que je ne le suis déjà, cependant, nous sommes en pleine journée, alors la boîte ne doit pas être ouverte.

Seulement, si mon patron m'a demandé de rendre visite à cet Alexander, c'est qu'il doit être là.

Même si je ne suis pas totalement rassurée, je suis tout de même bien décidée à accomplir ma mission. J'attrape donc mon dossier et la démo, puis jette un dernier coup d’œil au post-it, avant de le chiffonner et de le laisser dans la voiture. Je sors ensuite de ma Cadillac, ferme à clé et me dirige vers la porte d'entrée, que je pousse à contrecœur.

Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose ne me plaît pas dans cet endroit, et une part de moi m'ordonne de faire demi-tour sans attendre.

Bien que je sois une personne très instinctive, je refuse d'écouter cette petite voix qui me dit de prendre mes jambes à mon cou, car j'ai un travail à faire.

Comme je m'y attendais, l'intérieur est sombre, vraiment très sombre, seules des lampes luminescentes bleues sont présentes dans la pièce, ce qui, soyons honnêtes, n'a rien de très rassurant.

Ça commence bien.

Puis soudain, comme sortie de nulle part, une femme se dresse devant moi, et je suis obligée de lever la tête pour la regarder dans les yeux, tellement elle est grande. Elle a de beaux yeux verts et de magnifiques cheveux noirs, très longs, et d'une brillance à couper le souffle, que j'en serais presque jalouse. Elle porte un haut rose fuchsia très élégant, avec des petites manches qui ondulent, un pantalon en cuir noir très serré et des escarpins noirs, avec un talon d'au moins quinze centimètres.

Elle est déjà très grande sans avoir ces échasses au bout des pieds, alors imaginez avec quinze centimètres en plus.

Elle doit approcher des un mètre quatre-vingt-dix avec. En plus de cela, elle me dévisage de la tête aux pieds, avant de me faire l'honneur d'entendre le son de sa voix :

— Qu'est-ce qu'une fille dans ton genre vient faire dans un endroit comme celui-là ?

Ouais, ça commence vraiment bien.

— Je suis envoyée par Monsieur Harry Caan, directeur de label. Je voudrais parler à Alexander.

— Voyez-vous ça, répond-elle sur un ton hautain.

Nan mais pour qui elle se prend, celle-là ? Madame Je-fais-deux-mètres-de-haut-et-je-porte-vingt-centimètres-de-talon.

Cette femme doit avoir la quarantaine, mais vu comment elle est maquillée, elle doit sûrement vouloir paraître moins, d'ailleurs, on pourrait croire qu'elle s’apprête à se rendre au Festival de Cannes. Le pire, c'est qu'elle continue à me regarder comme si je ne valais rien.

— Il est dans son bureau. Suis-moi.

Et en plus elle me tutoie !

Je la suis donc à travers les tables et les chaises, pas vraiment rassurée.

Mon Dieu, mais où est-ce que mon patron m'a envoyée ?

L'endroit est plutôt classe une fois imprégné du lieu. Des canapés bleus en cuir font face à une scène, mais pas une de celles où des chanteurs se produisent. Non, pas de ce genre-là.

C'est une boîte de nuit ou un club de strip-tease ?

Avec tout ça, je ne sais plus trop quelle est la raison pour laquelle je suis là.

Lorsque je me demande si j'ai vraiment bien fait de venir ici, nous nous arrêtons devant une porte, où miss Pouffiasse frappe.

J'entends alors une voix masculine répondre de façon totalement désintéressée :

— Quoi ?

— Quelqu’un pour toi, dit-elle.

Elle ouvre aussitôt la porte et passe sa tête dans l'ouverture.

— Ça va te plaire.

Non mais je rêve ?!

Sur le coup, j'hésite vraiment à m'enfuir d'ici en courant, mais madame Pétasse ne m'en laisse pas l’occasion. Elle se retourne pour s'adresser à moi, cet air hautain toujours présent sur son visage.

— Vas-y, entre, lâche-t-elle hargneuse.

Je regarde alors ma « nouvelle meilleure amie » s'en aller et passe la porte, non sans une grande appréhension. Dès l'instant où je m'avance dans la pièce, je la trouve également très sombre, mais j'arrive toutefois à apercevoir un long canapé en cuir noir, un bureau parfaitement rangé et une silhouette assise dans un fauteuil. L'individu qui y est adossé se redresse enfin et sort de l’obscurité pour me dévoiler son visage. J'ai honte de l'admettre, mais au moment où je croise son regard, je suis frappée par la beauté de cet homme. Il a les yeux les plus beaux que j'aie jamais vus, d'un magnifique bleu roi, et de soyeux cheveux blonds coupés court sur les côtés. À cet instant, il me regarde comme s'il s’attendait à ce que je parle la première, et immédiatement, je repense à l'avertissement que m'a donné mon patron avant de partir.

Bon, il doit certainement vouloir me faire perdre mes moyens, mais je ne vais pas lui donner ce plaisir.

Je me jette donc à l'eau :

— Vous êtes Alexander ?

Je suis surprise d'entendre la froideur avec laquelle sortent mes propos, mais toutefois, je fais tout mon possible pour ne rien laisser paraître sur mon visage.

Et puis quoi encore ?

