Ludothèque n°10 : Panzer Dragoon - Julien Goyon - E-Book

Ludothèque n°10 : Panzer Dragoon E-Book

Julien Goyon

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Beschreibung

Le dixième opus d'une série unique sur les plus novateurs des jeux vidéos !

Dans la grande histoire de SEGA, de nombreuses licences ont su marquer durablement le monde du jeu vidéo. Parmi elles, Panzer Dragoon a laissé une empreinte tout à fait particulière dans l’esprit des joueurs qui ont pris leur envol à dos de dragon bleu dans les années 1990. Et si, généralement, le jeu vidéo est le fruit d’un travail collectif, l’histoire de Panzer Dragoon débute avant tout dans l’esprit fertile de son créateur : Yukio Futatsugi.

Dévorez l'analyse de Panzer Dragon, qualifié "d'oeuvre d'art, belle et intemporelle", mettant en scène un chevaucheur de dragon dans un monde entre désert post-apocalyptique et laboratoire créateur de monstres.

EXTRAIT

Panzer Dragoon est une série qui n’a jamais rien fait comme les autres. En tant que jeu de tir sur rail, elle a fasciné par la profondeur de son univers. En tant que jeu de rôle, elle a étonné par l’originalité de ses mécaniques. Et de façon générale, elle a su marquer les joueurs par l’intemporalité de ses systèmes de jeu, son identité artistique unique et le ton désenchanté de son histoire, qui prend place dans un monde en déliquescence.

Panzer Dragoon est également une sorte de « perdant magnifique », pour reprendre l’expression du rappeur Sameer Ahmad. La série n’a jamais connu de succès commercial et elle reste difficilement accessible d’un point de vue matériel aujourd’hui, même en passant par les voies illégales de l’émulation. Si Orta - le quatrième épisode - ainsi que le premier Panzer Dragoon peuvent désormais être joués sur toutes les générations de console Microsoft, les épisodes Zwei et Saga n’ont jamais été réédités et restent largement méconnus d’une grande partie du public. Malgré cela, son statut de série culte du jeu vidéo est incontestable et son aura a su traverser les générations. Une longévité telle que SEGA a mis en place la création de remakes pour les deux premiers épisodes, plus de vingt ans après leur sortie.

À travers ce livre, nous reviendrons sur les différentes raisons qui ont permis à Panzer Dragoon d’accéder au rang d’œuvre culte en explorant les fondements de son univers et de son récit. Nous parlerons aussi des différentes personnes qui ont permis à la série d’exister, notamment son créateur, Yukio Futatsugi.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bibliothécaire de profession et musicien en éternel apprentissage, Julien Goyon découvre le jeu vidéo avec la Master System à la fin des années 1980. Il se passionne rapidement pour ce média et sa capacité à entraîner le joueur dans des imaginaires merveilleux, notamment par le biais des jeux d'aventure et des jeux de rôles japonais. Julien sera rédacteur pendant dix ans sur Mistwalker-Fr, site dédié à l'actualité du studio Mistwalker, fondé par Hironobu Sakaguchi (Final Fantasy). En 2011, avec plusieurs de ses camarades, il fonde le site Musica Ludi, consacré à la musique de jeu vidéo. Il évolue désormais dans le milieu de la musique en tant que compositeur et sound designer.

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Ludothèque 10 : Panzer Dragoonde Julien Goyon est édité par Third Éditions 10, rue des Arts, 31000 Toulouse [email protected] www.thirdeditions.com

Nous suivre : : @ThirdEditions  : Facebook.com/ThirdEditions  : Third Éditions

Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, même partielle, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite du détenteur des droits.

Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit constitue une contrefaçon passible de peines prévues par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteur.

Le logo Third est une marque déposée par Third Éditions, enregistré en France et dans les autres pays.

Directeurs éditoiiaux : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi Édition : Damien Mecheri Textes : Julien Goyon Relecture : Zoé Sofer (préparation de copie) et Anne-Sophie Guénéguès (épreuves) Mise en pages et couverture : Frédéric Tomé

Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions aux jeux Panzer Dragoon. Son auteur se propose de retracer un pan de l’histoire des jeux Panzer Dragoon dans ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces titres à travers des réflexions et des analyses originales.

Panzer Dragoon est une marque déposée de SEGA. Tous droits réservés. Le visuel de couverture est inspiré d’un artwork du jeu Panzer Dragoon Saga.

Édition française, copyright 2019, Third Éditions. Tous droits réservés.

ISBN : 978-2-37784-127-1

À la mémoire de Takashi Iwade, décédé en août 2019 pendant la rédaction de cet ouvrage.

Avant-propos

Panzer Dragoon est une série qui n’a jamais rien fait comme les autres. En tant que jeu de tir sur rail, elle a fasciné par la profondeur de son univers. En tant que jeu de rôle, elle a étonné par l’originalité de ses mécaniques. Et de façon générale, elle a su marquer les joueurs par l’intemporalité de ses systèmes de jeu, son identité artistique unique et le ton désenchanté de son histoire, qui prend place dans un monde en déliquescence.

