Les Témoins de Jéhovah : la vérité à l'endroit - Rydian Dieyi - E-Book

Les Témoins de Jéhovah : la vérité à l'endroit E-Book

Rydian Dieyi

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Beschreibung

L'organisation des Témoins de Jéhovah est un des mouvements religieux le plus fermé au monde, en dépit d'un paravent d'accueil et d'ouverture. D'existence somme toute récente, elle s'est portant découverte des racines dans le sillage de l'époque apostolique, au point de réécrire toute l'histoire du christianisme et d'ériger sa légende en article de foi dans le plan du salut de l'humanité. Considérant toute critique qui lui est faite comme une attaque envers Dieu, la société Watch Tower a mis sur pied un mode de fonctionnement favorisant une soumission absolue de ses fidèles, jusqu'à l'absurde et, parfois, jusqu'au sacrifice de soi. Ne craignant pas de s'identifier à la vérité, elle dicte les croyances de ses membres et domine sur la foi de ses fidèles. Ayant érigé la peur en mode de fonctionnement, l'autocensure en système de contrôle des masses, la raison en manque de foi, le doute en maladie spirituelle grave et la curiosité intellectuelle en antichambre de l'apostasie, les témoins de Jéhovah, en tant que masse des croyants, pratiquent ainsi, mieux que quiconque, la novlangue à un niveau sans précédent. Incapables d'accéder aux causes de leur mal-être que d'entrer en résonnance avec la société dont ils font pourtant pleinement partie, ils vivent une double aliénation, dont plus d'un ressortent de cette expérience mortifère complètement anéantis. Toutefois, l'édifice de cette organisation se fissure chaque jour ; rien ni personne ne saura arrêter cette lente et évidente décomposition. Avant que sa complète désolation, inéluctable, n'advienne, fut-ce dans un avenir relativement lointain, il est utile de rétablir la vérité sur cette arnaque spirituelle.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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A Amélie, A mes enfants.

« Mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu'elles sont faites en Dieu. » (Jean 3 :21, LS)

« Tous ceux que le Père me donne viendront à moi, et je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi ; […]Or, la volonté de celui qui m'a envoyé, c'est que je ne perde rien de tout ce qu'il m'a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour. » (Jean 6 :37, 39, LS)

« But he that doeth truth cometh to the light, that his deeds may be made manifest, that they are wrought in God. » (John 3 : 21, KJV)

« All that the Father giveth me shall come to me; and him that cometh to me I will in no wise cast out. […] And this is the Father's will which hath sent me, that of all which he hath given me I should lose nothing, but should raise it up again at the last day. » (John 6 : 37,39 KJV)

AVANT-PROPOS

Le présent ouvrage répond avant tout à un besoin d’explication sur l’inanité des fondements sur lesquels repose l’Eglise des Témoins de Jéhovah.

A ce titre, la démarche de l’ouvrage poursuit une finalité pédagogique pour tout lecteur curieux du fait religieux.

Plus prosaïquement, ce livre sert également de réponse, par anticipation, aux interrogations, fort légitimes, que mes enfants pourront avoir sur les raisons de mon départ d’un mouvement religieux où j’ai passé les 25 premières années de ma vie en son sein, y apportant temps et soutien actif, ne serait-ce que dans l’œuvre de recrutement des futurs membres.

Ce manuscrit est enfin le symbole d’un engagement, fut-ce minime, aux côtés de la Liberté et de la Responsabilité, attributs devant caractériser tout citoyen et tout chrétien, soucieux de la préservation de l’identité intrinsèque de l’Homme.

Ces deux caractéristiques fondamentales sont malheureusement annihilées par l’appartenance, accidentelle (du fait de la naissance) ou volontaire (du fait d’une adhésion postérieure), d’un individu au sein des Témoins de Jéhovah, malgré les vives dénégations de ces derniers sur ce fait.

Les Témoins de Jéhovah : la vérité à l’endroit est un ouvrage qui apporte un éclairage objectif sur l’artificialité de toutes les croyances et pratiques des Témoins de Jéhovah.

Toute l’histoire des Témoins de Jéhovah résulte en effet d’une construction mythologique, pouvant, au demeurant, être datée et sourcée. Ce bricolage s’étend sur les croyances fondamentales de cette Eglise, à telle enseigne qu’elle manque de colonne vertébrale sur tous les points doctrinaux censés engager et diriger la vie d’un croyant.

Ne supportant aucune contradiction, la Société Watch Tower1 a théorisé une théologie de l’obéissance ; mieux, de la soumission à tous ses dires, faits et gestes. Au terme de ce processus, elle s’est dissoute dans la vérité, s’identifiant alors à cette dernière, au point de lier le salut des âmes dans l’appartenance au mouvement, lequel est « la vérité ».

C’est donc contre cette arnaque intellectuelle et spirituelle que cet ouvrage se propose de ferrailler.

La méthodologie retenue consistera à (i) rappeler les origines historiques du mouvement, telles que construites par ses quatre premiers dirigeants ; s’ensuivra (ii) une analyse thématique de cinq points mettant en exergue l’inconsistance congénitale de tout l’édifice doctrinal et organisationnel des Témoins de Jéhovah.

Le point focal sur la France achèvera (iii) la description du décalage existant entre, d’une part, la jouissance de l’officialité reconnue au mouvement depuis sa victoire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) le 30 juin 2011 et, d’autre part, la détérioration continue de son image dans l’opinion publique française.

Je n’élude pas les us et coutumes des témoins de Jéhovah dans leur individualité. Leurs obligations « spirituelles », doublée d’un dressage quotidien reçu de la Société Watch Tower, ne les prédestinent pas à être des grands lecteurs.

