Les catholiques sont-ils chrétiens ? - Michèle Drin-Weil - E-Book

Les catholiques sont-ils chrétiens ? E-Book

Michèle Drin-Weil

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Beschreibung

Et si Jésus n’avait jamais créé cette religion que l’on appelle chrétienne ? 

Et s’il avait en réalité seulement voulu le développement de celle de ses pères et la libérération de son pays du joug des Romains ? 

Et si Paul de Tarse (St. Paul) avait dévoyé l’histoire et l’image de Jésus pour le déjudaïser, le diviniser, le transformer, le romaniser ?

Michèle Drin-Weil, par son analyse objective du Nouveau Testament, une étude sociale, politique et historique des faits, révolutionne notre vision de la religion et pose la question : les catholiques sont-ils chrétiens ?


À PROPOS DE L'AUTEURE

Michèle Drin-Weil commence à s’intéresser à l’histoire des religions dès son adolescence. Des années plus tard, ses études en biologie et en sophrologie lui ont permis de travailler sur les aspects scientifiques et psychologiques de la spiritualité et de mieux appréhender les différentes interprétations des textes religieux. Par ailleurs, au cours de son initiation à l’hébreu, elle a fait des découvertes surprenantes qui l’ont conduite à la rédaction de ce livre.

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Seitenzahl: 387

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Michèle Drin-Weil

Les catholiques sont-ils chrétiens ?

Ou la grande imposture

Roman

© Lys Bleu Éditions – Michèle Drin-Weil

ISBN : 979-10-377-5003-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Il ne me suffit pas de croire, je veux savoir. Serait-ce un péché à vos yeux ? (Entretien de monsieur Descartes avec monsieur Pascal le Jeune/J. Cl. Brisville)

Cet « Évangile selon Michèle » est le fruit de sept années de recherches, dans le Tanakh (la Torah, les Nevim, les Ketouvim), la Bible (Ancien et Nouveau Testaments et les écrits canoniques et apocryphes) et de nombreux ouvrages écrits sur le sujet, au cours desquelles je suis allée de surprise en surprise et qui ont bouleversé tout ce que je croyais savoir.

Ami lecteur, quelle que soit ta religion ou ton absence de religion, cherche et trouve ta vérité, accepte ce que tu vas trouver même si cela te conduit à évoluer et changer.

Surtout, accepte que les autres aient une autre vision que la tienne ou que leurs recherches les emmènent sur un chemin différent.

Rappelle-toi que la religion n’est pas Dieu mais juste une création humaine.

L’étymologie du mot « religion » est toujours un sujet de discussion : Certains, comme Lactance, pensent que le mot vient de « religare » qui signifie relier et d’autres, comme Cicéron, pensent que le mot vient de « relegere » qui signifie relire.

Saint-Augustin rassemble les deux origines en traduisant « religare » par ce qui relie à Dieu grâce à la « relegere » relecture de Dieu en soi. Il rejette l’idée de lien social dans la traduction de « religare ». Et pourtant, s’il allait jusqu’au bout de sa pensée, il verrait peut-être que ceux qui cherchent Dieu en eux sont liés entre eux par cette présence de Dieu.

Doit-on rejeter les religions ?

Non ! Les religions peuvent être un guide pour aider l’Homme à se connaître et à trouver la divinité en lui. Certains en ont besoin, d’autres pas.

Toutes les religions seraient excellentes si elles n’étaient pas rapidement devenues un instrument de pouvoir politique qui les transforme et les utilise pour justifier ses exactions, ses guerres de conquêtes sous le prétexte de convertir l’autre « à la seule vraie religion » : la sienne.

Chacun doit trouver celle qui lui convient ou même inventer celle qui lui conviendra.

Préface

Dans la cohérence de la foi chrétienne, le divin Père s’est donc choisi le peuple juif comme lieu d’élection, comme lieu d’incarnation, bien que 70 autres manières d’être homme s’offraient à son suprême choix, 70 langues aussi. En effet, selon le chapitre 10 de la Genèse et son prolongement au chapitre 11 (le récit de la tour de Babel), l’humanité originelle diaspora en 70 langues ; ce chiffre symbolique de 70 deviendra (dans la Bible, les Évangiles et le Talmud) le paradigme de l’universel humain.

Jésus ne fut donc ni Grec, ni Romain, ni Égyptien, ni Samaritain, ni Perse, mais Israélite descendant d’Abraham, d’Isaac et de Jacob selon la généalogie rédigée par Mathieu en préambule de sa Bonne Nouvelle. Cet enfant de Galilée parlait l’hébreu et l’araméen, et ne s’exprima jamais en grec ou en latin. Que Jésus soit entendu comme sauveur des péchés du monde, comme centre d’un cercle dont l’ensemble de l’humanité, vivante et à venir, constitue le pourtour, ne change rien à cette judéité, proclamée jusqu’au titulus le déclarant « roi des Juifs » ; judéité qu’il ne renia jamais.

Dès lors que le théologique se fait chair, la science du réel, celle de l’historiographie, peut éclairer la vie du personnage de sa naissance à sa mort. Que le théologique reprenne ses droits pour la foi chrétienne après la mort et la résurrection proclamée du Christ et n’élude nullement la vie terrestre de Yéchouâ ben Myriam.

Le livre de Michèle Drin-Weil se veut une lecture de cette « incarnation ». Certes, il ne s’agit nullement, dans les belles pages que vous découvrirez, d’un roman théologique, mais bien d’un roman historique. Roman et histoire peuvent parfois s’opposer. Le roman exprime la liberté de penser, d’imaginer, d’écrire ; l’histoire exige des faits, des preuves, des sources…

En lisant le livre de Michèle Drin-Weil, j’ai lu un roman qui parlait à mon âme juive. Qu’il y ait de la liberté, voire de l’audace, n’est-ce pas le propre de tout écrivain, de tout poète ? Mais le décor, les lieux, les actes, j’oserais dire les parfums qui se dégagent de l’ouvrage me paraissent cohérents historiquement avec la vie juive telle qu’elle devait se vivre en ce premier siècle en Galilée, en Judée et en Samarie.

