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Si pour recevoir le message évangélique du salut, adressé à tous les peuples, il n'est pas nécessaire d'avoir étudié le milieu social, culturel et religieux dans lequel Jésus a grandi et vécu, cette connaissance est par contre indispensable pour bien comprendre nombre de passages du Nouveau Testament. Le dix-neuvième siècle, qui fut celui de la critique biblique, a pour cette raison vu se multiplier les ouvrages cherchant à dépeindre ce panorama historique où le Christianisme a pris naissance. Parmi eux, un livre d'Edmond Stapfer (1844-1908), La Palestine au temps de Jésus-Christ, a connu un certain succès, signalé par de nombreuses rééditions, et en vérité justifié par sa lecture instructive et agréable. Ce volume était en fait la suite d'un premier, que ThéoTeX réédite ici : Les idées religieuses en Palestine à l'époque de Jésus-Christ. Puisant ses sources principalement dans le Talmud et dans Flavius Josèphe, il permet de se faire une idée assez précise de ce qu'était devenu le judaïsme après le retour de l'exil, et ainsi de mieux comprendre les rapports que Jésus-Christ a pu soutenir avec les Pharisiens et les Saducéens.
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Seitenzahl: 241
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322484300
Auteur Edmond Stapfer. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.ThéoTEX
site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]Le problème des origines du Christianisme est, sans contredit, le plus important que se soit posé la science historique au xixe siècle. L'influence prépondérante que la religion chrétienne a exercée dans le monde, les erreurs que le fanatisme et le parti pris ont répandues au nom de cette religion, tout, jusqu'à l'extrême difficulté du sujet, attire l'historien et excite son intérêt. Il est remarquable que nous ayons si peu de données pour la solution de ce problème. Jésus a vécu à un moment de l'histoire qui nous est parfaitement connu ; mais son peuple comptait pour fort peu dans l'empire romain, et lui-même a passé d'abord bien inaperçu. Aussi rien n'est-il obscur et compliqué comme les origines de la religion dont il a été le fondateur.
Le problème de ces origines serait-il insoluble ? Nous ne le pensons pas. Il faudrait pour cela que les données en fussent insuffisantes, ce qui n'est pas encore démontré ; quelques-unes d'entre elles ont été jusqu'ici peu étudiées. Dans les pages qui suivent, nous essayons de mettre en lumière une des données du problème des origines du Christianisme : Les Idées religieuses en Palestine au premier siècle.
Il faut reconnaître (et c'est là un des résultats de la science critique contemporaine) diverses couches successives dans le Christianisme primitif et aller chercher par-delà la théologie de saint Paul et de saint Jean, le Christianisme des premiers jours, c'est-à-dire la pensée même de Jésus ; et cette pensée elle-même ne sera pleinement connue et comprise que lorsqu'elle aura été dégagée du Judaïsme où elle a pris naissance. Avant Jésus-Christ, qu'y avait-il ? Le Judaïsme, l'antique religion de Moïse, restaurée par Esdras, transformée par la Synagogue, et plus ou moins modifiée par l'Hellénisme ; il y avait les écoles de Jérusalem, les principes formulés par Hillel et prêchés par Gamaliel, tout cet ensemble d'idées qui a donné naissance à la Mischna et qu'il faut connaître quand on veut parler du Christianisme primitif.
[Il est impossible de rien comprendre à la vie de Jésus, si l'on ne connaît pas les mœurs de son époque et l'état social de son peuple. » Delitzsch, Handwerkerleben zur Zeit Jesu, page 6.]
On le voit, ce n'est ni le tronc, ni même les racines de cet arbre gigantesque et magnifique, qui s'appelle le Christianisme, que nous voulons chercher à connaître : nous allons plus loin encore ; nous étudions le terrain qui l'a d'abord porté, et la nature du sol où ses racines ont puisé leur première nourriture.
