Les Fêtes religieuses en Bretagne - Gaëtan de Wismes - E-Book

Les Fêtes religieuses en Bretagne E-Book

Gaëtan de Wismes

0,0

Beschreibung

Extrait : "Noël. Durant plusieurs siècles, la Nativité de N.-S. fut l'objet de représentations figurées dans les rites ecclésiastiques et de jeux dramatiques hors des églises. Cet usage était foncièrement populaire et je=je n'en veux pour preuve que le trait suivant : 'Il se passa aux Moûtiers (petite commune de la Loire-Inférieure), en 1797, un fait assez singulier."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 167

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Avant-Propos

Il y a dix ans, je donnai au Nouvelliste de l’Ouest quelques études intitulées : Les Fêtes religieuses au point de vue historique et légendaire. De cordiaux éloges me furent adressés et l’on me pressa de réunir en brochure cette suite de monographies. L’idée me plut : je fis de cette future publication une sorte d’ouvrage à tiroirs, dans lequel s’intercalèrent sans cesse des documents butinés à droite et à gauche ; chaque fois que, dans un livre, une revue, un journal, une lettre, une conversation, je rencontre un fait nouveau, je le recueille avec soin.

Personne ne s’étonnera dès lors si la brochure s’est muée en un gros livre, qui sera édité, Dieu seul sait quand ! Mais d’ici que luise ce jour faste, il m’arrive, de temps à autre, d’extraire quelques pages de mon volumineux manuscrit : c’est ainsi que j’ai le plaisir de vous présenter un petit panorama des coutumes pittoresques, des légendes charmeuses, des croyances étranges de notre province, qui se rattachent aux principales fêtes du cycle liturgique.

Loin de moi la prétention d’épuiser le sujet. Mon seul rêve est de distraire vos esprits, las des vilenies contemporaines et fatigués par le labeur quotidien, en les promenant à travers ce paradis que l’on ne quitte jamais sans l’âpre désir d’y retourner, ce paradis qui se nomme : la Bretagne traditionnelle.

Noël

Durant plusieurs siècles, la Nativité de N.-S. fut l’objet de représentations figurées dans les rites ecclésiastiques et de jeux dramatiques hors des églises. Cet usage était foncièrement populaire et je n’en veux pour preuve que le trait suivant :

« Il se passa aux Moûtiers (petite commune de la Loire-Inférieure), en 1797, un fait assez singulier. Le 13 janvier, plusieurs citoyennes de la commune demandent à l’administration cantonale l’autorisation de jouer La Pastorale de la naissance de l’Enfant Jésus, sur un théâtre qu’elles ont dressé à la Rairie, pastorale, disent les pétitionnaires, déjà jouée avec succès à la Bernerie et même à la Rairie, dans l’ignorance où elles étaient alors qu’il fallût une permission pour jouer la Naissance du Christ, suivie du Massacre des Innocents. Le Conseil, après mûre délibération, refuse l’autorisation, dans la crainte que ce spectacle ne devienne un point de réunion où la tranquillité pourrait être troublée et aussi parce que ladite Pastorale n’est pas analogue aux circonstances. Cette démarche des citoyennes des Moûtiers excita la surveillance de l’Administration, qui prit un arrêté prohibant tous les théâtres et toutes les assemblées nocturnes. En 1804, on permit de jouer la Pastorale ».

À Nantes, ainsi que l’atteste la note ci-dessous, l’on était moins peureux qu’aux Moutiers : « 26 nivôse an IX (16 janvier 1801). – Pastorale sur la naissance de Jésus-Christ. Depuis quelque temps cette pièce est jouée partout ».

L’exécution des pastorales dans les églises n’est plus dans nos mœurs et je doute que cette coutume ressuscite. Mais le spectacle de la Nativité est d’un charme si captivant que nos compatriotes n’ont jamais cessé de le chérir et de le demander ; la plupart de nos villes bretonnes ont la joie de l’applaudir dans les salles des cercles et des pensionnats. Vous me permettrez bien de signaler, ne fût-ce que pour l’avenir, La Nativité, de M. l’abbé Jouin, le distingué curé de Paris, princièrement montée à Nantes par M. l’abbé Lequeux, le zélé vicaire de Saint-Similien : pendant une quinzaine de représentations, en 1899, 1900 et 1901, cet émouvant spectacle n’a cessé d’attirer des auditoires très nombreux dans la vaste salle de l’Externat des Enfants-Nantais.