Le lecteur chrétien apprendra un peu du judaïsme et le lecteur juif apprendra un peu de la vie de l’un des siens, Jésus (Yéchouâ) qui permet aujourd’hui à des milliards d’hommes et de femmes de par le monde de trouver un sens à leur résistance.

Depuis le Concile Vatican II, catholiques (et par interaction protestants et orthodoxes) et juifs se rencontrent, s’écoutent, se parlent. À l’enseignement du mépris (selon Jules Isaac) s’est substitué (heureuse substitution) l’enseignement de l’estime (selon Jacob Kaplan) en réciprocité. Certes, toute tendance religieuse suscitera toujours ses extrémistes, ses fanatiques, ses possesseurs de la vérité absolue et exclusiviste. À nos yeux, la lutte contre ces excessivités ne doit user ni d’armes mortelles ni de paroles venimeuses, mais se servir uniquement des armes de la plume, du pinceau et des notes de musique. L’art et l’éthique sont à même de canaliser nos pulsions de mort !

Merci infiniment à Michèle Drin-Weil de contribuer par son amour de l’histoire, à semer par son livre des graines de fraternité… en espérant, selon la belle image évangélique, qu’elles tomberont en des cœurs fertiles.

Avec mes sentiments respectueux,

Philippe Haddad, Rabbin

Définitions

Les différents noms de Dieu

El : Signifie Dieu.

Élohim : Les Puissances Créatrices de Dieu.

Adonaï : Seigneur.

YHWH : L’Éternel,« Je suis celui qui est, l’Éternel, ton Dieu », a dit Dieu à Moïse. On ne prononce jamais le nom de YHWH, on le remplace par Adonaï ou par Élohim quand on lit un texte où ce nom est écrit.

Messie : Se dit Mashiah en hébreu, Christos en grec, signifie « Oint de Dieu », autrement dit qui a reçu l’onction des Huiles Saintes, et que l’on peut traduire par « Béni de Dieu ». On ne devrait donc pas dire Jésus Christ, mais Jésus le Christ.

Chrétien : Le dictionnaire Larousse le définit comme suit :

Se dit de quelqu’un qui a foi en Jésus Christ et qui a reçu le baptême de l’une des Églises. C’est à Antioche que fut donné pour la première fois aux disciples de Paul le nom de Chrétiens (Actes 11 – 26).

Apôtre : Apôtre vient du grec « apostolos » devenu « apostolus » en latin signifie « chargé de mission, envoyéplénipotentiaire », traduction de l’hébreu « Shalliah ».

Évangile : Vient du grec « euaggelion » qui signifie « bonne nouvelle », le latin « evangelium » ajoute le sentiment de reconnaissance du receveur à la réception de cette bonne nouvelle (le dictionnaire indique « récompense, Action de grâce pour une bonne nouvelle »).

À l’origine, les évangiles étaient des décrets publiés par l’empereur romain et diffusés dans tout l’empire.

De quelle Bonne Nouvelle Jésus parle-t-il quand il demande à ses apôtres d’aller la répandre ?

Catégories religieuses au temps de Jésus

Avant la crucifixion :

Païens : Encore appelés gentils ; idolâtres ; goyim (un goy ; des goyim).

Craignants Dieu : Païens respectant Dieu et proches de la conversion à la religion juive.

Juifs de naissance : Nés obligatoirement d’une mère juive.

Juifs convertis : Païens ayant choisi de devenir Juifs et de suivre toutes les obligations de la Loi.

Juifs Samaritains : Descendants des « tribus perdues », ayant fondé le royaume d’Israël qui deviendra la Samarie. Nés obligatoirement d’un père juif ce qui est une grande différence avec les Juifs judéens qui doivent être nés d’une mère juive.

Nazoréens : Juifs disciples de Jésus qu’ils soient ou non baptisés du baptême de Jean. Jésus, tous les apôtres, tous ses disciples étaient Juifs Nazoréens.

Hellénistes : Juifs ayant adopté la culture et la religion grecques mais aussi, Grecs convertis au judaïsme et travaillant sur la Septante (c’est pour eux que la Torah a été traduite en grec).

Zélotes : Juifs nationalistes, pratiquant la religion juive avec beaucoup de zèle, résistant à l’occupation romaine dont la seule présence souille la Judée.

Sicaires : Juifs nationalistes résistant à l’occupation romaine par simple patriotisme, leur nom vient de la sica, petite épée courbe qui servait à tuer les Romains bien sûr, mais aussi les Juifs qui collaboraient avec les Romains.

Après la crucifixion, il faut ajouter :

Les Pagano-chrétiens : Païens ayant reçu le baptême de Paul.

Les Judéo-chrétiens : Nom donné par de nombreux auteurs chrétiens à des Juifs ayant reçu le baptême de Paul. Ce groupe était peu nombreux pour ne pas dire inexistant car les Juifs ne pouvaient trouver qu’inacceptables les propositions de Paul.

Le Sanhédrin : Assemblée régissant les problèmes religieux, sociaux et juridiques de la société juive. Il est dirigé par le Grand Prêtre nommé par Rome et le président élu par les membres (soixante-dix) qui se répartissent en deux groupes de fonctions différentes :

Les Sadducéens : Prêtres (Cohenim, pluriel de Cohen) issus de la tribu de Lévi. L’aîné des garçons hérite de la fonction, certains sont nommés par le Grand Prêtre. Ils ont comme fonction d’assurer tout le rituel du Temple, leur personnel effectue pour eux la vente des animaux à sacrifier et le change des pièces profanes en monnaie du Temple. Ils font partie de la Cour du roi et représentent la noblesse.

Les Pharisiens : Ce sont des gens du peuple qui travaillent pour gagner leur vie mais ce sont des érudits, ils connaissent la Torah par cœur et l’enseignent à ceux qui souhaitent se perfectionner. Ils conseillent la population dans les problèmes de la vie courante. Pour devenir Pharisiens, ils doivent être cooptés par leurs pairs.