A ne considérer que le Judaïsme, l'étude de cette époque offrirait encore un puissant intérêt. Quand le Christianisme n'y aurait pas pris naissance, elle n'en serait pas moins une des plus curieuses de l'histoire des Juifs. Le Judaïsme proprement dit date, on le sait, de la réforme d'Esdras et de Néhémie. Avant l'exil, le Mosaïsme, le culte de Jahveh n'avait pas été pratiqué par la nation même ; il était resté le partage d'un petit nombre d'hommes d'élite.
[On sait que la critique des plus anciens documents du Mosaïsme n'est pas terminée. On ne peut dire encore avec certitude quelles parties du Pentateuque remontent jusqu'à Moïse et à quelle époque le Recueil a pris la forme sous laquelle nous le possédons aujourd'hui.]
Leurs croyances peuvent se résumer en quelques mots : — Le peuple Hébreu a été mis à part par un Dieu unique, Jahveh ; il doit être un peuple de saints, de prêtres ; Jahveh a fait alliance avec lui, et des engagements ont été pris de part et d'autre ; Dieu n'a pas rompu le contrat, malgré les nombreuses infidélités de son peuple. Après la mort, l'hébreu va au Scheol, séjour silencieux, où l'on n'éprouve ni peine, ni plaisir. Du reste, ce n'est pas à l'avenir de l'homme après la mort qu'il faut regarder, c'est à l'avenir du peuple sur la terre. — Cette foi antique, transportée sur les bords de l'Euphrate, y fut conservée comme un dépôt sacré par un petit nombre de croyants qui préparèrent une Restauration.
Au retour de l'exil, cette Réforme a lieu et le peuple tout entier l'accepte. Le Juif, d'après l'exil, diffère totalement de l'ancien hébreu. Plus de guerres civiles, de tribus rivales, d'idolâtrie, ni d'impiété ; le monothéisme triomphe ; le particularisme juif naît, grandit ; les mariages mixtes sont abolis ; des lois civiles sévères achèvent l'œuvre de Moïse et des prophètes ; le culte devient de plus en plus pompeux. Le peuple nouveau qui se forma alors porte plus spécialement le nom de Juif, parce qu'il était presque entièrement formé des débris de l'ancien royaume de Judaa.
A ce profond attachement aux traditions nationales se joignit une grande puissance de réflexion et d'analyse. Une véritable théologie fut crééeb ; les partis religieux, le Pharisaïsme, par exemple, et le Saducéisme prirent naissance, la Synagogue fut fondée.
C'est précisément au commencement du premier siècle que cette théologie et ces partis religieux atteignirent le plus haut point de leur développement. Le temple de Jérusalem qui venait d'être rebâti, et auquel on travaillait encore pendant la vie du Christ, rendait de son côté aux pratiques de la religion de Moïse une vitalité nouvelle. Ici ce sont les prêtres et les grands, là les scribes et les « Docteurs de la loi, » partout le mouvement et la vie. C'est ainsi qu'immédiatement avant la destruction de Jérusalem, le Judaïsme était arrivé à sa maturité ; son œuvre s'achevait. Les dernières conséquences des principes posés autrefois par l'antique Hébraïsme étaient tirées et les divers partis alors existant les mettaient en pratique chacun à leur manière.
Nous ne parlons que de la Palestine. Au premier siècle, les Juifs avaient dans le monde trois grands centres religieux : Babylone, où il en était resté un grand nombre, la Palestine dont nous nous occupons ici, et Alexandrie, où il y en avait certainement plus de cent mille. Ils remplissaient deux des cinq quartiers de cette ville, la plus grande du monde après Rome. Là ils avaient pris un développement distinct de celui de leurs compatriotes sous l'influence des idées grecques, qu'ils avaient non seulement subies, mais adoptées. Le canon de leur Bible différait du canon usité en Palestine, et ils se passaient fort bien du temple de Jérusalem. Nous ne parlerons pas de ces Juifs alexandrins. Si Philon a une part capitale à revendiquer dans l'histoire des origines du christianisme, ses idées n'exercèrent aucune influence sur l'Évangile des premiers temps et en particulier sur les hommes qui entouraient Jésus. A l'heure où il écrivait ses principaux traités et développait ses doctrines sur Dieu, le Verbe, et les êtres intermédiaires, la Palestine n'avait peut-être fait aucun emprunt à l'Egypte. Il est certain que l'école d'Alexandrie était schismatique. Le Talmud lui-même ne la nomme pas une seule fois ; et si Philon était venu à Jérusalem, il y aurait été probablement fort mal vu par Gamaliel. Les Alexandrins qui s'y étaient établis ne se voyaient qu'entre eux ; ils avaient leur synagogue et ne frayaient pas avec la masse de la nation (Actes.6.9)c.
