Les professions de l'immobilier en droit luxembourgeois - Lex Thielen - E-Book

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Lex Thielen

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Beschreibung

Depuis des années, le secteur immobilier ne cesse de connaître un développement fulgurant. Pourtant aucun ouvrage n’avait couvert les dispositions légales applicables à l’ensemble des principales professions immobilières : les agents immobiliers, les syndics et les promoteurs. La 1re édition de cet ouvrage avait comblé cette lacune. 10 ans plus tard, cette 2e édition complète le livre sur de nombreux points et intègre les nouvelles dispositions législatives ainsi que les jurisprudences récentes intervenues depuis lors pour en faire un manuel de référence tant pour les professionnels de l’immobiliers que pour leurs clients.

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9782879986982

Introduction

1 Le logement est tant un besoin naturel qu’un droit de l’homme.

Abri pour dormir, protection devant la nature et l’ennemi, centre de regroupement de la tribu, foyer de la famille, lieu de séjour, centre d’activités professionnelles, objet d’investissement – au cours de son évolution, l’être humain a continuellement adapté le logement à ses besoins pratiques.

On ne sait ni où ni à quel moment précis est né le concept de propriété privée.

De même, avec l’évolution sociale, la propriété des terres a progressivement cessé d’être la possession privilégiée sinon exclusive de certaines couches sociales (aristocratie, clergé, riche bourgeoisie) pour s’étendre à toutes les classes de la société. Alors que plus tôt dans l’histoire, les problèmes relatifs à la propriété se résolvaient avant tout par des guerres ou par la force, et qu’avec le développement du droit, des problèmes juridiques de plus en plus complexes en matière de propriété se sont posés, les litiges se sont parallèlement déplacés des champs de bataille vers les études de notaires ou d’avocats et les tribunaux judiciaires.

Le terme « immobilier » provient du mot latin « immobilis » qui signifie « immobile » et vise tout ce qui a trait aux immeubles, c’est-à-dire tout « bien fixe – le sol et tout ce qui y est incorporé, notamment les bâtiments – ou que la loi considère comme tel », de même que « l’ensemble des professions intervenant dans la commercialisation des immeubles »1.

De nombreuses activités professionnelles se sont créées autour de ce secteur et d’autres activités connexes (p. ex. les banques) se sont développées à leur tour. Enfin, il y a toujours les personnes privées qui, soit avec ces professionnels de l’immobilier, soit entre elles, s’engagent dans des relations contractuelles au sujet de l’immobilier.

Pour tenir compte des exigences nouvelles et pour protéger les intérêts des uns et des autres, le législateur a dû créer un cadre législatif et réglementaire exhaustif pour prévoir des règles à respecter de part et d’autre.

Le présent ouvrage est destiné tant aux acteurs professionnels qu’aux particuliers afin de leur donner un outil pratique pour connaître leurs droits et obligations dans ce secteur immobilier en plein développement.

Nous consacrerons un chapitre à part à chacune des trois professions principales de l’immobilier : l’agent immobilier, le syndic de copropriété et le promoteur immobilier. À la fin, nous traiterons ensemble les conditions d’accès à ces professions, qui sont similaires, après avoir abordé certains autres intervenants dans la construction immobilière ainsi la Chambre Immobilière.

1. Le Petit Larousse illustré.

Chapitre IL’agent immobilier

Section 1. Le statut de l’agent immobilier

Section 2. Le contrat entre l’agent immobilier et son client

Section 3. Les obligations de l’agent immobilier

Section 4. La rémunération de l’agent immobilier

Section 5. La responsabilité de l’agent immobilier

Section 6. Les droits de l’agent immobilier à l’égard de son client

Section 7. La gestion locative

Section 1 – Le statut de l’agent immobilier

2 Avant d’examiner en détail les divers aspects légaux de la profession de l’agent immobilier, il y a lieu d’abord d’en cerner le statut.

A. Définition

3 L’agent immobilier est un intermédiaire professionnel indépendant qui intervient, d’une manière habituelle, dans les opérations d’achat, de vente, de location, de sous-location ou d’échange concernant des biens d’autrui dans le domaine immobilier, en offrant ses moyens et conseils.

L’agent immobilier peut être soit une personne physique, soit une personne morale. Dans cette dernière hypothèse, il peut revêtir l’une des formes d’une société commerciale. La quasi-totalité des agences immobilières sont d’ailleurs constituées sous forme de société, afin d’éviter que l’exploitant ne doive répondre avec ses biens personnels en cas de difficultés financières de l’agence.

Il est un intermédiaire, c’est-à-dire que les biens sur lesquels portent ses opérations ne lui appartiennent pas, mais il agit pour le compte d’un ou de plusieurs clients. Sa mission principale consiste à trouver des personnes intéressées à contracter avec son client. En ce sens, son activité de base est celle d’un courtier en matière immobilière.

L’agent immobilier est un professionnel, donc une personne qui fait ces opérations contre rémunération et de façon habituelle, que ce soit d’ailleurs à titre principal ou accessoire.

Il faut bien une intervention active de mise en relation de personnes intéressées pour que cet intermédiaire professionnel puisse être considéré comme exerçant la profession d’agent immobilier. Ainsi, dans le cadre d’une poursuite pénale en matière correctionnelle pour exercice illicite d’une profession, le simple fait de communiquer, contre rémunération, à des personnes intéressées des listes d’adresses pendant un certain temps n’a pas été reconnu comme constituant l’exercice de la fonction d’agent, même si cette activité perdurait pendant un certain temps1.

Traditionnellement, les biens qui font l’objet des activités de l’agent immobilier sont les immeubles non bâtis, bâtis ou en état futur d’achèvement tels que terrains, maisons, appartements, garages. L’activité des agents immobiliers a toutefois évolué parallèlement avec les nouvelles structures juridiques qui se sont développées dans le droit de façon que les biens sur lesquels porte son activité englobent dorénavant aussi souvent la cession des actions ou parts de sociétés immobilières et de tous autres titres conférant des droits réels immobiliers ou tous autres droits portant sur la propriété ou la jouissance de biens immobiliers. Il a été jugé en Belgique que l’activité de « relocation » des intermédiaires assistant les étrangers venant travailler dans le pays à s’y installer et à trouver une habitation tombe aussi dans le cadre de l’activité d’agent immobilier2.

Souvent l’agent immobilier exerce d’autres activités dans le domaine de l’immobilier. Ainsi de nombreux agents immobiliers développent parallèlement des projets en tant que promoteur immobilier ; cette activité consiste dans le développement et la construction de projets immobiliers en vue de les revendre à un ou plusieurs acquéreurs. Une agence immobilière peut aussi offrir des services de gérance d’immeubles en tant que syndic par exemple. Toutefois, de telles activités constituent des professions à part ayant leurs caractéristiques et réglementations propres et nécessitant des autorisations d’établissement spécifiques. Nous nous limiterons dans le présent chapitre à analyser les seuls aspects concernant la profession d’agent immobilier proprement dite.

4 En tant qu’intermédiaire professionnel, l’agent immobilier est à considérer comme commerçant au sens de l’article 1er du Code de commerce et les actes qu’il pose dans le cadre de cette activité professionnelle sont considérés comme des actes de commerce suivant l’article 2 du Code de commerce qui stipule : « La loi répute acte de commerce : […] toute entreprise de fournitures, d’agences, bureaux d’affaires, […] ».

Cette qualification a été confirmée par la Cour supérieure de justice qui a estimé qu’était à considérer comme commerçant « l’agent d’affaires, c’est-à-dire celui qui, notoirement, fait profession de gérer, comme mandataire, moyennant salaire, les affaires commerciales ou civiles d’autrui, spécialement celui qui s’entremet, moyennant salaire, pour les achats, ventes et locations d’immeubles […] et fait de l’exercice de ces opérations sa profession habituelle »3.

