Les marmites Provençales - Armande Roman - E-Book

Les marmites Provençales E-Book

Armande Roman

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Beschreibung

Le fil conducteur de ce roman est une histoire de succession familiale dont les héritiers, personnages au fort caractère, ne vont pas manquer de provoquer des situations ubuesques aux rebondissements multiples et variés. La fratrie, tout au long du récit, va entrainer le lecteur dans un imbroglio hilarant.

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Les événements rapportés ci-après n'étant pas tirés de faits réels, toute ressemblance avec des personnes existantes, ne serait que pure coïncidence.

Tréfort est un village Provençal. L'histoire communale, s'inscrit dans l'histoire régionale. Les guerres de religion, la Révolution française, et deux guerres mondiales, font que ce village tranquille, inondé de soleil allait, dans la continuité de sa belle tradition mouvementée, servir une fois de plus de décor à une histoire de succession, dont les protagonistes n'allaient pas se priver d'envenimer les débats.

Le patrimoine bâti est bien conservé dans ce village perché et les demeures avec leur caché provençal, peuvent aisément séduire des personnes en quête de tranquillité et de qualité de vie.

C'est là, dans cet écrin qui fleure bon la lavande et le romarin, que se tient avec fière allure la maison qui devait être l'objet de toutes les tensions et les convoitises à venir. En effet, les belles années de l'enfance, puis de l'adolescence passées entre les murs bienveillants de la demeure familiale, n'étant plus que des souvenirs pour la fratrie de trois enfants, les événements à venir laissaient présager ce que seraient les difficultés quant à la répartition des biens suite au décès de Madame Régali, dont une des filles devait déclarer tout de go à son frère et à sa sœur : « - je ne savais pas que maman avait d'autres enfants que moi ! »

Mais pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette histoire à rebondissement, il convient de prendre les événements dans l'ordre. Tout d'abord il nous faut nous pencher sur le fait que, juste après le décès malheureux du père, la cadette de la famille, prénommée Cunégonde, avait déjà de grands projets pour la maison familiale. La décence n'étant pas son point fort, elle commençait déjà à spéculer tel un vautour, sur les biens de la famille en calculant la part qui reviendrait à la mère en cas de vente de la maison.

Les années passèrent avec ses aléas et chacun vivait de son côté en suivant son chemin de vie, sans qu'il y ait trop de heurts, en tous cas pas qui soit excessifs compte tenu que les relations entre les deux filles de la famille ont toujours été tendues. Ainsi, à l'une qui pratiquait le métier d'aide soignante, l'autre lui rétorqua lors d'une discussion : « - Toi tu n'as que deux neurones, un pour le gant et l'autre pour la serviette ! Tu aurais pu au moins passer le concours d'infirmière, çà à la limite ça irait. De toutes façons c'est 80/20 ! 20 pour cent de gens intelligents et le reste c'est tous des nuls décérébrés ! »

Ce genre de réflexion étant l'un des traits de caractère seyant à celle qui allait devenir PDG d'une entreprise de liquidation judiciaire, contribua fortement à créer l'atmosphère explosive qui allait imprégner toute cette rocambolesque histoire.

Un autre des personnages de la famille Régali était le frère. Jean, dit Jeannot, le plus faible psychologiquement. Lui se contentait de suivre les conversations tendues entre ses sœurs, comme on regarde un match de tennis en suivant la balle, la tête adoptant le mouvement d'un métronome, écoutant l'une et l'autre pour in fine, donner raison à celle qui avait parlé en dernier car elle avait forcément bien dit. Mais nous reviendrons sur le bonhomme et sa capacité à jouer double jeux dans les tribulations à venir. Somme toute, la vie suivait son cours avec pour règle établie le statu quo suivant : vivre loin, les uns des autres. Mais le fragile équilibre allait vite devenir caduque... et le temps de l'accalmie révolu.

