Les deux Clémentines - Hippolyte Hemmer - E-Book

Les deux Clémentines E-Book

Hippolyte Hemmer

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Beschreibung

Les documents chrétiens datant du premier siècle sont trop rares pour que l'étudiant de l'histoire de l'Église fasse l'impasse sur la première épître de Clément de Rome aux Corinthiens. D'après Irénée, le troisième évêque de la communauté romaine avait vu les apôtres Paul et Pierre, et avait été en contact avec eux, ce qui procure un intérêt incontestable à sa lettre. Indépendamment de ce témoignage, le texte de Clément possède par lui-même une grande force oratoire et spirituelle : adressé à une église qui déjà du temps de saint Paul manifestait la fâcheuse tendance à se diviser en cliques et en partis, il a pour but de ramener ses membres à une saine et pacifique volonté d'harmonie. La deuxième épître clémentine, n'est pas de Clément, ni une épître d'ailleurs, mais plutôt une homélie. La tradition l'a toujours cependant associée à la première, car destinée elle aussi à l'église de Corinthe, et ne datant que du début du deuxième siècle, elles se trouvaient conservées ensemble. Après les érudites Introductions de Hippolyte Hemmer, cette réédition alterne, verset par verset, le texte grec et la traduction française, de ces deux plus anciens monuments des débuts du christianisme. Cette numérisation ThéoTeX reproduit le texte de 1909.

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Seitenzahl: 277

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322484874

Auteur Hippolyte Hemmer. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.

ThéoTEX

site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]
Les deux Clémentines
grec-français
Hippolyte Hemmer
1909
♦ ♦ ♦Thé[email protected] – 2019 –
Table des matières
Un clic sur ◊ ramène à cette page.
Note sur Hippolyte Hemmer
Introduction à la première épître
1. Histoire de saint Clément.
1.1 Clément évêque de Rome. Son rang de succession.
1.2 Clément, disciple des apôtres.
1.3 Clément de Rome n'est pas le même personnage que le consul Flavius Clemens.
1.4 Clément était probablement un juif helléniste.
1.5 Clément est-il mort martyr ?
2. Analyse de l'épître.
3. Authenticité de l'épître.
4. Date de la composition.
5. Occasion, but et caractère de la lettre.
6. Institutions, doctrines et histoire.
6.1 L'Écriture sainte dans l'épître de Clément.
6.2 L'organisation de la communauté chrétienne.
6.3 La primauté de l'Église romaine.
6.4 Les origines de l'Église romaine.
6.5 La persécution de Néron.
6.6 Doctrines sur le Christ et la Trinité.
6.7 La grande prière.
7. Histoire du texte.
7.1 Les manuscrits offrant le texte grec original.
7.2 Les versions anciennes.
Texte et traduction
Adresse
Ch. 1
Ch. 2
Ch. 3
Ch. 4
Ch. 5
Ch. 6
Ch. 7
Ch. 8
Ch. 9
Ch. 10
Ch. 11
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Ch. 15
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Ch. 17
Ch. 18
Ch. 19
Ch. 20
Ch. 21
Ch. 22
Ch. 23
Ch. 24
Ch. 25
Ch. 26
Ch. 27
Ch. 28
Ch. 29
Ch. 30
Ch. 31
Ch. 32
Ch. 33
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Ch. 35
Ch. 36
Ch. 37
Ch. 38
Ch. 39
Ch. 40
Ch. 41
Ch. 42
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Ch. 44
Ch. 45
Ch. 46
Ch. 47
Ch. 48
Ch. 49
Ch. 50
Ch. 51
Ch. 52
Ch. 53
Ch. 54
Ch. 55
Ch. 56
Ch. 57
Ch. 58
Ch. 59
Ch. 60
Ch. 61
Ch. 62
Ch. 63
Ch. 64
Ch. 65
Introduction à la deuxième épître
1. La deuxième épître n'est pas de Clément.
2. Cet écrit n'est pas une épître mais une homélie.
3. Analyse du discours.
4. Origine de l'homélie.
5. Le contenu doctrinal de l'homélie.
Texte et traduction
Ch. 1
Ch. 2
Ch. 3
Ch. 4
Ch. 5
Ch. 6
Ch. 7
Ch. 8
Ch. 9
Ch. 10
Ch. 11
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Ch. 13
Ch. 14
Ch. 15
Ch. 16
Ch. 17
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Ch. 19
Ch. 20
◊  Note sur Hippolyte Hemmer

L'abbé Marie Hippolyte Hemmer est né en 1864 à Rodemack en Lorraine et mort à Paris en 1945. Brillant intellectuel, élève du célèbre philologue et historien Mgr Louis Duschesne il collabora quelques temps avec le lazariste Fernand Portal dans des efforts de rapprochement entre églises catholique et anglicane. Durant l'épisode de l'abolition du Concordat de 1801 par la loi de séparation de 1905, Hippolyte Hemmer fut un actif essayiste et conférencier tentant de redynamiser l'église catholique et son clergé désormais privé de ses moyens habituels de survie. Ses travaux littéraires les plus importants comprennent la traduction de l'Histoire de l'Église du théologien allemand Franz Xaver Funk (1840-1907) et la collection des Pères apostoliques, éditée en collaboration avec le latiniste Paul Lejay (1861-1920).