L’acte posé par l’agent immobilier dans le cadre de cette activité professionnelle est donc à considérer comme acte de commerce. La Cour supérieure de justice a ainsi statué qu’« un acte de courtage, même isolé, constitue, aux termes de l’article 632 du Code de commerce (actuellement l’article 2 du Code de commerce), un acte de commerce, et ce sans qu’il y ait lieu de distinguer si la location de services du courtier est faite en vue de la réalisation d’un acte de nature commerciale ou de nature civile, telle une transaction immobilière »4.

Toutefois, il en est autrement si un commerçant, qui n’est cependant pas agent immobilier, procède à la vente d’un immeuble qui lui appartient. La juridiction de référé de Luxembourg a ainsi estimé dans une ordonnance du 12 mars 1992 qu’une personne qui n’est pas agent immobilier et qui a vendu un immeuble pour apurer certaines dettes ne posait là non pas un acte commercial mais un acte civil, la vente de l’immeuble ne se rattachant pas à son activité commerciale habituelle.

En tant que commerçant, l’agent immobilier doit se conformer aux dispositions légales s’appliquant de façon générale à tout commerçant et se faire inscrire au Registre de commerce et des sociétés ; il doit également respecter les dispositions de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le Registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

La qualité de commerçant de l’agent immobilier a une incidence importante en matière de preuve et de prescription dans la mesure où c’est le régime tel que prévu en matière commerciale qui s’applique à lui. Nous y reviendrons de façon plus détaillée dans les développements consacrés à la rémunération et à la responsabilité de l’agent immobilier.

L’activité d’agent immobilier est soumise à l’obligation d’une autorisation d’établissement. Nous analyserons celle-ci plus en détail dans le dernier chapitre du présent ouvrage.5

B. Les missions de l’agent immobilier

5 La mission de l’agent immobilier consiste avant tout à rechercher pour son client une partie intéressée à l’opération immobilière que son client souhaite réaliser. À cet effet, il met à la disposition de son client tous les moyens nécessaires : ses relations d’affaires, son savoir-faire, son expérience professionnelle ainsi qu’une publicité adéquate par affichage ou publication dans les médias ; il organise des visites de l’objet en question.

Le plus souvent, sa mission englobe, outre la simple mise en contact des cocontractants, des activités corollaires telles que la négociation du prix et des autres conditions de l’acte (délai, entrée en jouissance, conditions suspensives ou résolutoires) ainsi que la rédaction d’un compromis ou d’un contrat. Cette dernière est une opération délicate car ce compromis ou contrat liera les parties ; une mauvaise rédaction pourrait engager la responsabilité de l’agent immobilier qui est dès lors bien avisé de se faire conseiller au préalable par un juriste pour la formulation de ces documents à signer par les parties.

Un contrat d’agent immobilier avec une possibilité pour ce dernier d’acheter lui-même l’objet immobilier est à déconseiller en raison du conflit d’intérêt. Nous examinerons plus loin l’interdiction de contrepartie de l’agent immobilier.6

Il arrive aussi que l’agent immobilier soit chargé par son client de rechercher un cocontractant et de signer en son nom le contrat afférent. Dans ce cas, qui constitue l’exception à la règle, il s’agit d’un véritable mandat au sens du Code civil, l’agent immobilier devenant le mandataire ayant pouvoir de représenter et d’engager juridiquement par sa propre signature son client pour l’opération en question. Nous reviendrons plus loin de façon détaillée sur les aspects juridiques du mandat.

Les missions accessoires ne s’imposent à l’agent immobilier que si elles sont expressément prévues dans le contrat.

Dans un jugement du 27 juin 1989, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg7 a retenu qu’en l’absence d’un mandat écrit, il faut admettre que le mandat confié à l’agent immobilier en vue de la vente d’un immeuble comprend normalement les recherches nécessaires en vue de trouver un acquéreur à un prix accepté par le vendeur, ce qui implique que de toute évidence la négociation et la détermination du prix de vente font partie de sa mission, et qu’à défaut de spécification dans un mandat écrit, sa mission se termine normalement par la rédaction du compromis. Selon le Tribunal, le pouvoir de représentation du ou des mandants à l’acte de vente notarié et le pouvoir d’encaisser les fonds résultant de la vente peuvent eux aussi rentrer dans la mission de l’agent immobilier, mais ils exigent obligatoirement des pouvoirs spéciaux fixés par écrit et ne se sous-entendent pas.

C. Les collaborateurs de l’agent immobilier

6 Souvent l’agent immobilier, qu’il exerce son activité en tant que personne physique ou sous forme de société, a recours à d’autres personnes pour l’aider dans sa tâche.

À cet égard, l’agent immobilier doit évidemment observer les dispositions en matière de législation du travail, et notamment la nécessité d’un contrat de travail régulier et d’une rémunération minimale.

Il arrive que des agents immobiliers aient recours à des personnes qu’ils rémunèrent exclusivement sur la base d’un pourcentage sur la valeur des contrats réalisés. Quel est le statut de ces collaborateurs ?

Le Conseil arbitral d’Esch-sur-Alzette a confirmé, dans une décision du 20 janvier 19848, que l’activité d’une personne travaillant pour le compte d’une agence immobilière, dont le travail consiste à rechercher et à contacter les bailleurs et les locateurs, respectivement les vendeurs et les acquéreurs potentiels, à servir d’intermédiaire entre ceux-ci et l’agence immobilière, à négocier pour compte de l’agence immobilière des options de vente, des compromis de vente et des contrats de bail, la rémunération s’effectuant sur la base d’un pourcentage sur la valeur des contrats réalisés, constituait l’activité d’agent rémunéré sur la base de commissions pour compte de l’agence immobilière. Selon les juges, cette personne avait dès lors exécuté, sur la base d’un engagement durable pour le compte d’autrui et contre rémunération, un travail d’agent immobilier et elle était donc à considérer comme employée privée.

L’agent immobilier devra par conséquent être conscient des implications possibles d’un tel recours à des collaborateurs qualifiés « indépendants » ou « free-lance » ne touchant pas une rémunération fixe ; il devra éviter toute violation du Code du travail, notamment en ce qui concerne les obligations d’un contrat de travail régulier, d’une rémunération respectant le salaire social minimum et d’affiliation à la sécurité sociale pour ne mentionner que celles-ci.

D. Le fonds de commerce d’agence immobilière

7 La profession d’agent immobilier étant une activité commerciale, l’agence immobilière qui est exploitée constitue un fonds de commerce. La détermination de sa valeur constitue un élément important, ceci d’autant plus qu’on a assisté ces dernières années à un véritable « boom » dans le secteur immobilier.

Le prix de cession du fonds de commerce d’une agence immobilière sera fixé d’après les critères usuels, notamment le chiffre d’affaires et les éléments incorporels du fonds de commerce, tout en tenant compte du fait que rien ne garantit la fidélité de la clientèle en cas de reprise d’une agence immobilière, la clientèle étant par ailleurs un élément dont la rotation est assez rapide et la fréquence de recours aux prestations assez réduite (un client n’a pas chaque semaine un immeuble à vendre ou à donner en location !).

En principe, les contrats liés à l’exploitation du fonds de commerce – tels que les contrats avec les clients – ne sont pas compris dans la cession du fonds de commerce. Si l’acquéreur est intéressé, il devra renégocier avec le cocontractant du vendeur un nouvel accord.