Sommaire

Cunégonde

Des fleurs baladeuses

Le domaine public

Recel successoral

Un coup fumant

La valise

Racket à Tréfort

La juge

L'avocat

La visite

La voisine

Irène et Chopin

Tics et Tocs

L'inventaire

Les fusils

L'huissier

Le docteur

Le courrier fatal

L'ami américain

Opération séduction

Le restaurant

La consultation

Le cabanon

Des mines patibulaires

Des châteaux en Espagne

Les britishs

Le vide maison

Les signatures

Épilogue

Cunégonde

Les promeneurs qui montent jusqu'au village de Tréfort passent immanquablement devant un mur érigé en pierres de taille, situé en fronton de la maison aux volets bleus de la famille Régali. C'est la cadette qui a fait construire ce mur et la terrasse en surplomb malgré les avertissement répétés de sa mère et du maire du village : « - Reste sur limite sinon tu va empiéter sur le domaine public ! « Et Cunegonde de rétorquer à la cantonade :« - C'est pas grave... ça va faire joli ! » Et ni une ni deux, elle fit bâtir le mur qui deviendra plus tard celui de la discorde.

Cunégonde était la seule à trouver grâce aux yeux de sa mère, étant l’unique dans la famille à avoir réussi diplômes à la clé, à avoir un salaire confortable et une position sociale, ce qui lui faisait dire régulièrement que son frère et sa sœur étaient : « - Des ratés, des traînes misère et des gagnes petit ! Moi, à maman, je lui ai fait voir ce que c'était que d'avoir de belles choses à se mettre ! Avec vous c'eut été le Damar et la robe de chambre molletonnée ! Vous lui avez fait manger de la nourriture achetée dans les super-marché de troisième zone réservés aux gueux, avec du poulet aux hormones, du surgelé Picard et des œufs de lompe, qui ne sont que le caviar du pauvre ! Alors qu'avec moi elle a dégusté du homard thermidor recette grand chef et du foie gras du Gers , le tout arrosé de capiteux vins de garde. Je lui a fait toucher le nec plus ultra de la vraie vie, celle de la race des seigneurs ! Mais il est vrai que nous n'avons pas les mêmes valeurs. Mon salaire me permettant un train de vie que vous ne pourrez jamais avoir ! » Bref, Cunégonde pour Madame Régali était le phare d'Alexandrie qui illuminait sa vie et tout lui était pardonné. Même son caractère épouvantable devenait, du point de vu de sa mère, une rare qualité de meneuse d'hommes ayant eu l'habitude, de part son diplôme d'ingénieur béton, de superviser des chantiers et en sus, de damer le pion aux ouvriers récalcitrants. Personne ne trouvait miséricorde aux yeux de celle qui devait déclarer au sujet des professions de ses cousines : « - Ah... la préparatrice en pharmacie ? Ce n'est qu'une vulgaire épicière qui vend des médicaments, tu parles d'un métier ! Quant à l'autre qui travaille dans un collège, ce n'est qu'une vulgaire cantinière qui sert de la daube à des lycéens attardés . Et pour finir, l'aînée qui est la moins conne, ce n'est qu'une secrétaire médicale passant son temps à gratter du papier et à fixer des rendez-vous. Pas besoin de sortir de l'école de saint cyr pour faire ça ! »

Une autre fois ce fut au tour de sa sœur aînée, qui lors d'une fête de famille fit une remarquable prestation vocale ( à fendre les verres en cristal) de s'attirer les remarques désobligeantes et sarcastiques de la cadette qui ayant eu vent de ce tour de chant mémorable, déclara tout de go : « - Eh ben... si je le sais pas que tu chantes bien... ils m'ont mis la tête comme un cabanon avec ta voix ! Ils m'en ont rebattu les oreilles pendant huit jours !! »

Cunégonde était donc une femme impressionnante. Et je crois d'ailleurs que parfois, elle arrivait à s'impressionner toute seule. Il y a des moments où elle se parlait à elle-même, sans doute parce qu'elle avait besoin des conseils d'un expert. Toutes les familles sans doute ont leur vilain canard et leur prodige, mais dans ce cas on atteignait des records. Ainsi déclara t-elle un jour à son frère : « - Maman n'aime que moi, et toi tu n'aimes que moi ! » Exit donc le troisième membre de la famille, la prénommée Irène, qui comptait donc pour du beurre dans ce témoignage affectif, ô combien sélectif, puisque le principal concerné Jeannot lui-même en était resté coi.

Mais puisque le sujet de cette histoire, le fil rouge pourrait-on dire, est une affaire de succession, il me faut en arriver à un aspect incontournable du récit, à savoir la décision prise par les enfants de placer leur mère dans un centre de soins spécialisés, pour une prise en charge complète afin de vivre ses derniers instants entourée comme il se doit. Ce qui fut fait.