L'homme se redresse finalement de son fauteuil et me sourit.

— Oui, répond-il.

— Bonjour. Je suis envoyée par...

— Harry Caan, directeur de label.

Merde, mais comment... ? OK. Respire, Naomi, respire.

Il a réussi à me déstabiliser, chose qui n'était pas du tout prévue au programme.

Il faut que je rattrape le coup, et vite.

— Heu... oui. Il vous a prévenu ? Pourtant, je croyais que...

— Non, il ne m'a rien dit. Un coup de chance sûrement, enchaîne-t-il en souriant à nouveau.

Mon Dieu, j'ai l'impression d'être une petite souris sur le point de finir en pâtée pour chat.

— Hein hein...

— Excusez-moi, mais... je n'ai pas retenu votre nom, dit-il.

Normal, je ne vous l'ai pas dit.

— Je m'appelle Naomi Dubois. Je suis la nouvelle assistante de production du Believe In U. Harry Caan vient de m’engager.

— Voyez-vous ça. Naomi. C'est un... très joli prénom.

C'est ça.

— Ouais, hum... Monsieur Caan compte sur vous pour investir dans ce nouveau talent que le label est fier de représenter.

Je lui tends la démo, mais il continue à me regarder sans la prendre, et je reste là, avec mon bras tendu comme une idiote.

— Et pourquoi devrais-je investir ? Qu'est-ce que j'y gagne ?

Il se lève de son fauteuil et vient se placer devant moi, ses mains posées derrière lui, sur le bord de son bureau. Il est maintenant face à moi, ses yeux plongés dans les miens, et il est incroyablement grand, chose que je ne pouvais deviner lorsqu'il était assis dans son fauteuil.

Mon Dieu, il doit au moins approcher des un mètre quatre-vingt-dix ! Si ce n'est plus.

Ce qui m'agace le plus, c'est que je suis obligée de lever la tête pour pouvoir continuer à le regarder, car je ne fais qu'un petit mètre soixante-cinq.

Maintenant, c'est clair : il cherche une nouvelle fois à me déstabiliser.

Il va voir à qui il a affaire.

— Eh bien, quand ce talent remplira des stades et sera acclamé par des fans déchaînés, et harcelé par des représentants mondiaux bourrés de fric, vous, vous pourrez vous vanter d'avoir été là à ses débuts et d'avoir assisté, et participé à son évolution et à sa réussite.

Et tac !

— Rien que ça ? lâche-t-il en souriant à nouveau.

Non mais il va arrêter, oui ?

Après quelques secondes de silence total, il poursuit la discussion :

— D'accord. Je veux bien prendre votre démo. À une condition.

— Laquelle ?

Je la sens mal, là.

— Si ça me plaît, vous dînez avec moi, mais si c'est nul... vous dînez avec moi.

Heu... pardon, quoi ?

— Hum... je ne crois pas que...

— Moi, je crois que si.

Nouveau sourire.

Non mais à quoi il joue, celui-là ? Bon, je crois qu'il est plus que temps qu'il sache vraiment qui il a en face de lui.

— Et si je refuse ?

Ma réponse le surprend, car il écarquille légèrement les yeux en fronçant les sourcils.

— Je préférerais que non, répond-il sèchement.

Merde, que faire ? Je n'ai aucune envie d'aller dîner avec lui, moi.

Il joue à un jeu qui ne me plaît pas, mais alors, pas du tout.

Au moment où je me dis que j'aurai beaucoup de mal à m'échapper de cette situation, mon téléphone choisit ce moment pour se mettre à sonner.

Sauvée par le gong.

J'attrape alors mon portable dans la poche de mon manteau et regarde le nom qui y est affiché : maman.

La voilà, ma porte de sortie !

— Désolée. Je dois m'en aller. C'est le patron.

Menteuse.

— Dommage, dit-il.

Sans que je m'en aperçoive, il se rapproche de moi, d'un peu trop près à mon goût, puis attrape la démo que j'ai dans les mains. Je suis tellement surprise par son geste que j'en sursaute, et ma réaction le fait une nouvelle fois sourire.

— À très bientôt..., Naomi.

— C'est ça, dis-je, glaciale.

Je préfère ne pas aller dans son sens, car je sais parfaitement qu'il fait allusion à son invitation à dîner.

Non, une invitation signifierait que j'aie le choix, or ici, j'ai le sentiment qu'il ne me demande pas la permission.

Ébranlée, je sors de son bureau sans attendre, traverse la grande salle et force sur chacun de mes pas pour me retrouver dehors au plus vite.

Une chose est sûre : cet endroit ne me plaît pas, mais alors, pas du tout. Cet Alexander est louche, très louche, mais même si j’ai honte de l'avouer, il a quelque chose de séduisant, de mystérieux, de... sexy.

Merde, c'est vraiment moi qui pense ça ?

J'essaie tout de suite de chasser mes pensées, avec l'intention de rentrer au label à grandes enjambées, lorsque j'entends des éclats de voix très distincts provenir de l’intérieur :

— Non mais à quoi tu joues ?! hurle une voix féminine.

C'est sûrement madame Pouffiasse. Elle doit s'adresser à Alexander.

— De quoi tu parles ? lui répond ce dernier.

— Tu as perdu la tête ou quoi ?! Un dîner ?!

