Les Légendes de la nuit en Vendée - Edmond Bocquier - E-Book

Les Légendes de la nuit en Vendée E-Book

Edmond Bocquier

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Extrait : "La Nuit, l'Ombre mystérieuse a été, en Poitou comme partout ailleurs, la grande et féconde inspiratrice des légendes étranges. La Nuit, alors que la Nature repose et que la Vie semble se ralentir, est, dans l'esprit de l'homme des champs, l'image de la Mort et du Mal. Le paysan peuple l'ombre de revenants, de sabbats, de cierges errants, de lavandières funèbres ; la Nuit est le siège de toute une vie surnaturelle ; elle est l'empire des horreurs et des ensorcellements."

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Traditions, contes et superstitions

La Nuit, l’Ombre mystérieuse a été, en Poitou comme partout ailleurs, la grande et féconde inspiratrice des légendes étranges. La Nuit, alors que la Nature repose et que la Vie semble se ralentir, est, dans l’esprit de l’homme des champs, l’image de la Mort et du Mal. Le paysan peuple l’ombre de revenants, de sabbats, de cierges errants, de lavandières funèbres ; la Nuit est le siège de toute une vie surnaturelle ; elle est l’empire des horreurs et des ensorcellements ; ce sont les heures farouches des crimes mystérieux, les heures horribles des expiations qui n’ont rien de commun avec les condamnations humaines, c’est l’heure du Garou.

Dans un pays aussi accidenté et aussi boisé que le Bocage vendéen, la Nuit drape la campagne solitaire et sombre d’apparences étranges. Pour peu que le spectateur nocturne, le gàs revenant d’une veillée tardive, soit naïf ou peureux, il se sentira anéanti, dans le désert noir aux silhouettes fantastiques, par cette mystérieuse puissance qui l’entoure, cette force occulte qui l’envahit comme un fluide, qu’il sent vivante comme un esprit, la Nuit. Il croira qu’une vie surnaturelle, bizarre, troublante, née dans l’ombre, pénètre de toutes parts le monde réel. Et c’est alors que les faits les plus ordinaires, le passage d’un chien, la tombée des feuilles, la chute d’une pierre, le murmure du ruisseau, un soupir de vent, mal définis dans la nuit qui fausse les distances, grandit les bruits, estompe les formes, prendront dans l’esprit de l’homme superstitieux les caractères de phénomènes extraordinaires, fantastiques ou terribles : ce seront des âmes en peine, des morts errants, des bêtes immondes, des garous farouches…

L’origine de ces légendes relatives à la nuit est curieuse à analyser. Généralement, ces sortes de traditions ne se rattachent pas à un fait historique et sont nées d’un simple incident incompris et dénaturé. Je me rappelle le récit fantastique que me fit une vieille femme d’Aubigny du passage d’une des premières automobiles, la nuit, sur la route qui desservait son village. Cette pauvre vieille n’avait jamais entendu parler de voitures sans chevaux, dans la solitude de sa ferme. Or, un soir, très tard, elle entendit au loin un grand bruit, comme celui d’un train de chemin de fer. Le bruit se rapprochait avec une vitesse effrayante. La vieille se leva, entrouvrit sa porte : au même instant, deux énormes lumières surgirent sur la route, et, comme un ouragan, quelque chose, une machine d’épouvante, passa dans un bruit d’enfer. La femme est restée persuadée qu’elle avait vu une apparition.

Les journaux locaux ont reproduit, en janvier 1906, la note suivante :

« Mareuil-sur-Lay. – Jeudi, vers sept heures du soir, M. O. G…, mécanicien, revenait de Bournezeau, à bicyclette. Au lieu-dit le Breuil, il entendit des cris sauvages paraissant provenir d’une bagarre sur le milieu de la route. L’obscurité étant profonde, M. G… mit pied à terre ; mais tout à coup il fut assailli par quatre animaux, qui tournèrent leur fureur contre lui. Il lâcha sa machine et se mit en devoir de se défendre. Il eut fort à faire : crocs et griffes eurent bientôt fait de mettre en piteux état pantalon, jambes et mains du courageux mécanicien. Cependant, il réussit à terrasser deux de ses adversaires, qu’il maintint vigoureusement, un de chaque main. Accourus à ses cris et au bruit de la lutte, trois passants l’aidèrent à assommer le seul des quatre antagonistes qu’il avait pu garder prisonnier jusqu’au bout. C’était une magnifique loutre, un des plus beaux échantillons de l’espèce, dont la peau, transformée en descente de lit, lui rappellera sa victoire dans un combat aussi rare que peu banal. On suppose que ces quatre loutres ont été amenées en cet endroit par la récente crue du Lay. »

Admettez que cet ouvrier ait eu peur, qu’il se soit enfui dans un moment d’affolement, qu’il n’ait pas cherché à se défendre de ses singuliers agresseurs ni à les reconnaître ; supposez son esprit nourri des vieilles légendes, hanté de lugubres histoires de revenants ou de maléfices, et cet homme vous eût dit alors qu’il avait été attaqué par les Garous au passage d’un pont, ou que la Galipote l’avait mordu et lui avait sauté sur le dos !

D’innombrables faits, qu’explique la science et que confirme l’observation, ont servi de points de départ aux légendes et aux superstitions de la nuit. Tantôt, c’est la formation de feux follets au-dessus de fumiers ; tantôt, ce sont des phosphorescences produites par le frottement de deux vieux arbres l’un sur l’autre. À Saint-Gilles, il y a quelques années, on cria dans la rue, un matin : « La mère X… qui est sortie de sa tombe, qui est apparue, etc. ! » On alla au cimetière et le bruit se répandit bientôt qu’on apercevait sur la tombe des débris de chair sanguinolente. Quelqu’un voulut vérifier le fait, et on vit tout simplement les débris rouge sang d’un champignon désagrégé par les pluies d’automne.