Cette réédition numérique du tome II de la collection ne reproduit pas dans leur intégralité les notes de l'original : devant la pénibilité de leur numérisation nous n'avons conservé que celles qui nous semblaient les plus intéressantes, notre but premier restant d'offrir aux amateurs de grec biblique une édition propre de ces textes primordiaux de l'histoire du christianisme. La plupart des références bibliques sont données suivant la numération de la Septante, en particulier celles des Psaumes, il ne faut donc pas s'étonner si elles ne sont pas à leur place dans nos Bibles ordinaires.

Phoenix, le 25 février 2019
◊Introduction à l'épître de Clément de Rome aux Corinthiens
◊  1. Histoire de saint Clément.

L'histoire ne peut tracer de saint Clément qu'une maigre notice à l'aide de rares témoignages et qu'un portrait un peu pâle en demandant à l'épître aux Corinthiens quelques traits de sa physionomie morale.

◊  1.1 Clément évêque de Rome. Son rang de succession.

Saint Clément fut l'un des premiers évêques de Rome après saint Pierre, tous les anciens catalogues en font foi ; mais on sait qu'il règne un peu d'incertitude sur le rang qu'il convient d'assigner aux premiers successeurs de l'apôtre.

La tradition qui mérite le plus de confiance pour l'ancienneté et la valeur de ses témoins, fournit l'ordre suivant de succession épiscopale : Pierre, Lin, Anaclet et Clément. Elle se fonde sur un récit très précis de saint Irénée qui avait séjourné à Rome du temps du pape Éleuthère et qui s'était enquis de la succession dont il tire argument dans sa réfutation des hérésies : « Ayant donc fondé et édifié l'Église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l'épiscopat. C'est ce Lin que Paul rappelle dans ses lettres à Timothée. Il eut Anaclet pour successeur. Après Anaclet, le troisième après les apôtres, Clément obtient l'épiscopat… » (Adversus hæreses, III, 3, 3).

Hégésippe qui avait également visité les églises principales avec la préoccupation d'en relever les successions épiscopales s'exprime ainsi. « A Rome où je fus, j'ai établi une succession jusqu'à Anicet dont Éleuthère était diacre. » (Eus. H. E. IV, 22, 3) Or ce sont les récits d'Hégésippe aussi bien que ceux d'Irénée, qu'Eusèbe a sous les yeux quand à plusieurs reprises il affirme comme une chose non douteuse que « Clément fut le troisième évêque des Romains » (H. E. III. 4, 9, et que même il essaye de fixer la chronologie, en accordant douze ans à l'épiscopat de Lin (de 68 ou 69 à 80 ou 81, H. E. III, 13) et douze ans à celui d'Anaclet (de 80 ou 81 à 92 ou 93, H. E. III, 15), ce qui placerait l'épiscopat de Clément entre les années 92 ou 93 et 101 (H. E. III, 34). Ces chiffres sont très acceptables sans avoir rien de contraignant. Des critiques comme Harnack les contestent. Mais la réalité de l'épiscopat de Clément est hors de doute. Quant à l'ordre de succession, qui met Clément en troisième lieu après Lin et Anaclet, il offre les meilleures garanties historiques.

Saint Épiphane (Hæres. XXVII, 6) nomme le deuxième évêque de Rome Clet au lieu d'Anaclet ; mais il se range comme saint Jérôme (De viris illust., 15) avec Eusèbe dans la ligne de tradition certifiée par Hégésippe et saint Irénée. Seulement saint Jérôme sait qu'une tradition différente a cours parmi les latins qui ferait de Clément le deuxième successeur de Pierre et il semble parfois s'y rallier (Adv. Jov. I, 12 : Comm. in Is. ad 52, 13). De fait Tertullien dit en propres termes : « L'Église de Rome montre que Clément a été ordonné par Pierre. » (De præscriptione, XXII, 2 ; traduction de Labriolle, p. 69). De là vient sans doute que plusieurs pères latins ont donné saint Clément pour successeur immédiat à saint Pierre ; saint Épiphane se peut concilier à la rigueur avec cette tradition, car il suppose que par amour de la paix Clément céda son rang à Lin pour ne le reprendre qu après la mort de Clet (Anaclet) successeur de Lin. On lit dans l'épître aux Corinthiens (54.2) le conseil de quitter la place plutôt que de devenir dans une église une cause de discorde et de schisme. On est tenté de voir là une trace et comme un souvenir de l'abnégation dont saint Clément aurait personnellement fait preuve. Ce n'est qu'une conjecture, mais elle est ingénieuse.