— Mêle-toi de tes affaires ! aboie Alexander.

— Alex, réveille-toi, merde ! Tu sais ce que tu risques ?!

— Je t'ai dit de te mêler de tes affaires, c'est clair ?!

— Je te préviens, tu n'as pas intérêt à déconner. Tu as une boîte à faire marcher ! Concentre-toi là-dessus, au lieu de...

— Ferme-la ! Je n'ai pas besoin de tes conseils, Ana !

Ouh là, ça chauffe on dirait.

J'attends encore quelques petites secondes, immobile, à guetter le moindre bruit pouvant provenir de la boîte, quand j'entends une porte claquer avec une extrême violence. Je me dépêche alors de rejoindre ma voiture à toute vitesse et de m'y enfermer. Une fois à l'intérieur, je verrouille les portières et démarre sans attendre, et ce n'est qu'au milieu du trajet que je remarque que je n'ai même pas attaché ma ceinture de sécurité.

Bien joué, Naomi.

J'arrive au label dix minutes plus tard. J’éteins le moteur, encore toute secouée, ferme les yeux et respire un grand coup.

Bon, récapitulons, madame Pouffiasse, pardon, Ana, n'a pas l'air très commode. Alexander non plus, d'ailleurs. La violence avec laquelle il lui a parlé m'a fait froid dans le dos.

Qui est-elle d'ailleurs, cette Ana ? Son associée ? sa sœur ? sa femme ? Aucune idée, mais je sais au moins une chose : cet Alexander est un con.

Lorsque j’estime qu'il est plus que temps d'affronter l'orage, je sors de ma Cadillac et passe la porte du label en me demandant ce que je vais bien pouvoir dire au patron sur ma visite à Alexander. Il sera extrêmement déçu quand il apprendra que je n'ai pas de réponse définitive à lui donner.

Une fois passé la porte métallique, j’appuie sur le bouton de l'ascenseur, et durant toute sa montée, mon cœur ne cesse de battre la chamade. Je n'ai pas envie de me faire virer, je viens tout juste d'arriver, et si jamais je perds ce travail, je n'aurai plus qu'à rentrer en France et entamer la plus longue dépression de toute l'Histoire du monde.

Arrivée à l’accueil, j'emprunte le couloir qui mène au bureau de Harry, quand je l'aperçois venir vers moi en courant.

Ça y est : c'est la fin de ma carrière.

— Naomi !

Bon, il va falloir que je me défende comme une lionne.

— Oui, monsieur, je sais, je n'ai pas été à la hauteur, mais...

— Mais qu'est-ce que vous racontez ? Vous avez réussi !

Alexander vient de me téléphoner ! Il paraît que vous avez été remarquable ! Il a été extrêmement surpris par vos talents d’argumentation.

— Heu... mais... attendez. Quoi ?

— Il est d'accord pour investir ! Vous avez fait du bon boulot.

Quoi ?! Alors là, c'est le pompon.

J'essaie donc de me remettre tranquillement du discours que je viens d'entendre, en tâchant toujours de faire bonne figure.

— Mes talents d’argumentation... Bien sûr... Et... qu'est-ce qu'il vous a dit d’autre ?

— Eh bien, je crois que vous lui avez fait bonne impression.

Il m'a dit grand bien de vous !

Sans déconner ?

— Ouais, seulement... il m'a semblé être quelque peu... entreprenant quand même, dis-je.

— À qui le dites-vous ? poursuit Harry en riant. C'est un vrai don Juan dans le milieu. Tout le monde sait à quel point il adore les femmes, mais il est incapable de se caser pour de bon.

Cependant, il est extrêmement riche, alors nous ne le contrarions jamais.

Eh bien voilà : tout s’éclaire ! L'attitude de cet Alexander envers moi ne peut signifier qu'une seule chose : il veut faire de moi sa nouvelle proie à accrocher sur son tableau de chasse.

Seulement moi, je ne suis pas prête à me laisser embobiner.

C'est sûrement la raison pour laquelle il a raconté tout ça à Harry, il souhaite certainement que je le remercie pour cette comédie qu'il a jouée.

Cet homme n'est qu'un gros manipulateur, mieux vaut rester loin de lui pour l'instant.

2

Harry m'a aménagé un bureau très cosy, avec une fenêtre donnant sur un très joli parc fleuri, parsemé de jolies couleurs.

C'est déjà ça : elles me permettront de m’évader l'esprit quand j’en aurai besoin, et j'en suis ravie. De cette manière, je pourrai profiter de la vue pendant que je travaillerai.

Cette semaine, Harry veut que je contacte quelques artistes et que je fasse tout mon possible pour les faire venir à Nashville.

Tous les ans, il organise un festival dans la région qui attire beaucoup de monde, mais le patron voit plus grand, puisqu'il a dans l'idée d'acheter un local situé à Woodycrest, tout près de Berry Hill, pour y organiser plusieurs concerts. Il veut voir plus de jeunes assister à ce genre de festivité. Il désire également multiplier les concerts et en faire au minimum un tous les trois mois. Seulement, pour cela, il doit y avoir des groupes, car sans groupe pour se produire, il ne peut pas y avoir de concerts.