Il existe des exceptions (même dans l’armée la plus disciplinée au monde). Ces exceptions ont d’ailleurs tendance à augmenter, à en croire les défections régulières que ne cesse d’enregistrer la Société Watch Tower.

Toute prise de conscience d’une illusion est toujours progressive, et le temps passé à appréhender toute la mesure d’une idée reçue, initialement tenue pour vraie, dépend du degré d’enracinement de cette idéologie.

Dans cette œuvre salvatrice d’aide à la prise de conscience de la nocivité des doctrines et des pratiques promues par la Société Watch Tower, le découragement n’est pas de mise.

Plusieurs activistes œuvrent, parfois à temps plein, dans cette mission périlleuse et ingrate.

Leur courage doit être salué.

Même si je ne suis pas membre de cette armée spartiate, j’ai tout de même souhaité faire mienne le même adage qui motiva un héros méconnu de son temps, Walter Salter2, à s’opposer courageusement au 3ième président de la Société Watch Tower d’alors, et qui se résume de la sorte :

« Un homme qui ne peut pas penser est un idiot ; un homme qui ne pense pas est un imbécile ; et un homme qui a peur de penser est un lâche ».

Aussi, après avoir « pensé » en toute objectivité la Société Watch Tower, si cet ouvrage peut contribuer d’aider d’autres « à penser », fut-ce un tant soit peu, que le Seigneur, du haut de son trône, soit loué.

Rydian Dieyi

1 1 Cf Glossaire

2 Cf. Chapitre 3.

SOMMAIRE

GLOSSAIRE

PARTIE I

Chapitre 1

: Charles T. Russell, le pionnier

Chapitre 2

: Joseph F. Rutherford, le fondateur

Chapitre 3

: Dupond & Dupont

PARTIE II

Chapitre 4

: L’introuvable Collège dirigeant

Chapitre 5

: Un double état de désespérance

Chapitre 6

: Vive le sang, vive la mort !

Chapitre 7

: Présumé coupable

Chapitre 8

: Ainsi parlait Monsieur X…

PARTIE III

Chapitre 9

: Chez les Gaulois

GLOSSAIRES

La Société Watch Tower :

Sa dénomination intégrale est la Watch Tower Bible and Tract Society, New-York Inc. Il s’agit de l’entité juridique et commerciale détentrice de tous les droits de propriété intellectuelle et industrielle de toutes les productions de l’Eglise mère des Témoins de Jéhovah, ayant son siège à New-York. A ce titre, « La Société Watch Tower » peut être utilisée en synonyme des Témoins de Jéhovah.

Les Témoins de Jéhovah :

Dans l’ouvrage, l’expression « lesTémoins de Jéhovah » fait référence à l’Eglise mère des témoins de Jéhovah, en ce compris sa hiérarchie officielle, exécutive et commerciale. L’expression « témoins de Jéhovah » renvoie seulement aux membres de cette organisation, prise dans leur individualité.

Ancien :

Il s’agit du ministre du culte ou de la dénomination officielle du responsable d’une église locale des témoins de Jéhovah. Depuis les années soixante-dix, la direction d’une église locale des témoins de Jéhovah est devenue collégiale. On parle alors du ou d’un collège d’anciens.

La Tour de Garde :

Il s’agit d’une brochure mensuelle, publiée par la Société Watch Tower, et servant d’outil principal d’enseignement des témoins de Jéhovah dans le monde. Toutes les églises locales des témoins de Jéhovah reçoivent ainsi le même enseignement, sans aucune variation ou adaptation. Cet outil permet d’assurer une standardisation des croyances et des pratiques de tous les fidèles. En pratique, un article de la Tour de Garde dispose de la même valeur qu’un verset de la Bible, en dépit d’un discours officiel contraire.

Colporteur :

Il s’agit d’un membre baptisé s’adonnant à l’œuvre d’évangélisation. De nos jours, on parle de proclamateur. Le terme de colporteur peut également signifier un membre baptisé s’engageant à effectuer un certain nombre d’heures précis (dans le mois ou dans l’année) dans l’œuvre d’évangélisation. De nos jours, on parlera de « pionnier ». Un pionnier s’engage à effectuer 50 heures par mois (avant, il s’agissait de 70 heures), soit 600 heures dans l’année.

Salle du royaume :

Il s’agit de la dénomination officielle des lieux de culte des témoins de Jéhovah. Ce terme fut inventé par Joseph Rutherford, 3ième président de la Société Watch Tower.

PARTIE I

La Société Watch Tower prône la recherche de la genèse de toute chose, avant d’en recommander l’usage à ses fidèles ou de les en dissuader.

Soit.

Appliquons donc cette méthode en ce qui la concerne.

Nous revisiterons ainsi la vie et l’œuvre de Charles Taze Russell (Chapitre 1), puis nous reconsidérerons la présidence de Joseph Franklin Rutherford (Chapitre 2), en ponctuant cette rétrospection sur le tandem Nathan Homer Knorr et Frederick William Franz (Chapitre 3).

Au terminus de ce voyage, voyons s’ils sont dignes de recommandation, conformément à l’exhortation biblique suivante :

« Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu, et, considérant l'issue de leur conduite, imitez leur foi. » (Héb 13 :7, Darby).

Chapitre 1 : Charles T. Russell, le pionnier

Charles T. Russell est davantage considéré par les Témoins de Jéhovah comme le pionnier dans l’œuvre de refondation du vrai christianisme, en lieu du fondateur du mouvement.

Même si la quasi-totalité de ses enseignements n’ont plus cours dans le corpus doctrinal du mouvement, les Témoins de Jéhovah lui reconnaissent toujours le rôle de primus inter pares dans leur histoire officielle, ne serait-ce qu’en guise de reconnaissance du complexe immobilier et industriel que Charles Russell, en capitaine d’industrie, légua au mouvement.