Mais le paysan, et surtout la paysanne, dont l’esprit était hanté naguère de lugubres histoires de mort et de nuit, dont le caractère était façonné par l’influence enveloppante d’un sol tourmenté et assombri de haies épaisses et de hautes futaies, étaient portés à expliquer toute chose nouvelle ou extraordinaire par le merveilleux et l’irréel. Auront-ils vu, au loin, une flamme dansante, une lueur blanche ? Ils se seront enfuis à toutes jambes, la sueur aux tempes, « la peur sur le dos », rêvant de farfadets, de garous, de dames blanches ; mêlant, dans des visions fantastiques, les lointaines réminiscences celtiques transmises d’âge en âge, les croyances chrétiennes et la réalité des lueurs entrevues. Si ces braves gens s’étaient rapprochés, ils auraient vu un fossé plein d’eau croupissante, ou un chêne vermoulu recouvert de centaines de Lampyris noctiluca, comme on peut le remarquer parfois, les soirs de juillet, sur certains vieux arbres du Bocage.

Remarquez que de mauvais plaisants ont exploité cette peur et cette naïveté des campagnards. Ne dit-on pas que certaines garaches tuées, le soir, avec la fameuse balle bénite, n’étaient que de vulgaires voleurs déguisés ? Combien de garous, enveloppés de peaux de bêtes, ont demandé grâce sous le bâton de houx de quelques vigoureux gâs ? Vers 1900, la Bidoche se promenait, dès la tombée de la nuit, dans les faubourgs de Challans, « mais les jeunes gens qui en remplissaient le rôle ont été priés par la gendarmerie de ne plus continuer cette plaisanterie qui avait terrifié plusieurs femmes. » (Aug. BARRAU). Même fait s’était produit à la Chaume des Sables-d’Olonne vers 1892.

« J’ai remarqué, m’écrivait Aug. Barrau, que c’est surtout les années où il y a beaucoup de vin qu’on constate la présence de cette bête surnaturelle (la Bidoche). » Ces mots se passent de commentaires ; il me semble que « courir le garou » et « courir le guilledoux » doivent être parfois deux expressions synonymes.

Ce qui est extraordinaire au point de vue de l’analyse psychologique de la race, c’est que des conteurs, appartenant aux régions les plus différentes du département, vous narrent, avec la même apparence de bonne foi, les mêmes histoires dont ils ont tous été les héros ! Dans presque chaque commune, on trouvera un paysan qui a vu le garou, qui a porté le mouton pesant, qui a aperçu la demoiselle de Paris et son petit chien !

D’ailleurs, vous aurez beau vouloir solliciter de votre narrateur des commentaires précis et vraisemblables, il s’y refusera et s’en tirera par quelque prudente réticence ayant l’allure d’une conclusion dernière. Ainsi, dit-on, chaque soir une bête étrange heurtait avec la patte le loquet de la porte d’une métairie ; le fermier osa sortir une fois et vit un gros mouton blanc qui recula et lui dit quelque chose. « J’aimerais mieux mourir cent fois plutôt que de dire ce que j’ai entendu », a raconté plus tard le fermier. Un autre homme, revenant de la veillée, reçoit d’un porc une maîtresse gifle, complétée d’un petit discours d’à-propos. « La bête m’a dit des choses trop abominables pour que je les répète », a expliqué la victime.

Ce sont quelques-unes des légendes de nuit de notre Vendée que nous allons conter. Il nous a été bien difficile de les classer, car les êtres surnaturels créés par les imaginations présentent des caractères aussi complexes que changeants et confus. Toutefois, il nous a été permis de distinguer, sous la variété des noms et des attributs, trois types principaux : le Garou, la Galipote, la Garache. Leur aire géographique est aussi mal délimitée que les types eux-mêmes sont imprécis. On cause du Garou et de la Galipote par toute la Vendée, mais surtout dans le Bocage, moins dans la Plaine, très peu dans le Marais du sud. La Garache paraît hanter principalement le sud et l’ouest de La Roche-sur-Yon, jusqu’à la côte. D’ailleurs, les récits qui suivent éclaireront le Lecteur mieux que tous les commentaires.

Le garou

Le Loup-Garou semble être, d’après la plupart des légendes poitevines, un condamné par le prêtre, qui a lancé sur lui le monitoire.

Courir la nuit à des heures indues, suivre les chemins creux et solitaires dans le mystère des ténèbres, attendre au pied des croix, fréquenter les croisées de chemins, cela s’appelle garouter et peut donner lieu aux plus horribles suppositions : sabbats, pactes diaboliques, ensorcellements, etc.

Celui qui est condamné à courir le légendaire garou est un criminel ou un voleur qui n’a pas avoué ses forfaits ; parfois même, le garou est un innocent, dont la seule faute est d’avoir été témoin d’une mauvaise action qu’il n’a pas voulu dénoncer.

La condamnation du garou se faisait par le monitoire, sorte d’anathème que le prêtre lançait, d’un geste impérieux de droite à gauche, sur les coupables inconnus, sur ceux qui cachaient des péchés en confession, sur les complices et les témoins trop discrets. Cette cérémonie se faisait à l’Asperges