C'est là que j'entre en scène, puisqu'il espère que je fasse mes preuves et que je lui débauche de nombreux talents.

Ce jour-là, je passe des heures devant mon ordinateur à contacter des groupes et des musiciens. Je reçois en tout sept réponses négatives, six qui n'ont pas encore répondu et quatre qui ont accepté.

Même si je suis plutôt fière du travail que j'ai accompli, rien n'est encore gagné.

Harry choisit justement ce moment pour frapper à la porte et entrer avant que je ne lui en donne la permission.

Il n'a pas à l'attendre en même temps : je suis sous ses ordres. C'est lui le grand chef, ici.

Tout souriant, il vient m’apporter un café et me conseille de faire très attention de ne pas me brûler avec le nectar fumant.

— Alors, des réponses prometteuses ? demande-t-il en prenant place dans un fauteuil en face de moi.

— Oui, certaines. Deux chanteuses ont accepté. L'une dans l'univers du rock et l'autre dans celui de la country. Elles ont toutes les deux de nombreux fans sur Internet. Elles devraient normalement attirer du monde.

— Excellent.

— Sinon, un groupe de jeunes rockeurs a également accepté. J'ai écouté leurs reprises : ils sont géniaux. Et un chanteur qui s’accompagne à la guitare a aussi accepté. Je pense réellement que tous ces jeunes gens apporteront du sang neuf à vos concerts. C'est le genre de talent qui va booster votre renommée, j'en suis certaine, déclaré-je fièrement.

— Alors là, vous m'épatez, ma chère, répond-il. J'ai bien fait de retenir votre candidature. Et... à ce propos... il me faudrait quelqu'un pour gérer le club à Woodycrest et s'assurer que tout est prêt pour accueillir les musiciens : gérer les passages, se coordonner avec le gars de la sono, décorer un peu l'endroit, accueillir le barman et lui montrer les lieux. Car bien sûr, je compte y installer un bar.

— Pardon, quoi ?

— Vous êtes brillante, Naomi. Non mais regardez un peu tout ce que vous avez réussi à faire depuis ces quelques jours que vous êtes ici. Vous aimez ce que vous faites, ça se voit. Vous êtes intelligente et vous vous donnez à fond dans ce travail. Vous avez même réussi à convaincre le patron du Tasty Palace d'investir dans notre tout jeune talent, et c'était loin d'être gagné.

« Réussi à convaincre le patron du Tasty Palace »... Ouais, si seulement Harry savait que je n'avais en réalité rien réussi du tout.

À ce moment précis, j'ai bien envie de lui dire la vérité, mais j'ai peur que toute l'admiration qu'il a pour moi ne s'efface. Je reste donc silencieuse.

— Vous voulez que je m'occupe de votre club ? C'est bien ça ?

— Pas à plein temps, bien sûr, mais oui, en quelque sorte. Vous avez toutes les capacités pour y arriver, et je crois en vous. Bien sûr, vous continuerez à travailler ici avec moi, au début, mais je ne compte pas seulement vous donner un deuxième emploi. Je veux, qu'à la longue, vous dirigiez ce club.

Alors là, je n'en reviens pas. Harry croit réellement en moi. Il veut que je dirige à moi seule l'investissement qu'il compte réaliser en achetant ce local à Woodycrest.

J'ai envie de sauter de joie dans tous les sens. Seulement, ça me paraît trop beau pour être vrai.

— Attendez, vous voulez dire que... ?

— Oui, vous en serez la propre dirigeante, même si vous continuerez à travailler pour moi. On ira doucement au début, pour que vous puissiez passer d'un poste à un autre en douceur. Je ne vais pas vous faire faire la navette entre ici et là-bas indéfiniment.

Autant vous dire que je suis aux anges.

Je vais diriger un club et réaliser des concerts pour les jeunes !

Harry me sort soudainement de ma bulle en faisant un bruit monstre avec le fauteuil en se levant.

— Bon, ce n'est pas tout ça, mais j'ai du boulot, moi, annonce-t-il.

Je regarde mon patron s'avancer vers la porte, mais avant de l'atteindre, il se retourne vers moi, m'offrant un visage dénué de toute expression.

— Je suis très fier du travail que vous accomplissez.

Continuez comme ça.

Il ferme ensuite la porte et disparaît.

Dès que j'ai la certitude qu'il a rejoint son bureau, je fais tourner mon fauteuil sur lui-même à une vitesse folle, en réprimant un cri de joie.

Je commence vraiment à me réjouir d'avoir quitté la France pour venir habiter ici. Une nouvelle vie commence pour moi et elle démarre plutôt bien.

***

Lorsque j'arrive à Woodycrest, à l'adresse que mon patron m'a donnée, je me retrouve en face d'un bâtiment de taille moyenne de couleur beige, et je commence aussitôt à rêver. J'imagine déjà la foule faire la queue pour assister aux concerts et à l'ambiance extraordinaire qui s'en dégagera.

Oh mon Dieu, c'est le job de mes rêves !

Je n'en reviens toujours pas de la superbe promotion que j'ai obtenue, mais même si ça me paraît irréel, je m'oblige à passer la seconde. Je m'empare aussitôt des clés que Harry m'a cédées et les insère dans la serrure de mon futur club.

Je vais diriger un club à moi toute seule, je n'arrive toujours pas à y croire !