Rejeter la figure de Charles Russell rendrait immédiatement incompréhensible l’existence de Joseph Rutherford et certaines doctrines enseignées, au rang duquel figure la doctrine d’un Collège dirigeant ou d’un « esclave fidèle et avisé »3.

Toutefois, l’arrimage de la Société Watch Tower à Charles Russell n’a qu’un rôle utilitaire résiduel : l’objectif poursuivi consiste à rattacher le mouvement à l’œuvre de refondation ou de restauration d’un christianisme primitif non dévoyé, telle que Charles Russell s’est-il prétendument évertué de réaliser.

Cet objectif atteint, ce pionnier est immédiatement rangé dans son sinistre musée, réservé à ses seuls vrais acolytes4, qui ont essaimé dès l’avènement de Joseph Rutherford à la tête de la Société Watch Tower.

Revenons brièvement sur les points marquants de l’histoire de Charles Russell.

1. Une jeunesse marquée par des préoccupations spirituelles

1.1. De la ferveur au doute

Charles Russell naquit le 16 février 1852, à Pittsburgh (Pennsylvanie). Il est le deuxième d’une fratrie de 5 enfants, de Joseph Lytel et d’Ann Russell5.

De bonne heure, Charles Russell fut initié à la religion, puis aux affaires de son père. Ces deux activités ne le quittèrent plus, devenant des traits saillants de sa personnalité6.

A l’aube de sa jeunesse, Joseph Russell associa son fils dans la chaîne de mercerie qu’il possédait.

A 12 ans, le jeune Charles s’occupait déjà des relations contractuelles et commerciales du groupe, avant de devenir, à l’âge de 18 ans, le co-dirigeant de la structure familiale7.

En parallèle, Charles Russell faisait déjà état d’une forte dévotion religieuse.

On le retrouvait ainsi régulièrement dans les rues de la ville, placardant des écrits ou des versets bibliques relatifs à l’enfer sur les clôtures des maisons et les panneaux publicitaires8.

A 13 ans, il abandonna l’église presbytérienne, dont sa famille fut membre depuis son enfance, pour intégrer l’église congrégationaliste.

Il tenta de compléter sa très modeste éducation9 par une lecture extensive de traités théologiques et de la Bible. Malheureusement, tous ses efforts s’effondrèrent lorsque confronté, à 16 ans, à un agnostique lors d’un débat, il constata piteusement la faiblesse de son argumentaire10.

Déçu par une foi aussi faible et vacillante, il se mit à rechercher ardemment des réponses à ses questions vers d’autres pratiques religieuses, hors de la sphère du christianisme.

En vain.

Il retrouvera du zèle et de la confiance dans le christianisme grâce à des rencontres déterminantes.

1.2. L’éveil d’un millénariste

En 1870, Charles Russell ressortit bouleverser d’un sermon présenté par Jonas Wendell, prédicateur adventiste et disciple de William Miller.

A 18 ans, il avoua à ses proches que le sermon de Wendell avait ranimé sa foi dans la Bible11.

C’est d’ailleurs vraisemblablement à cette époque que Charles Russell fît la connaissance de William H. Conley, qui deviendrait son associé dans la Zion’s Watchtower Tract Society12, sous sa forme associative, et le premier président de cette structure.

En cette même année, il mit sur pied un groupe d’étude de la Bible, suivant son intuition selon laquelle les croyances et les doctrines de son temps étaient entachées d’erreur. Soit l’annonce d’une Tabula rasa…

Classique.

Ce groupe, appelé Les Etudiants de la Bible d’Allegheny13, était initialement composé de 5 personnes : William et, sa femme, Sarah Conley, ainsi que Joseph, Margaret14 et Charles Russell15.

En 1876, la position de Charles Russell fut définitivement fixée sur des points fondamentaux du christianisme : rejet de l’enfer de feu, rejet de l’immortalité de l’âme, rejet de la divinité éternelle du Christ et de la divinité de l’Esprit Saint16.

La même année, après une rencontre déterminante avec l’adventiste Nelson Barbour, Charles Russell, enthousiasmé par cet autre millénariste, vendît la mercerie familiale afin de soutenir l’œuvre de Barbour17.

Et pour cause !

Nelson Barbour, via des calculs alambiqués, prédît le retour physique du Christ en avril 187818.

Fort du soutien financier de Charles Russell, Nelson Barbour propagea le retour imminent du Christ et l’enlèvement consécutif des saints.

Charles Russell ne fut pas du reste dans cette campagne d’éveil spirituel.

Lorsque la prédiction de Nelson Barbour échoua, plusieurs de ses disciples l’abandonnèrent.

Curieusement, si Nelson Barbour se montra fort gêné de s’être autant fourvoyé, Charles Russell ne manifesta aucun embarras.

Un de ses proches collaborateurs, Alexander MacMillan19, confirma l’état d’indifférence de Charles Russell face à ce fiasco20.

Un rapide réexamen du calcul de la prophétie le convainquît que Nelson Barbour n’eut que partiellement tort. Charles Russell considéra en effet que Christ était bien revenu en 1878, mais seulement de manière « invisible » ou spirituelle ; la parousie21 devant arriver dans peu de temps …

Nelson Barbour, de son côté, ne se remît jamais de son échec.

De cet épisode naîtra une des méthodes chères à Charles Russell, puis à tous ses successeurs : confronté à une fausse prévision, il convient d’exciper d’une simple erreur de calcul, puis modifier l’un des termes de la prophétie (ex. remplacer la parousie par un retour « invisible »), pour maintenir en vie la prédiction.