Les agents immobiliers qui exercent directement leur profession à titre individuel devront donc informer la clientèle de l’agence immobilière de la reprise de celle-ci par un nouvel exploitant et juridiquement la signature de nouveaux contrats ou d’avenants aux contrats existants avec les clients est dans ce cas requise, au risque autrement de donner au client la possibilité de refuser le paiement de la commission ou l’exécution du contrat repris.

La question ne se pose pas pour les agences immobilières constituées sous forme de société en cas de cession des actions de la société dans la mesure où le cocontractant du client reste la même personne juridique, même s’il y a un changement dans les actionnaires ou associés.

Section 2 – Le contrat entre l’agent immobilier et son client

8 Le contrat entre l’agent immobilier et son client est la base juridique qui régit les relations entre les deux parties, et notamment la rémunération des services prestés. Il s’agit donc d’un élément essentiel pour l’activité professionnelle et nous en examinerons consécutivement la nature, la forme et le contenu, l’étendue, l’exclusivité, l’exécution et la durée.

A. La nature du contrat d’agence

9 Quelle est la nature du contrat de l’agent immobilier ?

1. Un contrat d’entreprise

10 La convention par laquelle une personne sert d’intermédiaire à un client pour lui trouver une tierce partie disposée à conclure avec elle une opération juridique à laquelle l’agent immobilier n’est pas lui-même partie est un contrat de courtage. Ce dernier constitue un contrat d’entreprise, à savoir « un contrat par lequel une personne se charge de faire un ouvrage pour autrui, moyennant une rémunération, en conservant son indépendance dans l’exécution du travail »9. Le contrat d’entreprise est l’un des louages d’ouvrage prévus aux articles 1710 et 1779 du Code civil.

Pourtant, la nature du contrat d’agent immobilier fait depuis longtemps l’objet de controverses.

« Le contrat d’agent immobilier est-il un contrat de mandat, un contrat d’entreprise ou un contrat sui generis ? » Cette question traitée par Marc Thewes dans sa contribution très fouillée, « L’agent immobilier »10, à laquelle nous ne pouvons que renvoyer, résume à perfection le débat qui anime le monde juridique luxembourgeois.

Ni la doctrine ni la jurisprudence n’ont pu adopter de position unanime à ce sujet.

La difficulté provient du fait qu’en droit le terme « mandat » a une signification précise : l’article 1984 du Code civil le définit comme « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Il implique un pouvoir d’engager le mandant, un pouvoir de signature pour passer un acte juridique.

Or, dans la plupart des cas, la mission de l’agent immobilier se limite à rechercher pour le compte de son client des personnes intéressées ; d’habitude, ce n’est pas l’agent immobilier qui signe au nom et pour le compte du client, mais ce dernier décide et signe lui-même. Dans ce cas, le contrat qui lie l’agent immobilier à son client constitue en fait un contrat d’entreprise.

La confusion se trouve entretenue du fait que de nombreux documents signés entre l’agent immobilier et son client utilisent le terme « mandat de vente » ou « mandat exclusif de vente » alors qu’il ne s’agit en fait pas d’un véritable mandat.

Les textes légaux luxembourgeois n’apportent pas non plus de clarté sur la nature du contrat entre l’agent immobilier et son client. Le seul texte qui en parlait était l’article 8 du règlement grand-ducal du 20 janvier 1972 qui stipulait, en matière de commission redue à l’agent immobilier : « Pour assurer le respect des dispositions ci-dessus, les commissions pour services rendus pouvant être exigées par les agents immobiliers lors de la vente ou de la location d’immeubles doivent faire l’objet d’un contrat de mandat rédigé par écrit en double exemplaire, signé par l’agent immobilier et son client ». Il y a lieu de noter que ce texte ne traitait pas directement la nature du contrat mais avait pour objet d’exiger un écrit comme condition de la rémunération de l’agent immobilier. Par ailleurs, il s’agissait d’un règlement grand-ducal, issu du Gouvernement et non du législateur qui est la Chambre des Députés, de sorte que ce texte constituait une norme juridique hiérarchiquement inférieure à la loi. De toute façon, comme nous verrons plus loin en rapport avec la commission de l’agent immobilier11, ce règlement grand-ducal a été entretemps aboli.

Le monde juridique n’a pas réussi à se mettre d’accord pour donner une réponse précise quant à la nature du contrat. On se limitera ici à citer une jurisprudence représentative en la matière.

Une jurisprudence importante défend, d’un côté, la nature de mandat du contrat de l’agent immobilier. « Le commettant qui met fin au mandat ad nutum sans motif valable n’engage pas sa responsabilité contractuelle, alors que le mandat constitue un acte unilatéral, en l’espèce onéreux et qui demeure révocable par le mandant quand bon lui semble, sous réserve toutefois que, suivant le droit commun de l’article 1382 du Code civil, il n’abuse du droit qui lui est ainsi reconnu. En effet, la révocabilité du mandat par le commettant, quand bon lui semble, est une caractéristique essentielle de ce contrat, conformément à l’article 2004 du Code civil. Aucune disposition légale ne permet de déroger à cette règle, lorsque le contrat de mandat a pour objet des actes de commerce »12.

Une jurisprudence abondante s’est cependant ralliée à la thèse du contrat d’entreprise. Ainsi, la Cour d’appel de Luxembourg a été d’avis que « Malgré le libellé de l’article 8 du règlement grand-ducal du 20 janvier 1972 sur les agents immobiliers, où il est question d’un contrat de mandat rédigé par écrit, les doctrines et jurisprudences belges et françaises dominantes qualifient le contrat conclu entre un agent immobilier et son client de contrat d’entreprise, qu’il comporte un mandat de représentation du client ou non. Il ne s’agit pas d’un mandat, révocable ad nutum. Dans la plupart de ces cas, la mission de l’agent immobilier ne consiste qu’à annoncer un objet immobilier à vendre ou à louer et à rechercher des acquéreurs ou locataires solvables et sérieux, prêts à accepter les conditions fixées d’avance par le propriétaire, mais non de traiter directement avec des tiers »13.

Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a statué dans un jugement du 3 novembre 200414, confirmé en appel : « En confiant à l’agent immobilier un contrat comprenant l’engagement de faire toutes les diligences pour trouver un acquéreur sans lui donner le pouvoir de vendre l’immeuble, le client n’a pas confié un mandat à l’agent immobilier mais il a conclu un contrat d’entreprise.

La convention conclue entre un agent immobilier et un propriétaire en vue de la vente d’un immeuble doit s’analyser comme un contrat d’entreprise lorsque la tâche de l’agent consiste uniquement dans l’accomplissement de prestations matérielles ayant pour but de trouver un candidat acheteur. […]

Lorsque la mission comporte l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée, l’acte doit en faire expressément mention ».

La Cour d’appel a encore statué que « Le mandat suppose la conclusion d’un acte juridique. Il est le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant en son nom. L’acte est accompli comme si le mandant avait été présent lui-même et en son nom. Le mandat ne se conçoit pas à l’égard d’un acte matériel. Un pareil acte ne donne matière qu’au louage de travail ou au louage d’industrie. En conséquence, il ne suffit pas qu’une personne soit chargée par une autre d’une mission déterminée pour qu’il y ait mandat. Il faut encore que cette mission ait pour objet un acte juridique à accomplir au nom d’une autre personne (représentation). Dès que ces caractères n’existent pas, il n’y a pas mandat, mais louage d’industrie. Lorsqu’un agent immobilier n’a pas pour mission de conclure un acte juridique, mais qu’il a seulement pour mission de servir d’intermédiaire pour la recherche d’un cocontractant, il n’a dans ce dernier cas qu’une mission matérielle. Lorsque l’agent immobilier recherche par la publicité ou autrement des acquéreurs pour un immeuble, il le fait pour le compte du propriétaire. Il exécute une mission et non un mandat. Ne sont donc pas mandataires les agents chargés de l’achat et de la vente d’immeubles à moins qu’ils ne soient chargés d’un acte juridique déterminé »15.