Une fois à l'intérieur, les battements de mon cœur s'accélèrent de plus en plus face à la magnifique vision qui se présente devant moi. L'endroit est d'une luminosité à couper le souffle. Les murs sont blancs, le plafond noir, et je peux apercevoir une scène dans le fond, accessible par deux petits escaliers situés de chaque côté. Je décide donc de commencer par agencer cet espace. Seulement, à l'instant où je m’apprête à poser le carton que m'a fourni mon patron, contenant tout un tas de bricoles décoratives et autres broutilles, quelqu'un me tapote l'épaule droite. Surprise par ce geste, je fais tomber la boîte cartonnée, qui vient percuter le sol dans un son léger. Au moment où je me retourne pour faire face à l’individu qui se trouve derrière moi, je me surprends à dévisager un homme de taille moyenne, aux cheveux châtains, qui semble avoir la quarantaine bien avancée. Il m'adresse aussitôt un sourire gêné et me fixe de ses petits yeux gris perçants.

— Bonsoir. Vous êtes Mademoiselle Dubois ? Je me présente : Randy Dawson, je suis le technicien que Monsieur Caan a engagé. Je suis censé commencer aujourd’hui et vous aider à avancer sur les préparatifs du club.

Si je m’attendais à ça...

— Bonsoir. Excusez-moi. Monsieur Caan ne m'avait pas prévenue, euh... bien sûr, vous pouvez y aller et faire... ce que vous avez à faire...

Je suis consciente que ce que je viens de lui dire sonnait bizarre, mais il m'a prise au dépourvu, et je ne voyais pas très bien ce que je pouvais lui dire d'autre. En plus, je lui ai dit ça avec mon plus beau sourire, sourire que Randy m'a rendu d'ailleurs. Cependant, il reste planté là à me scruter sans rien dire pendant plusieurs secondes, puis, avec un hochement de tête à peine perceptible, il se dirige vers le fond de la salle.

Waouh, ce type est vraiment flippant. Reste sur tes gardes, Naomi.

En descendant de l'escabeau, après avoir vérifié que les lumières de la scène fonctionnaient toutes correctement, Randy revient me voir pour me demander si tout est en ordre.

— Oui merci. Ça a l'air de fonctionner, dis-je.

— Ah, très bien. Et sinon... je me disais, est-ce que vous... euh... voudriez... venir... boire... un verre... avec... moi... un de ces jours ? Si vous le voulez, hein ? Et si vous pouvez ! Oh mon Dieu... Euh, non, oubliez ce que je viens de dire.

Sur ces mots, je le regarde faire demi-tour et partir à toute vitesse vers la sortie de secours.

— OK...

Toujours sous le choc de ce à quoi je viens d'assister, j'essaie de reprendre mes esprits, qui, à cet instant, étaient partis très, mais alors, très, très loin d'ici.

Perchée sur mon tabouret, je m'apprête à me rendre de l'autre côté du bâtiment pour m'occuper du problème de luminosité au niveau central, quand je vois une ombre se dessiner au-dessus de moi.

Oh non, il revient à l'attaque.

— Voilà donc le nouveau club qui vient faire concurrence au mien.

Je n'ai même pas besoin de me retourner pour deviner à qui cette voix appartient, et elle n'appartient pas à Randy, mais à un personnage beaucoup plus détestable.

Après avoir pris une grande inspiration, je descends de l'escabeau, le pousse vers la gauche pour éviter de me le prendre dans les jambes, puis me retourne vers la personne qui a prononcé ces mots.

Le patron du Tasty Palace se trouve à présent face à moi, vêtu d'une veste noire en cuir, d'un pantalon noir et de boots tout aussi noires. Une chose est sûre : il ne doit pas mettre longtemps à choisir ses vêtements le matin, lui.

Après cette allégation qu'il vient de formuler, j'ai déjà une réponse toute prête à lui balancer.

— Concurrence ? Ceci sera une salle de concerts. Des musiciens vont venir se produire et dévoiler leurs talents. Dans votre club, ce sont les danseuses qui montrent leurs talents en dévoilant leurs charmes, dis-je, cinglante.

Tiens, prends ça dans les dents !

Cependant, il doit trouver ma réponse amusante, car il se met à sourire, dévoilant à nouveau ses magnifiques dents blanches et parfaitement alignées.

Je suis sûre que ce qui l'amuse tant, c'est que je sois une des rares filles à ne pas me rouler à ses pieds, car au contraire, je suis sur mes gardes. En plus de ça, je ne l'aime pas, mais alors pas du tout.

Fière de moi, je pensais lui avoir cloué le bec, mais je me vois légèrement décontenancée quand il poursuit la discussion :

— Et revoilà donc le visage de la seule femme qui ait jamais refusé un dîner en ma compagnie.

Sans blague. Tu vas voir à qui tu as affaire, mon coco.

— Et revoilà donc le visage de l'homme le plus désagréable de l’univers.

Et toc !

— Hou... Me voilà face à une femme redoutable, dit-il en souriant.

— C'est ça. Excusez-moi, mais j'ai du boulot.

Sur ces mots, je m'éclipse, laissant Alexander en plan.

D'après lui, c'est la première fois qu'il se retrouve dans une telle situation, jamais aucune femme ne lui aurait dit non avant moi...