La représentation figurée de Noël existe sous une autre forme, plus à la mode que jamais, celle des crèches. M. Max Radiguet, en son charmant ouvrage : À travers la Bretagne, raconte que, durant la semaine de la Nativité, une mise en scène qui, malgré sa monotonie, jouit de la faveur populaire, se produit dans plusieurs églises du Finistère : sur une estrade élevée, une grotte construite en guirlandes de lierre et constellée de clinquant figure une étable avec tous les personnages voulus, entre autres le nègre Melchior vêtu de satin blanc et, rangés le long des parois, des bergers et des bergères portant les divers costumes bretons en usage les jours de gala et tenant en main une houlette enrubannée ou des paniers remplis de denrées. Une barrière en avant de l’estrade contient la foule empressée. Toutes les classes sociales se coudoient à ce pieux pèlerinage, que l’on ne saurait terminer sans déposer une offrande sur le plateau pour les pauvres et sans embrasser une image peinte du Divin Sauveur, que les baisers de la multitude ont décolorée.

Notre cité nantaise a conservé l’aimable usage d’ériger dans ses innombrables sanctuaires des crèches pittoresques devant lesquelles c’est un défilé continu de bébés, ravis de contempler leur Divin Modèle, de parents joyeux de la joie de leurs enfants, de vieillards et de misérables qui viennent puiser là une leçon utile de résignation. Il n’y a pas encore bien longtemps, nos compatriotes admiraient à juste titre la crèche monumentale qui occupait l’intégralité d’une des chapelles absidiales de la basilique Saint-Nicolas, et dont l’agencement ingénieux, la multiplicité et la richesse des personnages et des accessoires faisaient une merveille ; on accourait également des quatre coins de la ville pour rendre visite à la crèche de l’établissement de Saint-Joseph, rue des Orphelins : sur une longueur d’une dizaine de mètres, s’étendait un paysage délicieux : rivière encaissée, pont rustique, collines, prairies, bosquets, et c’était une théorie complète de bergers, de paysans, de chiens, de moutons, de mages, d’éléphants, de chameaux se dirigeant vers l’endroit où l’Enfant Jésus reposait, éclairé par mille lumières discrètes, sous la garde de Marie et de Joseph, et chanté par les anges.

Depuis quelques années, la coutume est venue de placer au premier rang des crèches de nos églises un tronc surmonté d’un nègre agenouillé, vêtu d’une robe éclatante : lorsqu’une menotte ingénue laisse tomber son obole dans le tronc, le personnage exotique baisse la tête en signe de gratitude. N’est-ce point le cas de rééditer le mot fameux : « C’est vous qui êtes le nègre, continuez », puisque nos chers babys apprennent en s’amusant le devoir si doux de l’aumône.

Noël est, par excellence, la fête gaie et populaire, l’époque des réunions de famille, la date des réconciliations. « Si la joie est le caractère de toute la liturgie catholique, dit excellemment Léon Gautier, elle n’éclate nulle part aussi fraîchement que dans cette fête de la Nativité de Notre-Seigneur. Noël et joie sont deux mots synonymes. La joie pascale est immense sans doute ; elle est peut-être plus vive que la joie de Noël ; mais elle est moins fraîche ». Et, à son tour, le vicomte Walsh chante cette joie en termes lyriques : « Sous le plus misérable toit, il y a eu du bonheur quand les cloches ont annoncé que le Divin Enfant nous est né. Dans cette fête, que l’on pourrait nommer la fête des mères, des enfants et des pauvres, que d’encouragements pour tous, mais spécialement que de consolations pour ceux que le monde ne compte pas parmi ses favoris ! ».

Ce noble sentiment de l’amour des déshérités en ce jour de la Naissance du Sauveur dominait l’âme d’une de nos plus glorieuses compatriotes, la Bienheureuse Françoise d’Amboise, duchesse de Bretagne. « Pendant son séjour dans le monde, dit un vieil auteur, elle souloit (avait coutume) tous les ans habiller tout de neuf un pauvre petit enfant à la feste de Noël en l’honneur de Notre Seigneur Jésus Christ, et disoit avec une ioye spirituelle : Ce petit innocent nous représentera l’enfant Jésus cette année ».

J’aurai fréquemment l’occasion, au cours de cette monographie, de signaler des redevances féodales, car leur échéance venait d’ordinaire aux jours des fêtes religieuses, et elles offrent un côté pittoresque, instructif et amusant, qui n’est pas à négliger dans un tableau de la vie d’autrefois.