Est-ce à dire que l'Hellénisme n'ait exercé aucune influence sur le Judaïsme de la Palestine ? Nullement. Le despotisme d'Antiochus Épiphane avait imposé les idées grecques et il avait bien fallu les subir. Elles étaient éminemment envahissantes. Le livre d'Énoch, qui a été écrit par un juif orthodoxe pour protester contre l'introduction des idées grecques en Palestine, est lui-même tout imprégné de ces idéesd. Il y avait même un parti grec à Jérusalem, mais il était détesté (1Macch.1.11-52 ; 2Macch.4.10-16)) : l'affreux souvenir du règne d'Antiochus Épiphane était encore trop vivant dans les cœurs. Un Grec ou un ami des Grecs était un impur et un traître.
L'étude de la langue grecque était interdite. « Celui qui enseigne le grec à ses fils est maudit, dit le Talmud, à l'égal de celui qui élève des porcs. » Gamaliel connaissait la littérature grecque dit la Mischna ; et la Guemara croit devoir l'en excuser ; « c'est, dit-elle, qu'il avait des relations obligées avec la famille des Hérodes. » Josèphe dit, du reste, qu'on étudiait peu les langues en Palestine. Les systèmes philosophiques de la Grèce avaient fait leur apparition en Judée deux cents ans avant Jésus-Christ, mais les écoles de Jérusalem y étaient restées très opposées. C'est des profondeurs de l'Ancien Testament que les Docteurs de la Loi prétendaient tirer toute leur théologie. Ils n'y réussissaient pas entièrement, mais pour eux, la Thorah renfermait toute la science et elle seule jouissait d'une autorité incontestée. Cette idée était bien contraire aux tendances rationalistes de l'esprit grec.
Avec les Juifs de Babylone, il en était autrement. Leurs rapports avec leurs compatriotes de Jérusalem étaient fréquents. Hillel, qui demeurait à Babylone, fut appelé en Palestine quarante ans avant Jésus-Christ pour décider une question relative à la Pâque. Que nom lui donner lorsqu'elle tombait sur un jour de sabbat ? Aussi aurons-nous souvent à consulter la Guemara de Babylone. Mais ce Talmud sera la seule de nos sources qui ne soit pas d'origine palestinienne.
Le livre dont nous publions aujourd'hui la seconde édition est le premier volume d'un ouvrage en préparation sur les origines palestiniennes du christianisme. Il traite des idées religieuses au sein desquelles Jésus a grandi et vécu. Le volume suivant traitera des pratiques religieuses et de l'état social des contemporains du Christ. Il contiendra une description des lieux habités par Jésus : Nazareth, Capernaüm, le lac de Tibériade et la Galilée d'une part, Jérusalem et la Judée de l'autre. Il y sera aussi parlé de la vie de famille chez les Juifs du premier siècle, des mœurs des riches et de celles des pauvres ; de la ville et de la campagne. Une série de chapitres sera consacrée au temple et à ses cérémonies, à la synagogue et à ses coutumes. Le sanhédrin, les autorités civiles, militaires, ecclésiastiques, la situation politique du' pays feront aussi l'objet d'études spéciales.
Enfin nous aborderons l'enseignement de Jésus lui-même. Nous chercherons, en rattachant cet enseignement au milieu où il a été conçu et donné, à en saisir la vraie grandeur et la divine originalité. Nous espérons montrer qu'il y eut avant tout, dans le mouvement religieux préparé par Jean-Baptiste et inauguré par Jésus-Christ, une réaction spiritualiste et universaliste contre le formalisme et le particularisme juif du premier siècle.