Pour qu’une décision de justice soit légale, il faut qu’elle soit rendue de jour, par le Sanhédrin, Sadducéens et Pharisiens réunis (au moins vingt-trois membres). Le Sanhédrin n’a pas le droit de condamner à mort, ce droit revient à Rome.

Les Esséniens : Secte particulièrement rigoriste, essentiellement composée d’hommes (pas de femmes, elles sont considérées comme peu fiables car trop volages) et acceptant quelques enfants mâles pour faire leur éducation.

Avant-propos

Jésus est mort crucifié par Rome. Curieusement, c’est à Rome que l’Église catholique a établi son pouvoir. Par quel « miracle » Rome qui a été complice de la mort de Jésus a-t-elle réussi à en être le symbole, à développer et à imposer son christianisme ? Est-ce dû, comme le suppose E. Nodet, à l’influence de Flavius Josèphe qui déclare aux Juifs assiégés par Titus en 70 lors du siège de Jérusalem « Dieu séjourne maintenant en Italie » ? Évidemment, les Romains avaient confisqué et emporté les « Trésors du Temple ».

Il est de plus très surprenant que Pierre ait été choisi par les dirigeants de l’Église pour être le représentant de Jésus, lui qui l’a renié et qui n’est probablement jamais allé à Rome contrairement aux légendes véhiculées par l’Église. De plus, il n’a jamais été chrétien, mais comme Jésus et tous les apôtres et disciples de Jésus il était Juif nazoréen.

Les origines de Jésus, sa vie, son message, sa mort ont été l’objet de très nombreux écrits. Dans un grand nombre de ces écrits, mes recherches m’ont fait prendre conscience des erreurs d’interprétation, des absurdités, des mensonges, et surtout de la grande ignorance de la vie et des coutumes des Juifs au temps de Jésus.

Mes principales sources sont les Évangiles, les Actes des Apôtres et les Épîtres de Paul. Les Évangiles et les Actes ont été écrits après les Épîtres de Paul. L’examen approfondi des textes nous permet de penser qu’aucun Juif n’a participé à ces écrits ni aucune personne ayant côtoyé Jésus.

De nombreux textes ayant altéré à mes yeux le message de Jésus, à mon tour, maintenant, en me référant aux sources bibliques et historiques, j’ai osé écrire un « Évangile selon Michèle. »

Comment les Chrétiens ont-ils pu diviniser Jésus et sanctifier Marie (Ils sont tous les deux profondément Juifs), et rejeter à ce point le judaïsme qui était la seule religion vénérée par Jésus ?

Comment une pensée, celle de Jésus, prônant l’amour, la justice et le pardon a-t-elle pu être détournée pour en faire un instrument de pouvoir au service des puissants ?

Première partie

Évangile selon Michèle

Marie

Marie était probablement fille de Joachim et de Anne, un couple de notables qui, après plusieurs années de stérilité, a eu plusieurs enfants. Certains disent que le couple a eu au moins trois filles mais il y a en a eu peut-être plus et quelques fils aussi, car les familles juives avaient souvent beaucoup d’enfants, c’était une fierté, la bénédiction de Dieu.

C’est une famille profondément religieuse vivant strictement dans le respect de la Loi et des traditions, éduquant les enfants et leur inculquant le sens du devoir dans une atmosphère d’amour. Dès leur plus tendre enfance, les filles ont secondé leur mère dans tout le rituel de la préparation du Shabbat et des fêtes. Chacune le fait avec joie mais si les sœurs de Marie jouent à mimer maman avec insouciance, Marie, elle, ne peut s’empêcher de poser constamment des questions, elle veut comprendre pourquoi Shabbat est un jour différent, pourquoi il y a un menu particulier, que signifient les prières et les chants...

Anne essaie de répondre à ces questions mais souvent elle est dépassée par la soif de connaissance de sa fille et dans ces cas-là, c’est Joachim qui prend le relais pour expliquer à Marie ce que signifient chaque geste, chaque parole et toutes ces traditions millénaires. Il est toujours étonné par son intelligence et la pertinence de ses questions.

Marie, je la vois : une magnifique adolescente de taille moyenne, brune, le teint très mat, des yeux noirs, le regard vif, les traits fins, un magnifique sourire, la musculature sèche, pas une once de graisse.

Et quant au caractère : elle est passionnée, furieuse de n’avoir pas autant de droits que les garçons pour acquérir l’instruction qui lui permettrait de mieux comprendre la religion, furieuse d’être évincée quand les hommes parlent de politique, écoutant aux portes quand ils se réunissent pour faire le point sur les informations qui leur parviennent. Parce qu’à ce moment, il s’en passe des choses !

Presque partout, des résistances à l’envahisseur romain s’organisent. Judas de Gamala encore appelé le Gaulanite ou le Galiléen est un descendant de la lignée de David. Il a recruté toute une armée d’hommes nationalistes, fidèles jusqu’à la mort à leur pays et à leur religion qu’ils pratiquent avec zèle, ce qui leur vaut le nom de Zélotes. En fin stratège, pour éviter que son mouvement ne soit anéanti par une attaque violente des troupes romaines, il répartit ses partisans dans les provinces de l’ancien royaume d’Hérode le Grand, par petits groupes dirigés le plus souvent par des membres de sa famille.

Il est donc le chef des zélotes, une secte de résistants « Messianiques » appelés parfois « Christiens ».

Ces hommes combattent les Romains dans l’espoir que va surgir celui que les prophètes ont annoncé, le Messie qui rassemblera le peuple dans la Loi de Dieu et reformera le royaume de David dont il sera le roi et le guide spirituel pour qu’Israël redevienne une parfaite théocratie comme au temps de David et de Salomon.