En pratique, il suffisait d’avancer l’idée que l’année 1878, loin de correspondre à la parousie, marquait en réalité le début du règne invisible de Jésus depuis les cieux. De la sorte, toute nouvelle date, annoncée comme l’échéance de la parousie, pouvait être modifiée à loisir.

Charles Russell s’hasarda à convaincre Nelson Barbour de rallier cette version.

Peine perdue.

C’est alors que Charles Russell lui retira son soutien financier.

2. L’avènement d’un leader spirituel

2.1. La mise à pied d’une machine de guerre

Après sa séparation d’avec Nelson Barbour, Charles Russell créa la Zion’s Watch Tower Tract Society en 1881.

Cette structure, initialement créée sous la forme d’une association, eut notamment pour objectif de propager et de commercialiser les publications doctrinales des Etudiants de la Bible d’Allegheny.

Le Comité d’administration de la Zion’s Watch Tower Tract Society était composé de la manière suivante :

Membres

Fonctions

Capital

William Conley

Président

3 500$ (70%)

Joseph Russell

Vice- Président

1 000$ (20%)

Charles Russell

Secrétaire Trésorier

500$ (10%)

4 instruments jouèrent un rôle fondamental dans le prompt développement de l’œuvre de Charles Russell :

L’érection d’une société d’édition.

La « Tower Publishing Company » lui permît d’imprimer ses propres tracts, magazines et ouvrages théologiques22.

Un réseau d’églises indépendant

23

.

Une main-œuvre gratuite et organique, appelée colporteurs

24

, fournie par les églises affiliées aux Etudiants de la Bible.

La diffusion d’un périodique, dénommé la « 

Zion’s Watch Tower and Herald of Christ’s Présence

25

 », dans lequel on retrouvait les sermons et les enseignements de Charles Russell.

En 1884, Charles Russell se sépara de William Conley, qui se plaignait notamment du déséquilibre constaté entre le capital investi 26 et le faible retour sur investissement, ainsi que le rejet de la doctrine de la trinité.

La même année, Charles Russell transforma la Zion’s Watch Tower Tract Society en une société et en devint le président, en remplacement de William Conley.

En 1886, la Zion’s Watch Tower Tract Society devint la Watch Tower Bible and Tract Society.

En 1908, le siège de la nouvelle société, initialement situé à Allegheny (Pennsylvanie), fut transféré à Brooklyn, dans l’Etat de New-York.

La raison de ce transfert était double : d’une part, la taille de la ville de New-York, son prestige et sa réputation séduisaient le capitaine d’industrie que fut Charles Russell27.

D’autre part, le déménagement à New-York permettait à Charles Russell de tenter d’échapper à l’exécution du jugement des juridictions de Pennsylvanie, l’ayant condamné à payer une pension à sa femme, Maria Russell28, ou du moins de retarder considérablement l’exécution de ce jugement.

Installé à Columbia Heights Avenue, à Brooklyn, lequel comprenait le siège de la People’s Pulpit Association, les habitations des collaborateurs permanents et une grande imprimerie de 7 étages, la machine de guerre29 de Charles Russell était fin prête pour son plein déploiement.

2.2. La dissémination des doctrines russelliennes

Charles Russell fut pénétré de sa vocation de restaurer les doctrines originaires du christianisme apostolique.

Ce ministère autoproclamé produisît les enseignements résumés ci-après.

Sur la trinité

Initialement, Charles Russell professait croire en la trinité.

C’est en 1882 qu’il rejeta formellement la conception traditionnelle de la trinité, au profit d’une approche quasi arienne30.

C’est d’ailleurs l’un des points qui contribua à sa séparation d’avec William H. Conley.

Résumons la pensée de Charles Russell en citant un extrait de son sermon délivré en juin 1912, à New-York :

« Pas une seule fois, de la Genèse à l'Apocalypse, le mot trinité n'apparaît. »

« La Bible déclare que Jéhovah est le Dieu Tout-Puissant, et que notre Seigneur Jésus est son Fils, sa progéniture, glorieusement exalté à la droite du Père, fait de puissance, de domination et de gloire, en tant que son Principal Représentant et Agent en toutes choses. Le Père et le Fils, bien que des personnes différentes, sont un dans le sens où notre Seigneur Jésus l’a affirmé, un en esprit, en dessein, en plan, en action, en tout sauf en personne. »

« Et la Bible explique que le Fils premier-né de Jéhovah était hautement honoré, en ce sens que le Père l'a utilisé comme canal et agent par lequel toutes les créations ultérieures ont été effectuées. C'est lui qui reçut la commission et le privilège honorables d'être le Rédempteur de l'homme, et de prouver ainsi sa loyauté envers Jéhovah, et d'être élevé à la nature divine, "bien au-dessus des anges, des principautés et des puissances". Dès le début, il était au-dessus de toutes les autres créations réalisées par lui ; mais par cette dernière exaltation, il a atteint, dans sa résurrection d'entre les morts, une place de loin au-dessus de tous les autres à côté du Père à la droite de Dieu, où il restera toujours sans égal. »

« Quant au Saint-Esprit, l'esprit de Vérité, l'esprit de Dieu, l'esprit du Christ, l'esprit de sainteté, l'esprit d'un esprit sain, c'est l'antithèse, ou l'opposé d'un esprit d'erreur, un esprit d'hésitation, l'esprit de Satan, ou l'opposition à Dieu, un esprit d'injustice, ou d'impiété. Ce ne sont pas des êtres spirituels différents, mais des émanations d'êtres spirituels. Comme l'esprit de Satan est un esprit du mal, ou une influence, un esprit ou un tempérament mauvais, une puissance émanant de Satan, de même, au contraire, l'esprit de Dieu est un esprit de sainteté, de justice, de vérité, l'émanation et la manifestation de la volonté, du but, de l’énergie et de la puissance divine. Et ce Saint-Esprit procède de Dieu le Père. »