Un jour du mois d’août, c'est lors d'une visite à Madame Régali au Centre Médical Provence Luberon, situé dans la commune de Pertuis, que l'aînée s'aperçut que le téléphone portable de sa mère avait disparu. Quelque peu décontenancée elle en informa promptement son frère qui lui conseilla aussitôt de courir à la brigade de gendarmerie la plus proche, pour en déclarer le vol, et dans la foulée d'en informer l'opérateur, afin de résilier la ligne. Le bon sens guidait la réaction de Jeannot. Mais en chemin, Irène eut une intuition et soudain se ravisa. Au prix d'un effort sur elle-même, elle se décida à appeler sa sœur cadette afin de savoir si elle était en possession du dit téléphone. Celle-ci lui rétorqua avec le ton péremptoire qui la caractérise : « - Oui c'est moi qui l'ai... pourquoi il y a un problème ?! » Irène rappela alors son frère, qui finit par lui avouer qu'il était parfaitement au courant de la situation, mais que sa sœur lui avait demandé de garder le silence. Irène en resta bouche bée et à partir de cet instant, elle compris qu'il faudrait considérer que Jeannot avait un double comportement et donc à l'avenir, faire très attention à ce qu'elle pourrait lui confier le soupçonnant fortement de tout répéter à Cunégonde. Elle fit le chemin du retour abasourdie par cette révélation. Mais décidément ce n'était pas son jour de chance, car son téléphone en main au volant, elle ne s'aperçut pas qu'une voiture de gendarmerie l'avait repérée. Elle fut prise en chasse et interpellée, ce qui lui valu une amende de 45 euros et un retrait de trois points sur un permis qui était déjà bien entamé. Dépitée par l'attitude irrationnelle (c'est un euphémisme) de son frère, de retour chez-elle, elle s'affala sur son canapé frappée d'inanition. Elle repensa alors au fait qu'elle avait failli faire une déclaration de vol à la gendarmerie, alors qu'il n'en était rien, et qui plus est, qu'elle se retrouvait avec un permis de conduire qui n'était plus que l'ombre de lui-même.

Quelques jours plus tard, Madame Régali devait rendre son âme à Dieu, déclenchant par là même, et contre sa volonté, la guerre des tranchées au sein de la fratrie.

Dés lors, le drapeau noir flottait sur la marmite. !

Des fleurs baladeuses

Cunégonde comme à son habitude, voulait tout superviser. Forte des dires de sa défunte mère qui lui avait susurré d'une voix chevrotante : « - Tu es la seule capable de gérer mes biens, car tu es la seule à savoir te servir d'un ordinateur. Les deux autres ne sont que des subalternes. D'ailleurs ton frère finira comme une cloche. » Pourtant Madame Régali, sur son lit de douleur, avec un sourire ironique, déclara un jour à ses enfants réunis autour d'elle : « - Mais je vous aime quand même tous de la même façon.»

Les obsèques ne furent pas une promenade de santé. Irène ainsi que d'autres membres de la famille, souhaitaient que de la musique accompagne le convoi funéraire. Mais Cunégonde s'y opposa en vociférant : « - Le chagrin rajouté au pathos pour tomber dans le mélo... c'est non ! » Quelques instant plus tard, et contre son gré, elle se rallia à la majorité ce qui ne l'empêcha pas le jour des obsèques d'agresser le curé pour une raison connue d'elle seule. Celui-ci tout ébaubi par cette invective injustifiée, lui rétorqua qu'il avait une messe a célébrer et qu'il n'avait pas de temps à perdre avec ses propos iniques.

Le convoi s'ébranla enfin jusqu'au cimetière et une fois arrivé sur place Jeannot voulu aider les porteurs pour accompagner le cercueil de sa mère jusqu'au caveau. Le Maître de cérémonie, en l'occurrence une femme, lui donna son accord. Cunégonde le stoppa alors d'un geste et s'adressa à la femme sur un ton cinglant :

– Mon frère a assez porté pour aujourd'hui, il est fatigué, il a mal à l'épaule. Et toi Jeannot çà suffit !!

– Mais enfin... ici il n'a rien porté que je sache...

– Il a porté ailleurs ! Et mêlez vous de ce qui vous regarde !

La tête basse, sans mot dire, il se soumit bien malgré lui à l'injonction en rentrant dans le rang, tandis que le Maître de cérémonie en restait coi devant tant de morgue un jour pareil.

