Léman - Isabelle Falconnier - E-Book

Léman E-Book

Isabelle Falconnier

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Beschreibung

Plongez dans un des lacs les plus célèbres du monde, découvrez ses mythes et légendes et imprégnez vous de l'âme des habitants qui l'entourent.


Miroir des Alpes, le lac Léman est une créature à la fois vivante et légendaire qui, entre Suisse et France, a toujours fasciné artistes, peintres et écrivains. Raconter le Léman, c’est évoquer l’amour et la passion qui, pour tant de poètes et de romanciers, ont jailli de ses flots où se reflètent les cimes enneigées des montagnes.


Le Léman est un lac nourricier. Sur les coteaux du Lavaux, les magnifiques parterres de vignes façonnent un paysage unique, l’un des plus spectaculaires au monde. Mais le charme du plus grand lac d’Europe tient aussi à ses plages, aux magnifiques demeures qui le bordent et aux somptueux palaces, rendez-vous prisés d’une élite mondiale toujours à la recherche d’une cure de jouvence.


Ce petit livre n’est pas un guide. Lancé tel un esquif sur ces étendues quelquefois impétueuses, il est une invitation à marcher, observer, goûter les eaux du lac. Parce que celui-ci a forgé, au cours des siècles, l’âme des peuples qui l’entourent.


Un grand récit suivi d’entretiens avec Bruno Berthier (Au regard de l'histoire, une région lémanique aurait tout son sens), Marianne Chevassus Favey (Le Léman est un véritable lac-laboratoire, un bassin d'innovation) et Didier Zuchuat (Le lac Léman est un acteur. Sa filmographie remonte aux frères Lumière).


L'auteur nous présente les fascinantes profondeurs du lac Léman ayant inspiré tant d'écrivains, tels que Byron, Hugo, Rousseau, transformant le lac en «encrier dans lequel tout le monde trempe sa plume».



À PROPOS DE L'AUTEURE



Isabelle Falconnier est journaliste, critique littéraire et chroniqueuse. Elle a présidé le Salon du Livre de Genève et programmé les festivals du Livre Suisse à Sion et Lausan’noir à Lausanne.



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Couverture

Page de titre

L’ÂME DES PEUPLES

Une collection dirigée par Richard Werly

Signés par des journalistes ou écrivains de renom, fins connaisseurs des pays, métropoles et régions sur lesquels ils ont choisi d’écrire, les livres de la collection L’âme des peuples ouvrent grandes les portes de l’histoire, des cultures, des religions et des réalités socio-économiques que les guides touristiques ne font qu’entrouvrir.

Ponctués d’entretiens avec de grands intellectuels rencontrés sur place, ces riches récits de voyage se veulent le compagnon idéal du lecteur désireux de dépasser les clichés et de se faire une idée juste des destinations visitées. Une rencontre littéraire intime, enrichissante et remplie d’informations inédites.

Précédemment basé à Bruxelles, Genève, Tokyo et Bangkok, Richard Werly est le correspondant permanent à Paris et Bruxelles du quotidien suisse Le Temps.

Retrouvez et suivez L’âme des peuples sur

www.editionsnevicata.be

@amedespeuples

Carte

AVANT-PROPOS Pourquoi le Léman ?

Lorsque j’étais enfant, j’ai fait un rêve étrange. Dans ce rêve, je me réveille en sursaut, effrayée par un cauchemar. Incapable de me rendormir, j’erre par monts et par vaux, traînant ma couette et mon éléphant en peluche, à la recherche d’un lit qui veuille bien m’inspirer le repos. À la manière de Boucle d’Or qui teste l’un après l’autre les trois lits des ours, je me couche tour à tour, sans y trouver le sommeil, sur un lit à baldaquin posé sur un nuage, puis dans une immense poussette en attente devant la maison. Ce n’est qu’en me glissant au creux du lac, comme on se glisserait sous une couette infiniment moelleuse et accueillante, que je réussis enfin à me rendormir.

Depuis cette nuit, je suis addict au Léman. Ce lac au bord duquel je suis née, ce lac aussi grand qu’une mer lorsque j’étais petite, joue pour moi un rôle évident de mère nourricière. J’ai « besoin » de lui. Après chaque absence, il faut que je le voie, de toute urgence. Que j’aie le vague à l’âme ou une décision à prendre, que mon cœur déborde de joie ou mes yeux de larmes, mes pieds me portent jusqu’au lac, sur les sentiers étroits, jusqu’à n’importe laquelle de ses plages de galets où je m’assieds, plongeant les yeux et l’esprit dans la vaste étendue d’eau jusqu’à y noyer ma langueur ou mes élans débordants. Ce n’est qu’après avoir eu ma dose, littéralement, que je peux revenir à la maison, sereine, apaisée et nourrie.

