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Sur les traces d'un père...
Toi, mon père biologique que je n’ai jamais connu, j’ai toujours eu envie de savoir qui tu étais. Te retrouver, te rencontrer devenait une obsession. J’ai secrètement souhaité que tu fasses des recherches pour nous retrouver, mon frère et moi. Moi j’en ai fait, au départ dans l’espoir seulement d’obtenir ton nom. Je commence à l’âge de quatorze ans. Je n’ai que ton prénom et quelques informations que ma mère a bien voulu me communiquer. Lorsque j’arrive à retrouver ta famille, j’ai plus de cinquante ans. Personne n’est au courant de notre existence. Je dévoile alors un secret de famille.
Dans ce récit biographique, suivez le cheminement de l'auteur à la recherche de ses origines pour trouver la liberté !
EXTRAIT
Au rythme des virages alpins, les questions et les hypothèses tournent à nouveau dans la tête d’Hélène, comme elles avaient tourné si souvent au cours de son enfance. Mais ce jour-là, elles ont plus d’acuité et elles affluent, tout en désordre.
Pourquoi Simone a-t-elle voulu garder pour elle ce secret ?
Croyait-elle que Pietro rejetterait ses enfants si elle les mettait en contact avec lui ? Voulait-elle leur éviter cette déception ?
Ou au contraire craignait-elle que Pietro établisse avec ses enfants un lien qu’elle-même n’avait pas su conserver avec lui ? Simone était si jalouse, si exclusive !
Dans l’inconscient de Simone, Hélène avait-elle pour mission de garder son père auprès d’elles ? Puisqu’elle avait échoué, fallait-il donc la priver de la possibilité de le retrouver ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Hélène Cartier-Millon est née à Marseille en 1949. Son tempérament positif l’aide à traverser une enfance compliquée et à assumer les aléas de sa vie. Après différentes expériences professionnelles, elle devient éducatrice, pour à son tour accompagner les enfants en difficulté.
Parallèlement, elle mène des recherches pour retrouver les traces de sa famille paternelle. Sa ténacité lui permet d’aboutir, de dévoiler un secret et d’en raconter le cheminement.
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Seitenzahl: 228
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Les enfants cachés du cordonnier
Je dédie ce livre,
À mon neveu Grégory Cartier-Millon
À mes frères Alain et André Cartier-Millon
À la lignée des femmes de ma généalogie
Aux mères et aux pères manquants, en difficulté à la naissance de leur enfant
Aux enfants qui sont en quête de leur mère, de leur père et de leurs origines
Père ? Sur le registre d’état civil il n’y a rien ! Père inconnu ? Même pas ! Rien qui pourrait laisser supposer que l’arrivée au monde de cette petite fille ait eu un homme pour origine. Et pour son frère ? C’est le même mystère.
Famille complexe, des mères, des pères, un frère, des demi-frères… un père biologique inconnu. Au départ, famille restreinte. J’ai eu besoin d’en savoir plus.
Toi, mon père biologique que je n’ai jamais connu, j’ai toujours eu envie de savoir qui tu étais. Te retrouver, te rencontrer devenait une obsession. J’ai secrètement souhaité que tu fasses des recherches pour nous retrouver mon frère et moi. Moi j’en ai fait, au départ dans l’espoir seulement d’obtenir ton nom. J’ai consulté des actes d’état civil, de baptême, des dossiers médicaux ou sociaux. Cette quête faisait naître en moi un espoir de plus en plus grand.
Ces recherches généalogiques ont été un travail de longue haleine, un travail de fourmi, de patience et de persévérance. Chaque démarche m’apportait de la joie, ainsi qu’une grande satisfaction dès que j’obtenais un renseignement, ce qui me permettait de construire le puzzle, petit à petit…
Je commence à l’âge de 14 ans. Je n’ai que ton prénom et quelques informations que ma mère a bien voulu me communiquer. Un jour, ma recherche fait un bond en avant ! Le hasard d’un rendez-vous me permet de découvrir ton nom, de retrouver ta famille et ton histoire. Mais j’apprends que toi, tu es décédé depuis longtemps.