C'est ainsi, croyons-nous, que commença la plus grande révolution religieuse de l'histoire des hommes, celle qui a fait succéder à la plus belle des religions nationales, le judaïsme, la religion universelle par excellence, la religion définitive de l'humanité, le christianisme.
Ce caractère spiritualiste et universaliste de l'enseignement de Jésus (et que saint Paul accentuera encore) se reconnaît dans son idée de Dieu (le Père céleste), dans son idée de l'homme (le salut fondé sur le repentir et sur la foi et non sur les œuvres), enfin dans ses idées sur lui-même et sur la rédemption universelle qu'il apporte. Nous le retrouverons enfin dans le rôle qu'il s'attribue, où il se donne successivement pour le Messie de son peuple et le Sauveur du monde, et finit par prendre la place de Dieu lui-même.
Jésus a certainement pensé, sur bien des questions, ce que pensaient ses contemporains ; mais sur ces trois points principaux : Dieu, l'homme et lui-même, nous croyons qu'il a apporté au monde des notions entièrement nouvelles, celles qui ont fait l'universalité du christianisme et qui constituent son éternelle vérité.
Le livre que nous publions aujourd'hui servira donc d'introduction à celui que nous, préparons. C'est une page de l'histoire juive au premier siècle que nous reproduisons. Nous cherchons à caractériser le mouvement d'idées au sein duquel s'est formée une partie de la dogmatique chrétienne et, par conséquent, les influences qui ont pu agir sur ses premiers développements.
Un certain nombre d'inexactitudes de détail, presque inévitables dans la première édition d'un travail de ce genre, ont été corrigées dans celle-ci. Nous avons aussi modifié nos vues sur deux questions : la date de la rédaction des Targoums et l'influence que les idées grecques, et en particulier la théosophie alexandrine, ont pu exercer sur les juifs de Palestine. Nous croyons fondée la critique qui nous a été faite sur ces deux questions par M. Henry Soulier, dans la Revue de théologie et de philosophie, de Lausanne (no de juillet 1877).
L'apparition du Christianisme est étroitement liée à un mouvement à la fois religieux et philosophique qui se manifesta au sein des sociétés antiques pendant les derniers siècles qui ont précédé notre ère. Un intérêt capital s'attache à l'étude des ouvrages composés alors. En les lisant, on apprend à connaître l'extraordinaire fermentation des esprits à cette époque ; toutes les questions y sont posées et leur solution au sens chrétien est peu à peu préparée, développée, amenée à terme. La période dont nous parlons s'étend de la mort d'Alexandre le Grand à la fin de l'âge apostolique. En Palestine, ce mouvement provoqua la rédaction d'un certain nombre d'écrits d'un caractère à la fois religieux et théologique. Quelques-uns de ces livres ont été conservés et forment la collection des sources que nous avons à consulter. On peut les partager en six groupes :
1oLes livres deutéro-canoniques de l'Ancien Testament.
Nous serons bref sur des questions qui ont déjà été traitées avant nous. Bornons-nous à rappeler les titres de quelques-uns de ces ouvrages et leur place dans l'histoire du Judaïsme. La sagesse de Jésus, fils de Sirach, appelée aussi l'Ecclésiastique, parce qu'on la lisait dans les églises, a été écrite en hébreu vers l'an 180 avant Jésus-Christ. L'auteur était de Jérusalem, et son petit-fils traduisit son livre en grec, une cinquantaine d'années plus tard. Des causes, restées inconnues, ont empêché que l'Ecclésiastique fit partie de l'Ancien Testament hébreu. Ce livre est intéressant, parce qu'il témoigne de la transformation qui s'opérait alors dans les idées religieuses. L'auteur, qui imite la manière du livre des Proverbes, nous offre un mélange bizarre d'idées nouvelles et d'idées anciennes ; tantôt il nous présente la vieille doctrine hébraïque : « Fais le bien et tu prospéreras ; » ou : « Le spectacle d'un ennemi mort est une source de joie ; » « Si l'homme honore ses parents, il vivra longtemps ; » tantôt il expose les idées philosophiques et humanitaires de son temps : il défend la notion de la Providence ; il évite les expressions qui supposent à Dieu des passions humaines. Le passage capital de son livre est celui où il parle de la Sagesse. Nous y surprenons le développement de cette curieuse doctrine qui deviendra, au premier siècle, l'idée du Verbe et préparera la formation du dogme de la Trinité.