Panzer Dragoon est également une sorte de « perdant magnifique », pour reprendre l’expression du rappeur Sameer Ahmad. La série n’a jamais connu de succès commercial et elle reste difficilement accessible d’un point de vue matériel aujourd’hui, même en passant par les voies illégales de l’émulation. Si Orta - le quatrième épisode - ainsi que le premier Panzer Dragoon peuvent désormais être joués sur toutes les générations de console Microsoft, les épisodes Zwei et Saga n’ont jamais été réédités et restent largement méconnus d’une grande partie du public. Malgré cela, son statut de série culte du jeu vidéo est incontestable et son aura a su traverser les générations. Une longévité telle que SEGA a mis en place la création de remakes pour les deux premiers épisodes, plus de vingt ans après leur sortie.

À travers ce livre, nous reviendrons sur les différentes raisons qui ont permis à Panzer Dragoon d’accéder au rang d’œuvre culte en explorant les fondements de son univers et de son récit. Nous parlerons aussi des différentes personnes qui ont permis à la série d’exister, notamment son créateur, Yukio Futatsugi.

Par manque de place, nous n’avons pu aborder le cas de Panzer Dragoon Orta de manière aussi approfondie que la trilogie sortie sur Saturn. Ce choix tient aussi du fait qu’il s’agit du premier jeu canonique de la série développé sans son créateur, qui a quitté SEGA après le troisième épisode, qu’il considérait comme la conclusion de son histoire. Néanmoins, il nous paraissait important d’aborder le cas de ce volet, que nous jugeons comme majeur et indispensable.

Nous vous souhaitons une bonne lecture et une belle (re)découverte du monde riche et fascinant de Panzer Dragoon.

Chapitre premier - Création

Des dragons et des hommes

Envies et influences

Dans la grande histoire de SEGA, de nombreuses licences ont su marquer durablement le monde du jeu vidéo. Parmi elles, Panzer Dragoon a laissé une empreinte tout à fait particulière dans l’esprit des joueurs qui ont pris leur envol à dos de dragon bleu dans les années 1990. Et si, généralement, le jeu vidéo est le fruit d’un travail collectif, l’histoire de Panzer Dragoon débute avant tout dans l’esprit fertile de son créateur : Yukio Futatsugi.

Natif de Kobe, Yukio Futatsugi passe une grande partie de sa jeunesse plongé dans des romans de science-fiction. Durant cette période, il se prend également de passion pour le jeu vidéo lorsqu’il vit un an à San Francisco, où il découvre Pong et Space Invaders. Au lycée, il envisageait de réaliser des films avec plusieurs de ses amis, mais il décide finalement de se tourner vers l’industrie du jeu vidéo, qu’il considère alors comme florissante. Après avoir validé son diplôme de Science de l’informatique à l’Université de Tsukuba à Tokyo, le jeune homme est embauché par SEGA en 1991, à l’âge de vingt et un ans. Selon ses propres termes, il n’effectue dans un premier temps que des « tâches subalternes1 », notamment sur The G.G. Shinobi (1991, Game Gear). En 1992, SEGA commence le chantier de la Saturn, sa future console 32 bits, en parallèle de consoles périphériques comme le Mega CD et le 32X. En quête de produits d’appel pour sa future machine, SEGA invite ses employés à soumettre des propositions de jeux à la hiérarchie, une démarche similaire à celle qui a permis de donner naissance à leur mascotte, Sonic. Force de proposition, Futatsugi présente deux idées de jeux à sa direction : un jeu de course et un de tir. Au même moment, en interne, le jeu de course Gale Racer (1994, Saturn) est déjà en développement, ce qui incite Futatsugi à se rabattre sur son jeu de tir2.

Dans les premières étapes de sa gestation, l’ambiance de Panzer Dragoon – qui ne portait pas encore ce nom – s’oriente davantage vers le space opera. Dans ce contexte, piloter un vaisseau spatial apparaît comme une évidence. Toutefois, l’idée de contrôler un véhicule plus organique pour donner une véritable singularité à son projet mûrit dans l’esprit de Futatsugi. Désireux de développer un titre en 3D, il est orienté par ses collègues vers Virtua Fighter (1993), jeu d’arcade fraîchement terminé chez SEGA, et qui n’est autre que le premier jeu de combat dont les personnages sont modélisés avec des polygones. Impressionné par le réalisme de l’animation des artistes martiaux, Futatsugi sait qu’il tient là le genre de rendu qu’il souhaite donner à son jeu. L’idée d’un véhicule mécanique au design anguleux est donc abandonnée en faveur d’une créature vivante, afin de se distinguer des autres jeux du genre – une obsession régulière chez Futatsugi. En s’interrogeant sur le type de monture à contrôler, le jeune créateur opte pour un dragon, estimant qu’il s’agit de l’animal qu’il serait le premier à vouloir chevaucher, et qu’il en serait de même pour les joueurs. Ce choix est approuvé par Manabu Kusunoki, illustrateur et directeur artistique de l’ensemble des épisodes Saturn, qu’il décrit comme étant « la créature légendaire la plus universelle qui soit3 ».