« Et notre Seigneur Jésus-Christ, étant en parfaite harmonie avec le Père, son Esprit est le même esprit de sainteté et de vérité. Et tous les consacrés de Dieu, dans la mesure où ils ont la pensée de Christ, l'Esprit de Christ, ont le Saint-Esprit et répandent cette sainte influence sur tous ceux avec qui ils entrent en contact. »

« Ainsi nous voyons qu'il y a une trinité des Ecritures bien différente de la trinité du Credo, une belle trinité. »

En résumé, si le Père est Dieu depuis l’éternité, le Fils, lui, devint « Dieu » après sa mort et sa résurrection, élevée à cette position divine par son Père, en récompense à sa vie marquée par une obéissante parfaite.

Quant à l’Esprit Saint, loin d’être une personne, il n’est qu’une manifestation ou une émanation de la puissance du Père ou du Fils.

Sans rentrer dans la contre-argumentation de cette position, constatons simplement que la position russellienne soulève des difficultés théologiques de taille.

Affirmer la divinité postérieure de Jésus remet immédiatement en cause l’affirmation divine trouvée en Esaïe 43 :1131 :

Si Jésus fut élevé à la stature divine, postérieurement à sa résurrection, un autre « 

Dieu

 » fut nécessairement formé après Le Père, en contradiction flagrante avec le texte précité ;

Si Jésus sauva l’humanité à la croix, antérieurement à son élévation à la stature divine, il y eut alors nécessairement deux sauveurs, et non plus un seul sauveur, comme l’affirme le texte précité.

Par ailleurs, Charles Russell réalisa un saut dans l’inconnu en affirmant que Dieu aurait fait de son Fils un « Dieu32 » : est-ce à dire que la divinité serait une nature sécable et cessible ? Dieu aurait-il « prit » et « partagé » sa nature avec son Fils, comme l’on partagerait un parapluie en un temps pluvieux ? Si c’est le cas, Dieu peut-il se départir pleinement de ses attributs divins au profit d’un tiers ? Que deviendrait-Il dans ce cas ? Etc.

Au demeurant, tant Le Père que Le Fils ne peuvent plus être crédités des attributs d’immutabilité, de sorte que les textes suivants sont, soit nécessairement faux, soit sujets à interprétation à l’infini :

« Car je suis l’Eternel, je ne change pas » (Mal 3 :6) ; « Jésus-Christ est le même hier, et aujourd’hui, et éternellement » (Heb 13 :8) ; « Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. » (Jac 1 :17).

Enfin, remarquons que si on doit suivre le raisonnement de Charles Russell quant à la nature de l’Esprit saint, on doit nécessairement reconnaitre l’existence de « deux » esprits dans le temps, car le « Jésus » (avant qu’il ne devienne « Dieu »), avait une nature différente de celle de son Père, et donc des caractéristiques « d’esprit » nécessairement différentes de celles de son Père.

L’esprit humain ne peut que sombrer dans un vertige des questions sans fin et sans réponse satisfaisante.

Dans la christologie de Charles Russell, un être créé (Jésus) pouvait devenir « Dieu », comme dans la doctrine mormone. Sa doctrine rendait ainsi l’identité de Dieu, telle que décrite dans la Bible, incompréhensible.

Sur l’enfer

Très tôt, le jeune Charles se sentît très mal à l’aise avec la doctrine de l’enfer.

Incapable de concilier ce lieu avec la bonté parfaite de Dieu, il en vint à élaborer sa propre théologie sur la question.

Selon lui, l’enfer n’était pas le lieu préparé par Dieu pour déverser sa juste colère contre les injustes. Un tel endroit n’avait pas de fondement biblique, sauf dans les ouvrages de théologie.

Il soutint plutôt l’idée que l’âme cessait d’exister après la mort, et que tous les hommes, à l’heure de la mort, retournaient au néant.

Sur ce point, contentons-nous d’une simple citation33 :

« Les gens intelligents et pensants ont commencé à se demander pourquoi le Seigneur ressusciterait les morts, s'ils étaient soit au paradis, soit en enfer, et leur part fixée à jamais de manière inaltérable. Puis ils ont commencé à se demander pourquoi les morts étaient appelés morts, s'ils étaient vraiment vivants. Puis ils se sont demandé pourquoi notre Seigneur et les apôtres n'avaient rien dit sur le fait que les morts étaient encore vivants, mais au contraire ont toujours indiqué une résurrection comme le seul espoir ; déclarant même que s'il n'y a pas de résurrection, tous ont "péri". (I Cor. 15 :1318.) Alors les paroles de notre Seigneur, promettant un réveil à "tous ceux qui sont dans leurs tombes", ont commencé à avoir un sens ; et l'on s'aperçut peu à peu que les morts ne sont pas vivants, mais que la mort signifie le contraire de la vie. Et ceux qui ont cherché ont trouvé que les Écritures sont en parfaite harmonie avec elles-mêmes sur ce sujet, mais en opposition directe avec les traditions communes d'aujourd'hui, reçues de la papauté. La racine de l'erreur étant ainsi supprimée, les différentes branches ont rapidement commencé à se flétrir. ; et bientôt on vit qu'au lieu que la vie éternelle (dans la misère) soit la punition des méchants, l'inverse est la déclaration biblique du plan de Dieu ; - que la vie éternelle est la récompense de la justice et que la mort, une cessation de la vie, est le châtiment des pécheurs volontaires »

Cette position, exprimée différemment, a toujours cours chez les Témoins de Jéhovah.