Les parents de Marie ne peuvent supporter ni l’occupation romaine ni Hérode le Grand à la botte de l’occupant, pressurant le peuple d’impôts de plus en plus lourds, multipliant les actes de cruauté toujours impunis. De plus, ces païens profanent leur terre par leurs pratiques impies. Le temps passant, les impôts, les injustices et les cruautés augmentant, la seule solution possible devient la solution armée.

J’ai imaginé que Judas avait deux neveux : Joseph et Jacob.

Avec leur groupe de résistants, ils viennent le soir chez Anne et Joachim se réunir pour trouver des solutions, préparer des actions et se libérer de ce joug… Tous les deux, comme leur oncle, sont de la lignée de David et prêts à lutter.

Jacob est un magnifique combattant, grand, fort, athlétique, sachant manier les armes, haranguer les foules avec un charisme extraordinaire. Joseph, lui, est un homme d’étude, il est assez grand mais plus fin, plus mince que son frère, plus discret aussi, presque timide, sa voix est toujours très posée, très calme. Il ne va que très rarement au combat, c’est un stratège, et Jacob lui demande toujours de préparer les opérations. Les deux hommes sont parfaitement complémentaires et s’entendent à merveille. Leur réputation est déjà bien établie, à chaque intervention, tout est impeccablement réglé, les Romains et l’armée d’Hérode se font régulièrement harceler par ces petits groupes de zélotes, insaisissables. À peine leur attaque terminée, ils disparaissent et on n’entend plus parler d’eux jusqu’à la prochaine embuscade.

Marie est âgée d’environ 15 ans, elle est belle, pleine d’énergie. Les soirs de réunion, elle apporte les boissons, les hommes se taisent, elle sort de la pièce, les conversations reprennent, soigneusement elle laisse la porte entrebâillée et écoute. Elle remarque ce beau jeune homme, Jacob.

La rencontre

Cet Homme la fascine, ses convictions, sa passion, son désir de libérer le pays sont communicatifs. Elle le regarde discrètement, il est grand, il est beau, il parle bien. Son autorité naturelle, son charisme séduisent immédiatement, il est fougueux, impulsif. Il galvanise tous les hommes qui l’écoutent.

Joseph est l’aîné, mais s’efface toujours devant son frère. Il est calme et réfléchi. Les évangiles nous disent qu’il était un « tekton » ce qui signifie artisan travaillant le bois (en particulier les charpentes de bateau), mais aussi architecte et auteur. De toute évidence, ce n’était pas un pauvre petit ouvrier mais certainement un lettré, capable de concevoir de grandes œuvres. Il est fort probable qu’il concevait des ouvrages pour les riches Juifs de Palestine, mais aussi pour ceux résidant en Égypte. Il faisait partie de ces hommes qui se consacrent aux activités profanes le jour et aux études sacrées la nuit. Il dort peu, mais, malgré sa modestie et son comportement réservé, sa réputation est grande tant sur le plan de ses œuvres que de son savoir.

Marie ne voit que le cadet qui pour elle est le soldat du Dieu d’Israël. Elle ne rêve que de lui, elle attend la première occasion pour essayer de le rencontrer seul. Ce n’est pas facile, les jeunes filles ne doivent pas sortir seules, ne doivent pas adresser la parole aux hommes. Comment faire ? Mais, lui, l’a-t-il seulement regardée ? Elle en doute. Et bien sûr, cela la paralyse. Est-elle assez jolie pour lui ? Est-elle assez intelligente ? Est-elle d’une assez bonne famille ? Car lui est de la meilleure lignée.

La chance va aider Marie, une action se préparant, tous les hommes sont occupés et son père lui demande d’aller porter un message à celui dont elle rêve en secret.

Marie se prépare, elle choisit une tenue pratique qui lui permettra de grimper le chemin escarpé qui mène à la grotte où les résistants préparent leurs actions, c’est une tenue sobre, discrète mais élégante, mettant bien en valeur sa silhouette.

Il la voit arriver de loin et descend à sa rencontre. Il la salue, elle est intimidée, sans voix et lui répond, d’une inclinaison de la tête. Il lui sourit, lui prend la main, et lui propose gentiment de s’asseoir sur un rocher jusqu’à ce qu’elle ait repris son souffle. Il fait chaud, et le chemin est escarpé.

Ils s’assoient en silence, les yeux toujours baissés, elle joue avec les franges de son châle, lui, fixe le caillou qui roule sous son pied. Au bout de quelques minutes, ensemble, ils relèvent la tête, ouvrent la bouche et éclatent de rire en se regardant. La glace est rompue.

— Merci d’être venue.

— Père te fait dire que le rendez-vous est pour demain soir à l’endroit et l’heure habituels.

— Très bien, j’y serai. Mais je m’étonne que ton père t’ait envoyée, il n’y avait pas un homme pour venir me prévenir ? La région est dangereuse.

— Non, ils étaient tous occupés et c’était urgent, mais je suis contente de pouvoir vous aider. J’aimerais faire beaucoup plus. J’aimerais me battre avec vous et chasser ces soldats impies qui souillent notre terre sacrée. Mais pourquoi seuls les hommes ont-ils le droit de se battre ? Pourquoi les femmes sont-elles écartées de tout, de la vie politique, de la vie religieuse ?

— Mais les femmes participent à tout en soutenant leur mari, leurs fils, en étant toujours présentes pour eux.

— Un soutien passif ! J’aimerais être beaucoup plus active.

— Je comprends. J’ai bien vu que nos conversations t’intéressaient, si ton père le permet, continue à transmettre les messages, mais surtout soit prudente, je ne me pardonnerais jamais de t’avoir donné ce conseil s’il t’arrivait quelque chose...

Marie sourit, ces paroles ont la douceur du miel. Il l’avait remarquée, il la trouve peut-être jolie, il tient peut-être à elle ? Elle est troublée et craignant de paraître indécente en s’attardant ainsi, seule avec cet homme, elle se lève.

— Au revoir, je dirai bien à père que vous y serez demain.

— À bientôt Marie !

Elle part, légère, sautant d’un rocher à l’autre. Il la suit des yeux, un sourire aux lèvres, elle est si jolie !