Nommons encore le premier livre des Macchabées, qui fut aussi écrit en hébreu à la fin du second siècle avant Jésus-Christ. Il atteste en maint passage l'influence de l'hellénisme en Palestine.
Il en est de même du livre de Tobie, sorte de fiction poétique semblable à celle du livre de Job. Cet ouvrage, composé à une époque inconnue, nous donne d'importants détails sur la doctrine des démons
Nous ne parlons pas du second livre des Macchabées qui fut écrit en grec et offre un caractère exclusivement alexandrin. Il en est de même de la Sapience de Salomon. Pour nos citations des livres deutéro-canoniques palestiniens, nous nous sommes servi du texte du Vatican : Vetus Testamentum græcum juxta septuaginta interpretes… juxta exemplar originale Vaticanum Romæ editum, 1587 ; Lipsiæ Tauchnitz, 1835.
2oLes apocalypses et les pseudépigraphes contemporains de l'ère chrétienne.
Nous nous étendrons davantage sur la série d'écrits, pour la plupart apocalyptiques, qui forme le second groupe de nos documents. On les appelle pseudépigraphes, parce qu'ils sont tous d'auteurs supposés. L'époque de l'ère chrétienne a vu se produire une grande quantité d'écrits de ce genre. L'auteur d'un pseudépigraphe, au lieu d'écrire en son propre nom, choisissait un des grands hommes d'autrefois et composait son ouvrage sous le nom de ce personnage vénéré. L'écrivain supposé étant mort depuis plusieurs centaines d'années, son prétendu livre, qui rapportait des faits contemporains, devenait nécessairement un recueil de prophéties et de révélations (Apocalypses). On composait des Psaumes de Salomon sur la venue du Messie ; on écrivait un discours d'Énoch sur la fin du monde, comme nos écoliers composent une pièce de vers de Virgile ou écrivent un discours de Cicéron. Le terme de faussaire appliqué à ceux qui fabriquaient ces prophéties serait tout à fait impropre. Le faux en littérature était inconnu alors, et de tels ouvrages n'étaient que des compositions religieuses et des exercices de piété.
De tous ces livres, le plus important pour nous, porte le nom d'Énoch. A première lecture, on voit qu'il n'est pas tout entier du même auteur, mais qu'il est composé de morceaux détachés.
[Il fut découvert en 1773 par un savant anglais, Bruce, qui en rapporta d'Abyssinie deux manuscrits éthiopiens. Diverses éditions de cet écrit furent publiées en Angleterre et en Allemagne. Sylvestre de Sacy, en 1800, a publié quelques fragments du premier texte éthiopien. Laurence, en Angleterre, a fait paraître le livre dans son entier en 1821. Hoffmann (1833) a traduit en allemand ce texte anglais. Gfrœrer (1840) l'a traduit en latin. Enfin Dillmann (1851) a donné du livre d'Énoch une édition critique faite sur cinq manuscrits éthiopiens. Deux ans après il l'a traduit en allemand. C'est cette traduction que nous avons consultée : Dillman, Das Buch Henoch, Leipzig, 1853.]