Lorsque j’arrive à retrouver ta famille, j’ai plus de 50 ans. Personne n’est au courant de mon existence… Je dévoile alors un secret de famille.
La petite fille a fait du chemin ! Chacun de nous avance comme il peut, avec ses difficultés, ses angoisses, avec les mains tendues qu’il accepte ou refuse, avec les aléas et les bonheurs. Parcours plus ou moins facile, certains épisodes plutôt douloureux, mais qui font partie de la vie ! De ma vie ! Une enfance difficile jalonnée de nombreux placements, une mère malade durant plusieurs années, nous n’avons pu, mon frère et moi rester avec elle. Une famille éclatée, dispersée. Comment s’y retrouver ? Comment survivre, vivre ?
Je décide d’écrire mon histoire, celle de mes frères, de ma famille.
Me voilà soudain hésitante. Comment débuter ? À quel moment une histoire de vie commence-t-elle ? À la naissance de l’enfant ? Ou plutôt longtemps auparavant, lorsque jour après jour se tissent les histoires des ancêtres, dont les écheveaux compliqués viennent s’enchevêtrer autour du nouveau-né ? Toutes ces histoires constituent une toile protectrice pour certains, une prison étouffante pour d’autres. Souvent un mélange des deux ! Pour le meilleur comme pour le pire, nous sommes reliés les uns aux autres par des liens que nous n’avons pas consciemment choisis et dont nous ignorons à peu près tout. Les retrouver peut nous rendre libres mais c’est l’œuvre de toute une vie.
Me vient soudain à la mémoire le souvenir d’une rencontre avec ma mère. Elle est déjà âgée à l’époque et vit à Vizille. Cette rencontre a été pour moi extrêmement importante. La nouvelle que je viens de lui annoncer l’a peut-être bouleversée, mais elle est l’aboutissement d’une recherche qui a duré tant d’années ! Elle est ma victoire personnelle contre les secrets, les silences et les bouches cousues qui ont empoisonné une bonne partie de ma vie.
Je regarde cette femme qui revient d’une petite ville entourée de montagnes. Cette femme qui a réussi à mener sa quête jusqu’au bout, qui a gagné son combat, c’est moi. C’est la partie obstinée de moi-même ! Je peux la regarder avec du recul, comme si elle m’était extérieure. C’est plus facile peut être…
***
Hélène rentre de Vizille où elle a rendu visite à sa mère, Simone, qui vit dans une maison de retraite. La route est longue et tout en conduisant elle se remémore l’échange qu’elle vient d’avoir.
Le dialogue et les mots tournent dans sa tête, au rythme des virages alpins.
–Bonjour maman ! Comment vas-tu ?
–Ça va !
–J’ai une grande nouvelle à t’annoncer.
–Ah ! Bon ! Quelle nouvelle ? Tu vas te marier ?
–Non ! J’ai trouvé le nom de mon père biologique et aussi sa famille.
Un temps de silence. Sa mère ne s’attendait vraiment pas à cela. Elle ne sait que dire. Puis elle s’étonne.
–Ah ! Tu y es quand même arrivée ! Je reconnais bien ta persévérance et ta force de caractère ! Mais comment as-tu fait ? Je ne t’ai jamais révélé son nom, je ne t’avais donné que son prénom. Comment as-tu pu le trouver ?
–Ah ça, c’est toute une histoire !
–Pourtant tu as essayé de me le soutirer ce nom, chaque fois que tu venais me voir ! Je savais bien que souvent tu venais pour ça. Tu ne m’as jamais crue lorsque je te disais que je ne m’en souvenais pas, n’est-ce pas ?
–En effet ! Comment peux-tu ne pas te souvenir du nom de l’homme avec qui tu as fait deux enfants ? Me croyais-tu si crédule ?
–Je t’ai dit qu’il était d’origine grecque. Tu pouvais croire que c’était un nom difficile à retenir !