Cette dépendance affective, quasi existentielle, reste un mystère.

Faits et chiffres sont là, qui constituent les papiers d’identité géographiques et physiologiques complets du Léman : le plus grand lac d’eau douce d’Europe occidentale est né au quaternaire, il y a un peu plus de 10 000 ans, lors du retrait du glacier du Rhône qui s’étendait alors du Valais jusqu’à l’emplacement actuel de la ville de Lyon. Sa superficie est de 583 km2, dont 500 pour le Grand Lac et 80 pour le Petit Lac, la partie la plus étroite du lac, entre Yvoire et Genève. La France possède 41 % de sa superficie, la Suisse 59 %. De cette portion suisse, 13 km2 sont en territoire valaisan, 36 appartiennent au canton de Genève et 293 au canton de Vaud, qui possède ainsi 44 % du lac.

Côté kilomètres toujours, les rives du lac mesurent 167 km, dont la rive française représente moins d’un tiers. Le Léman est long de 73 km. Sa largeur maximale, entre Évian et Lausanne, est de 13,8 km. La première course à la nage entre Lausanne et Évian est lancée pour l’anniversaire des 50 ans de Bellerive Plage, le 1er août 1987. Vainqueur : l’Égyptien Nayel El-Sayed, qui rallie Évian en 3 heures et 17 secondes. C’est entre Évian et Ouchy, justement, que le Léman est le plus profond, soit 309,7 m.

Le Léman est l’une des plus grandes réserves d’eau douce en Europe avec un volume de 89 milliards de m3. Il faut onze ans pour que la masse d’eau se renouvelle complètement, alimentée par le Rhône bien sûr qui le traverse après être descendu de l’Oberland bernois, mais aussi par la Dranse descendant du Chablais, la Veveyse, la Venoge, l’Aubonne, et une trentaine de rivières et ruisseaux rive droite, neuf sur la rive gauche.

Selon François-Alphonse Forel, inventeur de la limnologie, soit l’étude des lacs, le Léman est un lac dit « tropical » parce que la température de son eau profonde est toujours supérieure à 4 degrés. Ce qui en fait l’un des biotopes lacustres les plus riches d’Europe : aulnes, tilleuls, sapins, chênes, épicéas, hêtres, noyers et autres arbres fruitiers se développent sur ses rives avant l’an 1000. Châtaigniers et figuiers arrivent avec les Romains. Avec les Lumières, âge d’or des botanistes genevois et vaudois, des essences venues du monde entier donnent aux jardins et parcs une touche exotique : bambous, cèdres, séquoias, thuyas, cyprès, wellingtonia, ginkgo biloba et autres magnolias profitent du microclimat lacustre.

Plus de 120 espèces d’oiseaux, sédentaires ou migrateurs, sont recensées autour du Léman, dont une dizaine de variétés de canards. Quant aux poissons, sur les 26 espèces hébergées par le Léman – dont la perche, le brochet, la féra, l’omble, la truite, la lotte ou la carpe –, 14 sont autochtones.

Détail parlant : le Léman compte sept îles, en fait des hauts-fonds rehaussés et consolidés par les hommes. La plus vaste est l’île de la Harpe devant Rolle, la plus jeune est l’île aux Oiseaux, au large de Préverenges, aménagée afin d’accueillir des oiseaux migrateurs ou locaux.

Voilà pour les faits, voilà pour les chiffres. Ils ne disent rien encore du mystère de la dépendance aiguë que provoque le Léman, ils n’expliquent pas mon rêve de gamine. Il faut que sur cette masse d’eau surplombée de montagnes, enveloppée d’un ciel toujours changeant, soudain l’esprit humain se projette pour que la fiction se mette en branle et que naissent la légende du Léman et son infini pouvoir de séduction. Poissons, rochers, oiseaux ne sont plus alors simplement des poissons ou des rochers, mais autant de miroirs de l’imagination et de l’esprit des hommes et des femmes qui les regardent. Plus que partout ailleurs, c’est le lien vivant entre un lieu naturel, un paysage et les humains qui l’ont élu comme patrie spirituelle, qui fait l’intérêt du Léman.