Que faut-il penser des redevances féodales ? Des historiens, dédaigneux des sources originales ou amoureux des procès de tendance, ont peint cet usage comme un ensemble odieux de mesures tyranniques qui violaient la liberté, escroquaient les biens et blessaient l’honneur des serfs de la glèbe.

De nos jours, si l’on ne veut passer pour un ignorant ou un écrivain de mauvaise foi, il est nécessaire d’abandonner un jugement aussi ridicule.

Pour nous en tenir aux redevances féodales qui seront énumérées ici, nous constaterons plusieurs caractères qui ne sont pas précisément en leur défaveur.

La dépense représentée par elles était presque nulle : c’étaient des fleurs, du pain, du vin, des gâteaux, du gibier, des volailles, des gants, des cierges, une bûche à Noël, des œufs à Pâques, de la verdure au 1er Mai, quelques fagots à la Saint-Jean.

En beaucoup d’occasions, les redevances féodales formaient des spectacles divertissants, peu pénibles pour les débiteurs et procurant un plaisir honnête à des populations entières : tels étaient les devoirs de chansons, de danses, de musique ; tels encore les jeux de soule et de quintaine – souvent à la charge des seigneurs – auxquels prenaient part tous les jeunes gens ; la plantation du mai, l’embrasement du feu de la Saint-Jean étaient salués par des cris joyeux ; pour le saut des poissonniers dans la rivière, le duel aquatique de l’oie et du chat, le cortège bruyant des ânes du sire de Retz, on devine les accès d’hilarité qu’ils provoquaient dans la foule.

Gaies et nombreuses à Noël, à Pâques, à la Pentecôte, à la Fête-Dieu, à la Saint-Jean, les redevances sont presque à l’état de mythe aux époques mélancoliques du Carême et de la Toussaint. À ce premier caractère religieux, on doit en ajouter un autre : pour s’acquitter des redevances, on se voyait contraint de se reposer les jours de fêtes, et c’était là grand profit pour la santé de l’âme et du corps.

Quant à certaines redevances vexatoires, qui furent une très rare exception, la probité commande de remarquer que l’on pouvait s’en exonérer moyennant une faible somme d’argent.

En résumé, les redevances féodales – dont plusieurs, sans que personne récrimine, se sont perpétuées de nos jours sous des formes variées : bois, volaille, beurre, sable, charrois, etc., etc. – étaient une charge infime pour le débiteur et fournissaient souvent à la population une aimable occasion de se divertir. Je suis convaincu que nos pauvres cultivateurs, accablés sous le fardeau toujours plus écrasant des impôts, seraient aises de revenir aux errements de jadis.

Ma probité coutumière me fait une étroite obligation de déclarer qu’une très notable partie des redevances signalées au cours de ce travail sont empruntées à l’étude-magistrale de M. le chanoine Guillotin de Corson, étude justement honorée d’une médaille de vermeil par la « Société académique du Maine » et publiée dans la Revue de Bretagne, de Vendée et d’Anjou (déc 1900 ; janvier, mars, avril, mai et octobre 1901), sous ce titre : Usages et droits féodaux en Bretagne.

Le jour de Noël, le seigneur de Coislin (Loire-Inférieure) recevait de ses tenanciers du Clos-Landreau deux giroflées accompagnées d’une bécasse, deux chapons et deux robes, l’une blanche, l’autre rouge.

Il était dû, à Noël au seigneur de la Ballue en Bazouges (Ille-et-Vilaine) un « chapeau de roses ou cinq deniers », somme plus facile à trouver que les roses en hiver, et une caille vive.

Le vicomte d’Artois en Mordelles (Ille-et-Vilaine) avait droit à « deux sonnettes d’argent pour tiercelet, une paire de gants blancs et une bécasse après la messe de minuit de la fête de Noël ».

Certains tenanciers de Talentsac (Ille-et-Vilaine) devaient au seigneur du Bois-de-Bintin, le jour de Noël, un chapon présente au cri de : Vive l’amour !

La nuit de Noël, en l’église de Dourdain (Ille-et-Vilaine) le seigneur de la Normandaye recevait à son banc et dans sa chapelle prohibitive « un chapon bien cuit et lardé, un pot-de-vin d’Anjou et un pain blanc d’un sol » le tout à l’issue de la messe de minuit (Aveu de la seigneurie de la Normandaye en 1680).

