Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Timor, essoufflé dans sa vie quotidienne, plaque tout : boulot, voiture, téléphone, ordinateur. Ainsi dépouillé, c’est à pied qu’il prend la route dans l’espoir de retrouver les repères qui lui apportaient autrefois paix et satisfaction. Humer à nouveau la terre, sentir encore les vibrations de la nature. Mais une rencontre avec un ermite au visage brisé l’entraîne sur la piste d’une énigme qui le ramène dans la région de son enfance. Est-il prêt pour des aventures inattendues qui vont bousculer son tempérament rêveur et nonchalant ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une carrière hétéroclite en France et à l’étranger, qui nourrit son imagination et sa créativité,
Jean Luc Lécuyer saisit l’occasion de se lancer dans l’écriture pour faire vivre des personnages attachants et singuliers, légèrement sérieux ou sérieusement légers, qui affrontent l’existence et les aventures avec une fantaisie mâtinée de fausse insouciance.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 299
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jean-Luc Lécuyer
LES RÉVEILS DE TIMOR
TOME 1UN HOMME À LATERRE
Roman
Cet ouvrage est une œuvre de fiction.
Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence.
Les protagonistes de cette histoire vivent dans mon imaginaire même si j’emprunte parfois l’une ou l’autre de leurs qualités à des gens qui peuplent mes souvenirs.
Certains lieux évoqués sont réels, mais j’ai pris toute liberté d’en partager une vision personnelle, plus ou moins altérée, ou même d’en inventer complètement l’apparence. D’autres lieux relèvent de la pure création.
Encore un jour où mieux vaut se cramponner au volant. Ce fichu mistral dans la vallée du Rhône, nuisance coutumière. Trafic dense sur l’autoroute, comme toujours. Les rafales font tanguer la voiture à chaque instant, rien de bien méchant, question d’habitude. Ne pas lâcher la barre. Panneaux et paysage défilent, son quotidien est ainsi fait. Juste devant, un véhicule dérive vers la gauche, contre toute attente. En même temps, quelques débris fusent, et encadrent le champ de vision, vite aperçus, vite évanouis. Un coup de volant pour éviter l’obstacle, et le break de Timor échappe à tout contrôle. Seulement le temps de penser :
–Je le disais bien qu’elle avait un gros cul cette bagnole.
Alors s’impose l’impression d’être emporté, horriblement solidaire de cette masse de ferraille. Il ignore ce que font ses pieds, ce que tentent ses mains. Juste un bruit assez modeste finalement, lorsque le flanc de son cercueil d’acier frotte contre la glissière de sécurité. Il dépasse à toute allure les éclats de verre et de plastique, puis l’autre véhicule tourbillonnant, et laisse derrière lui un chaos qui déjà ne le concerne plus. La vitesse a peu diminué. Il détourne la voiture vers la bretelle de sortie qui vient d’apparaître, et franchit le péage, cerveau débranché. Tout proche sur la droite, le parking de covoiturage. Garé en un instant, Timor détache sa ceinture, et se propulse hors de l’habitacle. Il s’engouffre dans les toilettes, et entame une interminable miction. Il sent le froid à l’arrière de ses épaules, une sueur sale et malsaine, un jus de trouille rétrospective, qui suinte entre ses omoplates. Puis il lave longuement ses mains, avec application, comme pour les débarrasser d’une contamination, pour effacer le contact avec la mort, et se défaire immédiatement des derniers instants.
La Citroën, bien rangée, cache son côté gauche contre une bande de roseaux. Comme pour préserver pudiquement sa blessure des regards. Debout, immobile près de cette fidèle compagne de voyage, Timor perçoit les cliquetis du moteur qui refroidit. Une vague odeur de goudron et de caoutchouc brûlé l’enveloppe quelques secondes. Puis le charme se rompt. Il ouvre le coffre, saisit sa valise cabine, s’empare de ses téléphones et de son portefeuille sur le siège passager. Il enfile son blouson de cuir. Une pression sur la télécommande pour verrouiller le véhicule. En franchissant un modeste talus, il accède au terrain voisin et s’éloigne d’un pas assuré. Les pensées ne reviennent pas vraiment. La première question qui le traverseest :
–Pourquoi mes jambes ne tremblent-ellespas ?