L’Irrousin

Pendant plusieurs mois, ils continuent à se voir, soit chez les parents de Marie, soit à la grotte. À chaque fois qu’elle va porter un message, par pudeur, Marie s’arrange pour être accompagnée d’un frère ou d’une sœur, mais parfois personne n’est disponible. Il la retient un peu plus longtemps pour bavarder. Un lien solide se crée entre eux. Dès leurs premières rencontres, tous deux ont ressenti une très grande attirance qui se renforce au cours du temps. Maintenant, Jacob trouve le temps tellement long quand il ne voit pas Marie qu’il veut faire sa demande en mariage le plus rapidement possible.

Depuis un bon moment déjà, il a acheté l’anneau qu’il veut lui offrir pour l’Irrousin (signifie « fiançailles », mais l’engagement est beaucoup plus fort que dans celui des fiançailles chrétiens : la rupture de l’Irrousin est comparable à un divorce. La fiancée doit une fidélité absolue à son fiancé).

Au dîner, devant toute la famille, Jacob tout heureux prévient son père qu’il souhaite se fiancer avec Marie et le prie d’aller demander sa main à Joachim. Toute la famille se réjouit : un mariage ! Quel bonheur ! C’est la promesse de petits enfants ! Les deux familles s’estiment tellement, quel bon choix !

Une fraction de seconde, le visage de Joseph s’est légèrement assombri, ainsi, il ne s’était pas trompé, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre ! Très vite, il se reprend malgré sa déception, car lui aussi était amoureux de Marie, il sourit et participe à la liesse générale.

Le lendemain, assis devant son bureau, Joachim range quelques parchemins. Jacob arrive avant tous ses compagnons, il s’approche du maître de maison et lui dit :

— Maître Joachim, mon père souhaiterait te voir pour t’entretenir d’une chose très importante nous concernant Marie et moi, quand peut-il venir sans te déranger ?

Joachim se retourne, regarde Jacob l’air faussement étonné, un petit sourire malicieux aux lèvres.

— Rien de grave, j’espère ? Il peut venir demain s’il le souhaite.

Jacob sent toute l’ironie dans la question, il ne peut s’empêcher de sourire aussi et de répondre sur le même ton :

— Je pense que tu as une petite idée de ce qu’il va te demander.

Sans rien ajouter, dans un grand éclat de rire, les deux hommes se donnent une chaleureuse accolade.

Le lendemain, pour Jacob, le grand jour est arrivé. Comme prévu, ses parents rendent visite à Anne et Joachim. Anne et la mère de Jacob ne s’étaient pas rencontrées depuis quelque temps. Leurs retrouvailles sont joyeuses, les deux femmes s’embrassent et filent dans la cuisine retrouver Marie dont l’émotion est à son comble. Elle marche de long en large, se tord les doigts, elle est au bord des larmes.

Les deux pères se retrouvent tout joyeux, ils sont tellement heureux ! Leurs enfants n’auraient pu faire un meilleur choix. Ils s’installent avec Jacob autour de la table et après les échanges de politesse, les nouvelles de leurs amis communs, de la politique, du temple…

Jacob ne dit rien mais il bout dans son coin. Quand vont-ils enfin parler de ce pour quoi nous sommes là ?

Joachim et le père de Jacob sont parfaitement conscients de son agacement et de son impatience mais en parfaite connivence, ils font durer le plaisir comme l’avaient fait leurs pères quelques années auparavant.

Enfin ! Ils abordent les clauses de la Kétouba (contrat de mariage) ! La dot ? Pas de problème, ils sont d’accord. À ce moment, Joachim sort la bouteille de vin qu’il avait préparée. Anne et la mère de Jacob se joignent à eux pour venir porter le toast qui scellera leur accord. Ils font entrer Marie, la jeune fille est très émue et ne parvient pas à retenir des larmes de joie.

Jacob lui déclare publiquement son amour et lui demande de devenir sa fiancée.

Marie, dans un sanglot d’émotion, accepte et Jacob prononce la phrase rituelle en lui offrant son anneau :

— Marie, vois, Tu es consacrée à moi avec cet anneau en accord avec la loi de Moïse et d’Israël.

À présent, les pères rédigent la Kétouba (contrat de mariage) indiquant la dot que le fiancé donne à sa promise, le nombre d’invités prévus, où aura lieu la cérémonie du Houppah (ce dais fait d’une étoffe soutenue par quatre piliers qui symbolise ce nouveau foyer). Le mariage aura lieu environ un an après le l’Irrousin pour que le fiancé ait le temps de construire la maison pour sa femme et leur future famille.

L’embuscade

À présent qu’ils sont fiancés, les deux jeunes gens se voient plus souvent seuls, Marie s’intéresse passionnément à toutes les activités des résistants et lui se confie de plus en plus. Un soir, Marie vient le retrouver, joyeuse comme d’habitude, et elle le trouve sérieux, tendu. Elle s’inquiète, l’interroge :

— Que se passe-t-il ? Tu es bizarre ce soir, quelque chose t’inquiète ?

— Non, non, tout va bien, il n’y a rien !

— Je t’en prie, ne me raconte pas d’histoire, je vois bien que tu n’es pas comme d’habitude. Dis-moi ce qu’il y a ou je m’en vais.

Il hésite encore quelques secondes, puis enfin lui avoue ses craintes.

— Demain matin, nous tendrons une embuscade aux Romains, un petit groupe de légionnaires doit conduire des prisonniers, des nôtres, à la forteresse Antonia. Nous ne savons pas combien de soldats escorteront le convoi. Deux gardes galiléens devaient venir nous donner la composition de l’escorte et le trajet exact. Je suis allé les attendre mais ils ne sont pas venus ; alors, demain, nous allons être obligés de nous séparer en deux groupes. J’emmènerai un groupe et Joseph l’autre.

— Vous réussirez, j’en suis sûre !