Un jugement du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg16 va dans le même sens : « Il est de principe que le contrat conclu entre l’agent immobilier et son client ne doit être qualifié de mandat que dans les seuls cas où l’agent a reçu de son client le pouvoir de le représenter dans un acte juridique, tel un acte de vente. Pour qu’un tel mandat soit valable, il faut, par application de l’article 1988, alinéa 2 du Code civil, qu’il soit exprès. Si, au contraire, la mission de l’agent immobilier est de rechercher des acquéreurs potentiels pour son client, le contrat liant l’agent immobilier à son client constitue un contrat d’entreprise ». Cette solution a également été confirmée par la Cour d’appel17. La qualification donnée au contrat par les parties elles-mêmes n’a pas d’incidence sur la nature du contrat : « En ce qui concerne la qualification du contrat, les juges n’ont pas à s’arrêter aux termes employés par les parties. En effet, aux termes de l’article 1156 du Code civil, on doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. En l’espèce le tribunal constate que, malgré le fait que les parties ont intitulé leur convention de “mandat de vente”, X et Y ont chargé l’agence immobilière […] de la vente de leur immeuble, sans pour autant donner pouvoir à l’agence de les représenter lors de la conclusion du compromis de vente ou de l’acte notarié de vente. Dans ces conditions, le tribunal retient que la mission de l’agence immobilière était de rechercher des acquéreurs intéressés à l’achat de l’immeuble mis en vente. Il s’ensuit que le contrat en question est à qualifier de contrat d’entreprise ».

La question de la qualification du contrat d’agent immobilier sans pouvoir de signature au nom du client en contrat d’entreprise semble maintenant acquise.

Depuis l’abrogation implicite du règlement grand-ducal du 20 janvier 1972 par la loi du 17 mai 2004 relative à la concurrence18, tout argument juridique a été en effet enlevé à la qualification de mandat d’un contrat d’agent immobilier non assorti d’une mission de représentation juridique du client lors de la signature du contrat relatif à l’opération immobilière visée.

Reste maintenant encore à déterminer la nature juridique d’un tel contrat s’il comporte en même temps un véritable mandat au sens de l’article 1984 du Code civil.

2. Le mandat

11 Si la mission de l’agent immobilier a pour objet également de signer au nom de son client un document juridique engageant ce dernier (p. ex. compromis de vente, contrat de bail), l’on est en présence d’un véritable mandat rentrant dans l’hypothèse visée par l’article 1984, alinéa 1er du Code civil qui stipule que : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

Dans ce cas, tout le contrat entre l’agent immobilier et son client est-il alors à considérer comme mandat ou s’agit-il toujours d’un contrat d’entreprise sur lequel se greffe un contrat de mandat ? Nous nous limiterons ici à renvoyer de nouveau pour les détails à la contribution de Marc Thewes dans « L’agent immobilier »19. Selon l’auteur, la doctrine et la jurisprudence sont partagées entre trois solutions :

– le contrat d’agent immobilier resterait un contrat d’entreprise, malgré la présence d’une clause de représentation, car l’essentiel de l’activité de l’agent immobilier consiste dans la recherche d’un cocontractant, la signature du contrat n’étant que l’aboutissement de ces démarches ;

– si le contrat d’agent immobilier présentait une clause de représentation, il s’agirait d’un mandat, les diverses démarches préalables à la conclusion du contrat étant considérées comme des actes matériels accessoires et nécessaires à préparer l’acte juridique ;

– une doctrine et une jurisprudence minoritaires estiment qu’il s’agirait d’un contrat mixte.

Nous nous rallions à la conclusion de M. Thewes qu’il n’est pas possible de donner une réponse définitive au sujet de la qualification d’un contrat d’agent immobilier comportant une mission de représentation. Tout dépendra en fin de compte des circonstances de fait et de la formulation précise du contrat.

B. Forme et contenu du contrat

12 Aucun texte n’exige que le contrat lui-même entre l’agent immobilier et son client soit écrit pour être valable. Il en est de même du mandat de représentation éventuel autorisant l’agent immobilier à engager son client dans l’opération immobilière en question.

Un problème se posait avec l’exigence, prévue par l’article 8 du règlement grand-ducal du 20 janvier 1972 entre-temps aboli, d’un écrit pour la validité du contrat, qu’il ait été par ailleurs qualifié de contrat d’entreprise ou de mandat. Une jurisprudence importante annulait carrément les contrats d’agence immobilière faits sans écrit jusqu’à un revirement de jurisprudence qui s’est amorcé avec un arrêt de la Cour d’appel luxembourgeoise du 21 avril 199920. À partir de ce moment, les tribunaux luxembourgeois reconnaissaient – à juste titre – la validité des contrats d’agence immobilière conclus sans écrit.

Un accord verbal lie donc les parties. Un contrat écrit est cependant hautement recommandable afin d’éviter des difficultés de preuve en cas de contestations ultérieures.

Depuis la loi du 17 mai 2004, qui a implicitement abrogé le règlement grand-ducal du 20 janvier 1972, la condition d’un écrit ne saurait plus être exigée, non seulement pour la validité du contrat, mais aussi pour que l’agent immobilier puisse avoir droit à une rémunération.

Il en est de même si le contrat s’analyse en un mandat. L’absence d’un contrat écrit n’est ni une cause de nullité du contrat conclu par le mandataire puisque l’existence d’un écrit n’est pas une condition de forme requise pour la validité du mandat, ni n’aurait comme conséquence que l’agent immobilier ne toucherait pas de rémunération. En effet, si l’article 1986 du Code civil stipule que « Le mandat est gratuit, s’il n’y a convention contraire », cette convention peut être orale. Dans ce cas, l’agent immobilier risquerait cependant de se heurter à un problème de preuve, la preuve n’étant libre que jusqu’à un montant de 2 500 €. Il sera donc bien avisé de faire attention à la formulation précise du contrat et de le rédiger par écrit.

13 Il est souhaitable que le contrat que l’agent immobilier propose à son client contienne tous les éléments essentiels relatifs à sa mission et aux obligations réciproques des parties et que les diverses clauses du contrat soient claires aux yeux du client qui les accepte.

Les éléments devant être obligatoirement contenus dans le contrat sont les suivants :

– les parties au contrat et leurs qualités ;

– l’objet immobilier précis qui fait l’objet du contrat ;

– l’accord des parties ;

– l’indication d’un prix minimal pour la vente ou d’un loyer minimal pour la location.

D’autres dispositions essentielles sont facultatives, mais doivent avoir fait l’objet d’un accord préalable pour être applicables, comme par exemple :

– le montant de la commission de l’agent immobilier ;

– les éventuels frais facturés au client ;

– l’étendue de la mission de l’agent immobilier ;

– le caractère exclusif ou non de la mission ;

– une clause pénale ;

– la durée de la mission ;

– le cas échéant un mandat de signer au nom du client (s’il s’agit d’un vrai contrat de mandat) ;

– les conditions de résiliation du contrat.

Il y a lieu de noter que le règlement grand-ducal du 29 juillet 2004 relatif à l’indication des prix des produits et des services exige que les prix des prestataires de services (dont l’agent immobilier) doivent être clairement identifiables par le client avant la conclusion du contrat. Néanmoins, le contrat lui-même n’est pas nul s’il ne précise pas expressément le montant de la commission. Il appartiendra à l’agent immobilier de prouver le droit à la commission et son montant, qui ne saurait évidemment pas être contraire aux législations en vigueur. Une juridiction belge a ainsi jugé que « l’absence d’indications relatives au mode de calcul de cette rémunération n’entraîne pas pour autant la nullité du contrat, dont le prix peut être fixé par référence aux usages de la profession »21.