Dans le champ fraîchement moissonné, le frottement du chaume sec et touffu fait briller le bout de ses chaussures, et le bruissement de cette courte paille qu’il écrase concentre toute son attention. Un tout petit fragment de réalité auquel s’accrocher. Un son plus entendu depuis des lustres, et qui demeure pourtant familier. Il rejoint un chemin d’exploitation, qu’il emprunte sans hésiter en direction de la forêt. Il va bien falloir disparaître aux regards. Un homme au milieu des espaces cultivés, en tenue de ville, avec son bagage. Le couvert atteint ne paraît pas bien dense au premier abord, mais après quelques minutes de marche, il sent se refermer sur lui le cocon de la végétation. La valise sagement appuyée contre un arbre, il s’assied sur les feuilles sèches. Le sang circule bien dans ses veines, mais ses neurones sidérés ne montrent guère d’enthousiasme à faire voyager à nouveau ses idées. Timor apprécie malgré tout que les animaux de la forêt aient décidé de respecter le silence. Il se sent peu d’humeur à bavarder, même avec un sanglier très sympathique. Après quelques instants, sans aucun signe annonciateur, le flux des pensées revient. Son paquet posé là, et le poids des téléphones dans la poche lui rappellent qu’il a fui avec tout son déguisement de commercial itinérant. Il éteint les smartphones. Que répondrait-il au coup de fil d’un client ? « Je ne peux pas vous parler, j’ai le cul dans les feuilles ! » De toute façon, je ne peux plus les entendre tous ces gens, pense-t-il. En vérité, l’homme à qui ils ont l’habitude de s’adresser a plié bagage. Il reprend sa marche.
–Complètement inadaptée au terrain cette valise à roulettes, annonce-t-il à haute voix. Et ces foutues chaussures ne valent rien parici.
Il bifurque à droite quand il aperçoit sur la gauche l’orée de la forêt, et au loin une habitation. Son cœur s’est mis à cogner plus fort ; il sait qu’il va commencer à encaisser sa frayeur. Heureusement, la marche rapide l’oblige à respirer à fond. Il faut un endroit plus sûr pour essayer de faire le point. Il rêve d’une clairière, avec un ruisseau. Tout à fait dans le genre Walt Disney, avec un hibou qui l’observerait, dissimulé dans le feuillage d’un arbre centenaire.
–C’est ça, se dit-il. Ensuite, je découvre la maison de Blanche Neige.
Il mesure bien qu’il perd un peu les pédales. Ce n’est pas le moment de s’arrêter, il faut garder le rythme du corps, car l’esprit voudrait bien flancher. Il prélève une petite bouteille d’eau dans la valise, et l’ingurgite d’un trait. À peine plus tard, il sent ses oreilles devenir brûlantes et s’interroge brièvement, se demandant si elles paraissent rouges. Puis lui vient un rire nerveux, à l’idée de ce questionnement incongru. Le sentier se fait escarpé, la montagne commence à se dresser sur sa droite. Des amas de roche parsèment le sous-bois, certains désormais prisonniers des racines qui ont assuré leur prise au fil des décennies.
–C’est bien, pense-t-il. Ici je ne suis pas le maître, c’est la nature qui garde le contrôle.
Quelle heure peut-il être ? Pour le savoir, il faudrait rallumer un téléphone. Un bloc minéral imposant s’est brisé en deux en tombant de la falaise, ouvert comme un abricot. Un espace libre, à l’abri des regards, entre le rocher et la paroi, ressemble à un refuge parfait. Timor s’y faufile et accède à une petite zone plane, exempte de végétation, sans humidité. Il s’allonge, la tête posée sur un pull vite sorti de la valise, et sombre sans délai dans un sommeil agité.
–Qu’est-ce que vous foutezlà ?
La voix presque agressive le fait se redresser d’un bond. Un homme déguisé en marcheur, accoutré d’une tenue de sportif du dimanche, horriblement colorée, le toise d’un regard vide. Timor se lève, frotte son pantalon couvert de poussière. La clarté a diminué, mais difficile de dire combien de temps il a somnolé. Le gars s’éloigne sans rien ajouter. Tant mieux, Timor ne voyait pas du tout que répondre. La forêt n’a plus grand-chose d’accueillant maintenant. Il faut trouver une cachette plus conventionnelle pour la nuit. En quelques minutes, il en atteint la lisière. La petite ville en contrebas montre déjà ses lumières connues.
–Je ferai le point ce soir, se convainc-t-il.
Le point sur quoi, sur qui ? Va savoir. Tandis que le jour baisse encore, d’une marche mécanique, il rejoint un hôtel ordinaire, d’une chaîne familière, qui propose un gîte anonyme, outrageusement standard, sans autre âme que celle qu’on y apporte. De nombreuses voitures emplissent déjà le parking. Arriver à pied le met mal à l’aise. Un jeune garçon l’accueille à la réception, traces d’acné sur le visage, costume étriqué, regard un brin angoissé. Timor sourit légèrement et se retient de lui demander :
–Qu’est-ce que vous foutezlà ?
Dans la chambre, la valise trouve sa place sur le support dédié à cet usage. Timor en sort l’ordinateur qu’il installe sur le bureau minuscule, branche le chargeur, raccorde la souris en un rituel immuable. Il ouvre immédiatement sa boîte aux lettres électronique, et rédige un communiqué d’absence, réponse automatique à tous les messages à venir.