–Oui ! Mais maintenant, je sais ! En fait ce nom originaire de Grèce, plus précisément de Chypre, remonte à très longtemps, à plusieurs générations. Son fils Victor m’a raconté : ses ancêtres, qui désiraient aller vivre en Amérique, sont partis en bateau. Une violente tempête s’est levée, puis ils ont aperçu un bout de terre vers lequel ils se sont dirigés. C’était la Sicile et ils y sont restés. Au fil du temps le nom s’est transformé en Galenta. Le nom grec n’était pas plus difficile à retenir que le nom sicilien, n’est-ce pas maman ?
–Oui tu as raison. Même si j’ai voulu oublier ton père, je n’ai pas oublié le nom de l’homme qui m’a fait deux enfants et qui a été l’amour de ma vie. Je l’ai tant aimé ! Oh ! Lui aussi m’a aimée !
–Ah oui ?
–Oui, il m’a dit que j’étais un cadeau du ciel pour lui.
–Il faut dire que tu étais belle à cette époque ! Et aussi plus jeune que lui.
–Moi aussi je lui ai fait deux cadeaux : une fille et un garçon, mais malheureusement il ne vous a pas accueillis comme des cadeaux. Pour un homme marié ce n’était pas facile.
Elle reste songeuse, perdue un instant dans des souvenirs qu’elle ne peut partager.
–Eh oui ! Le poids des traditions siciliennes, ce n’est pas rien. Il a sûrement eu peur des représailles des familles, aussi bien de la sienne que de celle de sa femme. Les Siciliens ne divorçaient pas à cette époque et n’acceptaient pas le déshonneur. Tromper sa femme et faire des enfants hors mariage devaient être inconcevables !
–Cela aurait pu mal tourner, pour lui comme pour nous.
–C’est bien possible. Est-ce qu’il venait nous voir ?
–Il n’est venu te voir qu’une fois à la maternité, mais il n’est pas venu voir Alain.
–Mon frère Alain et moi avons été placés en Ardèche par l’Assistance Publique, comme cela s’appelait à l’époque, peu après notre naissance à chacun.
–Oui, mais c’était à cause de ma maladie. Avant même ta naissance on m’avait annoncé que j’avais la tuberculose. Tu imagines mon effroi ! À cette époque c’était une maladie très dangereuse dont beaucoup de personnes mouraient. J’ai été hospitalisée rapidement et ensuite je suis partie en sanatorium à Hauteville dans l’Ain. L’Assistance Publique me donnait de vos nouvelles de temps en temps, mais je n’avais pas de contact direct avec les familles qui vous accueillaient. Les tuberculeux risquaient d’être contagieux et cela faisait peur.
–Dis-moi, mon père est venu te voir lorsque tu étais en sanatorium, puisqu’Alain a été conçu pendant cette période !
–Comment sais-tu cela ?
–Je suis arrivée à obtenir le dossier médical de ton séjour en sanatorium, il y a les dates.
–Ah oui ! Tu as pu avoir mon dossier, c’est possible ?
–Oui, par l’intermédiaire de mon médecin.
–Ah bon ! En effet, Pietro est venu me voir, lorsque j’allais mieux et que j’ai pu recevoir des visites. Il s’est libéré alors que sa femme était absente de Marseille. Elle allait de temps en temps dans les Alpes, pour suivre ses patrons lorsqu’ils partaient en vacances, car elle était leur bonne.
–Maintenant on dirait « employée de maison ».
–Eh oui !
–Il en a fait des kilomètres pour te faire un deuxième enfant !
–Il m’aimait.
–Oui, peut-être bien ! Pourquoi n’avez-vous pas continué à vous voir ?
–Au fil du temps, je me suis rendu compte qu’il ne m’aimait plus vraiment, que notre situation ne pouvait pas évoluer, puisqu’il ne voulait pas quitter sa femme. Et il avait peur des représailles de leur famille, si cette situation était venue à se savoir. J’ai donc quitté Marseille, et je suis partie dans la région de Grenoble. C’était mieux comme ça.