Sur le salut

On peut lire, ci et là, que Charles Russell croyait au salut par la grâce via la foi en Jésus.

Négatif.

Il croyait que le salut s’obtenait par la foi et par les œuvres. Sur cette question, il s’exprima de la sorte dans son testament 34 :

« A la chère famille de Béthel, […] Je vous supplie de continuer à progresser et à croître, en connaissance et surtout en amour, qui est le fruit important de l'esprit dans ses différentes formes. Je vous exhorte à être humbles, non seulement avec le monde, mais aussi entre vous, à être patients les uns à l'égard des autres et avec tous les hommes, à être doux envers tous, à avoir de la bonté fraternelle, à être pieux et purs. Je vous rappelle que toutes ces qualités nous sont nécessaires, si nous voulons entrer dans le Royaume promis ; l'apôtre nous dit que, si nous faisons ces choses, nous ne broncherons jamais. « C'est ainsi, en effet, que l'entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ nous sera pleinement accordée ».

Sur la pyramidologie

En 1864, après avoir passé 4 mois à mesurer les pyramides sur le plateau de Gizeh (Egypte), Charles Piazzi Smyth émît l’hypothèse, dans son livre « Notre héritage », que les dimensions de ces monuments avaient un lien avec les prophéties contenues dans l’Ancien et le Nouveau Testaments.

Robert Menzies, correspondant de Smyth, supputa que les dimensions du complexe pyramidal de Gizeh n’étaient que la traduction numérique des prophéties bibliques.

L’adventiste, George Storrs, influencé par les spéculations intellectuelles de Charles Smyth, fit écho de cette idée dans ses écrits, lesquels tombèrent entre les mains de Charles Russell.

Ce dernier en fut conquis.

Rapidement, Charles Russell établît, à son tour, un lien entre le complexe pyramidal de Gizeh et le texte d’Esaïe 19 : 19-2035.

Il expliqua que l’absence de l’expression « Grande pyramide » dans le texte d’Esaïe ne faisait aucun obstacle à sa présence 36 :

« La Grande Pyramide s'avère être un entrepôt de vérités importantes - scientifiques, historiques et prophétiques - et son témoignage s'avère être en parfait accord avec la Bible, exprimant les traits saillants de ses vérités dans des symboles beaux et appropriés. Ce n'est en aucun cas un ajout à la révélation écrite : cette révélation est complète et parfaite, et n'a besoin d'aucun ajout. Mais c'est un fort témoignage corroborant le plan de Dieu et peu d'étudiants peuvent l'examiner attentivement, notant l'harmonie de son témoignage avec celui de la Parole écrite, sans être impressionnés que sa construction fut planifiée et dirigée par la même sagesse divine et que c'est la stèle de témoignage dont a parlé le prophète dans la citation ci-dessus. »

« La vieille théorie selon laquelle [la Grande Pyramide] a été construite comme une voûte ou un tombeau pour un roi égyptien est indigne de foi ; car, comme nous le verrons, il fallait plus que la sagesse d'aujourd'hui, sans parler de celle de l'Égypte d'il y a quatre mille ans, pour concevoir un tel édifice. D'ailleurs, il ne contient rien à la manière d'un cercueil, d'une momie ou d'une inscription. Ce n'est que lorsque nous sommes arrivés au temps appelé dans la prophétie de Daniel "le temps de la fin", lorsque la connaissance devrait être accrue et que les sages devraient comprendre le plan de Dieu (Dan. 12:4, 9, 10), que les secrets de la Grande Pyramide ont commencé à être compris, et nos questions ont commencé à avoir une réponse raisonnable. »

Les mesures internes de la pyramide permirent ainsi à Charles Russell de pronostiquer le second retour de Jésus pour 1878, puis 1914.

En voici un exemple 37 :

« Donc, alors, si nous mesurons en arrière vers le bas le « Premier Passage Ascendant » jusqu'à sa jonction avec le « Passage d'entrée », nous aurons une date fixée pour marquer sur le passage vers le bas. Cette mesure est de 1542 pouces et indique l'an 1542 avant J-C comme la date à ce point. Puis mesurant vers le bas le « Passage d'entrée » à partir de ce point, pour trouver la distance jusqu'à l'entrée de la « Fosse », représentant la grande tribulation et la destruction, point culminant de cette période, quand le mal sera déchu de son pouvoir, nous trouvons qu'il s'agit de 3416 pouces, symbolisant 3416 ans à partir de 1542 avant J-C.

Ce calcul aboutit à 1874 après J-C comme marquant le début de la période de la tribulation ; car 1542 ans avant J-C plus 1874 ans après J-C égale à 3416 ans.

Donc, la Pyramide témoigne que la fin de 1874 fut le début chronologique du temps de la tribulation tel qu'il n'y en a pas eu depuis, et qu'il n'y en aurait plus jamais. Et donc, il sera noté que ce "Témoin" [la pyramide] corrobore entièrement le témoignage de la Bible sur ce sujet... »

Citons-le encore :

« Fermement encastrés dans cette solide structure rocheuse, au-delà de la puissance des tempêtes de la nature ou de la main impitoyable du destructeur, les esquisses du grand plan de Dieu se sont tenues pendant quatre mille ans, prêtes à rendre leur témoignage au temps fixé, au soutien du témoignage similaire révélé, mais caché pendant des siècles, de la sûre Parole de la prophétie. Le témoignage de ce "témoin de l'Éternel dans le pays d'Égypte", comme celui de la Parole écrite, indique avec une précision solennelle et infaillible le naufrage final de l'ancien ordre de choses de la "fosse" de l'oubli, et l’établissement glorieux du nouveau, sous Christ Jésus, la grande pierre angulaire de l'édifice éternel de Dieu, conformément aux lignes du caractère glorieux duquel toutes choses dignes d'existence éternelle doivent être édifiées sous lui. Amen ! Amen ! Que ton Royaume vienne ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme elle est faite au ciel !38»

Sur la parousie

Grâce à sa pyramidologie, conjuguée à un goût immodéré pour les spéculations prophétiques, Charles Russell réussît l’exploit d’annoncer, à sept reprises, le second retour de Jésus39.