–Je suis actuellement indisponible, veuillez m’en excuser.
Il rallume son téléphone professionnel, et dépose la même annonce vocale. Une déclaration bien neutre, peu explicite, suffisante pour décourager les importuns. Il ignore pour quoi il est indisponible, et pour quelle raison il souhaite qu’on l’en excuse. Il faut le faire, c’est tout ; pour être tranquille ou par respect ; par politesse ou par convention. Il n’a personne à rassurer, et aucune idée de qui pourrait s’inquiéter de son sort. Il déconnecte les deux appareils, les range soigneusement, puis s’allonge sur le lit. Il montre maintenant un calme parfait, conscient de ne pas vivre la fin d’une journée, mais plutôt le début d’autre chose. Il ne ressent ni faim, ni soif, ni sommeil. Le temps s’écoule, fluide, linéaire, se suffisant à lui-même. Son esprit non pas vide, mais simplement paisible, ne bouillonne pas en vain. L’écran de télévision sur le mur demeure merveilleusement noir. Des millions d’images dorment dans le crâne de Timor. Il peut s’en nourrir, s’en régaler, sans jamais s’en lasser, lorsqu’il s’en offre l’opportunité. Il contemple son barda, son ordinateur et ses chaussures de ville.
–Demain, je trouverai un endroit pour déposer tout ça, pense-t-il, se demandant si les consignes existent encore dans les gares.
Puis le sommeil l’emporte sans prévenir.
Je m’appelle Timor Marieux. Peu habitué à la fantaisie ou à l’extravagance, guère enclin à l’improvisation, je me comporte la plupart du temps d’une façon banale. Cette manière d’être reste sans conteste l’attitude la plus simple que j’ai trouvée pour avoir la paix, et ne pas éveiller d’agaçantes interrogations chez mon prochain. En fait, ce ne sont pas les questions qui sont irritantes, mais plutôt l’incompréhension que suscitent le plus souvent mes réponses. Lorsque j’étais enfant, mon prénom a très vite été l’objet de déformations, de petites moqueries et parfois d’étonnement. J’ai un jour sondé mon père à ce sujet, lui demandant pourquoi je me nommais Timor. Il a simplement répliqué :
–Timor ? Parce que c’esttoi.
J’ai trouvé cette réponse parfaitement satisfaisante. Pourquoi aurais-je douté de la parole d’un homme si fiable ? Un homme qui quittait la maison à heures fixes, revenait au moment convenu, puis passait à table en un timing impeccable. Un homme qui ne créait pas de turbulence. La vie de mes parents me fut toujours aisément interprétable. Une existence faite d’éléments simples, qui s’enchaînaient de façon organisée, dans un ordre immuable, rassurant, incontestable. Les problèmes ou conflits familiaux transparaissaient à peine, comme un écueil juste sous la surface des flots, sans doute dangereux, mais facile à ignorer lorsqu’on contemple l’horizon. Une vie de certitudes, qui n’a pas duré. Je m’éveille dans cette chambre impersonnelle, décor très courant pour moi. Je parcours d’un regard flou mon environnement. Pourtant, cette fois, quelque chose ne va pas. Les murs beiges qui d’habitude m’indiffèrent me paraissent maintenant repoussants. La lumière des lampes de chevet m’agresse, la ventilation de la salle de bain minuscule génère un bruit d’égout. Le gel douche empeste la maison de retraite. Le jour se lève à peine, mais le petit déjeuner est servi dès six heures trente. Je vais avoir besoin de prendre des forces. Non pas que mes tâches à venir soient rudes. Je veux simplement éviter de flancher bêtement, victime d’une stupide hypoglycémie. Les tièdes viennoiseries industrielles transpirent le gras, mais s’accommodent à merveille d’un café sans nerf. Il est d’usage de donner un nom aux choses, sans se soucier de savoir si cette appellation est méritée. Ainsi donc, « pain au chocolat » peut désigner ces petits trucs huileux et compacts, aux arômes indécis. Et l’on s’autorise à user du terme « café » pour nommer cette boisson de couleur sombre, dont la vague odeur de brûlé suffit à évoquer, pour les esprits communs, l’idée d’une torréfaction. Je remarque cela sans le moindre cynisme, avec même une acceptation certaine. Des produits dénaturés. Je souffre simplement de voir s’envoler la beauté et la grâce des choses, je déplore la dilution des émotions, la perversion des éléments. Ne me suis-je pas moi-même dissous dans les conventions ? Je décide qu’il n’est pas l’heure de me poser ce genre de question. En quelques instants, j’ai fait mes paquets, et je quitte l’hôtel. Direction la gare. Je découvre avec horreur qu’il est possible de consigner des bagages pour une durée maximale de quatorze jours.
–Bon Dieu, dans les films, des prisonniers reviennent chercher leur butin après de longues années de taule.