À Châteaugiron (Ille-et-Vilaine), le prieur de Sainte-Croix était tenu de présenter au baron du lieu et en son château, à chacune des quatre fêtes de Noël, Pâques, la Pentecôte et la Toussaint, « deux pots de vin d’Anjou, bon et suffisant, quatre pots de vin breton et quatre pains de froment appelés échaudés, valant chaque pain un denier ».

Le jour de Noël, le prieur de Donges (Loire-Inférieure) offrait au vicomte du lieu « entre la messe du matin et celle du jour, quatre pains paillés du prix de deux deniers chacun, et un demeau de vin contenant quatre quartes, le tout présenté sur le pont de Donges ».

Le devoir du prieuré de la Trinité de Combour (Ille-et-Vilaine) envers son seigneur était assez onéreux : il consistait en « trois barriques de vin breton et trois de vin d’Anjou » dues chaque année à trois termes, plus « neuf chouesmes (pains blancs de première qualité) et neuf miches feuilletées en pain de froment, payables aux jours de Saint-Martin, Noël et Pasques » (Aveu de la seigneurie de Combour en 1581).

C’était sans doute en expiation de quelque méfait et en souvenir des craintes excitées dans le cœur d’un vassal coupable par l’attente d’un châtiment rigoureux, que le possesseur d’une terre noble appelée le Pin-Sauvage, en la paroisse de Cugand, devait fournir au baron de Clisson (Loire-Inférieure) une rente de « quatre poires d’angoisse » au terme de Noël.

Le prieur de Combour (Ille-et-Vilaine) offrait au seigneur de la Chalopinaye, à cause d’une prairie que celui-ci lui avait donnée, « à l’issue de la messe de minuit de Noël, deux boudins empannés et encornaillés des deux bouts et cirés de cire verte ».

Le seigneur de Goulaine (Loire-Inférieure) recevait, à Noël, de l’un de ses tenanciers, un gâteau d’un boisseau de froment.

Un tenancier du seigneur de Chevaigné lui offrait une paire de gants blancs, chaque année, à l’issue de la messe de minuit célébrée à Chevaigné (Ille-et-Vilaine).

À Coëtmieux, enclave de Dol, au diocèse de Saint-Brieuc, la fabrique devait fournir une poule blanche pendant la nuit de Noël aux seigneurs du Tronchais en Morieuc. À l’issue de la messe de minuit, le trésorier de la fabrique criait par trois fois : « Y a-t-il quelqu’un de la part du seigneur propriétaire du Tronchais pour prendre la poule blanche ? » Si personne ne se présentait, le seigneur n’avait pas le droit, plus tard, de réclamer la poule.

La même cérémonie avait lieu à Goudelin, au bénéfice des sires de Coëtmen ; les du Breil de Rays exerçaient ce droit au XVIIIe siècle, ayant acquis Goudelin : à cette époque le comte de Rays faisait constater que dans la nuit de Noël on lui devait un coq blanc posé sur la balustrade qui séparait le chœur de l’église de sa chapelle privative.

À l’issue de la messe de minuit, il devait être présenté au seigneur de Landal, en La Boussac (Ille-et-Vilaine) « un renard à queue blanche, deux canards sauvages vivants et deux torches pour le reconduire à son logis après qu’il aura reçu les deux canards ».

Au seigneur de Texue, en Gevezé (Ille-et-Vilaine), un vassal fournissait « deux cierges de cire blanche à la messe de minuit à Noël ». (Aveu de la seigneurie de Texue en 1555).

Le tison de Noël était l’objet d’un droit féodal : tantôt, comme dans la forêt de Teillay, il était dû à quelque monastère : « les forestiers du baron de Châteaubriant sont tenus de poser chaque année le tison de Noël en la cheminée de la cuisine du prieuré Saint-Malo de Teillay » (Ille-et-Vilaine.) (Aveu de la seigneurie de Teillay eu 1595) ; – tantôt certains tenanciers devaient l’apporter chez le seigneur : « la veille de Noël les hommes de Bouguenais sont tenus de fournir une charrette attelée de quatre bœufs et un homme pour la conduire, et de charroyer au manoir de Bougon (Loire-Inférieure) une pièce de bois pour servir de feu et tison de Noël » (Aveu de la seigneurie de Bougon en 1580) ; – tantôt, enfin, certain cérémonial était de rigueur : « chez le seigneur de la Maillardière, en Vertou (Loire-Inférieure), quelques vassaux apportent chaque année le tison et le posent dans la cheminée de la salle du manoir, en criant par trois fois : Noël ! Noël ! Noël ! pour Monsieur de la Maillardière ! »

« Doit le prévost d’Antrain (Ille-et-Vilaine) comparoir à la principale porte du cimetière de l’église parrochiale du dit Antrain, chaque feste de Noël, à l’issue de la messe du point du jour et y jeter une soule ou boise de la part du seigneur du Pontavice, laquelle soule sera courue par les dits paroissiens d’Antrain non nobles, et celui qui la rapportera sera quitte l’année suivante du devoir de quintaine, en la rapportant au dit seigneur ou à son procureur. » (Aveu de la seigneurie du Pontavice en 1685.)