On pourrait légitimement s’interroger sur la raison d’être de cette prise de risque, que d’aucuns qualifieraient de pure folie.

La raison de cette chimère se situe dans le positionnement idéologique même de Charles Russell.

Il se voyait jouer un rôle central, parmi les églises existantes, dans la compréhension et l’enseignement des prophéties bibliques relative à la fin des temps.

Voici l’approche schématique des Etudiants de la Bible d’alors :

– L’enseignement spirituel devait reposer sur la diffusion du « plan divin du salut », lequel consistait en une fresque historique sur l’origine et la destinée de l’humanité ;

– La compréhension de ce destin deviendrait lumineuse durant « les derniers jours », dont Charles Russell était persuadé d’y vivre ;

– Après que Dieu eut laissé un temps suffisant aux humains pour se livrer à la gestion des affaires du monde à leur guise (appelé « Temps des Gentils »), Il entrerait en scène en deux temps ;

– On assisterait, dans un premier temps, à une phase d’effondrement, caractérisée par un complet renversement des Institutions terrestres au terme d’une révolution mondiale. Cette révolution mondiale correspond à ce que le livre de la Révélation identifie par la bataille « d’Armageddon » (Rév 16).

Charles Russell formula d’ailleurs une réflexion sur la signification profonde de la Révolution française (1789) en lien avec sa conception de la bataille d’Armageddon 40 :

« Le dessein de Satan en incitant à la Révolution française était de créer une alarme dans toute l'Europe, en particulier parmi la classe influente, défavorable à la liberté, et d'illustrer ainsi en France la théorie selon laquelle, si les superstitions de Rome devaient être renversées et la liberté être pleinement en vigueur, toute loi et tout ordre cesseraient rapidement. Ce fut un coup de maître politique, digne de son auteur, et destiné, comme le montre le prophète, à accabler la « femme » (l'Église réformée), et à refouler tous les conservateurs et pacifistes - gouvernants et gouvernés - vers union et harmonie avec la papauté. L'échec du plan n'était pas dû au manque de ruse de son concepteur, mais au pouvoir absolu de Dieu, par lequel il est capable de faire en sorte que toutes choses concourent pour le bien. »

– Dans un second temps, la bataille d’Armageddon serait suivie d’une ère de grande reconstruction, au cours de laquelle les maux de l’humanité (la maladie, la douleur et la mort) seraient éradiqués et la justice restaurée ;

– Avant l'établissement définitif du royaume divin, un « petit troupeau », au nombre de 144 000 chrétiens oints, seraient transformés en êtres spirituels et recevraient l’immortalité au ciel.

Puisque l’objectif est d’appartenir à ce royaume divin, il convenait d’apparaitre comme le seul leader spirituel capable de discerner le temps et l’époque où « toutes ces choses » devraient arriver (Cf. Mat 24). La capacité de Charles Russell d’effectuer des prédictions prophétiques concourrait directement à cet objectif.

C’est d’ailleurs ce qu’il affirma :

« Nombreuses sont les questions relatives à la vérité présentées dans l'Aube Millénaire et la Tour de Garde de Sion, quant à leur origine et comment elles se sont développées jusqu'à leurs proportions symétriques et magnifiques actuelles - y avait-il un résultat de visions ? Dieu a-t-il, d'une manière surnaturelle, accordé la solution de ces mystères jusqu'alors de ce plan ? Les écrivains sont-ils plus que des êtres ordinaires ? Revendiquent-ils une sagesse ou un pouvoir surnaturel ? ou comment se fait la révélation de la vérité de Dieu ?

Non chers amis, nous ne revendiquons rien de supériorité, ni de pouvoir surnaturel, de dignité ou d'autorité ; nous ne nous exaltons pas non plus dans l'estime de nos frères de la maison de la foi, si ce n'est dans le sens où le Maître l'a exhorté en disant : « Que celui qui veut être le plus grand d'entre vous soit votre serviteur » (Matthieu 20 :27). »

[…]

« Non, la vérité que nous présentons, en tant que porte-parole de Dieu, n'a pas été révélée dans des visions ou des rêves, ni par la voix audible de Dieu, ni d'un seul coup, mais progressivement, surtout depuis 1870, et particulièrement depuis 1880, une période de plus de vingt ans. Et ce clair déploiement présent de la vérité n'est dû à aucune ingénuité humaine ou acuité de perception, mais au simple fait que le temps voulu de Dieu est venu ; et si nous ne parlions pas, et qu'aucun autre agent ne pouvait être trouvé, les pierres mêmes crieraient.41»

3. Hâbleur dites-vous ?

3.1. Une moralité douteuse

Eu égard aux scandales dans lesquels Charles Russell se retrouva empêtrés, l’honnêteté aurait dû l’inciter de s’interroger sur le maintien de son office de « pasteur » (1 Tim 3 :1-7, Tite 1 :5-9 et 1 Pie 5 :14), si tant est qu’il le fût réellement.

Passons en revue trois des quatre scandales ayant remis en cause la probité de Charles Russell.

Sur la maltraitance de sa femme

Le 13 mars 1879, alors âgé de 27 ans, Charles Russell épousa Maria Frances Ackley, de 2 ans son aînée42.