Elle regarde Hélène d’un air interrogatif.
–Alors, dis-moi. Comment as-tu fait pour trouver son nom ? Je ne vois pas comment tu as pu y arriver.
–C’est un miracle !
–Un miracle ? Je suis très croyante, tu le sais, mais je ne crois pas aux miracles de ce genre.
–Et pourtant, pour moi c’en est un. C’est aussi un hasard qui s’est transformé en un rendez-vous. Je vais te raconter.
–Ah oui ! Je suis impatiente de savoir !
–C’est une histoire de dents, de racines ! De racines dentaires, de racines généalogiques et des racines mêmes de mon existence ! J’ai donc eu un problème de dent, j’avais une carie. Le dentiste a obturé ma dent avec un amalgame au mercure, ce qui se fait couramment. Mais suite à ce soin, j’avais mal à la mâchoire et de violents maux de tête.
–Ah bon !
–Les médecins ne trouvaient pas la cause de ces douleurs, alors j’en ai parlé à une amie naturopathe. Elle m’a dit que je devais faire une allergie au mercure de mes amalgames dentaires. Et elle m’a conseillé de consulter une dentiste énergéticienne, à Marseille.
–Ça alors !
–J’ai eu la chance de tomber sur une dentiste qui a fait le lien entre mon problème dentaire et son implication psychologique, ce que l’on nomme réaction psychosomatique. Après avoir retiré l’amalgame au mercure elle m’a conseillé de ne pas retenir ce que j’avais sur le cœur et de l’exprimer. Je me souviens encore de la date de cette rencontre qui a été si importante pour moi : le 22 mars 2001 ! Exprimer ce que j’avais sur le cœur ? J’étais perplexe : exprimer oui, mais cela n’était pas simple ! Et cela ne pourrait pas tout résoudre. Mais la dentiste m’a dit que c’était très important. J’ai tout de suite pensé au sujet qui me hantait depuis toujours : retrouver mon père biologique ! Instinctivement, j’ai parlé à cette femme du fait que tu ne m’avais jamais révélé son nom, que tu ne m’avais donné que son prénom, Pietro. La dentiste m’a demandé si j’avais d’autres renseignements. Je lui ai répondu : « Oui, il était d’origine grecque, il habitait Marseille et il était cordonnier dans une rue qui monte vers Notre-Dame-de-la-Garde. Mais il y a de nombreuses rues qui montent à Notre-Dame-de-la-Garde, comment savoir laquelle c’est ? » Elle a souri et m’a dit : « Ça alors, ce n’est pas par hasard que nous nous rencontrons ! » En effet le hasard de cette rencontre est un véritable rendez-vous ! Imagine-toi que le père de cette dentiste, âgé de 80 ans mais doté encore d’une mémoire d’éléphant, vendait jadis des fournitures pour les cordonniers. Il se souviendrait sans doute, m’a-t-elle dit, d’un cordonnier de cette époque, qui pourrait correspondre à mon père.
–C’est incroyable toutes ces coïncidences !
–Tu imagines dans quel état d’impatience j’étais en attendant le prochain rendez-vous ! Je passais de l’anxiété à l’euphorie la plus totale, j’avais l’impression que mon destin m’attendait maintenant, après toutes ces années de pesantes questions ! Au rendez-vous suivant j’ai enfin su le nom de famille probable de mon père : son père se souvenait d’un M. Galenta, cordonnier dans ce quartier de Marseille en 1950. Mais il n’avait pas le prénom. S’agissait-il de Pietro ? Il fallait faire des recherches.
–Oui, c’est bien lui. Mais alors, est-ce que tu l’as rencontré ?
–Non. Il est décédé en 1983. Cette année-là, je m’étais installée à Aix-en-Provence, comme si la vie voulait me rapprocher de lui.
–Tu as dû être déçue. Mais c’est peut-être mieux comme ça. Comment aurait-il réagi, alors qu’il ne s’est jamais soucié ni de toi ni de ton frère ?
