Liban - Stéphanie Baz-Hatem - E-Book

Liban E-Book

Stéphanie Baz-Hatem

0,0

Beschreibung

Le Liban est le poème tragique d’un peuple qui, bien qu’éparpillé aux quatre coins du monde, reste férocement attaché à ses paysages, son héritage et sa culture. Car le pays des cèdres vit ! Il vit parce que les Libanais, hantés par sa disparition aux mains des clans et des factions, veulent conjuguer l’avenir. Mais comment raconter le désastre quand la vie continue ? Le spectre d’un retour de la guerre et l’incapacité de retrouver une concorde nationale ruinent les rêves des Libanais. L’écriture passionnée de Stéphanie Baz-Hatem est à l’image de son pays, qu’elle ne veut pas voir céder aux sirènes du chaos.
Ce petit livre n’est pas un guide. Il est une invitation à se laisser séduire par le Liban d’aujourd’hui. Parce que l’âme d’un pays s’écrit aussi avec des mots d’amour. Un grand récit suivi d’entretiens avec Carla Eddé, Walid Joumblatt, Ziad Majed, Joumana Haddad et Paul Naggear.


À PROPOS DE L'AUTEURE



Franco-libanaise résidant à Paris, après avoir vécu longtemps à Beyrouth, Stéphanie Baz-Hatem est conseillère et consultante en communication. Spécialisée en politique française et européenne, elle conseille différents organismes internationaux et personnalités publiques.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 99

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Page de titre

Je tiens à remercier Richard Werly, évidemment, initiateur de ce projet fantastique qui consiste à faire connaître « l’âme des peuples », travail ô combien essentiel. Depuis 10 ans, j’ai énormément de plaisir à travailler avec lui sur les affaires européennes et méditerranéennes.

À Paul-Erik et Pauline, des Éditions Névicata. À Kelly qui se reconnaîtra.

Aux personnes interviewées dans ce livre, que je n’avais jamais rencontrées auparavant, pour leur temps précieux et leurs explications.

À John, mon mari, pour ses conseils, ses chronologies, ses encouragements, ses imitations hors pair concernant le Liban et les fous rires qui vont avec !

À mes parents, pour leur amour, leur énergie et leur positivisme. À ma sœur, pour sa bienveillance. À ma mère, pour son optimisme contagieux, pour ce qu’elle m’a transmis, de la cuisine à sa féminité, en passant par l’amour des livres. À mon père, pour tous ses conseils, notre complicité éternelle et nos conversations sur le balcon familial. C’est grâce à eux et à ce qu’ils m’ont fait voir du Liban que j’ai pu écrire une grande partie de ce livre.

L’ÂME DES PEUPLES

Une collection dirigée par Richard Werly

Signés par des journalistes ou écrivains de renom, fins connaisseurs des pays, métropoles et régions sur lesquels ils ont choisi d’écrire, les livres de la collection L’âme des peuples ouvrent grandes les portes de l’histoire, des cultures, des religions et des réalités socio-économiques que les guides touristiques ne font qu’entrouvrir.

Ponctués d’entretiens avec de grands intellectuels rencontrés sur place, ces riches récits de voyage se veulent le compagnon idéal du lecteur désireux de dépasser les clichés et de se faire une idée juste des destinations visitées. Une rencontre littéraire intime, enrichissante et remplie d’informations inédites.

Précédemment basé à Bruxelles, Genève, Tokyo et Bangkok, Richard Werly est le correspondant permanent à Paris et Bruxelles du quotidien suisse Le Temps.

Retrouvez et suivez L’âme des peuples sur

www.editionsnevicata.be

 (@amedespeuples)

 (@amedespeuples)

 (amedespeuples)

« Vous avez votre Liban et ses dilemmes. J’ai mon Liban et sa beauté. Vous avez votre Liban avec les conflits qui le rongent. J’ai mon Liban avec les rêves qui y naissent. Vous avez votre Liban, prenez-le tel qu’il est.

J’ai mon Liban et je n’en accepte que l’absolu. »

Khalil Gibran

« Le Liban est une saga de 4000 ans, une terre de passage et un champ de bataille par lesquels passe immanquablement une ligne de fracture politique, stratégique, religieuse ou culturelle. Dans ce maelström qui brasse des destins plus que des individus, les Libanais sont des Sisyphes voués à recommencer leur vie chaque jour. »

Yvon Le Gall

« Quand un Libanais tombe à la mer, il en ressort avec un poisson entre les dents. »

Proverbe libanais

Carte

À Lila et Thomas,

mes amours infinis

AVANT-PROPOS Pourquoi le Liban ?