Pff, quel arrogant.

***

Je suis extrêmement furieuse. Cet Alexander se pointe comme une fleur et essaie de me déstabiliser en me faisant son numéro de petit garçon vexé.

Non mais pour qui il se prend ? Il n'aurait pas pu me mettre plus en colère.

Hors de moi, je me précipite à toute vitesse vers la sortie de secours, qui se trouve de l'autre côté du bâtiment, et franchis la porte en lui donnant un magistral coup de pied pour évacuer toute la frustration que je ressens à cet instant.

Pensant être seule à l'extérieur, je ne m’attends plus à me faire surprendre par qui que ce soit aujourd'hui. Pourtant, c'est bien ce qui se produit lorsqu'une voix masculine résonne, me faisant sursauter comme jamais :

— Aïe. Ce n'est pas le bon jour pour demander du boulot ?

L'éclairage extérieur du club me permet d’apercevoir un homme qui s'avance lentement vers moi. Il a une bonne vingtaine d'années, des cheveux bruns ondulés qui lui tombent dans le cou et les yeux verts les plus beaux que j'aie jamais vus. Il ne ressemble en rien aux autres gars que j’aie pu voir ici, car il semble venir d'un autre continent et est habillé de la façon la plus basique qui soit : un jean et une chemise à carreaux rouge et blanc.

Je me rends alors compte que j'ai la bouche légèrement ouverte et me dépêche de la refermer immédiatement.

Mon Dieu, ce type est incroyablement beau. Et sexy...

Je tente en vain de chasser cette petite voix dans ma tête, qui, ces derniers jours, commence vraiment à devenir insupportable, et m’éclaircis la gorge, essayant par la même occasion de calmer les battements affolés de mon cœur.

Mais c'est qui, lui, encore ?

— Pardon ?

— Je suis Owen Matthews. Je viens pour le job de barman, me répond-il.

Le barman ?

— Oui... Owen... le barman.

— Vous ne saviez pas que je devais venir, pas vrai ? devine-t-il, légèrement amusé par la situation.

— Non. Enfin si, mais... c'est juste que... Harry m'avait dit qu'il s'occuperait de trouver quelqu’un pour tenir le bar et que ce quelqu'un passerait, mais... il ne m'a pas dit quand, et puis...

— Et puis, vous vous attendiez à voir quelqu’un de cinquante ans, barbu, avec plein de tatouages, c'est ça ?

— Entre autres... Vraiment désolée. Naomi. Je suis ravie de vous rencontrer.

Je m'empresse de lui adresser un sourire plein de bienveillance, tout en lui serrant la main.

— Eh bien, le poste est à vous, si vous le voulez toujours.

— Hum... je ne suis plus très sûr, vu la manière avec laquelle j'ai été accueilli.

Je lève brusquement les yeux vers lui et le vois qui sourit.

OK. Il plaisante.

— Ah... Oui. Encore désolée. Disons qu'une certaine personne m'a légèrement mise hors de moi, mais c'est vraiment quelqu’un d'insupportable, alors je suis tout excusée, dis-je en souriant.

Owen a l'air de trouver la situation très amusante, car il se met aussitôt à rire.

— Cette personne travaille pour vous ?

— Oh mon Dieu, non ! Heureusement que non ! Mais il est patron d'une boîte de nuit tout près d'ici et il est venu me provoquer d'une façon que je n'ai pas du tout appréciée.

Soudain, le visage d'Owen change d'expression. Je vois l'appréhension le gagner à une vitesse folle et son visage afficher un air plutôt tourmenté.

— Ce ne serait pas le patron du Tasty Palace, par hasard ? m'interroge-t-il.

Dès l'instant où il prononce ces mots, je reste légèrement immobile quelques secondes, affichant une expression d'étonnement total.

— Si... Vous le connaissez ?

— Qui ne le connaît pas ? C'est un type très arrogant qui aime tout contrôler. Vous devriez faire attention à vous, lâche-t-il gravement.

Immédiatement, je sens littéralement tout mon corps frissonner.

Ce n'est donc pas moi qui me fais des idées : Alexander est bien une personne antipathique et détestable.

— Ne vous en faites pas, je lui ai clairement fait comprendre que son petit jeu ne marchait pas avec moi.

Notre discussion est soudainement interrompue par Alexander qui passe justement la porte.

Je croyais qu'il était parti depuis longtemps, moi ! Et puis d'ailleurs... pourquoi est-ce qu'il passe par là ? Ça ne peut pas être une coïncidence. Je suis sûre qu'il l'a fait exprès !

Lorsque le patron du Tasty Palace franchit l'entrée de secours, il me regarde en m'offrant son plus beau sourire.

Évidemment.

— J'ai été ravi de vous revoir, Naomi.

Toujours extrêmement en colère contre lui, je me dis qu'il serait malavisé de lui répondre. Je me contente donc de le toiser d'un air dédaigneux, ce qui semble légèrement le contrarier, car son sourire s'efface aussitôt. Il glisse ensuite son regard vers l'homme qui se trouve en face de moi avec aversion, un regard qui s'avère très froid et très... menaçant.

— Owen...

— Alexander...