Les croyances bretonnes ayant cours à l’époque de Noël sont nombreuses et remplies de saveur étrange.

On prétend dans notre province que, au moment de l’élévation de la messe de minuit, lorsque le prêtre montre aux fidèles l’hostie consacrée, l’eau des puits et des fontaines se change en vin.

Une superstition fort répandue veut que les animaux parlent pendant la nuit de la Nativité : le bœuf a la réputation de prédire l’avenir et de combler les lacunes des Livres Saints touchant la venue au monde du Rédempteur ; l’agneau pense à saint Jean et raconte ses jeux avec le Divin Enfant ; le coq, quand il sonne de son clairon matinal, redit la trahison de saint Pierre ; l’âne parle longtemps car il fait le récit de la fuite en Égypte : il a entendu les conversations de Joseph, de Marie et de Jésus, ils avaient soif en traversant les grands déserts, une caravane rencontrée par eux leur refusa de l’eau, Jésus maudit ces gens cruels et depuis ces maudits parcourent le monde, sans patrie, sans asile.

Cette tradition se retrouve en Bretagne où il est généralement reçu que les bœufs ont le don de la parole dans la nuit de Noël, à l’heure fatidique de minuit ; aussi chaque paysan a bien soin de faire manger ses animaux en sa présence, afin, dit-il, qu’ils dorment tranquillement, car ce que les bœufs disent alors n’est jamais bien bon à entendre : tantôt ils se plaignent des mauvais traitements endurés dans l’année écoulée, tantôt ils annoncent les évènements fâcheux qui s’accompliront au cours de celle qui commence.

En beaucoup de contrées la nuit de Noël passe pour procurer un peu de répit aux trépassés. On affirme en Bretagne que pendant la messe de minuit les flammes du purgatoire s’éteignent et que les pauvres âmes éprouvent quelque soulagement.

On disait aussi que pendant cette nuit sainte les angoisseux du purgatoire venaient demander des prières. Une légende dramatique est basée sur cette croyance.

Dans le temps de jadis, par une belle nuit de Noël, le vieux recteur de Ploërnel, assis devant son feu, murmurait des prières en attendant l’heure de l’office.

Soudain un bruit sec, comme il n’en avait jamais ouï, retentit à la porte du presbytère ; le prêtre court ouvrir, et grande est sa surprise quand, à la clarté de la lune, il aperçoit une longue procession s’avançant autour de son logis. Des suaires blancs cachent de la tête aux pieds ces étranges pénitents ; tous portent une torche allumée.

À cette vue le recteur tremble, un cri s’échappe de sa poitrine, il s’arme du signe de la croix ; au même instant tous les fantômes l’imitent pieusement, mais, en se signant, aucun d’eux ne montre ni mains, ni corps, ni visage.

– Que me demandez-vous ? balbutie le prêtre, à demi mort d’effroi ; pourquoi venez-vous frapper à ma porte à cette heure de la nuit et tourner autour du presbytère ?

Tous ces êtres mystérieux s’inclinent ensemble ; d’un geste ils ordonnent au pasteur de les suivre ; celui-ci obéit.

Le funèbre cortège se met en route ; un bruit lugubre, semblable au craquement d’os entrechoqués, retentit tout le long de la bande. Le recteur un peu enhardi se risque à regarder : ils sont plus de dix mille ; au premier rang sont les enfants précédés d’une croix de bois ; puis vient une double file de pénitents avec des cierges jaunes et rouges.

Après avoir marché longtemps, sombre et muette, la procession s’arrête dans une vieille chapelle en ruines. Alors au craquement lugubre des ossements succède un silence profond. Chacun fléchit le genou.

L’un des assistants monte les marches branlantes de l’autel et présente au vieux prêtre les vêtements sacerdotaux ; celui-ci les revêt et s’avance vers l’autel sur lequel il trouve un antique missel à moitié rongé par le temps, une patène et un calice en plomb.