En matière de liberté contractuelle, il est libre aux parties de prévoir d’autres clauses pour agencer le contrat comme elles le souhaitent, le tout évidemment sous réserve du respect de la loi.

Si le contrat met en rapport un professionnel et un particulier, il ne doit pas comporter de clause abusive, sous peine des sanctions prévues par le Code de la consommation et notamment la nullité de la clause en question22.

Le contrat doit par ailleurs être conclu de bonne foi. Des clauses stipulées de mauvaise foi sont susceptibles d’être annulées en justice. Ainsi, il a été jugé qu’« Un agent immobilier qui accepte la mission de vendre une maison mais qui en réalité spécule, à partir de la conclusion du contrat, sur la négligence de son client et espère ainsi l’application d’une clause pénale, agit contrairement à la bonne foi »23.

C. Étendue du contrat

1. Principe

14 Conformément au principe de liberté contractuelle, qui n’est limité que par l’obligation de respecter l’ordre public et la loi, il appartient à l’agent immobilier et à son client de fixer eux-mêmes l’étendue de la mission accordée à l’agent immobilier et les conditions éventuelles auxquelles il peut être soumis.

Ainsi le contrat peut-il prévoir ou non un prix de vente ou un loyer minimum.

Il peut aussi préciser les modalités suivant lesquelles l’agent immobilier effectuera sa mission, notamment en matière de publicité ou de visites de l’immeuble à organiser pour des personnes intéressées.

Il y a lieu de distinguer si la mission confiée à l’agent immobilier est simplement de chercher une personne intéressée ou s’il s’agit d’un véritable mandat de conclure le contrat au nom du client.

L’importance de cette distinction est de taille. En effet, le mandat accordé à l’agent immobilier pour signer le contrat au nom du client doit faire l’objet d’une stipulation expresse, autrement il est réputé n’être qu’un contrat d’entreprise limité à rechercher des tiers intéressés et l’agent immobilier n’a dans cette hypothèse aucun pouvoir de représentation pour engager son client.

Ainsi il a été jugé que la qualification du contrat par les parties d’« option de vente » ne confère pas à l’agent immobilier le pouvoir de signer le contrat au nom de son client. Un arrêt de la Cour d’appel luxembourgeoise24 a ainsi retenu à juste titre : « Il est peut-être exact, tel que le fait valoir A., que le recours à des contrats intitulés option de vente est une pratique professionnelle luxembourgeoise dans les milieux des agents immobiliers. Mais [la Cour] ne peut suivre les appelants en ce qu’ils déduisent de cette pratique professionnelle luxembourgeoise que le client qui signe une telle option de vente a, de ce fait, expressément conféré à l’agent immobilier mandat de le représenter dans cette vente. La Cour rejoint à ce sujet les premiers juges pour dire que le mandat de vendre doit être exprès et que le contrat conclu entre parties ne confère pas à l’agent immobilier, en l’absence de stipulation expresse, le mandat de vendre l’immeuble, de sorte que les parties sont liées par un contrat d’entreprise ». Cette position de la Cour d’appel a été confirmée par la suite.25

Pour ce qui est de l’interprétation d’un contrat d’agence, il y a lieu d’appliquer les principes généraux applicables aux contrats d’entreprise. La convention fait la loi des parties ; un texte clair n’a pas besoin d’être interprété et, s’il donne lieu à des difficultés, le juge recherchera quelle a été la volonté des parties, tout en gardant en vue la protection de la partie qui s’oblige.

Si le contrat d’agence comporte un véritable mandat, l’étendue de ce dernier est d’interprétation restrictive et le mandataire ne saurait aller au-delà de l’habilitation qui lui est conférée. L’article 1989 du Code civil stipule en effet : « Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre ».

Ainsi, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a, dans un jugement du 12 décembre 199126, retenu que l’étendue des pouvoirs conférés par un mandat exprès doit être appréciée restrictivement pour que le mandant ne se trouve pas engagé au-delà de ce qu’il a réellement voulu. Par conséquent, celui qui a reçu mandat de vendre ne peut accorder à l’acheteur des délais de paiement.

Selon la jurisprudence, « le mandat de vente ne comporte pas de plein droit celui de percevoir le prix et le paiement fait par l’acquéreur entre les mains de l’intermédiaire non habilité à cet effet n’est pas libératoire »27.

Par contre, il a été jugé que si, suivant l’article 1989 du Code civil, le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat, il est pourtant admis que le pouvoir de négocier, de conclure et de signer des contrats de vente et de livraison implique celui de stipuler une clause pénale pour le retard de la livraison, une telle clause étant d’ailleurs normalement prévue dans l’intérêt du vendeur mandant, courante dans les compromis de vente et ne contenant aucune stipulation inhabituelle ayant le cas échéant dû inciter le client à effectuer des vérifications particulières. Dans un arrêt du 23 novembre 199428, la Cour d’appel a estimé que c’était partant à bon droit que les premiers juges avaient décidé que l’agence avait agi dans les limites de son mandat et que son mandant se trouvait dès lors valablement engagé envers le tiers cocontractant.

De même, il a été jugé que celui qui a reçu mandat de vendre des appartements était habilité également à vendre les garages comme accessoires des appartements29.

2. Dépassement des pouvoirs et mandat apparent

15 Qu’en est-il si l’agent immobilier outrepasse sa mission et signe un acte juridique au nom de son client alors que ce dernier ne l’avait chargé que d’un contrat d’entreprise ou si, en cas de véritable mandat, il signe un acte qui va au-delà du mandat qu’il a reçu ?

Selon l’article 1998, alinéa 2 du Code civil, le mandant n’est en principe pas engagé par les actes du mandataire au cas où ce dernier dépasse les pouvoirs qu’il lui a conférés, sauf s’il les a ratifiés expressément ou tacitement.

Ce principe est cependant largement battu en brèche par la notion de « mandat apparent » telle que développée par la jurisprudence.

La 3e chambre civile de la Cour de cassation française, dans un arrêt du 12 avril 197630, a retenu qu’aucun contrat de vente ne s’était formé alors que l’agent immobilier avait agi en dehors des limites de son mandat : chargé de trouver un acquéreur et de le mettre en rapport avec le propriétaire, l’agent immobilier avait trouvé un intéressé qui lui avait remis un chèque à valoir sur le prix de vente. Le tiers acquéreur opposait ensuite aux propriétaires la vente consentie par l’agent immobilier, mais la Cour de cassation a estimé que l’agent n’avait pas le pouvoir de conclure une vente et qu’il n’avait dès lors pas pu engager son mandant.

Toutefois, il peut en être différemment si le tiers cocontractant a pu légitimement croire que celui avec lequel il contractait avait reçu du soi-disant mandant le pouvoir nécessaire de le représenter : c’est la théorie du mandat apparent. Souvent il est difficile pour le tiers – tant pour des raisons matérielles que pour des facteurs psychologiques – de vérifier la réalité et l’étendue des pouvoirs de l’agent immobilier mandataire. Face à un tiers de bonne foi, la théorie du mandat apparent, développée par la jurisprudence, a pour conséquence d’engager le mandant à un acte auquel il n’a pourtant pas consenti. La nature de l’acte accompli par le mandataire, la valeur du litige, la personnalité du tiers contractant et les conditions dans lesquelles le mandataire a agi constituent évidemment des éléments clés dans l’appréciation du mandat apparent par les juges.