Alors, que se passe-t-il après quatorze jours ? La Poste me paraît une valeur plus sûre. Et de fait, je trouve là des employés patients, gardiens infaillibles d’un rythme que chacun peut suivre, une lenteur administrative judicieuse, douce dans ce monde brutal. J’expédie les clés de la voiture et le téléphone de boulot à mon employeur. Avec une note expliquant où récupérer le véhicule. Je prends soin de faire un second envoi recommandé contenant l’ordinateur portable. Maintenant plus léger, je regarde ma valise comme une verrue immonde qui ornerait mon nez. Je répugne à la jeter, et je m’imagine que ce bagage pourrait servir à quelqu’un. Ma sottise me saute au visage dans un bref instant de lucidité. Pourtant je diffère ma décision. Je me rends au distributeur de billets et retire de mon compte en espèces tout ce qu’il m’est permis. Je calcule qu’en prélevant le maximum autorisé chaque semaine, je pourrai vite devenir indépendant de cet outil, et par là même impossible à tracer. Cette envie de me cacher me pose brutalement question. Cette fois-ci, je tremble, à retardement. Cette fichue valise me poursuit comme une âme damnée. L’avantage de cette petite ville du Sud est qu’on y trouve des boutiques de matériel pour randonneurs, marcheurs et autres vacanciers en quête de nature. Je fournis le plus gros effort de ma journée en faisant l’acquisition d’un sac à dos aux dimensions modestes. Le vendeur m’indique que ce produit est garanti à vie ; je lui réponds aussi sec que ça tombe bien, car j’ai l’intention de vivre deux mille ans. Il connaît son métier le bougre, puisqu’il tente de me fourguer une boussole, un kit pour faire du feu, un couteau multifonction et une sorte de gigantesque capote, capable selon lui de résister à dix moussons du Bangladesh. Je me contente d’ajouter une gourde à la liste de mes emplettes, tout en lui souriant aimablement pour lui faire comprendre à quel point j’apprécie sa sollicitude. Dans une petite rue, loin des regards, je transfère dans le sac à dos quelques vêtements, mon nécessaire de toilette, mon Opinel. J’ignore pourquoi je promène un couteau. Je me débarrasse de la valise et de mes chemises dans une poubelle. Ce geste fend mon cœur d’humble paysan économe. Mes chaussures en cuir de qualité vont me manquer, me dis-je, mais je m’en défais également pour enfiler mes baskets, que je trimballe depuis un certain temps, sans jamais les utiliser. Je m’applique à respirer profondément. Je ne sais pas ce que je fais, je ne sais pas pourquoi je le fais, je ne sais pas où je vais. Et bien qu’habitué à vivre avec pas mal de questions sans réponses, là, ça commence à faire beaucoup. Le rythme de mes pas canalise mon souffle. Je me dirige vers la sortie de la ville, en direction du nord. Ce choix de cap n’a sans doute rien d’un hasard. Tenter d’intellectualiser ce qui m’arrive m’exaspère. Ma quête est ailleurs. Tiens, voilà que j’évoque une quête ! Je me sens plus vermisseau que chevalier. Je n’ai pas d’histoire extraordinaire à raconter ni d’exploit illustre à revendiquer. Je crois que je désire juste savoir pourquoi j’ai été dépouillé de ma quiétude, de mon innocence, de ma sécurité. Je marche plus vite, afin que ma tête arrête de spéculer, de disserter, d’analyser. Rien n’est adapté pour un piéton et les voitures me frôlent dangereusement dans leur fuite en avant. Je me sens quantité négligeable, dérangeante mouche sur le lait, et potentielle victime de forces qui me dépassent. De toute façon, je ne suis pas pressé. Alors je quitte la route goudronnée pour m’engager sur un chemin quelque peu défoncé, dans un sous-bois rendu poussiéreux par le trafic. Dix bonnes minutes s’écoulent avant que la rumeur de la circulation cesse d’être perceptible. J’ai besoin de me repérer. Pas pour trouver le nord ou la direction adéquate, mais juste pour appréhender cette nature qui m’environne, assez différente de celle de mon enfance. Je désire terriblement qu’elle s’impose à moi, par ses images, par ses odeurs, par ses bruits. Qu’elle se fasse comprendre, qu’elle se rende intelligible. Qu’elle me signifie ma place dans ce monde. Pas après pas, je suis assailli de senteurs. Je ne peux guère les identifier, la plupart me sont inconnues. Elles ne figurent pas dans mes souvenirs d’enfance, au rayon des données enregistrées. Je m’en enivre malgré tout. Bien sûr, c’est plus sec, plus épicé. Moins d’odeur de pourriture, moins d’effluves humides. Je devine des herbes qui parfumeraient des plats. Je finis par m’asseoir, m’arrêter. Je dois savoir ce qui se passe au ras du sol, si bas, et presque sous terre. Ce monde-là a-t-il disparu ? L’idée d’une glèbe stérile et sans vie m’angoisse inexplicablement. Difficile de me revendiquer compagnon des mille colonies