–Oui, j’ai été déçue. J’aurais aimé me trouver face à lui et savoir s’il était au moins capable de me reconnaître. De reconnaître mon existence et celle de mon frère.
Sa mère est restée pensive. Hélène la connaît bien et sait qu’une part d’elle-même est soulagée. La mort de Pietro met un point final à tout le drame de sa vie. Et ce secret enfin révélé la libère. Elle quittera ce monde un an plus tard. Avait-elle attendu ce moment ?
Au rythme des virages alpins, les questions et les hypothèses tournent à nouveau dans la tête d’Hélène, comme elles avaient tourné si souvent au cours de son enfance. Mais ce jour-là, elles ont plus d’acuité et elles affluent, tout en désordre.
Pourquoi Simone a-t-elle voulu garder pour elle ce secret ?
Croyait-elle que Pietro rejetterait ses enfants si elle les mettait en contact avec lui ? Voulait-elle leur éviter cette déception ?
Ou au contraire craignait-elle que Pietro établisse avec ses enfants un lien qu’elle-même n’avait pas su conserver avec lui ? Simone était si jalouse, si exclusive !
Dans l’inconscient de Simone, Hélène avait-elle pour mission de garder son père auprès d’elles ? Puisqu’elle avait échoué, fallait-il donc la priver de la possibilité de le retrouver ?
Simone avait-elle eu peur qu’Hélène fasse un scandale dans la famille de Pietro ?
Et ce prénom « Hélène » ? Est-ce pour rendre hommage aux origines grecques de Pietro Galenta qu’elle a choisi de nommer ainsi sa fille ? Étymologiquement ce prénom signifie « éclat du soleil ».
Ou serait-ce plutôt parce que sa mère s’appelait Hélène ? Cette mère morte si jeune, lorsque Simone avait 4 ans. Ne pas avoir sa maman, quelle souffrance, quel bouleversement dans une vie !
Et Pietro Galenta ? Que penser de lui ? Petite fille, Hélène avait imaginé de nombreux scénarios. Qui pouvait bien être ce père ? L’aurait-il aimée, lui ? L’aurait-il soutenue, encouragée et dorlotée comme sa mère n’avait jamais su le faire ? Était-il un homme fort ? Bienveillant ? Célèbre ? Elle l’avait paré de mille vertus, l’avait idéalisé, elle avait souhaité si souvent qu’il la console, qu’il lui sourie et lui donne sa force !
Au fil du temps les illusions alternaient avec les doutes. Par moments, la colère, la haine, l’amertume ou la déception ternissait le tableau idyllique qu’elle se faisait de lui. Qu’a-t-il fait pour ses enfants ? Lorsque Simone vivait à Marseille, il ne leur rendait même pas visite. Et il n’a jamais apporté un soutien financier ni un cadeau, même pas une peluche !
Par la suite, a-t-il au moins cherché à les retrouver ?
Sa femme et lui étant d’origine sicilienne, il pouvait craindre des représailles de la part de leur famille respective et il n’était pas question qu’une relation extraconjugale soit découverte. Alors, paradoxalement, pourquoi n’a-t-il pas fait le nécessaire pour ne pas avoir d’enfants ?
Pour Hélène, cet homme n’était pas un père, il ne devait pas être si bien que cela.
Pourtant, il semblerait que Simone et Pietro se soient aimés profondément et qu’Hélène soit une enfant de l’amour. Pietro a dû se sentir valorisé de séduire une jeune femme de vingt ans de moins que lui.
Désir d’amour n’est pas pour autant désir d’enfant. Mais inconsciemment, n’avait-il pas un réel désir d’enfant ?
En tout cas, Hélène se sentait dévalorisée car non reconnue. Elle n’existait même pas aux yeux de son père.
Ne devrait-elle pas lâcher tout espoir vis-à-vis de lui ?
***
Pour toutes ces questions, il était vital pour moi de faire toutes les démarches pour le retrouver, de frapper à toutes les portes, même en risquant des refus et des réponses négatives, parfois même des rejets.