Parce qu’alors nous pouvons nous mettre à « raconter » le lac. Imaginer, en nous souvenant des vieilles légendes, qu’il est né des larmes versées par les anges chérubins chargés de veiller sur ces territoires, au temps où il était encore peuplé d’aurochs et de mammouths. Ou des mains du géant Gargantua se creusant une baignoire à sa taille. Imaginer que la montée et baisse soudaine des eaux, avant qu’elles ne soient régulées par le barrage du Seujet, étaient un sortilège du Diable pour séduire la belle qu’il convoitait en offrant de nouvelles terres cultivables à son père. Imaginer des créatures maléfiques qui attirent et noient les imprudents ; des lutins, farfadets et autres génies des forêts qui descendent de la montagne en se laissant glisser dans les torrents sur des branches de bois pour venir mourir dans le grand lac ; des monstres, dragon phosphorescent ou serpent gigantesque, dormant dans les profondeurs, fantasmer sur des créatures fossiles ayant survécu aux glaciations millénaires dans la couche de vase, là où le lac est le plus profond. Raconter à ses enfants, puis ses petits-enfants, qui eux-mêmes raconteront à leurs enfants, la légende du cheval noir qui galopait au-dessus des eaux depuis Yvoire pour rejoindre la belle Amée de Prangins ; ou celle de la Dame Blanche qui apparaît à l’impératrice d’Autriche Élisabeth, dite Sissi, la veille de sa mort, poignardée sur le quai du Mont-Blanc à Genève. Ou encore entretenir le culte des pirates légendaires comme Dental, camisard des Cévennes en révolte contre Louis XIV, qui pille l’argent des banquiers genevois avant de s’en aller faire bombance à Berne ; ou Blanchet, qui vole une barque chargée de pièces d’or destinées à l’armée française, décapité en 1707.

Au fil des histoires, des légendes, des mythologies et autres fictions, le Léman est devenu plus qu’un lac : une source de joie quotidienne pour le vaste peuple qui habite ses rives, une source d’inspiration pour celles et ceux qui le découvrent, l’imaginent, qu’ils soient poètes, artistes, voyageurs, peintres, navigateurs, marchands, touristes, puis une source de bienfaits, de plaisirs, de jeux, d’innovations, de commerces en tous genres, d’échanges, de convoitise forcément. Et puis de nostalgie pour toutes ces histoires commençant par « Il était une fois », et dont on a oublié la fin, se souvenant seulement qu’elle est heureuse.

Légendes d’un lac

Un grand bosquet d’arbres au sommet d’une colline face au lac, quelques épicéas et cyprès serrés au milieu d’un parc de verdure : il est forcément là, au pied de la villa l’Empereur mystérieuse derrière ses grilles, le bosquet où la belle Julie d’Étanges et Saint-Preux, son précepteur sans fortune mais fou d’amour, échangent leur premier baiser. Ou serait-ce le bouquet de châtaigniers et noisetiers qui masque la curieuse tourelle de briques rouges du château des Crêtes, juste à côté, lui qui se vante depuis sa construction en 1864 de trôner à l’emplacement des Bosquets de Julie, et dont la cheminée en marbre blanc de Carrare est ornée d’une effigie de Rousseau ? Ici, sur les hauteurs de Clarens, il est de bon ton de revendiquer ses Bosquets personnels…

Ici, tout le monde cherche les Bosquets de Julie. C’est à leur air à la fois excité, ému et dépité qu’on les reconnaît, jeunes poètes des villes ou néoromantiques japonais ou américains, errant entre l’avenue des Bosquets de Julie, le chemin de Madame de Warens et le chemin de la Nouvelle Héloïse, guignant par-dessus les murs et palissades des villas et écoles internationales qui se partagent la colline du Mont-Gibert, espérant le fantôme de Julie ou de leur cher Jean-Jacques déambulant dans son Élysée rêvée.

Mais les fermes ont laissé la place à de luxueuses et impassibles propriétés, et le sentier public se fraie un chemin entre les hautes haies qui interdisent tout accès direct aux bosquets fantasmés. C’est ici précisément que commence l’histoire du lac Léman, qui inspira non seulement Jean-Jacques Rousseau, mais le monde entier.

Rousseau et ses confessions

C’est pour voir la ville natale de sa chère Madame de Warens, son initiatrice et protectrice, que le philosophe se rend en 1730 à Vevey. Il loge à l’auberge de la Clef, qui conserve une vieille table en bois sur laquelle on lit : « Jean-Jacques Rousseau prit ses repas sur cette table lors de son séjour à l’auberge de la Clef en juillet 1730 ». Julie et Saint-Preux naissent ici : « J’allai à Vevey loger à la Clef, raconte Rousseau dans ses Confessions, et (…) je pris pour cette ville un amour (…) qui m’y a fait établir les héros de mon roman. Je dirais volontiers à ceux qui ont du goût et qui sont sensibles : allez à Vevey, visitez le pays, examinez les sites, promenez-vous sur le lac, et dites si la nature n’a pas fait ce beau pays pour une Julie, pour une Claire, et pour un Saint-Preux. »

Lorsque vingt-cinq ans plus tard, il entame la rédaction de Julie ou la Nouvelle Héloïse