d’insectes et créatures du petit univers, et pourtant impossible d’imaginer faire le voyage sans leur soutien. Nous ne nous parlons pas, nous nous côtoyons, nous nous tolérons, nous coexistons. Mais il y a longtemps que nous avons oublié de nous saluer. Posé dans l’humus, obligé de rien, n’attendant rien, je laisse se révéler le cosmos des minuscules. Il en émane des sons trop faibles pour mes oreilles humaines, et des signaux chimiques indétectables pour mes sens émoussés. Son organisation demeure incompréhensible pour mon esprit limité. Je regarde malgré tout fourmis, mille-pattes, bousiers, autres guerriers ou humbles et insignifiants soldats, comme les acteurs intransigeants du rangement de l’immense bordel semé par les hommes. Après les sabots des chevaux, puis les pneus des voitures, bien plus de perturbateurs ont déboulé. Mais la façon de faire des minuscules légions n’a pas changé. Je ne ressens pas de fascination, mais bien un incontestable respect pour cette communauté, une reconnaissance du bien-fondé de leurs activités, une certaine compréhension de cette intelligence qui résulte de la somme de ces infimes identités. Des colonnes de fourmis noires voyagent avec précision, selon un canevas dont la structure m’échappe. Je ne crois pas passer pour un géant à leurs yeux, elles m’ignorent superbement dans mon entièreté, me considèrent comme un obstacle parmi d’autres sur leur route, une masse non comestible négligeable dans le cadre de leur projet global. Aujourd’hui, leur rythme s’oppose au mien. Non pas que leur présumée agitation me dérange, mais elles savent à coup sûr ce qu’elles font, et ce n’est pas mon cas. Je cherche à m’enfoncer davantage dans cette forêt, mais la déception me vient rapidement. Je n’ai pas pris pied dans un grand massif. Je débouche bien vite sur la terre cultivée, des vignes bien tracées, désherbées, disciplinées. Toutes proches, une, deux, trois, dix maisons. Autant retourner sur la route. J’ai soif d’avaler des kilomètres, de mettre une distance entre ma personne et je ne sais quoi. J’attends la douce anesthésie qu’apporte la marche, l’enchaînement des pas au fil des heures. Je désire paraître fourmi sur cette route.
La journée avance vite. J’ai traversé quelques villages de faible importance, sans que mes yeux s’attardent vraiment sur les maisons décaties ou les clochers sans ambition. Nulle scène bucolique ne m’est apparue, point de lumière céleste jouant entre les nuages. Je n’ai perçu aucune magie, seulement un environnement usé, un peu délavé, comme abandonné par les âmes des ancêtres. Une campagne blessée çà et là par des constructions de tôle et de béton. J’éprouve plus que jamais le besoin d’avancer vers un ailleurs que je rêve plus prometteur. Je sais pourtant au fond de moi que seuls mes yeux feront la différence. Mon regard peut s’ouvrir aux mystères gardés par toute terre et par certains hommes. Dans la petite ville que j’atteins en fin de journée, un hôtel ancien m’offre le gîte. Plus de confort moderne et formaté cette fois. Dans la piaule, un papier peint à fleurs démodé, un gros radiateur en fonte, et baignoire et bidet dans la salle de bains. Bien entendu, l’inévitable matelas bosselé sur un sommier qui grince un peu. L’impression d’une chambre d’amis qui ne servirait jamais, pas tout à fait prête à recevoir à l’improviste un visiteur inattendu. Je m’étonne du peu de fatigue qui m’habite. Seules mes baskets urbaines semblent souffrir de ce début de périple. Allongé sur le dos, je contemple avec application la rosace de plâtre prétentieuse sous laquelle pend un lustre d’une période révolue. Pas de quoi donner naissance à une riche rêverie pour le touriste de passage ; mais je me surprends à retourner dans les souvenirs de la maison de mes grands-parents. À la croisée des époques, tout me semblait homogène et bien assorti ; les meubles en chêne massif et le coucou suisse voisinaient avec la table et les chaises en formica, un mariage parfait à mes yeux. Le fromage en préparation sur la cheminée, la boîte de citrate de bétaïne sur le buffet. Au mur, le massacre de cerf, et juste en dessous le calendrier de la Poste. Dans le placard, le sirop de citron que me servait invariablement ma grand-mère. Mon grand-père écoutant la radio. Sa foisonnante moustache stabilisait ce tableau, lui donnait corps, force et pérennité. Un point de repère dans cet univers que je ne savais pas encore si complexe. Un symbole de sagesse, d’autorité. C’est sûrement pour ne pas la décoiffer qu’il parlait si peu. Ici, ce soir, le décor ancien de cet hôtel sent davantage la fin du monde et la poussière que la douce nostalgie. Malgré moi, mon esprit voyage dans le passé, ce n’est pourtant pas ma destination. Comment vais-je avancer en reculant ?