L’obstination dont j’ai fait preuve au cours de cette longue quête a fait émerger une Hélène que je regarde de l’extérieur avec une certaine satisfaction et de la fierté.
Après la révélation du père de sa dentiste, Hélène se met à rechercher un M. Pietro Galenta. À cette époque, Internet et toutes ses ressources ne sont pas monnaie courante et Hélène utilise le minitel.
Elle ne trouve pas de Pietro Galenta inscrit comme cordonnier au registre du commerce. Elle est déçue mais n’est pas prête à renoncer, maintenant qu’elle a une piste. À force de recherches, elle finit par trouver dans le Var un certain Georges Galenta. Elle lui téléphone :
–Bonjour monsieur, je fais des recherches généalogiques et je recherche un M. Galenta Pietro, qui était cordonnier à Marseille, en 1950.
–Je ne connais pas de Pietro Galenta, cordonnier à Marseille, en 1950.
–Et vous, vous n’étiez pas cordonnier ?
–Non.
Hélène est très déçue. Elle avait nourri de l’espoir, si près du but. Maintenant elle ne voit pas ce qu’elle pourrait faire. Elle abandonne un temps ses recherches. Mais elle ne peut pas en rester là.
Elle reprend le minitel et… surprise ! Elle trouve neuf Galenta. Huit sont dans le Var et les Bouches-du-Rhône et un dans les Alpes.
À qui téléphoner ? Il y a beaucoup de Galenta à Marseille ! Tiens ? Jean Galenta, qui est ébéniste, rue Vauban. Ça alors rue Vauban ! Hélène se souvient tout à coup que bien avant sa rencontre avec la dentiste, bien avant qu’elle n’ait eu connaissance du nom de Galenta, elle avait consulté une psycho-généalogiste et lors d’une des dernières séances, elle ne sait pas trop pourquoi, celle-ci lui avait dit :
–Renseignez-vous sur les cordonniers qu’il y a eus dans les rues qui montent à Notre-Dame.
Et elle avait ajouté :
–Allez rue Vauban, vous aurez des renseignements.
Hélène s’était donc rendue rue Vauban avec un ami. Il y avait bien une cordonnerie, mais l’homme ne pouvait lui donner aucun renseignement, il était jeune et bien sûr n’avait pas connaissance des cordonniers qui exerçaient en 1950.
Plus loin, dans une ébénisterie, ils avaient aperçu un homme d’un certain âge. Hélène avait pensé qu’il pourrait peut-être les renseigner. Fébrile et anxieuse, elle n’osait pas y aller. Elle avait alors demandé à son ami s’il voulait bien s’y rendre seul et il avait accepté. Mais ce monsieur ne lui avait pas donné plus de renseignements. Ils avaient arpenté quelques rues, mais autant chercher une épingle dans une botte de foin ! La déception faisait place à la tension. Dépités, ils étaient rentrés. Était-ce un signe du destin montrant qu’il fallait renoncer aux recherches ? Hélène n’en avait pas l’intention, elle n’abandonnait pas comme cela. Elle laissa du temps passer et trouva d’autres pistes. À ce moment-là de sa recherche elle n’avait toujours pas de nom à mettre sur ce père.
Mais à présent, depuis sa visite chez cette dentiste, elle en a un. Et elle a les coordonnées de plusieurs Galenta. Elle contacte donc celui qui est ébéniste rue Vauban. Bien qu’elle cherche un cordonnier et non un ébéniste, celui-ci pourra peut-être lui donner des informations sur « son » cordonnier.
Hélène téléphone donc à Jean Galenta :
–Allô ! Bonjour monsieur, je fais des recherches généalogiques et je recherche un homme nommé Pietro Galenta qui dans les années 1950 était cordonnier à Marseille, dans une rue qui monte à Notre-Dame-de-la-Garde.