De toute évidence, ces deux-là se connaissent, mais quelle est leur relation exactement ? Ils n'ont pas l'air de beaucoup s'apprécier, et puis, qu'est-ce qu'Owen a voulu dire par « vous devriez faire attention » ?

Je n'aime pas ça, mais alors, pas du tout. Je vais devoir être très prudente, mais si Owen vient travailler avec moi, je ne serai plus toute seule, et si jamais Alexander se repointe au club, il sera là pour le foutre dehors.

Nous regardons donc monsieur Condescendant s'en aller, et quand il disparaît définitivement de notre champ de vision, Owen se retourne vers moi et me prend au dépourvu en me posant une question à laquelle je n'avais pas encore réfléchi :

— Alors, comment ce club va-t-il s'appeler ?

***

Je suis rentrée chez moi après avoir passé la soirée au club. J'avais nettoyé les lieux, arrangé un peu le bar et vérifié que les lumières fonctionnaient. J'avais également pris contact avec Peter, le responsable de la sono, et il avait été ravi d'obtenir un contrat pour ce nouveau club.

Je suis extrêmement soulagée à présent. Le plus gros du boulot a été traité et je peux enfin souffler un peu. Les musiciens qui viendront se produire auront du bon son et seront entre les mains d'un professionnel. Ce gars-là a très bonne réputation dans le milieu, je suis heureuse qu'il ait accepté mon offre.

Aux environs de vingt-deux heures, je décide d'aller prendre une bonne douche, chose bien méritée après cette journée de dingue, mais malheureusement, l'univers en décide autrement : mon portable se met à sonner et le prénom de mon patron s'affiche en gros caractères sur mon écran.

Il doit certainement venir aux nouvelles.

— Allô ?

— Bonsoir, Naomi. C'est Harry. Alors, comment l'avancée du club se porte-t-elle ?

— Très bien. Je viens de rentrer à l'instant. Tout est en ordre.

L'électricité fonctionne, j'ai trouvé quelqu’un pour s'occuper du son, et grâce à Owen, le bar est fonctionnel. J'y retournerai demain pour faire un peu de ménage, dis-je, enthousiaste.

— Vous avez rencontré Owen alors ? Je lui avais dit de passer vous voir.

— Oui. Il a l'air d'être quelqu'un de très bien. Il est resté avec moi toute la soirée pour m'aider à tout préparer.

— Tant mieux. Les gens iront plus facilement au bar si l'homme qui se trouve derrière est serviable et agréable à regarder. N'est-ce pas ?

Je sais parfaitement où il veut en venir avec cette remarque, et c'est vrai qu'Owen est vraiment très beau, mais je décide de ne faire aucune allusion à ce qu'il vient de dire. Je choisis donc de rester neutre :

— Tout à fait.

Neutre, mais enjouée : il vaut mieux ne pas contrarier le grand patron.

— Très bien, alors je vous laisse vous reposer. Vous avez bien travaillé.

— Merci. Oh ! Une dernière chose, monsieur !

— Oui ?

— Comment allez-vous nommer ce club ?

— Hum... je n'ai encore rien décidé, mais vous savez quoi ? Faites-moi quelques propositions, et si jamais l'une d'entre elles me plaît, je la choisirai, m'annonce-t-il.

— Vraiment ?

— Je vous l'ai dit, ce sera votre club. Allez, bonne nuit, Naomi.

— Bonne nuit.

Après ce coup de téléphone, je me sens vraiment bien. Mon patron a l'air d'être content de mon travail, et cette impression me fait énormément plaisir.

Consciente de l'heure tardive, je me dirige vers l'escalier pour aller rejoindre ma chambre au plus vite et enfin prendre cette douche tellement désirée. Une fois en haut, je me déshabille, jette mes vêtements dans le panier à linge et file à la salle de bain, quand des coups se font entendre sur la porte d'entrée.

C'est pas vrai ! Ils se sont tous donné le mot pour venir m’emmerder ou quoi ?

En plus de ça, je me demande bien qui peut se pointer chez les gens à une heure pareille. Surtout que je n'attends aucune visite. Je viens à peine de m'installer et je ne connais encore personne, c'est curieux.

D'un geste précipité, j'attrape ma robe de chambre en soie bleu nuit du genre très sexy, mais étant la seule que j'aie en ma possession, je vais devoir m'en contenter. Seulement, j'espère de tout cœur que la personne qui se trouve derrière ma porte n'aura pas une crise cardiaque en me voyant dans cette tenue.

Je redescends donc les escaliers en courant et m'avance vers la porte d'entrée, sans perdre un instant. Cependant, avant d'ouvrir, j'ai le réflexe de regarder par le judas. Et là, c'est le choc total. Quand je vois de qui il s'agit, tout mon corps se met à frissonner, et j'hésite grandement avant d’ouvrir, mais ne pouvant laisser mon visiteur attendre plus longtemps dehors de cette façon, je lui ouvre, en éprouvant tout de même une légère appréhension.

— Bonsoir, Naomi.

Alexander se tient là, devant moi, me scrutant de ses magnifiques yeux bleus, avec son visage à la beauté parfaite et sa prestance si remarquable.

Je ressens tout de même, et ce, comme à chaque fois que je le vois, une certaine anxiété, et le fait qu'il fasse trente centimètres de plus que moi n'arrange vraiment pas les choses.