Petit matin, je m’éveille en sursaut. J’ai rêvé de mon grand-père portant un grand parapluie bleu. Reprendre la route, vite. Je remonte cette large vallée comme un saumon en déroute. Seul être non motorisé, je n’ai guère l’occasion de saluer un humain. Ça m’arrange au fond, du moins j’aime le croire. Quelques cultures d’arbres fruitiers, je cherche en vain des vignes. D’autres champs semblent à l’abandon. Resté sur la voie principale, un peu surélevée, je distingue de nombreuses pistes plus modestes, qui zigzaguent au hasard, quadrillant sans but apparent des zones sans attrait. Bon dieu, je n’ai pas signé pour un safari photo, mais pour l’heure, rien ne trouve grâce à mes yeux. Je refoule en moi l’idée d’avoir perdu ma capacité d’émerveillement. Le vent du sud, concrètement chaud, me donne néanmoins le frisson. Comme l’annonciateur du retour des angoisses et des inquiétudes, qui à l’instar de funestes vampires, se poseraient sur mes épaules pour m’alourdir à nouveau. De l’autre côté de la vallée s’ouvre une brèche vers une nouvelle gorge, visiblement plus étroite, où l’horizon limité me paraîtra plus rassurant et protecteur. J’atteins l’entrée après deux longues heures de marche, ça ne semblait pas si éloigné. Je me sens mieux. La route, plus grise, comme si l’asphalte s’était peu à peu dissous dans la terre, montre des creux et des bosses que je trouve d’emblée sympathiques. J’aimerais que très vite la végétation l’envahisse, que des rochers décrochés de la montagne en encombrent la plus grande partie. J’imagine y croiser des loups aux canines luisantes et des biches aux yeux tendres : c’est clair, je perds la boule ! Je découvre bientôt un village qui recèle une boulangerie providentielle. Une brioche et une part de tarte aux pommes plus tard, j’arpente à nouveau le raidillon vers le ciel. Une inexplicable euphorie m’envahit. L’homme organisé et prévoyant en moi a soudainement disparu. Je ne m’inquiète pas de savoir où je dormirai ce soir (pourquoi n’ai-je pas acheté un sac de couchage ?) ni de connaître la destination que m’offrira cette voie. Un foutu aventurier d’opérette, voilà ce que je suis. Le soleil dans le dos, je pourchasse mon ombre distendue, comme un gamin. Je m’emploie à chanter des comptines, et même « siffler en travaillant », tel un brave nain qui rentre de la mine. Ils mettent de la drogue dans leurs tartes aux pommes par ici ou bien quoi ? De loin en loin, on découvre des maisons, habilement dissimulées par les arbres. Un imperceptible bruit de torrent sur la droite, une pente peu escarpée sur la gauche. Je désire encore bifurquer ; une sente herbeuse bien tracée m’ouvre les bras. Cette fâcheuse tendance à détester les lignes droites devrait m’interpeller, je suppose. Un nouveau sous-bois avec ses odeurs grillées de sécheresse ordinaire. Beaucoup de racines émergent du sol, presque incapables de s’enfoncer davantage dans une glaise dure et inhospitalière. La végétation se cramponne du mieux qu’elle peut, prête à résister aux rafales de vent brûlant, qu’elle sait fréquentes et assidues, comme aux longs mois sans pluie et dénués de fraîcheur. La voie monte un peu, serpente, redescend un instant, hésitante, sans doute tracée par un merveilleux ivrogne un soir d’errance. Je parviens finalement au sommet de quelque chose, sans toutefois déboucher sur un horizon très différent. La forêt s’étend plus avant encore, répétant à l’infini son dédale d’arbres et d’arbustes, dans un foisonnement anarchique aux yeux des hommes. Je reprends mon souffle, debout, soudain figé dans ma progression. Je ne sais pas ce que j’escomptais. Souvent persuadé qu’un trésor m’attend au détour de chaque virage, j’espère le meilleur, sans aucune déception possible, puisqu’il y a toujours autre chose, plusloin.
–Qu’est-ce que tu fouslà ?
Je sursaute et me retourne.
–C’est quoi cette question ? dis-je, d’une voix qui veut s’élever, mais s’étrangle dans un hoquet.
–Ben t’es chezmoi.
J’ai le soleil dans les yeux. Je ne distingue que la silhouette de l’homme qui s’adresse à moi, assez nettement pour voir qu’il désigne quelque chose derrière lui. J’avance un peu pour gagner l’ombre, et en effet, une maison se trouve en contrebas. Un chemin conduit de la demeure jusqu’à un portail métallique d’un autre âge, entravé par des chaînes.