Cette circonstance expliquerait aisément les modes différents de la tradition en ce qui concerne l'ordre de succession des premiers évêques de Rome. Une tradition du iiie siècle intervertissant Clet avec Clément fournit la succession : Pierre, Lin, Clément, Clet. Elle se trouve dans un document rédigé en 234, d'où elle a passé dans le catalogue libérien de 354, et s'est fait accepter par saint Augustin (Epist. LIII, ad Generos, n. 2), par Optat de Milève (De schismate Donat., II, 3).

Enfin le dédoublement du deuxième évêque de Rome en Clet et Anaclet a prêté à des dispositions variées : Pierre, Lin, Clément, Clet, Anaclet, — ou bien : Pierre, Lin, Clet, Clément, Anaclet ; — ou bien : Pierre avec Lin et Anaclet simultanément puis Clément (Rufin) ; mais toutes ces dispositions ne représentent que des essais tardifs pour concilier des données historiques avec les données légendaires de la littérature pseudo-Clémentine. Elles ne doivent pas prévaloir contre la tradition des plus anciens témoignages relatés plus haut.

◊  1.2 Clément, disciple des apôtres.

Irénée rapporte que Clément avait vu les bienheureux apôtres et avait conversé avec eux ; il avait encore dans l'oreille la prédication des apôtres et leur tradition devant les yeux ; il n'était pas le seul, car beaucoup vivaient encore de son temps qui avaient été instruits par les apôtres ». (Adv. Hæreses, III, 3, 3 ; texte grec, dans Eusèbe, H. E. V, 6). Clément tenait encore de fraîche date, νεωστί comme le remarque saint Irénée, « la tradition des apôtres » qu'il annonçait aux Corinthiens. La donnée est tout à fait en accord avec la tranquille assurance de Clément, tranchant la querelle de l'église de Corinthe au nom de l'institution apostolique des presbytres et de leur succession.

Le fait qu'il ne se donne pas personnellement pour un « disciple des apôtres » n'a rien de surprenant dans une lettre où ce sont les Romains qui parlent d'une manière collective.

Il n'est pas nécessaire que saint Clément ait vécu plus de soixante ans pour qu'il ait pu connaître très bien les apôtres Pierre et Paul entre sa vingtième et sa trentième année, et mériter la qualification que lui donne Origène de disciple des apôtres, » Apostolorum discipulus ». (De principiis, 2.3, 6).

Faut-il aller plus loin et penser que le pape Clément n'est autre que le compagnon de saint Paul, mentionné avec éloge Phil.4.3 ? L'apôtre y exhorte un « fidèle compagnon. », l'un des membres influents sans doute de l'Église de Philippes, et lui recommande nominativement Evodie et Syntiche, afin qu'il leur vienne en aide, « elles qui ont combattu, dit-il, pour l'évangile avec moi, avec Clément et nos autres collaborateurs dont les noms sont dans le livre de vie. » L'identification a été risquée pour la première fois par Origène (In Joannem, VI, 36), puis reprise par Eusèbe (H. E. III, 15) ; elle fut acceptée de l'antiquité chrétienne. Elle n'est pas en soi impossible. Il faudrait admettre que le collaborateur de Paul était alors un peu jeune et qu'il vint à Rome, sans doute avec l'apôtre ou peu de temps après lui. Mais d'une simple similitude de nom, il est impossible de conclure à l'identité des personnes.

D'après le ton de la lettre et de la recommandation, il semble que Clément, le collaborateur de Paul, était un habitant de Philippes qui avait travaillé avec l'apôtre dans sa ville natale. Rien ne donne lieu de croire qu'il ait émigré ensuite en Italie.

◊  1.3 Clément de Rome n'est pas le même personnage que le consul Flavius Clemens.