Le Liban est un pays profondément attachant qui ne peut laisser personne indifférent.

D’une richesse infinie en termes d’héritages historiques et culturels, d’une beauté à couper le souffle, il possède une gastronomie qui ravit les papilles des gourmets du monde entier. Pays pluriel, il est petit par sa taille, mais grand par son rayonnement international, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

Pratiquement impossible à comprendre politiquement parlant, en proie aux conflits incessants de la région du monde dans laquelle il se trouve, ce pays méditerranéen est pétri de paradoxes. S’il est certain que le Liban se veut indépendant, libre et souverain, il n’en demeure pas moins qu’il survit le plus souvent à une cacophonie permanente. Son peuple, patriotique, est cependant souvent contraint à l’exil. Avec une estimation de 15 millions de personnes, la diaspora libanaise est l’une des plus importantes au monde. Les Libanais, éternels optimistes, ont une volonté de vivre plus forte que tout, dans un pays de 5 millions d’âmes, divisé en 19 communautés religieuses accueillant actuellement près de 2 millions de réfugiés. Chaleureux comme personne, ce peuple se fait une joie incommensurable de partager ses traditions.

Quand on vit à l’étranger, le Liban nous manque toujours d’une manière ou d’une autre. Il n’est cependant pas simple de s’en prétendre. Si le choix de s’exiler ou de perdurer dans cet exil a été fait, c’est bien qu’il y a une raison. Ce pays attire autant qu’il révulse. Il force l’admiration autant qu’il dégoûte. Il donne finalement peu, pour prendre beaucoup. Le parcours identitaire des Libanais de la diaspora n’est pas une mince affaire. C’est pourtant un passage obligé pour les ressortissants d’un pays qui se veut indépendant depuis près d’un siècle sans l’être véritablement.

Je suis née en 1984 et j’ai grandi à Paris en pleine guerre civile libanaise. Préservée des violences, l’idée de ce pays m’a été transmise par des parents, eux-mêmes issus de la biculture (mes grands-mères étaient respectivement Suisse et Française, mes grands-pères Libanais et Syrien), profondément résilients malgré la situation. Je n’ai eu du Liban, dans les premières années de ma vie, que des impressions, des transmissions par petites touches, dans une vie quotidienne profondément parisienne. Des ressentis cependant primordiaux : culinaires avant tout, car ma mère tenait à transmettre les traditions si riches de ce pays et avait à cœur – à défaut de nous parler arabe – de nous donner le goût des bonnes choses. Du houmous (purée de pois chiches) à la Kebbé (plat à base de viande hachée et de boulgour), en passant par la fleur d’oranger et les galettes de zaatar (thym), nous étions, ma sœur et moi, dès notre plus jeune âge, abreuvées de ces mets venus de là-bas. Ce n’est qu’à la fin de la guerre civile, au début des années 1990, que mes parents décidèrent de retenter une vie libanaise.

Cette décision de rentrer vivre au Liban fut pour moi, alors âgée de onze ans, ne parlant pas arabe et ayant vécu depuis ma naissance à Paris, un déchirement. Quitter le confort d’un pays connu pour un autre, sorti à peine des décombres, n’est pas évident. Laisser ma petite école Montessori pour un établissement jésuite, au port de l’uniforme obligatoire, non plus. Mais même si tout ne fut pas facile, j’ai adoré vivre au Liban de 1995 à 2002 et j’en garde des souvenirs merveilleux, dont la rencontre avec celui qui allait devenir mon mari. Ce retour au pays m’a permis de me sentir libanaise et de connaître davantage mes racines.

Lorsque ma famille s’est installée en 1995 à Beyrouth, la ville était quasi déserte, ravagée par une guerre de quinze ans ayant fait 150 000 morts. Nous avons assisté à sa résurrection. Rentrer au pays pour des Libanais en exil depuis des années, n’est pas chose aisée. On s’habitue aux normes quotidiennes des pays développés. Il est souvent très révoltant de voir que dans un État qui se reconstruit, tout ne va pas forcément comme il le faudrait. Pas d’électricité ni d’eau courante, pas de respect pour le Code de la route, pas de sécurité sociale, pas de transports en commun, ni de droits pour tous… Ces données d’après-guerre sont malheureusement toujours les mêmes aujourd’hui : les Libanais doivent s’équiper d’un générateur à usage personnel pour avoir de l’électricité car les coupures de courant sont quotidiennes. L’eau des maisons n’est pas potable. L’État n’aide (presque) en rien un peuple qui a déjà trop souffert. À l’heure où j’écris ces lignes, le Liban est dans une impasse : il subit de plein fouet une crise économique et sociale jamais rencontrée qui plonge le pays dans un abîme profond.