Son interlocuteur réfléchit un instant :
–En effet, je connais un Pietro Galenta qui était cordonnier dans la rue Fort-du-Sanctuaire, la dernière rue qui monte à Notre-Dame. C’est mon grand-oncle et mon parrain.
Le cœur d’Hélène bat la chamade, elle ose à peine respirer. Enfin elle l’a trouvé ! Quelle émotion !
–Est-il encore en vie ?
–Non, il est décédé en 1983.
La déception envahit la jeune femme ! Elle aurait tant aimé le connaître, lui parler, le questionner. Mais non, Pietro Galenta se taira à jamais pour elle. Elle demande tout de même à Jean :
–Il a de la famille ?
–Il a un fils, Victor, qui habite dans les Alpes. Il est marié et avec sa femme ils ont trois enfants et des petits enfants.
Hélène pose d’autres questions.
Jean répond très gentiment mais, étonné, finit par lui demander la raison de sa recherche sur Pietro. Hélène esquive en posant d’autres questions. Elle apprend que son père avait vingt ans de plus que sa mère et que son demi-frère Victor a vingt ans de plus qu’elle. Puis, elle remercie Jean Galenta.
Enfin ! Elle a retrouvé les traces de son père, elle en sait un peu plus sur cette famille, sa famille paternelle. C’est extraordinaire, elle y est arrivée !
Deux jours plus tard elle rappelle Jean et lui pose d’autres questions. Il répond toujours aussi aimablement, il lui redemande la raison de sa recherche sur son grand-oncle et parrain. Elle réagit de la même façon en posant d’autres questions, n’osant en dire plus sur les raisons réelles de ses recherches.
Quelques jours passent, elle est avide de renseignements sur ce Pietro, son père. Mais elle ne peut plus téléphoner car il faudra bien qu’elle lui révèle pourquoi elle porte un tel intérêt à Pietro Galenta. Ce genre de secret ne se révèle pas par téléphone.
Hélène décide donc de rendre visite à cet homme sur son lieu de travail, son ébénisterie. À la pensée de cette rencontre, les émotions les plus diverses l’envahissent, de l’appréhension à l’excitation. Mais il faut absolument qu’elle en sache plus. Elle pourrait lui poser de vive voix de nouvelles questions, faire connaissance avec le filleul de ce père inconnu.
Elle s’habille avec soin, elle voudrait lui faire bonne impression, être acceptée par cette nouvelle famille.
Lorsqu’elle arrive vers 10 heures, elle reconnaît l’ébénisterie, rue Vauban. Ça alors, c’est extraordinaire ! C’est bien l’ébénisterie où son ami s’était rendu pour demander des renseignements quelque temps auparavant !
L’atelier est plein de monde, des hommes qui, elle l’a su par la suite, n’étaient pas des clients mais des copains de Jean. En face, un café avec terrasse lui tend les bras, elle s’y installe et commande un thé. Elle attend patiemment que la boutique se libère de ses visiteurs. Il est 11 heures, elle commence à s’impatienter car elle doit reprendre le travail à 14 heures et Jean risque de fermer à midi. Enfin la boutique se vide, il reste deux hommes seulement. Hélène se lève et se dirige vers l’ébénisterie, les dernières personnes s’en vont. Elle pénètre dans ce lieu qui sent bon le bois et la cire. Jean restaure des meubles.
Hélène se présente. Elle a très envie de parler de sa démarche mais elle appréhende un peu. Comment va-t-il réagir ? Sait-il quelque chose ?
Jean, âgé d’environ 46 ans, est grand et charmant. Il se montre aussi aimable qu’au téléphone. Il lui parle de Pietro, elle pose d’autres questions, il lui répond avec un sourire sympathique, il l’écoute. Elle lui avoue enfin que Pietro est son père biologique, un père qu’elle n’a pas connu et qu’elle recherche depuis longtemps. Récemment, sa mère a fini par lui donner le nom de cet homme qu’elle a aimé et qui lui a donné deux enfants (elle ne raconte pas l’histoire avec la dentiste, il risquerait de la prendre pour une hurluberlue).