–Quand on n’arrive pas par la route, on ne réalise pas qu’on est dans une propriété privée, dis-je.
Je m’excuse comme un gosse.
–Tu ne peux pas venir par la route.
–Ah oui, les chaînes, concédé-je, en observant le portail condamné.
Je me retourne pour faire face à mon interlocuteur. Le visage de l’homme est disloqué, comme coupé en deux verticalement, les morceaux ensuite mal recollés. Une brisure nette, d’une merveilleuse laideur ; une œuvre cubiste, parfaite et intrigante. Il me regarde, immobile, ses yeux me jaugent de la tête aux pieds.
–T’as pas la gueule d’un mec qui vient embrasser les arbres.
–C’est déjà ça, pensé-je, à partmoi.
Je n’ai rien à dire au sujet de sa figure. Il descend vers son logis, je lui emboîte le pas, mécaniquement. Les châtaigniers proches de la maison caressent presque la toiture du bout de leurs branches. On pourrait croire que le bâtiment a poussé là, issu de quelque graine mystérieuse. La bâtisse de pierres montre de multiples rajouts de bois qui, au fil des années, la font peu à peu muer du minéral vers le végétal. À proximité de l’entrée, deux rondins, posés à même le sol, permettent de s’installer. Sur un maigre feu, par-dessus une grille de fonte, une cafetière fume faiblement. L’homme saisit deux tasses, les remplit d’un jus sombre, m’en tend une et s’assied. Je l’imite, hume le breuvage.
–Du café de cow-boy, dis-je
–Ouais.
Brûlant, parfumé, délicieux.
–Clovis, dit-il
–Timor.
Puis nous ne bronchons plus. Un peu plus loin, du bois de chauffage s’amoncelle en un tas désordonné. Je ne comprends pas comment il a pu arriver là, comme versé d’une benne ou d’une charrette, mais aucun chemin ne mène à cet endroit. Mon cerveau cherche une explication rationnelle. Peut-être qu’on le transporte à dos de mulet ; ou dans le traîneau du père Noël. Je ne suis vraiment pas capable de penser normalement. Le silence s’avère léger. J’espère que cet homme ne perçoit pas le bruit gênant que produit ma cervelle en fonctionnement anarchique. Clovis a les yeux très bleus, presque translucides, d’un azur sans nuages. Hormis les traces d’une tempête passée sur son visage, rien d’autre à signaler. Il porte le pantalon marine des ouvriers d’un temps révolu. Sous sa veste kaki patinée, un gilet de laine aux boutons énormes. Frileux, le gaillard ! Je lorgne ses chaussures de bûcheron, en cuir épais, et mes baskets me font honte tout à coup. Il finit par se lever, se dirige vers le tas de bois, et commence à amener des bûches sous un appentis contre la maison. Je me joins à lui en silence. Le temps de terminer cette besogne et le ciel s’est assombri. Il ouvre la porte de son logis, la laissant béante pour m’indiquer de le suivre. Clovis jette un œil sur mon petit sac à dos, puis enfonce son regard dans lemien.
–Ton bagage pèse sacrément lourd.
Je tombe sur une chaise, épuisé. Ma vision se noie sur le feu mourant dans l’âtre. Clovis rajoute trois bûches. La belle saison n’est pas finie, mais ces vieilles pierres distillent une fraîcheur qu’on doit dissiper. Quelque chose mijote à feu très doux sur la gazinière. Je ne peux en identifier la nature, tant mes narines sont envahies par de multiples odeurs de résine, de fumée, de mousse, de terre. Toute la partie habitée se réduit au rez-de-chaussée. Un seul et unique volume autrefois sans doute, probablement à usage agricole. Mais des cloisons de bois ont été installées pour créer trois pièces, et ce qui doit être une salle de bain, l’huis entrouvert me laissant apercevoir un éclat blanc de porcelaine. D’immenses placards aux portes de chêne masquent un pan de mur. Clovis pose des couverts et deux assiettes sur la table. La casserole de la gazinière les rejoint, avec un gros pain rond extrait d’un coffre. Il nous sert, chacun avec une égale générosité, une daube de sanglier odorante à la sauce épaisse. La viande savoureuse et fondante me fait oublier qui je suis. Mon ventre prend le relais de mon esprit, et un bien-être primaire s’installe. Nous mangeons lentement, avec application, des employés sérieux face à une tâche importante. Un verre de vin rouge, issu d’une bouteille sans étiquette, lubrifie nos gosiers. À ce moment, nous n’avons pas d’autre identité que celle de deux hommes qui se repaissent d’une goûteuse pitance, sans combat, sans défi, dans une trêve parfaite, un accord immémorial. Nous débarrassons la table de concert, et faire la vaisselle ne prend qu’un instant. Dans la lumière ténue, les éclats du feu créent des ombres qui accentuent l’aspect anguleux du visage de Clovis. Un sombre tourment a tiré sa figure dans deux directions opposées, mais la séparation a tourné court. Une face figée dans l’indécision. Clovis me montre la porte proche des placards.