Maria Russell était une femme éduquée, ayant fréquentée le Lycée public de Pittsburgh et l’Ecole Normale de Curry, en vue de devenir Enseignante.

Aux côtés de son époux, elle fut un auteur prolifique et doué, ayant rédigé un certain nombre d’articles dans les colonnes de la Tour de Garde ou dans les différents volumes du Millennial Dawn (l’Aurore du Millénium), Best-Seller de son époux.

On peut d’ailleurs juger de la force de son caractère et du tranchant de ses positions dans une brochure qu’elle publia, après son départ du domicile conjugal, intitulé « Twain One »43

Car, à partir de novembre 1897, le couple vivait séparément en effet.

Maria Russell n'a cherché qu'à officialiser le statut de séparation, aux fins d’obtenir une pension alimentaire. Elle chercha à obtenir du Tribunal le prononcé d’une « séparation judiciaire », situation correspondant au prononcé de la séparation de corps, en droit français.

Dans sa saisine du Tribunal, elle fît état de « la vanité [de son mari], son égoïsme, sa domination et sa conduite inappropriée en rapport avec les autres femmes ».

Maria Russell se plaignît notamment du fait que son époux refusait d’avoir des relations sexuelles avec elle, la contraignant à vivre maritalement dans une forme de célibat.

Au terme d’une longue procédure, le Tribunal accueillit favorablement sa demande, en avril 1906, en reconnaissant « la cruauté » de son époux.

Charles Russell interjeta appel et, en 1908, la Cour supérieure de Pennsylvanie confirma le jugement de première instance. Cette procédure judiciaire mît en lumière la relation inappropriée de Charles Russell vis-à-vis de Rose Ball, une jeune sténographe, qu’il recruta et hébergea44.

Cette dernière fut pourtant, pendant longtemps, considérée comme la fille adoptive du couple Russell.

Citons quelques passages éclairant d’un des comptes-rendus d’auditions de ce procès45 :

«Q.Dites-nous ce que vous avez vu, ainsi sa version de fait ?R.La femme du pasteur raconte ses prétendues visites nocturnes :

« Un soir, il a passé la soirée en bas et notre bibliothèque et notre chambre étaient proches à l’étage. J’ai passé la soirée en train de lire, puis je suis montée à l’étage vers 10 heures du soir en direction de ma chambre. J’ai supposé qu’il fût soit dans la bibliothèque soit qu’il m’avait déjà précédé dans la chambre. Lorsque je suis montée, je me suis aperçu qu’il n’était ni dans l’une ni dans l’autre. Et pendant que j’étais dans le couloir, j’ai découvert qu’il était en robe de chambre, assis à côté du lit de Miss Ball et elle était allongée. A une autre occasion, je l’ai surpris se diriger dedans, elle l’appelait et lui disait qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle le voulait proche d’elle. J’ai objecté à cela, et j’ai dit que cela était fortement impropre, et j’ai dit : « nous avons des gens à la maison. Quelle serait la réputation de cette maison si vous faîtes des telles choses ? », puis il s’est énervé. »Q.Vous dites que vous l’avez trouvé faisant cela à d’autres occasions. Quelle en était la fréquence ?R.Je l’ai surpris à plusieurs reprises ; je ne peux me souvenir combien de fois.

Q.Dans sa chambre ?R.Oui, Monsieur. Et je l’ai aussi surpris dans la chambre de la domestique. Et je l’ai trouvé enfermé dans la chambre de la domestique.Q.A-t-il apporté une explication à cela ?R.Non, il s’est juste énervé.Q.Que vous lui avez-dit concernant sa conduite et que vous a-t-il répondu ?R.Je lui ai dit : « Nous avons beaucoup à faire », et j’ai dit « Dans cette œuvre, toi et moi devons marcher avec grande circonspection devant le monde et si tu te comportes ainsi, qu’arrivera-t-il ? Supposons que tu as raison dans tes opinions, ne penses-tu pas que les gens se jetteront sur ce type d’histoire ? » Et j’ai rajouté « Je ne suis pas satisfaite de cela », et il m’a répondu qu’il ne se laisserait pas gouverné par moi. Mais je me suis sentie très accablée à cause de cela.Q.Que faisait Rose au sein de la Watch Tower ?R.Elle s’occupait de la correspondance.Q.Où se situait son bureau par rapport au bureau de Monsieur Russell dans la Watch Tower Society ?R.Il n’était pas à côté du sien ; il se trouvait néanmoins au siège.Q.Quand se rendait-il à la Watch Tower, le matin ?R.Je ne me souviens pas ; il y descendait seul.Q.Qui l’accompagnait au retour ?R.Elle revenait avec lui le soir et ils revenaient vers 11h du soir, et les hommes qui étaient au bureau – elle était la seule femme – ces jeunes hommes rentraient à la maison, et lui ne l’autorisait pas à rentrer à la maison avec ces messieurs, et elle devait attendre et rentrer avec lui seulement.

(Objection) Je veux simplement les faits, est-ce que cette fille Rose retournait à la maison avec votre mari ?

R.Oui, Monsieur

Q.En quelle année c’était ?R.Fin 1894 (Réponse de M. Porter, avocat de la plaignante)Q.Avez-vous adressé à votre mari lors de cette confrontation des mots doux proférés ?R.Oui, Monsieur.Q.Quels furent-ils ?R.J’ai dit « Elle m’a dit qu’un soir, tu es revenu à la maison ». Je lui ai demandé que cela s’est-il passé. Je lui ai dit : « Elle m’a dit que cela s’est passé en bas au bureau quand elle était avec toi là-bas le soir lorsque tout le monde était déjà parti, et à la maison lorsque j’étais absente.Q.Maintenant, revenons aux mots doux