— Joseph voulait que nous annulions mais nous ne pouvons pas abandonner nos compagnons, s’ils sont enfermés à la forteresse nous ne pourrons plus les délivrer, mais Joseph craint que nous ayons de grosses pertes.

— Mais non, votre plan est bien au point, vous réussirez.

— J’espère ! Viens près de moi.

Elle se rapproche de lui, ils s’enlacent et ce qui devait arriver arrive. Dans cette situation d’angoisse, de tension extrême, ils n’ont pu attendre le mariage…

Le lendemain, Marie apporte comme bien souvent, le déjeuner au groupe de résistants qui se retrouve dans la grotte après chaque action. Tout est silencieux, tout d’abord cela l’étonne, il devrait y avoir du bruit, de l’agitation, plus elle se rapproche, plus ce silence l’angoisse, elle accélère le pas, de plus en plus affolée et entre dans la grotte Les hommes sont là, complètement effondrés. Marie les regarde, sidérée. Brusquement, elle réalise que Joseph a sa chemise déchirée. Elle pose les yeux sur chacun des compagnons : leurs chemises sont aussi déchirées.

Joseph et quelques autres pleurent à chaudes larmes ne pouvant contenir leur chagrin même devant elle. Le regard que Joseph lui lance est éloquent.

Dès lors, bien sûr, elle a compris.

— Que s’est-il passé ? Où est-il ? Ce sont les seuls mots qu’elle peut prononcer.

— Il est derrière, au fond de la grotte. Nous avons été trahis, je ne sais pas par qui, je n’ai aucune nouvelle des deux gardes qui devaient nous renseigner. Nous ont-ils trahis ? Ont-ils été arrêtés ? Torturés, tués ? Les Romains, bien plus nombreux que nous, ont menacé de tuer les prisonniers, Jacob s’est interposé et a pris les coups à la place des autres, ils étaient à quatre contre lui. Ils l’ont transpercé de nombreux coups de poignard.

Marie tombe sans connaissance. Sa douleur est infinie. Tous leurs projets, tous leurs rêves évaporés comme ça, en quelques minutes, c’est insupportable, même pour quelqu’un de sa trempe.

Lorsque Marie revient à elle, Joseph lui tient la main et lui caresse le visage avec un linge humide. La fraîcheur de ce contact lui fait du bien, l’apaise un peu. Elle voudrait pleurer, mais elle n’y parvient pas, la douleur est trop forte.

Elle est très pâle, Joseph lui donne un verre d’eau, le silence est assourdissant, pas un mot, pas un bruit, progressivement elle récupère un peu de force, se lève, et se dirige vers le fond de la grotte.

Elle le voit, ses compagnons l’ont déjà lavé, frotté d’aromates et d’huile et entouré de linge blanc propre, tel qu’il sera enseveli. Et là, elle s’effondre, laisse aller sa douleur et sa colère.

— Pourquoi ? Pourquoi est-il mort ? Il défendait une cause juste !

Et enfin, les larmes coulent, coulent, coulent... Elle a l’impression que jamais elles ne cesseront de couler.

Elle prend sa main dans les siennes, embrasse son front, ses joues, ses lèvres. Joseph est là, il a fait signe aux autres de sortir de la grotte, il ne veut pas qu’ils voient les gestes d’amour que Marie dans sa douleur ne peut s’empêcher de manifester à son fiancé. Déjà, Joseph craint que les autres en aient trop vu, il a remarqué leurs regards, il a entendu quelques chuchotements qui l’ont inquiété.

Si la majorité des hommes emmenés par son frère ne cesse de chanter ses louanges, admirant son courage et son esprit de sacrifice, quelques résistants murmuraient qu’il avait été imprudent, comme toujours, trop téméraire. S’il est mort en allant aider deux de leurs compagnons en difficulté, qu’il les a sauvés d’ailleurs au prix de sa propre vie, c’est parce qu’il se croyait toujours le plus fort, l’invincible descendant de David, ne se prenait-il pas pris pour le Messie ?

Ces propos blessent Joseph et l’inquiètent, il tient Marie par les épaules, craignant qu’elle s’évanouisse à nouveau, il est là silencieux, simplement présent.

Après un long moment de pleurs et de gémissements, ce ne sont plus que des pleurs silencieux, puis les larmes se tarissent et petit à petit, elle sent son cœur se durcir. Elle a la sensation qu’il est là, près d’elle ; elle sent monter en elle sa volonté à lui, c’est comme s’ils ne faisaient plus qu’un : elle sait maintenant qu’elle devra poursuivre son œuvre, qu’il n’est pas mort pour rien. Elle ne sait pas comment elle va faire, mais elle sait qu’elle le fera.

On l’enterre le jour même comme le veut la tradition dans une petite grotte juste au-dessus de celle où Marie et lui se retrouvaient. Les deux familles sont présentes, unies dans la douleur avec tous les compagnons de lutte.

Cette échauffourée fut si désastreuse que les jours et les semaines qui suivirent, Joseph demanda à chacun de rester chez soi. Il fallait absolument se faire oublier des Romains qui étaient sans cesse à la recherche des insurgés.

Malgré tout, chaque jour, il rend visite à Anne et Joachim pour les soutenir et aussi et surtout pour voir Marie et essayer de la réconforter, autant que possible.

Chaque jour, il la voit plus triste, il la voit dépérir aussi, ses joues pâlissaient, son beau visage s’émacie de plus en plus.

Joseph

Un jour, n’y tenant plus, il propose de l’aider pour aller chercher de l’eau. Marie accepte. Ils prennent seaux et brocs et se dirigent vers le puits en silence. Au bout de quelques minutes, il ne peut s’empêcher de lui poser les questions qui le taraudent :

— Marie, je m’inquiète beaucoup pour toi, je te vois chaque jour de plus en plus pâle, de plus en plus triste, de plus en plus maigre. Je sais, nous sommes tous en deuil mais il ne voudrait pas que tu te rendes malade. Il faut que tu vives pour lui. Pour soutenir son combat, pour que sa mort n’ait pas été inutile, pour que son souvenir soit toujours présent...