Ce fut quelques temps après, qu'un fait incroyable se produisit. En effet, Cunégonde appela son frère pour lui intimer l'ordre de récupérer les fleurs sur la tombe de leur mère. Face au questionnement de celui-ci elle répliqua : « - De toutes façons maintenant qu'elle est morte, qu'est-ce qu'elle en a à foutre des fleurs ? Elle ne les verra plus ! Elles risque de geler, et elles seront mieux chez-toi au chaud ! » Estomaqué, Jeannot s'exécuta quandmême et alla récupérer ce pourquoi il avait été mandaté. Apprenant par la suite de la bouche de son frère cette incongruité, Irène lui intima aussitôt l'ordre de ramener illico presto les fleurs là où elles se devaient d'être. Jeannot, la tête en vrac, et déboussolé par ces ordres et contre-ordres, s'exécuta une nouvelle fois et fit le trajet en sens inverse jusqu'au cimetière. Mais cette fois-ci, ce fut sa compagne Joséphine qu'il pria de venir le chercher en voiture, n'ayant pas le permis et s'étant déplacé la première fois en scooter. Il tombait des cordes et Jeannot ne voulait pas retourner au cimetière en deux roues sous cette pluie. Arrivés sur les lieux, tandis que Joséphine laissait tourner le moteur, Jeannot s'exécutait sous le regard curieux des employés communaux qui, ayant observé le manège de loin, soulevaient leur casquette trempée et se grattaient la tête en se demandant s'il y aurait un troisième service. Une semaine après, la valse des plantes allait recommencer. Les employés s'arrêtèrent de travailler quand ils virent que cette fois-ci, c'est Cunégonde en personne qui était venu chercher les plantes mortuaires afin de les déposer à nouveau chez Jeannot, pour qu'elles y restent jusqu'au printemps. Ils prirent alors des paris, certains persuadés qu'il y aurait prochainement une quatrième expédition. Cunégonde les foudroya du regard avant de leur lancer vertement : « - Quoi qu'est-ce que vous regardez ?! Vous feriez mieux de vous remettre à travailler bande de feignasses de fonctionnaires c'est mes impôts qui vous payent ! »

A ce stade de l’histoire, il me faut vous parler de la sœur aînée : Irène. Cette femme au caractère et à la volonté hors du commun, possédant une capacité à encaisser les revers de la vie à faire passer le blindage d'un char Leclerc pour du carton pâte. Droite comme un i face à l'adversité et faisant preuve d'une étonnante intuition, elle allait jouer un rôle de la plus haute importance dans ce qui allait s'avérer être une affaire vile et sournoise, où devaient s'entremêler les coups bas et autres tentatives d'intimidation, la cadette faisant preuve d'une mauvaise foi et d'un aplomb hors du commun arrivant même à ébranler dans ses certitudes une étude de notaire.

L'idée première de Cunégonde, était de mettre en place une S.C.I afin de garder le patrimoine et d'en faire profiter ses frère et sœur, leur proposant de rentrer dans son projet en mettant de l'argent en commun afin d'effectuer des travaux de rénovation, la cadette ayant déclaré : « - Cette maison n'est qu'une masure délabrée, qui nécessite des travaux titanesques !» C'est ainsi que pour permettre à Madame Régali quand elle était encore de ce monde (mais déjà bien diminuée) de faire ses ablutions dans de bonnes conditions, Cunégonde entreprit d'effectuer des travaux dans la salle de bain se chargeant d'acheter les matériaux (à un prix exorbitant) et paradoxalement en faisant appel à un plombier Polonais (non déclaré) pour réaliser les dits travaux. Le résultat fut stupéfiant.

Le frère et la sœur lors d'une visite à la demeure familiale se trouvèrent soudain face à un spectacle ahurissant devant un assortiment de couleurs criardes, allant du vert satanique, au gris sépulcral. L'aînée appela immédiatement la cadette pour lui demander ce qui avait bien pu motiver ce choix hideux de couleurs. Celle-ci lui hurla dans le combiné : « - Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'aimes pas le vert ?!» Coupant court à la discussion, Irène appris que la note fut quand même salée mais que Madame Régali, du fait que c'était sa chère Cunégonde qui avait été à l'initiative de ce projet, s'acquitta sans mot dire de la somme demandée, réglant le plombier par chèque (cherchez l'erreur). Cette prestation illégale fut, aussi incroyable que cela puisse paraître, rapportée par la cadette au notaire lors d'un rendez-vous provoquant ainsi la stupéfaction de l'homme de loi qui, devant cet aveu, ouvrit de grands yeux effarés. Comprenant la boulette qu'elle venait de faire, Cunégonde lança plus tard à son frère qu'elle allait demander au plombier de lui fournir une facture anti-datée. Jeannot en eut les oreilles qui sifflaient. Mais elle n'en n'était pas à son coup d'essai vu que le mur de soutènement de la terrasse attenante à la maison familiale avait été conçu et réalisé sans permis de construire et avec de fausses factures au nom de la société dont elle était PDG et qui fut placée par la suite en liquidation judiciaire.