Ces différentes parties ont été, croyons-nous, composées à la même époque. Elles dépendent les unes des autres et chaque développement a été, pour ainsi dire, le texte du développement qui lui fait suite. Une même tendance dogmatique règne du commencement à la fin, celle d'un Judaïsme strictement orthodoxe. La forme apocalyptique, l'état d'exaltation dans lequel semblent vivre sans cesse les auteurs, les allusions fréquentes aux Macchabées et à leurs luttes, la haine de l'hellénisme, tout indique, dans cet ouvrage, une protestation patriotique contre l'intrusion des idées grecques en Palestine. On comprend immédiatement la valeur d'une telle composition. Elle nous donne toute la pensée d'un juif orthodoxe cent ans avant Jésus-Christ ; elle nous révèle ses craintes, ses préoccupations, ses espérances. Au premier siècle, on lisait beaucoup ce livre. Les épîtres qui portent les noms de Jude et de Barnabas le citent l'une et l'autree. Qui sait si Jésus n'en a pas eu quelques fragments entre les mains ? Nous y lisons : « Mieux vaudrait pour eux n'être jamais nés (38.2). » A-t-il emprunté à ce passage le mot qu'il a prononcé sur Judas (Matth.26.24)) ? ou ne faut-il pas plutôt voir dans cette phrase une de ces exclamations populaires comme l'Ancien Testament en renfermait déjà (Job.3.3 ; Jér.20.14 ; Ecc.23.19) ?
Le livre d'Énoch a été composé en Palestine, et écrit en araméen. Nous possédons quelques fragments d'une traduction grecque évidemment calquée sur un original hébreu. Les rédacteurs connaissent les plus petites localités de la Palestine, et, du reste, leur doctrine est trop pure pour ne pas être celle de Juifs palestiniens. Les Juifs disséminés (τῆς διασποράς), éloignés du temple, n'étaient pas aussi rigides. Il serait malaisé de dire entre combien d'auteurs il faut partager sa rédaction. Plusieurs savants l'ont essayé sans se mettre d'accord. Il est également fort difficile d'analyser et d'exposer son contenu. Toutes ces Apocalypses juives ou chrétiennes ont les mêmes allures. Le prophète, qu'il s'appelle Daniel, Énoch ou Jean, est ravi en extase, transporté dans un monde supérieur, et il assiste, sous la conduite d'un ange, à tout ce qui se passe dans le ciel et à tout ce qui se passera sur la terre. Les secrets de l'avenir lui sont découverts. « Il ne marche pas par la foi, mais par la vue (2Cor5.7). » Le plus ancien et le plus important passage du livre d'Énoch est vraisemblablement celui qui commence au chap. 37 au chap. 70.
La date de la composition de l'ouvrage tout entier peut être approximativement fixée. Il est du second siècle avant Jésus-Christ.
[Si le chapitre 89 désigne Judas Macchabée, il faut remonter jusqu'à l'an 160, c'est l'avis de Langen. Si, au contraire, il ne s'agit pas ici de Judas Macchabée, il faut placer la rédaction de l'Apocalypse en 115 ou 110, c'est l'opinion de Dillmann. M. Volkmar croit que le livre d'Énoch a été écrit au moment de la révolte de Bar-Kokeba, sous Adrien (première moitié du second siècle après Jésus-Christ). La destruction du temple lui semble indiquée (89.72). Les bergers, dont il est parlé dans le même chapitre, désigneraient les empereurs romains. Il y en a douze ; ce sont les douze empereurs qui ont régné d'Auguste à Adrien. (Galba, Othon et Vitellius, considérés comme des usurpateurs, n'entreraient pas en compte). Lücke l'a cru aussi ; mais il a modifié son opinion dans la seconde édition de son ouvrage. Gfrœrer le réfute victorieusement ; il n'est question dans le passage invoqué que de la ruine du temple et de la ville sous Nabuchodonosor. Plus loin l'auteur parle de la reconstruction du temple et de l'histoire qui a suivi l'exil. Il est évident que le livre d'Énoch a sa date dans ce chapitre 89. Le tout est de savoir qui il faut entendre par les bergers. Les personnes qui voudraient étudier cette question, trouveront dans Langen (Op. cit., p. 55) une discussion très approfondie des diverses opinions émises par la critique. Gebhart et Schürer (Neutestamentliche Zeitgeschichte) placent la date de la rédaction du livre d'Énoch pendant le dernier tiers du iie siècle avant J. -C.]