Clément de Rome était-il d'origine juive ou païenne ? La question serait toute résolue en faveur de la gentilité de Clément, s'il fallait avec certains critiques confondre en un même personnage l'évêque de Rome et le consul Flavius Clemens. Ce dernier était cousin de Domitien ; il fut décapité en 95 ou 96, quelques mois avant la mort de cet empereur, Les historiens favorables à cette identification ont été impressionnés par le parallélisme des situations : deux Clément, vivant à Rome, du temps de Domitien, et occupant dans l'Église romaine et dans l'État de hautes charges et une grande influence ; cela leur a semblé quelque peu artificiel. La conjecture risquée par Lipsius a aussitôt été reprise par Volkmar comme une certitude. Le dédoublement de Clément, en un consul et en un membre influent de la communauté romaine, fut présenté comme l'œuvre d'une tradition devenue impuissante avec le temps à se figurer un évêque marié. A cette opinion admise par Hilgenfeld, et même pendant quelque temps par M. Harnack, on a cherché quelque appui dans la littérature de l'antiquité. L'on a trouvé que les Homélies et les Récognitions Clémentines vers la fin du iie siècle, attribuent à leur héros, le futur évêque de Rome, une parenté avec la maison impériale des Césars, et que le Liber Pontificalis favorise au moins les récits pseudo-clémentins en accueillant quelques-uns de leurs traits dans la légende de saint Clément.

Cependant il n'est guère douteux que le presbytre romain ne doive être tenu pour différent du consul. La source de cette identification est des plus suspectes ou plutôt sans valeur historique dans la question qui nous occupe. Les Homélies et les Récognitions Clémentines renferment une pure fiction dont les éléments sont traités avec la fantaisie convenable au roman. Autant l'auteur connaît bien l'Orient ou se déroulent les scènes de son invention, autant il est étranger à Rome et à l'histoire romaine : s'il donne le nom de Clément à son héros, c'est sans aucun doute parce que le presbytre Clément avait laissé un grand renom et que son épître aux Corinthiens notamment l'avait rendu célèbre en Orient où le roman fut composé ; mais l'auteur ne s'inquiète ni des invraisemblances ni des anachronismes ; pour les besoins de sa fable, il fait de Clément un contemporain et un parent non de Domitien, mais de Tibère ; il improvise un certain Faustus père de son héros alors que le père du consul Clément, Titus Flavius Sabinus, était bien connu à Rome. Enfin s'il a besoin de noms pour d'autres personnages, une Mattidia par exemple, il les emprunte à la famille impériale des Antonins, selon son droit souverain de romancier. Même si l'on peut retrouver des similitudes entre l'histoire du consul Clément et les destinées romanesques du héros clémentin, il n'en résulte en aucune façon que le personnage du roman doive se confondre avec le consul dont l'histoire a été mise à contribution. Aussi bien le roman clémentin n'a eu qu'une influence assez tardive. Quelques traits en ont pénétré dans le Liber Pontificalis ; lui aussi, appelle Faustinus le père de Clément ; par là il dénonce que sa source n'est point une tradition romaine, mais la composition pseudo-clémentine. La vraie tradition de Rome, exprimée par Hégésippe, par Irénée, pour ne citer que les écrivains qui ont eu l'occasion de s'exprimer sur le compte de Clément, ne sait rien d'un évènement aussi extraordinaire : un consul, un cousin de l'empereur qui serait en même temps le chef de la communauté chrétienne à Rome. La raison tirée du silence des auteurs doit assurément être maniée avec réserve ; il est cependant des cas, comme celui-ci, où elle possède une grande force démonstrative. Plus tard, ni Origène, ni Eusèbe, ni Jérôme, ni Rufin ne savent rien de cette identité de personnages qui contredit la chronologie dressée par Eusèbe, de la succession épiscopale à Rome. Celle-ci fait mourir l'évêque de Rome vers l'an 100 ou 101, tandis que Flavius Clemens fut exécuté vers l'an 95.

Si l'on examine enfin la seule œuvre bien authentique de Clément de Rome, on est saisi des invraisemblances qu'offre l'identité supposée du presbytre romain avec le consul Flavius Clemens. Dans cette hypothèse il faudrait admettre que l'auteur de l'épître aux Corinthiens avait été non seulement élevé à Rome, mais à la manière romaine, qu'il avait fréquenté dans sa jeunesse les écoles des rhéteurs, plus tard la société où se rencontraient les lettrés de la seconde moitié du ier siècle, Juvénal et Martial, Tacite et Pline le Jeune ; que sa maison avait pour hôte Quintilien, faisant l'éducation de ses deux fils, héritiers désignés de l'empire. Quiconque a lu l'épître de Clément peut difficilement se persuader qu'elle provienne d'un élève des écoles romaines, ayant vécu au moins jusqu'à l'âge mûr de la vie des païens de grande famille. Lightfoot, qui a solidement fait valoir ces considérations, dit : « L'épître n'en serait peut-être pas moins chrétienne ; elle serait certainement plus classique, tout à la fois plus romaine et plus grecque, et moins juive qu'elle n'est. »