Décidément, je ne cesserai jamais d'être impressionnée par sa taille. Il ressemble à un de ces dieux grecs que j'étudiais en cours de mythologie, au Collège. Il est charmant, souriant, comme à son habitude, mais c'est justement à ce moment précis que ma conscience vient me rappeler à l'ordre :

C'est vrai qu'il est charmant, mais c'est aussi un maître dans l'art de la manipulation, alors prudence.

De plus, une question me trotte dans la tête : comment est-ce qu'il a su où j'habitais ?

Bah, pose-lui la question, idiote !

Je plante alors mon regard dans le sien, prête à l’affronter.

— Mais qu'est-ce que vous venez faire ici ? Qui vous a dit où j'habitais ?

— C'est une petite ville, les gens parlent beaucoup. Et puis, il ne m'a pas été trop difficile de trouver votre adresse, répond-il, goguenard.

Nashville, une petite ville ?

— Qu'est-ce que vous voulez ?

— Je suis venu m'excuser pour mon attitude. J'ai conscience que je me suis montré très...

— Con ?

Ma réponse le fait sourire. Il poursuit :

— Oui. Et j'en suis désolé. Je n'ai jamais voulu vous mettre mal à l'aise. J'aimerais, qu'à l'avenir, les choses deviennent plus simples entre nous, puisque nous allons sûrement être amenés à nous revoir, maintenant que je suis devenu le principal investisseur de votre club.

— Quoi ?!

J'espère avoir mal entendu.

— Le jour où vous vous êtes pointée dans ma boîte de nuit pour me demander de soutenir le nouveau talent du label, j'ai su qu'il y avait quelque chose de fascinant en vous. Vous êtes ambitieuse, déterminée, confiante. Vous irez loin. Et j'ai mal agi avec vous. D'habitude, mon numéro de charme fonctionne sur tout le monde, et c'est vrai que j'ai été consterné quand j'ai vu que ce numéro ne marchait pas avec vous. J'en suis désolé.

— Attendez... vous avez investi dans le club ?

— Oui.

— Celui de Woodycrest ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Je crois que je viens de vous l'expliquer, non ?

— Oui, mais... vous dirigez une boîte de nuit, vous investissez dans le nouveau talent du label et maintenant dans ce club ?

— Je n'aurais pas dû ?

— Eh bien, je n'en sais rien. Vous ne me connaissez pas. Comment pouvez-vous être sûr que le club ne va pas faire faillite dans les prochains mois ?

— Comme je vous l'ai dit, j'ai confiance en vous. Et pour cette question de se connaître ou pas, on pourrait arranger ça. Nous avions parlé d'un dîner il me semble, non ?

— Vous ne lâchez vraiment rien, vous ?

— Ce n'est pas un non, ça, réplique-t-il, enjoué.

Après ça, je reste une bonne minute à le dévisager, et une autre bonne minute avant de lui répondre. Autant dire que sous mon crâne, c'est une éruption volcanique. Je suis littéralement assiégée par d'innombrables craintes, toutes plus horribles les unes que les autres.

— Ce ne serait pas une bonne idée, dis-je plus sérieusement.

— Pourquoi ça ? lâche-t-il, un brin offensé.

— J'ai entendu beaucoup de choses à votre sujet. Des choses... pas très rassurantes.

Son sourire s'évapore soudain.

Ah, j'ai tapé dans le mille on dirait.

— Je vois. Eh bien, comme je vous l'ai dit, vous êtes une fille intelligente, vous devriez pouvoir vous faire votre propre opinion toute seule, je me trompe ?

Eh merde, il a raison. Il a su exactement quoi me dire pour que je remette en question tout ce que j'ai pu entendre sur lui.

Après tout, un dîner, ça ne peut pas être aussi terrible que ça.

Enfin, je crois.

— Si jamais j'accepte, vous me laisserez tranquille après ça ?

— Si c'est ce que vous désirez.

Comment ça : si c'est ce que je désire ?

De nombreuses émotions contradictoires viennent me submerger, et je mets un certain temps avant de lui faire part de ma décision, volontairement, je l'avoue :

— OK. J'accepte de dîner avec vous.

— C'est vrai ?

— Oui.

— Génial.

À l'instant où j'accepte son invitation, le visage d'Alexander s'illumine, je sais donc qu'il faut que je mette les choses au clair rapidement.

— Mais après, ça s'arrête là. On dîne ensemble et c'est tout.

C'est déjà assez bizarre comme ça.

— Comme vous voudrez. Alors... on dit demain soir ? Vingt heures trente ?

— Si vous voulez, mais...

— Parfait ! Je passerai vous prendre, dit-il d'une voix ferme.

— Hum... OK...

Il m'adresse alors un autre sourire et s’apprête à s'en aller, seulement, il se ravise au dernier moment et fait demi-tour, plongeant ses yeux dans les miens. Sans le vouloir, je me laisse perdre dans ce bleu si intense, si éblouissant, si... inquiétant.

— Une dernière chose, vous devriez vous tenir loin de l'homme avec qui vous parliez tout à l'heure, ajoute-t-il.

Et voilà : je commence déjà à regretter d'avoir accepté son invitation à dîner.

— Owen ?

Il confirme en hochant la tête. Je poursuis :