Quelques savants croient qu'il a eu à subir plus tard des interpolations chrétiennes ; nous ne saurions nous ranger à leur avis. La doctrine messianique du livre d'Énoch est purement juive, dégagée de tout élément chrétien. Si l'idée du fils de l'homme (appelé aussi fils de la femme) y est largement développée, il n'y a rien dans ces développements qui soit étranger aux préoccupations juives du premier siècle. Le nom de fils de l'homme n'est pas particulier au Nouveau Testament. Le Messie ne doit venir au monde que pour exercer un jugement. L'auteur ne fait aucune distinction entre une première et une seconde venue du Christ, ce qu'un interpolateur chrétien n'aurait pas manqué d'établir. D'après lui, le Messie serait apparu d'abord aux élus et ensuite il serait revenu pour juger le monde. Les Juifs, qui vivaient immédiatement avant Jésus, croyaient, au contraire, que le Messie n'apparaîtrait qu'une fois et pour le jugement. L'enseignement de Jean-Baptiste ne laisse aucun doute à cet égard. Et quand le livre d'Énoch affirme que le Messie n'apparaîtra qu'une fois « pour la Rédemption des justes et le jugement des injustes, » il porte la marque indélébile de son origine purement juive. Les agneaux dont il est parlé (90.6) comme étant sortis du sein des brebis, c'est-à-dire des Israélites, ne sont pas les chrétiens, mais les Chasidim, les pieux orthodoxes. Dans la Jérusalem nouvelle, c'est devant les Israélites que se prosterneront les païens. Un Juif seul pouvait s'exprimer ainsi. Enfin le nom de Fils de Dieu (105.2) était employé pour désigner le Messie bien avant Jésus-Christ (Psa. 2).
[M. Hilgenfeld rapproche le passage 42.2 de Jean.1.10 et suiv. « La Sagesse, y est-il dit, est venue habiter parmi les hommes et elle n'a pas trouver de lieu pour habiter, alors elle est retournée et a pris sa place parmi les anges. » — « Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu », dit saint Jean, en parlant du Verbe. Nous croyons que la ressemblance de ces deux phrases est tout à fait fortuite. Jamais dans le livre d'Énoch, la Sagesse n'est identifiée avec le Fils de l'homme, avec le Messie. Le même passage dit aussi : « L'injustice est venue habiter parmi les hommes et y a trouvé sa place » ; la sagesse, l'injustice, sont ici des abstractions. De plus, le retour de la sagesse au ciel est en contradiction avec Jean.1.14, où il est dit que le Verbe a été fait chair et est venu habiter parmi les hommes.]
Si le livre n'a pas été remanié par un chrétien, il serait possible qu'il ait eu un Essénien pour dernier rédacteur ; non pas un de ces Esséniens cloîtrés, qui demeuraient sur les bords de la mer Morte, mais un de ceux qui
vivaient dans le monde en laïques et dont la Palestine était peuplée. Plusieurs passages sont favorables à cette hypothèse : la tendance mystique de l'ouvrage tout entier, la doctrine des Anges qui y est soigneusement exposée, la foi en une rétribution à venir ; on rencontre ça et là des versets tout à fait esséniens, et la conclusion du livre est essénienne.
[Par exemple 83.11, 17.4 et suiv. Dans ce dernier passage, le Voyant est transporté à l'occident, au lieu où chaque jour le soleil se couche. Il y voit un fleuve de feu qui se jette dans une mer immense. « C'est un pays où règne une grande obscurité et où sont les morts. » Or les Esséniens, d'après Josèphe, avaient une croyance semblable (D. Bell. Jud.ii, 8, 11). Ils disaient que le royaume des élus était au delà de l'Océan.]