La plupart des critiques favorables à l'identification de l'évêque de Rome et du consul Clemens ont brouillé à plaisir deux choses fort distinctes qui sont à examiner séparément et d'après les témoignages qui leur sont propres : le fait d'un consul Clemens qui serait devenu chrétien et martyr, et l'existence à la même époque d'un presbytre romain du même nom, ayant une part principale dans la conduite de l'Église romaine. Or la tradition concernant le presbytre est des plus certaines et n'a véritablement point d'attache avec les données concernant le consul du même nom. Le parallélisme des situations qui a si fort impressionné les critiques est un hasard comme il s'en est présenté beaucoup d'autres : le pape Pie (le seul évêque de ce nom à Rome dans les quatorze premiers siècles) a vécu en même temps que l'empereur Pius Antoninus ; le pape Léon Ier fut contemporain de l'empereur romain Léon Ier. La rencontre qui nous occupe est d'autant moins remarquable que le nom de Clemens était très répandu, et ne se trouve pas moins de cinquante fois dans le tome V du Corpus des inscriptions latines et plus de quarante fois dans le tome deuxième.

◊  1.4 Clément était probablement un juif helléniste.

En soi, il n'est pas impossible que l'auteur de l'épître aux Corinthiens doive être cherché parmi les païens convertis de bonne heure au christianisme et familiarisés ensuite avec la sainte Écriture. Un détail serait même de nature à en suggérer l'hypothèse ; c'est la grande estime de l'auteur pour la « chose » romaine, l'admiration qu'il professe pour la discipline militaire (ch. 37), l'accent avec lequel il prie pour les princes et les généraux de Rome : « nos princes » (60.4), « les soldats soumis à nos chefs » (ch. 37).

Cependant l'accent patriotique dans quelques morceaux de l'épître aux Corinthiens n'implique pas absolument que l'auteur soit Romain de race. Les Juifs étaient très capables, à l'occasion, de le produire. Nul plus que saint Paul n'a eu l'orgueil du « citoyen romain ». A la suite de la révolte de 66 à 70, les Juifs qui avaient montré de la fidélité politique à l'égard de Rome, furent protégés par les empereurs de la dynastie flavienne. La faveur dont jouissaient les Juifs à Rome et la confusion sous une même dénomination de tous ceux qui vivaient more judaïco protégeaient tous les chrétiens. On sait que les chrétiens judaïsants de Palestine n'avaient pas pris part à la révolte. A plus forte raison les Juifs vivant de longue date à Rome et surtout les chrétiens d'origine juive pouvaient-ils sentir très sincèrement vibrer en eux la fibre romaine.

Hilgenfeld a pris texte de la formule ἡμέρας τε καὶ νυκτός (2.4 ; cf. 20.2 ; 24.3), pour conclure que Clément n'était pas d'origine juive, les Juifs faisant précéder le jour par la nuit (1Thess.2.9 ; 3.10 ; 2Thess.3.8), mais Clément vivant à Rome devait, même s'il était Juif, se conformer à l'usage romain. L'auteur de l'Apocalypse fait de même (Apoc.4.8 ; 7.15 ; 13.10 ; 14.11 ; 20.10).

Le caractère général de la lettre aux Corinthiens donne l'impression que l'auteur avait reçu une éducation juive. Il connaît admirablement tout l'Ancien Testament : la Loi, les Prophètes, les Psaumes, le livre de la Sagesse ; sa pensée se moule naturellement sur les formes religieuses de l'Ancien Testament auquel il emprunte continuellement des exemples, des citations, des moyens de développement. Il emploie les apocryphes juifs, l'Assomption de Moïse, un apocryphe d'Ezéchiel. Il serait oiseux d'insister sur les expressions particulières : « notre père Jacob » (4.8) ou « notre père Abraham » (31.2) qui étaient de style et généralement employées par tous les chrétiens ; mais les hébraïsmes qui se rencontrent (12.5 : γινώσκουσα ; 21.9 ; 61.3), et une tendance très marquée à remplacer le nom de Dieu par un pronom, l'emploi aisé du parallélisme de la poésie hébraïque, dénotent une première éducation reçue dans les milieux juifs.

Sans être affirmée par Origène, l'origine juive de Clément de Rome semble implicitement admise par lui, car il rapporte le sentiment de ceux qui attribuent à Clément de Rome la paternité de l'épître aux Hébreux sans préjudice de l'origine paulinienne des doctrines qu'elle contient. D'autres, remarque-t-il, pensent que l'auteur serait Luc (dans Eusèbe H, E. 6.25, 14. Pareillement Eusèbe fait remarquer les analogies que présente l'épître de Clément aux Corinthiens avec celle de Paul aux Hébreux. « L'auteur, dit-il, y fait beaucoup d'emprunts à l'épître aux Hébreux, soit pour les pensées, soit même pour certaines expressions qu'il rapporte textuellement… Paul, dit-on, s'était adressé aux Hébreux dans leur langue maternelle. Sa lettre fut traduite par l'évangéliste Luc selon les uns, et, selon les autres par Clément. Des deux hypothèses, celle-ci semblerait plutôt la vraie. D'une part, l'épître de Clément et l'épître aux Hébreux conservent la même allure de style et, d'autre part les pensées dans les deux écrits ont une parenté qui n'est pas éloignée. » (H. E. III, 28.1-3). Eusèbe ne pense pas à affirmer ou à nier l'origine juive de Clément de Rome son observation n'en a que plus de prix relativement à la similitude et aux rapprochements de fond et de forme entre les deux épîtres. Luc ne lui semble pas assez hébraïsant pour avoir mis en un pareil grec l'épître aux Hébreux ; mais Clément l'est superlativement.

Comme l'on peut s'y attendre, si le rédacteur de l'épître est un Juif, c'est un Juif helléniste qui lit la sainte Écriture dans la version des Septante, et dont la culture littéraire et philosophique est particulièrement sensible dans certains morceaux de l'épître.

Au cours de ses conjectures sur l'origine probable de Clément Romain, le Dr Lightfoot émet l'hypothèse qu'il serait un affranchi ou un fils d'affranchi de la famille Flavia. Les esclaves juifs étaient nombreux à Rome et parmi les affranchis des familles patriciennes. Le nom même de Clément se rencontre dans nombre d'inscriptions et notamment dans l'inscription du Corpus des inscriptions latines t. VI, no 8494, où une mère, juive, à en juger par le nom de Sabathis, dédie un monument à son fils « esclave de nos Césars » : D. M. Clemeti. Cæsarum. N. Servo. Castellario. Aquæ. Claudiæ ; Fecit. Claudia. Sabbathis. Et. Sibi. Et. Suis. D'autres inscriptions (C. I. L. t. VI, nos 1962, 9049, 9079, 940, 4145), montrent que le nom de Clément est fréquemment associé, à divers titres, au souvenir des Césars du temps des Flaviens. La supposition que Clément de Rome serait un affranchi ou un fils d'affranchi de la gens Favia est ingénieuse.

◊  1.5 Clément est-il mort martyr ?

Nous n'avons aucun renseignement tout à fait sûr à l'égard de la mort que souffrit saint Clément. Irénée énumérant et caractérisant les premiers évêques de Rome dit que Télesphore mourut martyr (ὃς ἐνδόξως ἐμαρτύρησεν, Adv. Hær. III, 3, 3) d'une manière qui semble impliquer qu'il fut le premier pape à souffrir le martyre. Cependant Rufin donne le titre de martyr à saint Clément. Des Actes grecs, de caractère très légendaire par les traits miraculeux dont ils abondent, racontent l'exil de Clément au-delà du Pont-Euxin dans la Chersonèse Taurique et son martyre par immersion dans la mer. Les indices favorables au récit des Actes sont quelque peu négatifs ; ils viennent surtout de l'absence d'un tombeau de saint Clément à Rome, et du silence des topographes du viie siècle si fertiles en indications sur les corps saints qui reposaient dans l'intérieur de Rome.

A Rome il existait à la fin du ive siècle une tradition du martyre de saint Clément attestée par Rufin, le pape Zosime (Jaffé, Regesta, no 329), le canon vie du Concile de Vaison en 442, enfin par l'inscription qui servait suivant toute probabilité de dédicace à la basilique de saint Clément. Dans l'état présent des textes et des connaissances archéologiques, il est impossible de dire quel fonds de vérité il y a dans la tradition romaine du martyre.

La nature morale de saint Clément ressortira dans une certaine mesure de ce que nous dirons plus loin du style et du caractère de son épître.

◊  2. Analyse de l'épître.

Prologue. — Après un salut à l'Église « qui est en séjour à Corinthe », l'Église de Rome semble s'excuser d'avoir tardé à s'occuper des détestables dissensions qui compromettent le bon renom de cette chrétienté (1.1).

Tableau largement brossé de la grande sainteté de l'Église de Corinthe, très spécialement de l'harmonie qui régnait entre les frères.

Tant de prospérité est en train de sombrer, par suite de la jalousie qui a pénétré dans l'Église avec tous les maux qu'elle traîne à sa suite (ch. 3).