–Tu dors là, il y a tout ce qu’ilfaut.
Pas de contestation possible, je n’ai nulle envie de protester de toute façon. Mais je réalise que ça fait presque trop de mots ; un geste pour désigner la chambre m’aurait suffi.
Je m’éveille façon gueule de bois, ma pensée noyée dans un bruit blanc. J’évite tout mouvement, afin de prolonger cette impression confortable. Les draps de coton épais et bien râpeux, la chaude couverture de laine, la faible lumière venant de la fenêtre, me protègent tel un nourrisson dans son berceau. Curieusement, je ne perçois pas de chants d’oiseaux, pas de sons d’animaux de la forêt. J’écoute ce silence qui me ramène invariablement à de lointains souvenirs. Lorsque je revenais de temps à autre dans la maison de mon enfance, vivant le reste du temps en ville, je dormais dans ma chambre de gosse. Petite pièce froide, orientée au nord, cocon de ma jeunesse. Le soir, au moment de m’assoupir, je retrouvais le calme intense et imposant de la campagne. Le bruit du rien, le vacarme de la tranquillité, qui nous met face à notre petitesse et à notre insignifiance. Seuls alors des sons nets et identifiables pouvaient meubler cet espace. Le cri de la chouette effraie, l’agitation d’un loir dans un plancher, ou, si le vent le permettait, la rumeur de l’eau coulant du déversoir, sur la rivière pourtant éloignée. Des bruits, comme des repères dans ce monde, qui me disaient :
–Oui, tout va bien, les choses sont à leur place, l’univers est ordonné.
Une stabilité à laquelle m’accrocher, alors que par ailleurs, tout foutait le camp, dans un goût amer de paradis perdu. Mon père, retraité, malade, peinait désormais à imposer le respect, ses forces le quittant peu à peu. Je repartais de ces visites avec l’espoir incertain de voir perdurer le bonheur. La maison semble vide. Après un bref passage à la salle de bain (les serviettes de toilette râpent aussi), je m’habille, et je commence à inspecter les lieux. Le bois, omniprésent, ne confère à l’endroit ni une apparence de chalet de montagne ni un aspect exagérément rustique. Visible presque partout, à des fins utilitaires, chaleureux, d’une douceur que je ne m’explique pas immédiatement. Une propreté parfaite saute aux yeux. Pas de rangement méticuleux ou obsessionnel, mais les objets indispensables du quotidien sont rendus accessibles au premier coup d’œil, placés à des emplacements stratégiques, sans aucune impression de foutoir. Je trouve la cafetière près du feu de cheminée cette fois, posée en équilibre sur un des chenets. Je sors pour siroter mon breuvage. Il ne fait ni chaud, ni froid, ni beau, ni mauvais. Bon Dieu, à croire que cet endroit existe comme une bulle à l’écart du reste de l’univers, avec distorsion temporelle et tout le toutim. Clovis apparaît, alors même que je n’ai perçu aucun bruit de pas. Si en plus c’est un fantôme, je risque de ne pas être à la hauteur. Il porte un panier d’osier rempli de légumes.
–J’ai un ami producteur, dit-il.
–Comment font tes potes pour venir te voir ? dis-je, en désignant les chaînes qui bloquent le portail.
–Ils font commetoi.
–Et les autres ?
–Côté route, un panneau indique qu’il faut téléphoner pour prendre rendez-vous.
Il s’engouffre à l’intérieur de la maison en ajoutant :
–J’ai pas le téléphone.
Je le suis, et m’active pour lui servir une tasse decafé.
–Tu vas faire à manger, déclare-t-il. T’as la tête d’un gars qui sait cuisiner, et moi j’ai à faire.
Ce foutu ermite me donne des ordres. Qu’a-t-il donc à faire ? Il coupe du bois comme Charles Ingalls ? Il va à la messe en carriole ? Il s’occupe d’un élevage d’animaux mystérieux ?
–À part ressembler à un cuistot, je te fais penser à quoi ?
Ma demande a fusé toute seule. Un ange passe. Puis Clovis réplique froidement :
–Tu es comme moi, coupé en deux, mais à l’intérieur. Tu as du boulot pour recoller les morceaux, et tu ne sais pas comment faire.
Sa répartie résonne comme une sentence.
–Mais pourquoi diable poses-tu des questions dont tu connais la réponse ? ajoute-t-il.
Tausende von E-Books und Hörbücher
Ihre Zahl wächst ständig und Sie haben eine Fixpreisgarantie.
Sie haben über uns geschrieben: