Les Extravagances de Kasuku - Jacques Deferne - E-Book

Les Extravagances de Kasuku E-Book

Jacques Deferne

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Beschreibung

"Les extravagances de Kasuku" rassemble une série de chroniques où l’absurde et l’ironie sont maniés avec brio pour interroger nos habitudes et croyances. D’un regard à la fois critique et amusé, l’ouvrage explore les travers de notre mode de vie à travers des récits aussi variés que la prétendue suprématie du féminisme, la faillite du Vatican, l’adoration des capsules Nespresso ou encore la lutte contre les crottes de chien. En jouant avec les conventions, il invite le lecteur à prendre une salutaire distance, rendant chaque texte aussi piquant que rafraîchissant.



À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacques Deferne est un scientifique à la retraite qui a contribué à la création et à la direction de l’Institut National des Mines dans le cadre d’un projet de développement des Nations Unies au Zaïre. De retour en Europe, il a été conservateur du département de minéralogie au Muséum de Genève. Kasuku, un perroquet offert par ses élèves congolais, l’a inspiré dans la création du présent ouvrage.

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Seitenzahl: 112

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Jacques Deferne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les extravagances de Kasuku

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Jacques Deferne

ISBN : 979-10-422-7451-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Avant-propos

 

 

 

Enfant timide élevé dans un milieu « comme il faut », c’est-à-dire qui respecte un certain nombre de rites sociaux établis par une « bonne société », j’ai grandi avec une vision très conventionnelle des choses de la vie.

Puis, ayant eu l’opportunité de vivre une dizaine d’années au Zaïre, un pays merveilleux, mais où les habitudes apprises n’avaient pas vraiment cours, les peaux de saucisson me sont tombées des yeux et j’ai commencé à voir les réalités de la vie telles qu’elles sont réellement. J’ai pris conscience d’un certain nombre d’absurdités et de non-sens qui gouvernaient notre manière de vivre et d’exister.

Les petits textes que je vous propose sont parfois absurdes, mais c’est la vie que j’observe d’un autre point de vue, à travers des lunettes déformantes.

Je vous demande donc de ne pas prendre mes affirmations pour de l’argent comptant, mais de lire ces textes au second degré et en souriant !

 

Jacques Deferne, 20 février 2025

 

 

 

 

 

Kasuku signifie « perroquet » en Swahili. C’était aussi le nom de celui qui m’a été offert lorsque j’ai quitté le Zaïre et qui m’a tenu compagnie pendant plus de 30 ans.

Il observait attentivement de son œil malin nos habitudes auxquelles il s’était parfaitement adapté. Il devait avoir sa petite idée sur notre mode de fonctionnement !

 

 

 

 

 

 

Existe-t-il un complot féministe ?

 

 

 

L’archevêque Grégoire de Tours (538-594) rapporte qu’en 585, au Concile de Mâcon, un évêque aurait posé la question incongrue de savoir si les femmes possédaient une âme. Les pères conciliaires ont su faire taire l’évêque qui avait posé cette question inappropriée et ils ont bien confirmé que la femme possédait une âme.

Cette anecdote a longtemps fait croire que l’Église admettait avant cette date que la femme ne possédait pas d’âme. Ceci est faux et tout le monde sait aujourd’hui qu’en plus d’une âme, la femme possède un cerveau bien organisé, une intuition redoutable et une faculté de manipuler les hommes que nous autres, êtres naïfs, commençons tout juste à entrevoir.

Cependant diverses réactions saines de la gent masculine commencent à voir le jour. C’est ainsi que les habitants mâles du petit canton d’Appenzell, en Suisse orientale, conscients d’être toujours sous la tutelle politique de leurs épouses, ont décidé courageusement de leur accorder le droit de vote. C’était couper définitivement avec la tradition séculaire de la Landsgemeinde. Cette coutume typiquement suisse est l’une des formes les plus anciennes de l’exercice de la démocratie. Une fois par an, tous les citoyens mâles étaient convoqués sur une grande place et les autorités politiques exposaient les problèmes de la communauté, puis soumettaient leurs projets au vote des citoyens. Ceux-ci votaient à main levée. De l’extérieur, les femmes vérifiaient si leur époux avait bien levé la main comme elles leur avaient dit de le faire le matin même. Le plus souvent ils obéissaient à leurs consignes afin de préserver la paix intérieure de leur ménage. Les femmes leur laissaient ainsi l’illusion de domination alors qu’en réalité, c’était elles qui décidaient de tout. En accordant le droit de vote aux femmes, ils ont enfin pu s’exprimer librement. En effet, il n’a plus été possible de trouver une place assez grande pour organiser une Landsgemeinde mixte. Le passage par le vote secret dans des isoloirs fermés aux yeux des autres leur a permis enfin de s’exprimer en toute sérénité.

Sur un autre plan, les milieux féministes ont longtemps fait courir le bruit que le fait de n’enseigner dans les écoles, le tricot, la couture et les arts ménagers qu’aux filles, était une injustice flagrante qui destinait les futures femmes aux travaux prétendus subalternes des tâches ménagères.

En réalité, c’est le pouvoir féministe occulte qui non seulement tolérait cette inégalité apparente de traitement dans les écoles, mais surtout l’avait sournoisement organisée à son profit. Combien de jeunes garçons, sensibles à cette inégalité, n’avaient-ils pas demandé qu’eux aussi puissent apprendre à tricoter, coudre ou cuisiner ! Nenni, ils étaient privés sciemment de cet enseignement dans le dessein peu avouable de les rendre plus dépendants des femmes. De plus, depuis leur plus tendre enfance, on les avait conditionnés afin qu’ils laissent leur place à une dame dans l’autobus, à leur tenir la porte, à rabaisser la lunette de la cuvette des W.-C., bref à s’effacer devant elles en toutes circonstances. À l’âge de quitter le foyer familial, les jeunes gens désemparés n’avaient alors plus d’autre possibilité que de se soumettre à la loi du mariage et épouser une jeune fille qui prenait alors le relais de leur mère.

Ces dernières, en échange d’un modeste coup de fer sur leur chemise et d’un frigo bien garni de boîtes de bière, pouvaient conclure une alliance socio-économique intéressante : captation de salaire, compagnon d’escorte, fournisseur de vacances de neige, d’escapades lointaines et, surtout, liberté individuelle pendant les heures de bureau du mari. Bref, l’esclavage était soigneusement organisé.

 

N.B. Lecteur, tout ce que vous venez de lire est entièrement faux et ne reflète qu’un délire absurde qui m’a traversé l’esprit. En réalité, nous les aimons et leur pardonnons bien volontiers de nous mener la plupart du temps par le bout du nez. Toutefois je vais vous confier un conseil qui sera ma conclusion :

 

Si vous voulez vivre heureux en leur compagnie, sachez que deux choses sont nécessaires : l’amour et l’humour. Et si vous deviez vous contenter que d’un seul de ces états, choisissez sans hésiter l’humour, car si l’humour sans l’amour est un peu triste, l’amour sans humour conduit inéluctablement à la catastrophe !

 

***

 

 

 

 

 

Mon ami Georges Clooney

 

 

 

Je suis heureux ! Enfin, j’ai été admis dans le Club NESPRESSO. J’ai été choisi et j’ai maintenant pour ami Georges Clooney parmi de nombreux autres amis, eux aussi amateurs de café et membres de ce club prestigieux.

Nous autres, membres du Club NESPRESSO, avons de nombreux privilèges : nous sommes les seuls à avoir le droit d’acquérir les petites capsules magiques qui nous permettent de préparer un petit expresso mousseux ou de grandes tasses onctueuses pour accompagner notre petit déjeuner.

Pour montrer combien le Club NESPRESSO tient à moi, les responsables m’ont offert un magnifique porte-clés qui, paraît-il, renferme une puce électronique. Les hôtesses de la boutique NESPRESSO semblent avoir une mémoire stupéfiante : elles me saluent gentiment par mon nom, me demandent si je vais bien et si j’habite toujours au 40 route d’Hermance, tout cela sous l’œil malicieux de Georges Clooney qui semble me reconnaître, lui aussi. Je me laisse alors guider à travers l’univers feutré de la boutique NESPRESSO.

Grâce au Club, je n’achète plus bêtement du café du Brésil ou du Guatemala, mais goûte aux plus grands crus qu’il a sélectionnés pour moi et que les hôtesses souriantes me proposent avec tendresse. J’apprécie alors un pur Arabica d’Amérique centrale qui se distingue des autres par une note torréfiée caramélisée ou une alliance racée d’Arabica et d’une pointe de Robusta provenant du sud de l’Inde, qui lui confère un corps intense au caractère puissant, avec des notes épicées.