La charge de la preuve de l’erreur légitime et de la bonne foi incombe à celui qui entend se prévaloir du mandat apparent. Dans un jugement du 10 décembre 199131, le Tribunal d’arrondissement de Diekirch a ainsi par exemple retenu que la seule condition d’application de la théorie du mandat apparent est la croyance légitime du tiers aux pouvoirs du mandataire et qu’il incombe aux tiers de prouver les circonstances pouvant accréditer son erreur et sa bonne foi, citant à cet égard une jurisprudence française32.

La croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire doit être légitime, ce qui suppose que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs33.

Dans un arrêt du 4 mars 199834, la Cour d’appel luxembourgeoise a retenu que les seules énonciations du compromis de vente et la signature du compromis par l’agent immobilier n’autorisaient pas le contractant à se dispenser d’une vérification des pouvoirs de l’agent immobilier.

Par contre, la Cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 2 octobre 196535, estimé « qu’il n’est pas d’usage que le propriétaire qui charge un tiers de rechercher un acquéreur pour son immeuble donne à ce tiers pouvoir de le vendre sans lui en référer » et a par conséquent dénié au tiers acquéreur le droit de se prévaloir d’un mandat apparent.

En France, un arrêt récent de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 31 janvier 2008 est allé à contresens de la jurisprudence antérieure dans la mesure où il a condamné la théorie du mandat apparent en matière de transaction immobilière36 en jugeant que « le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives de la loi Hoquet ». Cette dernière, qui régit la profession de l’agent immobilier en France, exige expressément un contrat de mandat écrit, précisant son objet et faisant expressément mention de l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée au cas où elle en comporte une. La législation luxembourgeoise ne prévoyant pas cette obligation, cette jurisprudence ne saurait être transposée telle quelle. Il nous semble toutefois opportun de la signaler alors qu’à l’heure actuelle son influence sur la jurisprudence luxembourgeoise ne peut pas être exclue.

En conclusion, il y a lieu de constater que la jurisprudence a tendance à se montrer généralement plus restrictive en cas de vente d’un immeuble et d’admettre plus facilement l’erreur légitime du cocontractant en matière de contrat de bail ou quand l’objet est de faible valeur, tout dépendant cependant des circonstances37. De même, il y a lieu de tenir compte, outre des éléments ci-avant, de la qualité et de l’attitude du mandataire ainsi que de la personnalité du mandant ; ainsi, dans un jugement du 27 juin 198938, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a retenu que la personnalité du mandant joue un rôle dans l’appréciation de la légitimité de son erreur.

À nos yeux, la théorie du mandat apparent ne doit être appliquée en matière immobilière qu’avec circonspection alors qu’acheter ou louer un immeuble diffère de l’achat d’un simple bien de consommation.

D. Le mandat exclusif

16 Si le contrat entre l’agent immobilier et son client ne contient pas de stipulation expresse, la mission n’est pas réputée exclusive et le client a le droit de trouver lui-même une partie intéressée à l’immeuble faisant l’objet du contrat et de conclure un contrat afférent sans l’intervention de l’agent immobilier. Il peut aussi en charger un autre intermédiaire ; c’est à ce dernier que reviendra alors la commission convenue avec celui-ci si le contrat se réalisait.

Il en va différemment en cas de « mandat exclusif ». Dans ce cas, le client s’engage à laisser au seul agent immobilier le soin de chercher une partie intéressée et il renonce par là au droit d’en chercher une lui-même ou par l’intermédiaire d’autrui.

Le terme « mandat exclusif » utilisé dans beaucoup de contrats peut d’ailleurs induire en erreur. Comme nous l’avons déjà indiqué, il ne s’agit en général pas d’un « mandat » au sens du Code civil et comportant un pouvoir de représentation dans un acte juridique, mais d’une terminologie qui s’est introduite dans le langage commun, le terme « mandat » signifiant en fait ici une mission dont une personne est chargée. Le terme « mandat » utilisé dans ce contexte n’a d’ailleurs pas d’incidences sur la qualification juridique du contrat, celle-ci ne résultant pas de l’appellation que lui ont donnée les parties au contrat mais de son contenu.

Le mandat exclusif peut même être accordé dans un même contrat à plusieurs agents immobiliers travaillant ensemble. « Le mandat de vente exclusif confié dans un même contrat à deux sociétés immobilières travaillant ensemble n’est pas nul. Il interdit seulement au mandant de négocier soit directement, soit par l’intermédiaire d’un tiers la vente de son bien »39.

Cependant, même en cas de mandat exclusif, le contrat conclu directement ou par l’intermédiaire d’autrui, sans l’intervention de l’agent immobilier bénéficiant du mandat exclusif, ne serait pas nul. Toutefois, le client serait alors redevable envers l’agent immobilier bénéficiaire du mandat exclusif de dommages-intérêts dont le montant se situe normalement à hauteur de la commission convenue entre l’agent immobilier et son client, sauf à l’agent immobilier de prouver un préjudice supérieur.

Quelle est la nature de l’indemnité prévue en cas de violation d’une clause d’exclusivité ? Saisi d’une violation de la clause d’exclusivité d’un contrat qui prévoyait que la commission était également due si les vendeurs devaient vendre eux-mêmes leur objet immobilier durant la période du mandat ou si, passé ce délai, l’objet était vendu à un client de l’agence, le Tribunal d’arrondissement de Diekirch, dans un jugement du 18 février 200340, a qualifié cette indemnisation contractuelle non pas de rémunération, se rapportant effectivement et directement à la commission due elle-même, mais comme une clause pénale, c’est-à-dire une réparation fixée forfaitairement à l’avance par une clause contractuelle.

Dans la pratique, on constate que les agents immobiliers recourent de moins en moins à des mandats exclusifs alors qu’en raison de la vive concurrence qui règne sur le marché immobilier, les clients préfèrent jouer sur plusieurs plans et rechignent à se limiter à un seul intermédiaire.

E. L’exécution du contrat

1. Exécution personnelle et sous-traitance

17 Le contrat de l’agent immobilier pose le problème de l’exécution personnelle et de la sous-traitance. L’agent immobilier doit-il – qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une société – exécuter lui-même la mission qui lui est confiée par son client ou peut-il la déléguer en tout ou en partie à une personne extérieure ?

La réponse dépend de la question de savoir si le contrat d’agence immobilière est conclu ou non « intuitu personae », c’est-à-dire si le cocontractant – en l’occurrence l’agent immobilier – est choisi surtout en raison de ses qualités personnelles.

a. Le contrat de mandat

18 Un pouvoir de représentation juridique, en raison des conséquences importantes qu’il engendre et de la confiance qu’il implique, est accordé pour des raisons directement liées à la personne. Le mandat est dès lors sans aucun doute un contrat conclu « intuitu personae »41.

Est-ce que la substitution du mandataire en l’absence d’un accord du mandant est licite ? Le Code civil ne donne pas de précision à ce sujet, tout en prévoyant en son article 1994 les conséquences d’une telle substitution pour le mandataire original qui doit répondre de celui qu’il s’est substitué quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un ou quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d’une personne et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable.

Aujourd’hui, la possibilité d’une substitution est généralement admise, notamment dans les contrats onéreux, l’intuitu personae jouant surtout à l’égard des risques contractuels que les qualités du mandataire ont pour but d’éviter42. La considération de la personne intervient ainsi essentiellement dans les contrats à titre gratuit ; en revanche, elle ne joue en principe pas dans les contrats à titre onéreux43. De toute façon, la substitution n’est évidemment pas possible si le mandant l’a interdite, soit expressément soit tacitement.

b. Le contrat d’entreprise

19 Le caractère intuitu personae joue-t-il aussi dans l’hypothèse d’un simple contrat d’entreprise, l’agent immobilier ayant reçu comme seule mission de trouver un tiers intéressé, mais non le pouvoir d’engager juridiquement son client ?