Comment sortir de cet imbroglio infernal sans y laisser des plûmes ?

Le domaine public

C'est par une belle journée ensoleillée que la fratrie s'était réunie sous la tonnelle afin de mettre certaines choses à plat. La lumière qui traversait le toit fait de canisses soutenus par des poutres transversales faisait penser à un tableau de Renoir représentant les canotiers sur les bords de la Marne, où une multitude de points lumineux viennent caresser les robes des jeunes filles. Sur la table, de l'orangeade et une carafe d'eau devaient permettre à ceux qui le désireraient de se rafraîchir. Devant l'obstination de l'aînée et du benjamin à refuser d'entrer dans une S.C.I, la cadette proposa alors de vivre à trois dans l'habitation familiale. Il faut dès lors préciser que la surface totale de la maison n’excédant pas 70 m2, la perspective de s'entasser à trois dans cet espace, vu le climat délétère régnant dans la fratrie, devait probablement aboutir à une explosion de drames susceptibles d'alimenter les faits divers. Cunégonde en suivant son idée déclara :

- Toi Jeannot tu vends ton scooter, tu n'en auras plus besoin et de toutes façons tu auras une retraite de misère, alors comme ça tu ne paieras pas de loyer. Et toi Irène, de retraite tu n'en auras même pas, tu n'en verra pas la couleur et c'est grâce à la mienne que nous pourrons vivre. Alors voilà ce que je vous propose. Tu vends ta voiture, la mienne suffira. Je me chargerai de faire la cuisine et vous vous chargerez de l'intendance et des travaux ménagers. Ce sera votre rôle. Comme maman l'a dit vous êtes des subalternes. Ne le prenez pas mal, ce n'est pas péjoratif. L'argent mis en commun sera pour les travaux de rénovation. Comme ça on garde le bien et on vit en bonne intelligence ! Alors... vous êtes d'accord ?

Une fois de plus, devant l'impensable, Irène et son frère, la mine déconfite, secouèrent la tête en signe de désapprobation. Loin d'être refroidie, Cunegonde tel un buffle piqué au cul par un taon dans la savane revint à la charge avec une nouvelle proposition, ce qui en dit long sur la ténacité du phénomène. La proposition fut donc celle-ci : le rachat par ses soins, après l'obtention d'un hypothétique prêt bancaire, du bien familial à un prix qui, résumé dans notre jargon Provençal, équivaut à « une poignée de figues ». Les autres se gaussèrent à nouveau de cette proposition indécente et demandèrent l'expertise d'un professionnel compétent. Cunégonde de mauvaise grâce, se plia finalement à la majorité. L'expertise eut donc lieu et un prix correspondant réellement à la valeur de la bâtisse fut donné. Fichu à l'eau de la Durance la plan de la cadette qui, pressée de liquider la vente, avait en secret commencé à négocier avec la voisine de la maison mitoyenne afin de brader le bien. Son argument préféré étant toujours le même : « - Cette maison n'est qu'une ruine, une masure insalubre et un gouffre financier ! » Lorsque Irène parla à son tour du fait qu'elle avait peut-être trouvé acquéreur, sa sœur lui rétorqua avec le regard torve et la bouche de travers : « Tache de me trouver des clients solvables, parce que sur ces sites dédiés aux transactions immobilières, il n'y a que des escrocs qui te fourgueront des chèques en bois ! Et surtout ne soit pas trop gourmande, et ne ment pas sur la vétusté de cette ruine ! De toutes façons, le pseudo professionnel qui a fait le diagnostic énergétique de la maison est un crétin incompétent qui n'y comprend rien ! Je me demande ce qu'on va faire de ce torchon qu'il a rédigé. Il va falloir tout recommencer, et à nos frais bien-sûr. Je me demande où maman a pu dégotter un abruti pareil ! » Ce retournant alors vers son frère et sa sœur elle leur lança d'un ton aigre : « -