Il faut dire qu’avant de me rendre à la boutique NESPRESSO, je prends soin de m’habiller correctement, de cirer mes chaussures et mettre ma plus belle cravate pour être en harmonie avec les élégants tailleurs des hôtesses et des hôtes qui nous reçoivent et montrer tout le respect que j’ai pour mon ami Georges Clooney. C’est dans un échange de sourires complices que je reçois le ticket qui me donne le privilège de faire la queue où je côtoie toute l’aristocratie des buveurs de café. J’ai alors le temps de contempler les divers accessoires qui pourront augmenter le plaisir de mes futures dégustations et mon désir irrésistible me fait choisir une série de petits bols isothermes dont la couleur extérieure est en accord avec celle de la capsule choisie.

Les hôtesses doivent avoir un faible pour moi, car, d’une voix caressante et avec un sourire irrésistible, l’une d’entre elles me propose toujours de me préparer un petit café accompagné d’un biscuit ou d’un petit chocolat. Elles paraissent tellement émues en faisant fonctionner la toute dernière machine élégante conçue pour sublimer l’arôme du liquide qu’elles me préparent que l’envie me prend d’être, moi aussi, propriétaire d’une telle machine. Je pense que je vais craquer. Vraiment chez NESPRESSO la recherche technologique ne s’arrête jamais.

Je me rends bien compte que je suis devenu un membre très privilégié du Club. Je sens que, pour une raison que j’ignore, j’ai été distingué par la Direction à travers tous les égards qu’ils ont envers moi. Je sens cette solidarité et cela me rassure. Je suis même ému à l’idée qu’à l’occasion de mon décès (le plus tard possible, je l’espère), on verra dans les journaux :

Le Club NESPRESSO a la profonde tristesse

de vous faire part du décès de :

Jacques Deferne

Membre N° 236 189

Fidèle buveur de café de notre Club durant de nombreuses années.

De mauvaises langues insinuent qu’on a droit à un avis mortuaire que si on a consommé au moins 20 000 capsules ! Comme les gens sont médisants !

 

***

 

 

 

 

 

Le dopage au travail

 

 

 

Cette troisième audience du tribunal du travail avait été rendue nécessaire par la demande de contre-expertise exigée par l’avocat de Madeleine X qui contestait les résultats de l’analyse d’urine de sa cliente. Malheureusement pour lui, la contre-expertise avait confirmé la teneur anormale en caféine des urines de la défenderesse. Les syndicats, forts de cette analyse, avaient donc demandé l’annulation de la promotion de Madeleine X en classe 9, comme l’avait proposée la chef du personnel en accord avec le directeur du Département.

Madeleine X était assidue à son travail, toujours souriante. Les nombreuses lettres qu’elle rédigeait chaque jour étaient élégantes par le style employé, jamais une faute d’orthographe ne venait ternir ses textes, et l’efficacité de tout ce qu’elle entreprenait faisait d’elle une employée modèle.

Ce sont ces qualités qui avaient poussé le chef du personnel à proposer de l’avancement à cette employée. Le seul défaut de Madeleine X était de n’avoir jamais voulu adhérer au syndicat des employés. Elle estimait qu’elle était assez grande pour défendre elle-même ses intérêts et que la valeur de son travail la protégeait.

Cette promotion avait évidemment excité la jalousie de ses collègues abonnées aux arrivées tardives, à l’absentéisme, aux papotages médisants et de celles qui ne parvenaient pas à provoquer à leur égard le harcèlement sexuel de leurs collègues mâles auquel elles auraient pu prétendre.

Elles avaient donc alerté le syndicat qui, à son tour, avait porté plainte contre Madeleine X pour dopage, l’accusant d’utiliser des substances stimulantes pour obtenir un rendement de travail supérieur à la moyenne atteinte par ses collègues. Effectivement, Madeleine X ne manquait jamais de prendre son café à chaque pause, café qu’elle agrémentait de quelques biscuits vitaminés ou parfois d’un fruit.

Le juge avait finalement conclu par un non-lieu, car aucune jurisprudence concernant le dopage dans le monde du travail n’avait pu être évoquée et il était difficile d’appliquer à cette cause les règles en vigueur dans les milieux sportifs, en particulier celles du football et du cyclisme.

Par contre, les syndicats avaient obtenu des employeurs l’instauration d’une commission paritaire, de directives, des normes et d’un règlement qui précisaient les limites du taux de caféine admissible dans l’organisme des travailleurs. Un organe de contrôle avait vu le jour qui était autorisé à prélever inopinément des échantillons d’urine des employés suspectés de zèle intempestif. Des sanctions administratives étaient prévues dans les cas de dopage avéré.

Tout le monde pouvait enfin souffler : plus question d’efficacité, de productivité, de stress au travail. On pouvait enfin continuer de ronronner et les médiocres étaient rassurés.

 

***

 

 

 

 

 

Grève générale au Vatican