L'idée de jalousie sert de transition, pour entrer dans les développements parénétiques où s'esquisse l'idéal d'une vie chrétienne.

première partie : ch. 4 à 36

Considérations morales où sans s'astreindre à un ordre très rigoureux, l'auteur aborde comme il le dira au chapitre 62, « la conduite qui convient à notre religion et ce qui contribue le plus efficacement à la vie vertueuse. »

I. — Revue des vertus les plus nécessaires : ch. 4 à 22.

1) Exclure la jalousie qui fait « insurger les hommes de rien contre les hommes en dignité. » (3.3) et dont les suites fatales se montrent dans l'histoire d'Abel et de Caïn (4.1-7), d'Esaü et de Jacob, de Moïse, de Marie et d'Aaron, de Dathan et d'Abiron, de David et de Saül (4.8-13).

Pareillement elle est cause des épreuves souffertes par les « athlètes de notre génération », savoir : Pierre et Paul (ch. 5), une grande foule d'élus, des femmes débiles de corps qui subirent le sort des Danaïdes et des Dircés (ch. 6).

2) La Pénitence. Ceux qui reçoivent cette remontrance et ceux qui la font doivent également se laisser instruire « par la glorieuse et vénérable règle de notre tradition », au sujet de la beauté et de la nécessité de la pénitence. Exemples de Noé, de Jonas, et citations de l'Écriture (ch. 7 et 8).

3) Obéissance, foi, piété, hospitalité. Obéissons à la volonté divine à l'exemple d'Hénoch, de Noé (ch. 9), d'Abraham surtout (ch. 10), pratiquant la piété et l'hospitalité comme Loth (ch. 11) et Rahab (ch. 12).

4) Humilité. Elle est génératrice de paix, de douceur, d'obéissance (ch. 13 et 14) et de sincérité (ch. 15).

L'exemple du Christ, venu avec « d'humbles sentiments », et « blessé par nos péchés » (ch. 16), est soigneusement mis en tête des exemples donnés par les prophètes Élie, Élisée, Ézéchiel, par Abraham, Job, Moïse (ch. 17) et par David (ch. 18). La haute vertu de ces personnages nous invite à les imiter et à revenir en hâte vers la paix « qui nous a été proposée en but dès le commencement » par le père et créateur du monde (ch.19).

Le spectacle de l'harmonie qui régit les cieux, les océans et jusqu'aux entrailles de la terre, est une leçon de concorde et d'union. La conclusion de cette envolée lyrique est qu'il faut vivre d'une manière digne de Dieu, « respectant les chefs, honorant les presbytres, instruisant les jeunes gens dans la crainte de Dieu, dressant les femmes à la vertu » (ch. 20 et 21).

La crainte de Dieu n'a toute sa force que pour ceux qui ont foi en la présence du souverain Juge (ch. 22). C'est la foi en sa venue que l'auteur va s'efforcer de réveiller.

II. — Résurrection que Dieu ménage aux siens : ch. 23 à 30.

Après une précaution oratoire sur la certitude et la promptitude des bienfaits divins (ch. 23), l'auteur s'étend sur Ici promesse de la résurrection : nous en tenons les prémices en Jésus-Christ ; l'espérance que nous en avons se fonde sur des analogies avec les résurrections dans la nature (24.2-5) et s'entretient spécialement par le prodige du phénix d'Arabie renaissant de ses cendres (ch. 25) et par l'enseignement formel de l'Écriture

Cet enseignement ne peut nous égarer. Dieu est fidèle à ses promesses, il a la puissance pour les exécuter (ch. 27) ; rien n'échappe à son œil, à sa main, à sa présence universelle (ch. 28). Son omniprésence est une excitation à la sainteté pour ceux qui forment le peuple des bénis, « la portion choisie de Dieu » (ch. 29 et 30).

Cette exhortation sert de transition pour passer à un nouveau développement moral sur les chemins que prend la bénédiction divine et la façon de se l'attirer.

III. — Les voies que suit la bénédiction divine : ch. 31 à 36.

1) C'est par la foi qu'est venue la bénédiction de Dieu sur Abraham, Isaac et Jacob et qu'elle viendra sur nous-mêmes qui « avons été appelés en Jésus-Christ » (ch. 31 et 32).

2) Mais nous y devons joindre la charité et les bonnes œuvres. Comme le Créateur s'applique à l'ouvrage de la création (ch. 33), il faut que nous soyons des ouvriers diligents qui gagnent le salaire ineffable que Dieu leur propose (ch. 34).

Retour sur les vertus nécessaires pour plaire à Dieu ; en cheminant par cette voie nous rencontrons Jésus-Christ qui est notre salut et le rayonnement de la majesté divine. (ch. 35 et 36).