Certes, le client choisit l’agent immobilier qu’il estime le plus apte à faire conclure l’opération envisagée dans les meilleures conditions. Or, tel est le cas pour quasiment tous les contrats de services que les particuliers souscrivent dans la vie quotidienne ; ainsi on achète dans les magasins où l’on attend de l’exploitant qu’il fournisse une certaine qualité ou un certain prix, bien que l’on ne puisse prétendre que l’achat de vêtements ou de denrées alimentaires se ferait en raison des compétences personnelles du commerçant en question. Il en est de même des agences de voyages, des agences de travail intérimaire, du coiffeur…

L’intuitu personae doit être réservé aux contrats pour lesquels une confiance particulière dans une ou plusieurs qualités individuelles d’une personne déterminée est requise. Ce principe est consacré par l’article 1237 du Code civil qui stipule : « L’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même ».

Or, l’ « entrepreneur peut recourir à la sous-traitance pour tout ou partie du travail confié, quand l’intuitu personae est moins caractérisé »44, sauf si la sous-traitance a été interdite ou soumise à un agrément préalable dans le contrat principal.

La mission d’intermédiaire de l’agent immobilier, si elle contient comme tous les contrats de services une certaine dose d’intuitu personae, ne nous semble cependant pas être confiée essentiellement en raison de la personne de l’agent immobilier. Ceci d’autant plus que, sauf en cas de mandat exclusif, il est loisible au client de confier son opération immobilière à plusieurs agences immobilières à la fois (et que nombre d’entre eux font usage de cette faculté), ou de la réaliser lui-même. Une grande partie de la doctrine partage cette opinion45.

Cette position est également soutenue par un arrêt assez ancien de la Cour de cassation qui a jugé que sauf circonstances spéciales de nature à personnaliser le rapport contractuel, un contrat d’agent immobilier n’est pas un contrat intuitu personae.46

En cas de différend, il appartiendra au juge d’apprécier le caractère « intuitu personae » du contrat. Il appréciera dans ce contexte notamment l’étendue de la mission confiée à l’agent immobilier et les circonstances particulières de l’opération envisagée.

Notons toutefois dans ce contexte que le risque d’un litige au sujet d’une sous-traitance par un agent immobilier semble assez réduit. En effet, le client a intérêt à trouver un intéressé pour son objet immobilier ; peu lui importe normalement si celui-ci est amené par l’agent immobilier ou par un sous-traitant de ce dernier – ce qui compte c’est une conclusion satisfaisante de l’opération. Il est d’ailleurs rare qu’un agent immobilier sous-traite une affaire en la confiant totalement à un autre intermédiaire. Le plus souvent, les agents immobiliers opèrent dans ce cas dans le cadre de contrats de collaboration, deux ou plusieurs agences travaillant parallèlement à trouver un contractant, et partageant la commission en cas de succès suivant une clé de répartition convenue entre elles. Le client n’a en principe rien à perdre : il ne paie pas de commission si l’agence ou son sous-traitant ou l’agence de collaboration ne trouve pas de cocontractant intéressé. Des dommages-intérêts ne se conçoivent qu’en cas d’inertie ou de fautes tant de l’agent immobilier que du sous-traitant.

2. Exécution conforme

20 Le contrat doit tout d’abord être exécuté conformément à la loi. L’agent immobilier doit évidemment respecter, dans le cadre de l’exécution de sa mission, toutes les lois et tous les règlements qui concernent soit sa profession, soit l’opération immobilière en question.

Par ailleurs, le contrat doit être exécuté conformément à son texte et à la volonté des parties. Selon l’alinéa 1er de l’article 1134 du Code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cette exécution inclut le respect des diverses obligations qui pèsent sur l’agent immobilier à l’égard de son client. Une exécution qui y serait contraire, de même qu’une inexécution totale ou partielle du contrat exposeraient l’agent immobilier à des dommages-intérêts, voire à la résiliation du contrat par son client.

Notons par ailleurs que l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil exige que les conventions « doivent être exécutées de bonne foi ». Ce concept englobe tant un devoir de loyauté (notamment l’abstention de tout dol), qu’un devoir de renseignement (p. ex. informations juridiques sur les formalités ou procédures, informations factuelles sur l’objet immobilier ou le cocontractant) et un devoir de coopération (p. ex. faciliter l’exécution du contrat, éviter des frais inutiles).

Ces principes sont d’ailleurs valables pour tous les contrats et ne sont pas particuliers au contrat de l’agent immobilier ; de surcroît, ils ont trait en grande partie aux obligations qui pèsent sur l’agent immobilier et qui sont examinées de façon approfondie à part47. Voilà pourquoi nous préférons nous limiter à simplement les mentionner sans les examiner en détail.

F. La durée du contrat

21 Nous distinguerons suivant qu’il s’agit d’un simple contrat d’entreprise, soumis au droit commun, ou d’un mandat comportant un pouvoir de représentation juridique, pour lequel le Code civil prévoit des cas particuliers.

1. Cas général : le contrat d’entreprise

22 La durée du contrat dépend de la volonté des parties qui peuvent prévoir un terme auquel il prendra fin.

Il n’est pas interdit de prévoir une clause d’irrévocabilité dans le contrat. Toutefois, cette irrévocabilité ne saurait être illimitée et la jurisprudence exige que la durée de cette clause soit raisonnable.

Le caractère raisonnable dépendra des circonstances et fera l’objet d’une appréciation par les juges. Un mandat irrévocable de 6 mois par exemple a été jugé valable par la Cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt du 26 juin 198548.

Le contrat d’agent immobilier étant soumis comme tout contrat au droit commun, il prend fin suivant les modes prévus par ce dernier, à savoir par :

– la fin de l’opération qui en a fait l’objet ;

– l’échéance du terme qui a été le cas échéant prévu ;

– une résiliation unilatérale ;

– une résiliation d’un commun accord ;

– une résolution judiciaire ;

– le décès de l’une des parties (ou la dissolution en cas de société) ;

– la perte de l’immeuble faisant l’objet du contrat.

Au cas où le contrat d’agent immobilier ne prévoit pas de durée déterminée, il peut être résilié unilatéralement. Toutefois, contrairement à ce que nous verrons plus loin pour le mandat, cette faculté de résiliation unilatérale n’existe que pour le client, l’article 1794 du Code civil la limitant en effet au seul maître de l’ouvrage49. L’agent immobilier ne dispose donc pas de cette faculté de résiliation unilatérale d’un contrat d’agence à durée indéterminée qui est reconnue à son client. Cependant, ce dernier devra tenir indemne l’agent immobilier « de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise ». Les juges évalueront dans ce cas le montant à allouer le cas échéant à l’agent immobilier par rapport à la perte d’une chance, c’est-à-dire le montant qu’aurait pu toucher l’agent immobilier si l’opération avait abouti. Le droit commun en matière d’obligations est applicable en l’occurrence. Les parties peuvent aussi conventionnellement prévoir une possibilité de résiliation moyennant un préavis par exemple ou fixer une indemnité en cas de résiliation anticipée du contrat par l’une d’elles. Une telle clause de dédit ne constitue pas une clause pénale alors qu’elle constitue la contrepartie d’une faculté de résiliation unilatérale et non pas la réparation d’un dommage50.

Même au cas où le contrat ne prévoit pas de terme, l’agent immobilier peut le cas échéant bénéficier d’une durée contractuelle minimale avant que le client n’ait le droit de le résilier unilatéralement. Ainsi, le Tribunal de Mons a jugé qu’une révocation vingt-quatre jours après la conclusion du contrat n’était pas raisonnable51.