Jean n’est au courant de rien mais n’est pas étonné. Pietro avait la réputation d’être un « coureur de jupons » ! Cependant il semblerait que personne dans la famille ne soit au courant de l’existence d’une descendance cachée de Pietro. Peut-être que son père peut savoir quelque chose ? Il en doute, mais il propose à Hélène de le rencontrer d’ici une quinzaine de jours. Ça, c’est sympathique de sa part ! Si personne ne sait rien, ce serait vraiment un secret de famille bien gardé !
Jean explique à Hélène que Victor, le fils de Pietro, est depuis quelque temps atteint d’une maladie un peu spéciale : il a perdu la mémoire immédiate et en outre souffre de problèmes cardiaques. Comment lui annoncer qu’il a une demi-sœur et un demi-frère sans provoquer une aggravation de son état de santé ? Hélène demande des conseils, des propositions, à Jean.
Jean promet d’y réfléchir. Ils se disent au revoir et tout en lui souriant, il lui dit très chaleureusement :
–Puisque maintenant vous faites partie de la famille, nous pouvons nous faire la bise !
Elle le quitte, bouleversée par ce geste d’affection et de reconnaissance qu’elle aurait tellement aimé recevoir de son père. Elle conduit en pleurant à chaudes larmes tout au long du trajet de retour. Que d’émotions, de joie, de gratitude envers cet homme si bon, si généreux, si chaleureux !
Deux semaines plus tard elle retourne à l’ébénisterie où elle rencontre le père de Jean. Celui-ci est également très aimable. Lui non plus, n’est pas au courant de la vie secrète de son oncle Pietro. Ils discutent tous les trois. Elle se sent vraiment accueillie par ces deux hommes. Lorsqu’elle s’en va, tous deux l’embrassent chaleureusement, en lui disant que maintenant elle fait partie de la famille. Hélène se sent reconnue comme une des leurs. À nouveau ce comportement du père et du fils provoque, pendant son retour chez elle, un déluge de larmes et d’émotions.
Hélène attend des nouvelles.
Un jour où elle retourne voir Jean, elle rencontre sa femme tout aussi sympathique que lui. Celle-ci s’exclame :
–Ça alors ! Il n’y a pas de doute, vous ressemblez à Lorraine, la fille de Victor.
Jean a informé Lorraine qui ne se sent guère concernée par cette histoire. Elle décide cependant de prévenir sa mère, Lydie. Celle-ci devrait la contacter.
Le printemps se traîne, mais rien ne se passe. Hélène attend, Hélène espère. Un jour, impatiente, c’est elle qui saisit le téléphone. Les premiers mots de Lydie sont sans équivoque :
–Oui, je sais qui vous êtes !
Elle a, dit-elle, raconté l’histoire à son mari et Victor est choqué par cette découverte : son père a eu une double vie, il a trompé sa mère et de cette inconduite deux enfants sont nés, un frère et une sœur, preuves vivantes de l’adultère de celui qu’il a jusque-là respecté. Pas facile à accepter quand on découvre cela si tard !
Lydie apprend à Hélène que son mari va régulièrement dans un hôpital de Marseille pour des soins. Hélène suggère qu’ils se rencontrent, mais ce n’est pas possible car il vient en ambulance. Hélène lance plusieurs propositions, éventuellement qu’ils viennent chez elle, mais ils refusent à nouveau. Elle comprend qu’ils n’ont pas envie de répondre à son invitation.
Hélène les appelle de temps en temps. Un jour Hélène redit à Lydie qu’elle aimerait bien les rencontrer. La réponse vient, sans trop d’enthousiasme, mais ce n’est pas une fin de non-recevoir :
–Si vous frappez à la porte, je ne vous laisserai pas dehors !
En juillet 2001 Hélène est invitée par une amie dans les Alpes. L’occasion est trop belle, elle n’hésite pas. Un beau jour elle appelle Lydie :
–Je suis dans un village près de chez vous. Peut-on se voir ?