Transition — L'idée de paix et de concorde traverse, comme un leit-motiv tous les développements moraux sur les vertus qui en sont la préparation, la condition nécessaire. Toutefois, l'auteur semble l'avoir un peu perdue de vue, quand le souvenir de Jésus le ramène au sentiment de l'unité souhaitable. Limage s'en offre très vivante dans la discipline des armées romaines sous la conduite de leurs chefs et dans le concert des membres du corps (ch. 37) : c'est de la sorte que l'unité d'âme, le concert d'action doit exister dans le corps mystique « que nous formons en Jésus-Christ » (ch. 38). Ces deux chapitres, terminés en doxologie, servent de transition pour amener la seconde série de développements, où l'auteur serrera davantage son dessein.

Seconde partie : ch. 39 à 61

Enseignement directement destiné à guérir les divisions des Corinthiens.

I. Dieu auteur de l'ordre dans les fonctions : ch. 39 à 50.

Insigne folie des hommes qui « habitent des maisons d'argile » et qui voudraient s'attribuer quelque force en dehors de Dieu (ch. 39).

Or c'est Dieu qui a prescrit d'accomplir les diverses fonctions avec ordre ordre et en des temps déterminés : grand-prêtre, prêtres, lévites, laïques ont leur rôle propre dans l'Ancien Testament (ch. 40 et 41).

Jésus a été envoyé par Dieu. A son tour il a envoyé des apôtres qui ont établi des évêques et des diacres (ch. 42). Une famille avait été investie du sacerdoce par les soins de Moïse pour prévenir les rivalités (ch. 43). De même les apôtres prévoyant des querelles au sujet de la dignité de l'épiscopat ont institué des ministres qui à leur tour se sont donné des successeurs dans leur ministère (44.1-3). C'est une faute de chasser de l'épiscopat ceux qui ont présenté correctement les offrandes et de leurs places des presbytres recommandables. Se séparer d'eux, c'est « écarteler les membres du Christ » au lieu de s'attacher aux saints (44.4 à 46).

Saint Paul n'a-t-il pas dû réprimer déjà les partis à Corinthe ? ils étaient pourtant excusables en comparaison du schisme actuel qui fait blasphémer Dieu (47) ; il importe de travailler à supprimer les divisions (ch. 48) afin de vivre dans la charité dont la perfection est au-dessus de tout éloge (ch. 49 et 50).

II. — Conduite à suivre par les auteurs du schisme : ch. 51 à 58.

1) Qu'ils fassent pénitence, par l'exomologèse de leur péché, et ils obtiendront leur pardon (ch. 51 et 52).

2) Moïse a intercédé et s'est offert pour son peuple coupable (ch. 53) ; comment les instigateurs de la sédition hésiteraient-ils à s'exiler pour ramener l'accord de la communauté et des presbytres (ch. 54), quand des rois, des chefs, des femmes telles que Judith et Esther, se sont sacrifiés pour leur peuple (ch. 55) !

3) Il reste à prier pour que les coupables acceptent la réprimande ou correction fraternelle et se convertissent : ch. 56.

Exhortation directe et pressante adressée aux auteurs de la discorde pour les amener à se soumettre aux presbytres, à se tenir à leur place dans le troupeau du Christ

Improvisation lyrique et Prière : ch. 59 à 61

A la fin de la seconde partie, après avoir menacé les obstinés d'un risque grave (59.1-2), l'auteur supplie Dieu « de conserver intact le nombre compté des élus ». Il épanche sa prière dans une improvisation lyrique où alternent les louanges du « Dieu, seul Très-Haut dans les cieux, admirable dans sa force et sa majesté », et les supplications ardentes pour obtenir sa protection, ses grâces, la paix et la concorde, notamment pour les princes à qui il a donné le pouvoir souverain par sa puissance (59.3 à 61).

Conclusion : Le résumé de la lettre montre clairement que l'auteur a conscience d'avoir traité en réalité des devoirs de la vie convenable à des saints (ch. 62) ; mais il ne perd pas de vue la paix qu'il cherche à ramener parmi les Corinthiens (ch. 63). Il rappelle en un souhait les dons spirituels qu'il demande à Dieu (ch. 64), fait mention nominale des trois députés porteurs de son épître et termine par une doxologie semblable à celles qu'il a semées au cours de toute la lettre (ch. 65).

Résumé de l'épître

Prologue (ch. 1 à 3). — L'occasion de cette lettre est un schisme dans l'Église de Corinthe, jadis d'un renom si glorieux.

Première Partie : ch. 4 à 36
Considérations morales