Elle relève la tête, le fixe d’un regard éteint, il ne sait pourquoi mais tout à coup, il sent une angoisse lui tordre le ventre. Elle hausse les épaules avant de lui répondre :

— Il ne faut plus compter sur moi pour ça, je ne pourrai pas !

— Que dis-tu ? Tu es tout de même la mieux placée pour perpétuer son souvenir !

La réponse tombe, sèche, lourde, terrible.

— Pas pour longtemps, ils vont me lapider !

— Mais tu es folle, pourquoi dis-tu ça ?

— J’attends son enfant et nous n’étions pas mariés ! Nos ennemis prétendront que l’enfant n’est pas de lui, et il ne sera pas là pour dire la vérité ! Ma famille et moi serons déshonorées et je serai lapidée.

— Tu es sûre ?

— Oui, aujourd’hui j’en suis sûre.

— Mais depuis combien de temps ?

— C’était juste la veille de sa mort.

Joseph est atterré. La tête lui tourne, il ne s’attendait pas à ça. Il se tait ; ses paroles tournent en boucle dans sa tête. Elle attend un bébé... Comment faire pour qu’il n’y ait pas de jugement ?

Il prend rapidement congé de la famille de Marie, rentre chez lui. Il ne réussit pas à s’asseoir, il fait les cent pas en répétant constamment :

— Ils ne peuvent pas la lapider, non, ce n’est pas possible, et cet enfant... Son enfant...

Cependant, il sait que c’est possible Il a déjà entendu des ragots, une rumeur sournoise...

Épuisé, il prie longuement, appelle Dieu à son aide, se couche, ne parvient pas à s’endormir, il rumine toujours ses paroles. Il tourne et se retourne dans son lit, il a l’impression d’étouffer, de chercher sa respiration, et enfin, un immense soupir et il s’endort.

Le lendemain, en se réveillant, il sait qu’il a la solution. Marie et son frère étaient fiancés depuis longtemps, c’est presque comme s’ils étaient mariés et dans ce cas la Loi du Lévirat veut que le frère épouse la femme du mort pour lui donner une descendance. Si Marie et son père sont d’accord, il épousera Marie. Le bébé naîtra avant terme, et alors ? Ce ne sera pas la première fois… Tout rentrera dans l’ordre. Son frère aura une succession et Marie vivra.

Il est encore tôt, il attend donc quelques instants pour rendre visite à Marie et sa famille. Il est impatient, il craint tellement que Marie ait parlé à quelqu’un qui risquerait de la trahir.

Joseph arrive chez les parents de Marie, elle est toute seule, elle épluche les légumes pour le déjeuner. Elle ne l’a pas entendu. Il la regarde, si belle, si fragile en cet instant. Il gratte à la porte, visiblement elle ne l’a toujours pas entendu. Il insiste, enfin elle se retourne. Son visage, encore plus pâle est baigné de larmes. Il s’assoit près d’elle, il a bien préparé son discours :

— Marie, je t’aime depuis toujours, j’ai tout de suite vu que toi tu étais amoureuse de Jacob et lui de toi. Comme je vous aime tous les deux et que je ne voulais que votre bonheur, je n’ai jamais rien dit. Mais maintenant, je crois qu’il est indispensable que tu le saches.

— Je te remercie de me le dire, ça me réchauffe le cœur. Mais je ne vois pas comment cela va nous sauver, l’enfant et moi.

— Laisse-moi finir. Hier soir, je ne parvenais pas à dormir. Je tournais et me retournais dans mon lit, tes paroles se bousculaient dans ma tête. Je ne réussissais pas à penser à autre chose, je ne parvenais plus à respirer. Lorsque d’un seul coup j’ai pris une grande inspiration et j’ai compris comment Dieu nous envoyait ses messages, comment l’ange Gabriel communique avec nous : c’est par l’inspiration, celle des artistes qu’ils soient poètes, musiciens, peintres ou « tektons ». C’est la vie, le souffle de Dieu qui pénètre en nous et nettoie notre tête pour la débarrasser de ce qui la bloque et nous permettre de trouver la solution.

C’est d’un ton incrédule que Marie demande :

— Et tu as trouvé une solution ?

— Je crois que Dieu et son Ange Gabriel m’ont inspiré une bonne solution. Tu étais fiancée avec mon frère, on trouvera normal, dans le cadre du Lévirat, que je t’épouse et quand le bébé naîtra, on pensera qu’il est né un peu avant terme. Tout rentrera dans l’ordre. Tu peux me faire confiance, j’aimerai et prendrai soin de cet enfant.

Marie pleure à gros sanglots, elle ne peut plus s’arrêter, ce ne sont plus des larmes de désespoir, mais des larmes de reconnaissance. Elle attrape la main de Joseph et la serre doucement.

— Joseph, je te remercie infiniment, je t’aime beaucoup, tu es son frère et j’ai toujours eu beaucoup de tendresse pour toi. Mais je veux être complètement honnête, jamais plus je n’aimerai comme je l’ai aimé.

— Je le sais, Marie mais nous pourrons tout de même être heureux et rendre tous nos enfants heureux.

— Oui, je le crois et je t’en remercie profondément. Mais si ce premier enfant est un garçon, il faudra le préparer à prendre la succession de son père. Il faut qu’il libère Israël des idolâtres, peut-être même sera-t-il le Messie.

— Bien sûr Marie. Me permets-tu de parler à ton père et s’il est d’accord nous signerons notre contrat de mariage le plus rapidement possible…

— Es-tu sûr de ne pas vouloir réfléchir plus longtemps ?

— J’en suis sûr !

Joseph va trouver le père de Marie. Il lui expose la situation (sans parler du bébé bien sûr, mais les parents de Marie ont compris). Les deux hommes sont soulagés par cette solution. Le drame est évité.