Au cas où l’une des parties n’exécute pas ses obligations, l’autre partie peut suspendre ses propres obligations ou bien saisir le juge pour obtenir une résolution judiciaire du contrat. Le juge appréciera si la faute de la partie qui n’exécute pas son obligation est suffisamment grave pour justifier une résolution anticipée du contrat.

Pour ce qui est des contrats prévoyant une durée déterminée, ils prennent en principe fin de plein droit à l’échéance convenue. Le contrat peut cependant prévoir une clause de renouvellement automatique au cas où il n’est pas dénoncé par l’une des parties dans un délai déterminé ; dans ce cas, les parties sont engagées pour une nouvelle période de la durée convenue.

Enfin, le contrat prend fin si l’une des parties décède ou, si la partie en question est une société, est dissoute.

Il en est de même si l’immeuble faisant l’objet du contrat vient à sortir du patrimoine de son propriétaire (p. ex. destruction accidentelle ou vente) avant la conclusion de l’opération pour laquelle le contrat a été conclu. Dans ce cas, ce dernier devient en effet sans objet.

2. Le mandat

a. La fin du mandat

23 Le mandat, nous l’avons vu, concerne l’hypothèse limitée où l’agent immobilier a le pouvoir exprès d’engager juridiquement son client.

Outre les causes de droit commun, le mandat peut prendre fin pour certaines raisons spécifiques. Celles-ci se trouvent énumérées à l’article 2003 du Code civil : il s’agit notamment de la révocation ou de la renonciation du mandataire, de même que du décès du mandant ou du mandataire, sauf convention contraire.

En principe, la révocation n’est soumise à aucune forme particulière et elle peut même être tacite. Il suffit qu’il n’y ait pas de doute au sujet de la volonté du mandant ; en cas de contestation, le juge appréciera. Le mandant peut révoquer « ad nutum », c’est-à-dire librement, à n’importe quel moment (art. 2004 du Code civil), ceci en raison du caractère « intuitu personae » du contrat qui est supposé conclu en considération essentiellement des qualités personnelles du cocontractant. Le mandat est révocable à tout moment, même s’il stipule un terme ; dans ce cas, la révocation peut le cas échéant donner lieu à des dommages-intérêts. Il en est de même si, en l’absence de durée prévue, le mandant met fin au mandat de manière abusive ; le caractère abusif devra être prouvé par le mandataire.

b. La clause d’irrévocabilité

24 L’article 2004 du Code civil ne s’oppose pas à ce que les parties puissent prévoir dans le contrat que le mandat soit irrévocable, cette disposition n’ayant pas été considérée par la jurisprudence comme étant d’ordre public.

La clause d’irrévocabilité n’a pas besoin d’être expresse, la volonté des parties pouvant aussi être déduite de l’indication d’une durée du contrat. Marc Thewes, dans sa contribution précitée52, cite un jugement du 16 décembre 192653 dans lequel le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg estime qu’a entendu conférer au mandat un caractère irrévocable durant un laps de temps déterminé, le mandant qui stipule qu’il se considère comme lié pendant une période déterminée.

La jurisprudence a aussi été amenée à examiner si une clause d’exclusivité peut être considérée comme une clause d’irrévocabilité. Le critère retenu ici est la volonté des parties, qui sera appréciée souverainement au cas par cas par les juges. La jurisprudence semble pencher en faveur du caractère irrévocable du mandat si le mandat exclusif a été accordé pour une durée déterminée, et de considérer le mandat à durée indéterminée comme non assorti d’une clause d’irrévocabilité, sauf à prévoir que le mandat doit être maintenu pendant un délai raisonnable54. Ainsi un jugement non publié du Tribunal d’arrondissement du 14 juillet 198755, également cité par M. Thewes, a jugé qu’« il est admis qu’un mandat exclusif accordé pour une période déterminée emporte l’irrévocabilité de ce mandat pendant cette durée […]. Contrairement à ce qui est le cas en droit commun où le mandant n’est responsable de la révocation que si le mandataire prouve l’absence de motifs légitimes, l’irrévocabilité convenue d’un mandat a pour effet d’engager la responsabilité du mandant par le simple fait de la révocation. L’irrévocabilité fait en effet peser sur le mandant une obligation de résultat dont il ne pourra se dégager qu’en établissant la force majeure ou la faute du mandataire56. Le dommage subi par le mandataire consiste dans la perte de la chance de pouvoir encaisser en cas de vente de la maison la commission stipulée et dans une infime mesure dans les frais administratifs engendrés nécessairement pour une agence immobilière par la conclusion d’un contrat de mandat de vente ».

Par contre, un jugement du 10 juillet 2006 du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg57 a admis le contraire dans un cas où le client, qui avait chargé l’agent immobilier de lui trouver un acheteur, avait changé d’avis et ne souhaitait plus vendre alors que l’agent immobilier lui avait amené dans le délai de 4 mois convenu pour la durée du mandat exclusif une personne intéressée à laquelle il avait fait signer un compromis de vente. Le Tribunal d’arrondissement a estimé notamment : « L’article 2003 du Code civil dispose : “Le mandat finit par la révocation ou la renonciation du mandataire […]”. L’article 2004 du Code civil poursuit : “Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble […]”. L’article 2004 du Code civil énonce le principe de la libre révocabilité du mandat. Le mandat peut être révoqué à tout moment, même s’il est conclu pour une durée déterminée, la stipulation d’une durée ayant simplement pour fonction de fixer un maximum et ne valant pas renonciation à la liberté du mandant de révoquer le mandataire. De même un mandat exclusif n’est pas de par sa nature irrévocable. L’irrévocabilité dépend de la volonté des parties qui ont, le cas échéant, entendu, en concluant le mandat exclusif, interdire au mandant de retirer à son mandataire l’exclusivité des transactions lui confiées. La volonté de révoquer le mandat doit être certaine et elle doit être portée à la connaissance du mandataire, pour produire effet à son égard. La révocation du mandat ne doit respecter aucune forme particulière, elle peut être expresse ou tacite. […] ». En l’occurrence, le client avait informé l’agent immobilier de sa volonté de ne plus vendre, avant même que ce dernier ne lui présente l’acquéreur intéressé. Le Tribunal constatait que le contrat ne contenait aucune clause d’irrévocabilité et ne prévoyait aucune forme ou modalité à respecter pour la révocation. Le Tribunal concluait dès lors : « La demanderesse [l’agent immobilier] ayant été mise au courant du fait que l’immeuble des époux […] ne serait plus à vendre, il y a lieu de retenir que les défendeurs ont valablement révoqué le mandat de vente. La libre révocabilité du mandat étant de principe, elle ne peut donner lieu à des dommages et intérêts pour le mandataire révoqué, sauf si elle a été abusive. L’abus dans l’exercice du droit de révocation ne peut être retenu que si l’intention de nuire de l’auteur de la décision de résiliation, respectivement sa légèreté blâmable susceptible de se rattacher à des circonstances vexatoires ou intempestives, est établie. Les époux […] ont révoqué le mandat de vente confié à la société […] “pour une raison légitime de tout propriétaire, à savoir l’intention de ne plus vendre l’immeuble” ». L’agence immobilière s’est par conséquent vue déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour résiliation abusive du mandat.

Une clause d’irrévocabilité n’est cependant pas une clause d’exclusivité et, faute d’une spécification expresse du mandat exclusif, le client est en droit de confier la mission, parallèlement à la mission irrévocable accordée à un agent immobilier, à d’autres personnes.