La première version de ce livre a été publiée en octobre 2019, quelques jours avant le début de la « Thawra » (Révolution) libanaise débutée le 17 octobre. Ce mouvement de contestation populaire, au départ, a constitué un formidable espoir pour des milliers de personnes. Enclenchées après l’annonce d’un impôt sur les appels téléphoniques par WhatsApp, les manifestations spectaculaires et à travers tout le pays ont notamment permis, en quelques jours, la démission du gouvernement en place. Les revendications populaires étaient nombreuses et légitimes : en premier lieu, le départ de l’ensemble de la classe politique.

La révolution libanaise a duré de longs mois, malgré une crise économique grave (croissance du PIB de 0,2 % en 2019, dette publique évaluée à 150 % du PIB, taux de chômage élevé), et la pandémie de Covid-19 qui a profondément affaibli le pays.

Le 4 août 2020, le Liban a été dévasté par une explosion chimique spectaculaire au port de Beyrouth, due à des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium qui avaient été entreposées depuis des années sans que personne ne s’en inquiète. Le bilan humain est tragique : 215 morts, 6 500 blessés, 300 000 personnes qui ont perdu leur logement. Un an après l’explosion, les dégâts sont estimés à près de 4 milliards €. Beyrouth a été défigurée au sens propre comme au sens figuré.

La double explosion survenue au port de Beyrouth a achevé tout un peuple. Il y aura toujours désormais un avant et un après 4 août. Les Libanais sont une fois de trop meurtris, atteints une fois de plus dans leur chair. Avec un seuil de pauvreté atteignant plus de 80 % de la population, le pays peine à survivre et c’est grâce aux initiatives individuelles et associatives que cela reste possible.

Il faut savoir que la société libanaise regorge de dynamisme, même dans les moments les plus durs. Les mouvements citoyens sont les seuls, face à des pouvoirs politiques rongés par la corruption et le laisser-faire, à améliorer le quotidien des gens. J’aurai toujours en tête l’exemple de mes parents, médecins, dont la volonté première en retournant vivre au Liban, était de se rendre utiles. Ma mère, pédiatre, a fondé l’association caritative Les petits soleils, pour apporter des soins médicaux aux enfants les plus démunis. Avec mon père, ophtalmologiste, ils soignent gratuitement, depuis vingt ans, la moitié de leur clientèle.

Si ma vie est définitivement à Paris, le Liban fait partie de moi et des allers-retours de mon quotidien. Quand j’y suis, je suis en terrain connu mais je garde l’œil curieux et critique du touriste, avide de découvertes. Et tout en reproduisant le schéma familial, c’est le meilleur du pays des Cèdres que j’ai envie de transmettre à mes enfants.

Aujourd’hui, même face à ce tableau sombre, je refuse de ne voir que les aspects négatifs de ce pays. Ayant tendance à toujours positiver, le Liban restera toujours à mes yeux synonyme de beauté et il y aura en permanence chez moi le besoin de le défendre.

Ce pays, d’une richesse infinie, reste aussi une plaie ouverte qui oblige les gens à se séparer. Une partie du monde dont les ressortissants ont toujours été et seront sans doute toujours condamnés aux incessants allers-retours et aux douleurs de l’éloignement.

Debout malgré tout

Si le Liban est toujours debout malgré de sérieuses entraves à son existence, c’est incontestablement lié à son histoire : une succession de civilisations, tantôt dominatrices, tantôt alliées, qui ont pu façonner cette « terre de lait et de miel » abondamment citée ainsi dans la Bible. Un millefeuille culturel lui permettant d’affronter les aléas du présent.

C’est en 5 000 av. J.-C. que tout commence, avec la création, par les Cananéens, des cités marchandes indépendantes de Gebal (Byblos), Saïda et Tyr. Au deuxième siècle av. J.-C., le territoire est occupé par les Phéniciens. Marins hors pair, on leur doit l’un des premiers alphabets du monde et un réseau commercial phénoménal en Méditerranée, allant jusqu’à la côte Atlantique de l’Europe et de l’Afrique. Leur plus grande qualité est sans doute d’avoir favorisé les échanges dans le pourtour méditerranéen, tout en facilitant le brassage des cultures.

La civilisation phénicienne, dont certains Libanais se réclament toujours (et pour cause !) laissera tour à tour place aux grands empires égyptien, assyrien, néobabylonien, perse achéménide et hellénique.