Certains refusent l’existence de Joseph ou le voient comme un vieil homme sénile ou alors comme un être falot sans importance, et pourtant, c’est sûrement en grande partie grâce à lui que Jésus n’a pas suivi la voie des armes et est devenu cet être d’amour qui a bouleversé l’humanité depuis 2000 ans.

Pourquoi, mais pourquoi nous priver de la figure de Joseph ? Ce serait nous priver de l’homme qui représente tout l’amour du monde : il représente l’amour filial (il obéit avec bonheur à ses parents), l’amour fraternel (il a aidé et soutenu son frère tout au long de sa vie), l’amour conjugal (son amour pour Marie est infini puisqu’il est prêt à tout accepter, non seulement le présent qui ne sera pas facile, mais aussi l’avenir car il a bien conscience que ce sera encore plus difficile), et l’amour paternel (il sait déjà que son amour pour l’enfant va être une grande source d’inquiétude s’il doit, comme son père, reprendre la lutte contre les envahisseurs. Mais Joseph s’y prépare déjà et est prêt à l’accepter, à l’aider).

Une fois le contrat signé, les deux familles conviennent que le mariage aura lieu sept jours après la fin du deuil. La maison étant prête, Marie et Joseph pourront s’y installer.

Le mariage se déroule, le souvenir de Jacob empêche toute manifestation de joie et c’est avec gravité que les mariés prononcent leurs vœux.

Après la cérémonie, le jeune couple s’isole dans la chambre, Marie s’assoit sur le lit, complètement bouleversée par la précipitation avec laquelle tous ces évènements se sont succédé. Elle regarde Joseph, et stupéfaite, le voit sortir un couteau de sa poche.

— Mais que fais-tu, pourquoi ce couteau ?

— Marie, tu connais la langue des femmes. Pendant que je travaillais seul à l’atelier, je me suis volontairement blessé à la main cette semaine. Maintenant, je vais rouvrir la blessure pour tacher le drap, ainsi, nous éviterons bien des problèmes.

À nouveau, l’émotion fait monter les larmes aux yeux de Marie.

— Joseph, comment pourrais-je jamais te remercier ? Tu penses vraiment à tout.

— Sois simplement ma femme et je serai comblé.

Quelque temps après, comme le veut la tradition, Joseph revient pour signifier à tous qu’ils sont mariés. Marie étant une « veuve de fiançailles », les festivités ne dureront que trois jours au lieu des sept jours traditionnels.

Le lendemain, Joseph remet le drap de noce à Joachim pour que, quoi qu’il se dise il n’y ait pas de contestation.

Hérode et les Rois mages

Tous deux s’installent dans la vie d’un jeune couple.

Joseph, inquiet de la santé de Marie et du développement du bébé, ne veut participer à aucune action de révolte contre les Romains. Il a fait venir deux servantes pour effectuer les travaux ménagers. Ainsi il est sûr qu’il y aura toujours quelqu’un à côté de Marie car son travail l’oblige parfois à se déplacer pendant plusieurs jours. Il sait qu’à partir de maintenant son rôle essentiel est de protéger Marie et l’enfant. Il sent que le danger rôde tout autour.

Les Romains et les Hérodiens sont sur leurs gardes : cette pause des résistants les interpelle. Ils étaient soulagés de la mort de Jacob et ils espéraient bien avoir complètement réprimé la révolte, mais maintenant, ce silence... Cette absence de réaction les angoisse plus qu’une tentative de revanche. Pourquoi sont-ils si « absents » ?

En Galilée, dans ces temps troublés, les hommes sont dans l’attente. L’envahisseur romain doit être repoussé, disparaître. Un nouveau Roi des Juifs doit réunir les zélotes et mener le combat. Les prophètes et les astrologues l’ont prédit, c’est maintenant que le Messie doit se manifester, réunir les hommes pour mener la lutte, abattre le pouvoir d’Hérode et sa clique de collaborateurs.

Y aura-t-il un Messie à l’égal de David ou Salomon ? Un roi inspiré par YHWH, fin politique, habile stratège et, comme les prophètes l’ont annoncé, descendant de la lignée de David ? Certains pensent que c’est trop demander à un seul homme et qu’il y aura deux Messies, l’un chargé de l’avenir spirituel et religieux du peuple juif, l’autre fin politique et habile stratège, chargé de la direction du pays.

D’après les historiens, c’est environ en l’an 6 avant notre ère que ces évènements se sont produits. Hérode et les Romains s’inquiètent. Hérode est vieux, les prétendants à sa succession sont nombreux et la lutte pour le trône a déjà commencé. Ne serait-ce pas le moment pour les Juifs d’organiser une révolte à grande échelle ?

Dans le clan des zélotes, les espoirs se concentrent sur Marie. Après avoir cru que le nouveau chef pouvait être Jacob, après l’immense déception lors de sa mort, l’espérance renaît. Joseph frère de Jacob est lui aussi de la lignée de David, son fils le sera aussi, alors tous les espoirs sont permis.

MaisHérode est encore bien vivant, il envoie des espions partout pour surveiller la population. Il vit dans la crainte constante d’un coup d’État. Tous les jours, il écoute les rapports des nombreux espions qu’il envoie dans tout le pays. Depuis la mort de Jacob, on n’entend plus parler des zélotes, mais cela ne le rassure pas. Et puis un jour, deux espions font le même rapport :

— Majesté, il y a des bruits qui courent dans plusieurs quartiers de la ville : un enfant va bientôt naître qui serait le Messie.

Hérode part d’un grand éclat de rire.

— Encore un ! Ce n’est pas bien grave ! Tous les quatre matins, ces Hébreux nous inventent un nouveau messie. Heureusement, ils disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus.

Mais les jours suivants, ce n’est plus deux mais cinq puis huit espions qui viennent de tout le pays rapporter les mêmes rumeurs. Hérode ne rit plus, il s’inquiète, ordonne des recherches pour trouver les familles de la lignée de David. Car, il en est certain, cela ne peut venir que de cette maudite famille ! Personne d’autre n’oserait le narguer de la sorte. Il appelle son secrétaire et ami, Nicolas de Damas.