En résumé, le livre d'Énoch est purement juif ; il relève directement de l'Ancien Testament et ne renferme pas d'interpolations chrétiennes. Il a été écrit au milieu ou à la fin du second siècle avant Jésus-Christ, par des Chasidim, désireux de protester contre les idées grecques et qui n'ont pas pu se soustraire entièrement eux-mêmes à leur influence. Son importance capitale pour l'histoire que nous allons raconter réside principalement dans ses données sur le Messie à venir. Il nous dira exactement quel était le Messie attendu cent ans avant Jésus-Christ.
C'est là aussi la valeur des Psaumes de Salomon, rédigés 63 ans avant la naissance de Jésus. Ils sont au nombre de dix-huit, fort bien imités et offrant tous les caractères de la poésie de l'Ancien Testament.
[Ils ont été apportés pour la première fois de Constantinople en 1615. (Fabricius, Codex apocr. V. T.) ; on les mettait quelquefois dans les Bibles. Un manuscrit de Vienne les intercale entre la Sapience et l'Ecclésiastique. Le Codex alexandrinus les a insérés à la fin du Nouveau Testament. L'édition la plus commode est celle de Fritzsche : Libri Veteris Testamenti pseudepigraphi selecti Recensuit O. F. Fritzsche, Lipsiæ, 1871.
Les prophéties que renferme un pseudépigraphe aident souvent à déterminer la date de sa composition (Edouard Geiger, Der Salomonische Psalter, 1870.) Si la prédiction est naïve, vague, sans portée, elle n'a pas été composée après l'événement prédit. Dans le cas contraire, l'auteur ne résiste pas au plaisir de prédire en détails et de faire l'oracle. Dans les psaumes de Salomon il est fort question « d'une profanation qui souille le temple et l'autel » (1.8 ; 2.3 ; 8.12-14). Le passage 17.8 et suiv., montre qu'il s'agit du scandale que donna Pompée 63 ans avant Jésus-Christ (Langen, op. cit., p. 68). Les Juifs eurent la douleur et l'humiliation de le voir pénétrer avec sa suite dans le « Lieu très-saint, » où le grand-prêtre seul pouvait entrer (Munk, La Palestine, p. 536). C'était la première fois, dit Tacite (Hist.v, 9), qu'un romain pénétrait dans ce sanctuaire. (Voir Maurice Vernes, Histoire des idées messianiques depuis Alexandre jusqu'à l'empereur Hadrien, p. 129).]
Nous ne possédons, bien entendu, que la traduction grecque de l'original hébreu. La Judée, tombée au pouvoir des Romains, ses destinées changées une fois de plus, l'œuvre glorieuse des Macchabées anéantie, quelle occasion pour un poète juif de chanter quelques psaumes sur le mode antique, et de composer sur ces événements des prières du grand roi Salomon ! Les épreuves que le peuple subit sont le châtiment mérité de l'impiété des derniers Macchabées. La puissance politique d'Israël n'existe plus ; le poète n'attend plus de secours que du ciel ; il soupire après le Libérateur. Aussi l'espérance messianique s'y exprime-t-elle avec énergie, surtout dans les deux derniers poèmes.
Le premier siècle de l'ère chrétienne vit aussi paraître quelques pseudépigraphes. Le Livre des Jubilés, sorte d'abrégé de la Genèse, rédigé en araméen ; Jérôme l'appelait : Petite Genèse.
[Ce livre a été découvert, vers 1838 par un missionnaire, en Abyssinie. Il faisait partie de la Bible éthiopienne dont se servaient les chrétiens de ce pays ; M. Dillmann nous en a donné la traduction allemande. (Ewald, Jahrbücher der biblischen Wissenschaft, vol. II, 1849, p. 230-256 et vol. III, 1850-1851, p. 1-96).]
L'auteur débute par un discours qu'il place dans la bouche de Dieu lui-même s'adressant à Moïse avant son ascension. Ensuite il donne la parole à « l'Ange de la face » qui raconte à Moïse l'histoire du monde depuis la création jusqu'à la sortie d'Egypte des enfants d'Israël. Il modifie le récit de la Genèse d'après la théologie de son temps. La chronologie de cet écrit est rigoureuse ; elle est basée sur la période jubilaire de 49 ans ; de là son titre Livre des Jubilés.