Rapidement, Futatsugi a besoin de donner une forme concrète à son projet. Mentionné plus haut, Manabu Kusunoki jouera un rôle crucial dans l’histoire de la série puisqu’il sera le premier allié de Futatsugi dans cette aventure. Plus concrètement, ils posent ensemble les bases de l’univers de la série : un monde postapocalyptique détruit 10 000 ans auparavant par une guerre technologique sans précédent, au milieu duquel de rares êtres humains tentent de survivre. Le but du joueur est de se frayer un chemin au sein de terres arides où prospèrent de nombreuses créatures hostiles ainsi qu’une mystérieuse faction humaine se faisant appeler « l’Empire ». Kusunoki définit alors le style esthétique du jeu, qui sera réutilisé et approfondi dans tous les épisodes de la série. Toujours dans le but de se distinguer des autres jeux de tir sur rail, les environnements d’inspiration européenne et l’idée d’un dragon vert sont rapidement éliminés, car jugés trop communs. Kusunoki puise alors dans l’art ottoman pour ébaucher les vestiges de cette lointaine civilisation, un choix particulièrement cohérent avec le cadre désertique du jeu. Quant au dragon, afin de lui conférer un rendu plus proche de la science-fiction que de l’heroic fantasy, Kusunoki décide de préserver les éléments visuels propres à cet animal, comme de grandes ailes ainsi qu’une longue queue, en choisissant néanmoins de lui donner une couleur bleue et de lui greffer sur le corps une sorte d’armure dont la surface s’apparente à la carapace d’un crustacé.

Si l’on peut spontanément penser que l’univers minéral du jeu est imposé par les limitations techniques de la Saturn, dont la difficulté à programmer une 3D complexe était déjà avérée en interne chez SEGA, c’est seulement en partie vrai : les principales inspirations des deux créateurs sont également à l’origine de ce choix. En effet, Futatsugi cite volontiers le roman Le Monde vert (1962) de l’écrivain britannique Brian Aldiss comme influence majeure. Ce livre de science-fiction plonge le lecteur dans un avenir lointain où la Terre ne tourne plus et s’est, par conséquent, transformée en une gigantesque serre. Les végétaux ont prospéré comme jamais, jusqu’à recouvrir la planète et évoluer en de dangereux prédateurs pour les autres formes de vie. Les êtres humains, dont la taille et le savoir ont régressé, doivent lutter pour survivre dans cet enfer végétal. Tous les joueurs de Panzer Dragoon feront immédiatement le lien avec certains environnements et adversaires du jeu. Nous pouvons citer comme exemple le cadre du premier niveau, où le joueur est notamment accueilli par des sortes de nénuphars carnivores aux couleurs orange et violet. L’œuvre d’Aldiss n’est pas le seul roman de science-fiction à avoir inspiré l’univers du jeu, puisque les vers des sables que l’on rencontre dans le deuxième niveau sont inspirés de la saga littéraire Dune (1965) de Frank Herbert.

Kusunoki, quant à lui, cite deux références majeures pour son travail sur Panzer Dragoon, à savoir la bande dessinée Arzach (1976) du Français Jean Giraud (plus connu sous le pseudonyme Mœbius), ainsi que le film Nausicaä de la vallée du vent (1984) du célèbre réalisateur Hayao Miyazaki. Des références flagrantes lorsqu’on se penche sur ces œuvres en question : Arzach se déroule sur une planète recouverte d’un immense désert dans lequel le personnage principal chevauche une sorte de ptérodactyle à la fois mécanique et organique. Concernant Nausicaä, l’héroïne se déplace, elle aussi, sur une machine volante, et le film entraîne les spectateurs dans les ruines d’un ancien monde technologiquement très avancé, détruit par la guerre. Encore une fois, la ressemblance avec le synopsis de Panzer Dragoon est évidente, d’autant plus que certains lieux, comme les différentes jungles traversées dans la série, peuvent faire écho à des environnements du film, telle la forêt toxique. Notons également que l’apport de Kusunoki ne se traduit pas seulement par sa capacité à imaginer et à dessiner un univers. En effet, l’illustrateur a travaillé auparavant sur Rail Chase (1991, arcade), un jeu de tir sur rail. Cette dénomination est ici parfaitement adaptée puisque le joueur incarne un personnage posté dans un wagonnet en mouvement du début à la fin du jeu, dont le but est de survivre à des vagues d’assauts ennemis en leur tirant dessus. Le rendu graphique et la palette de couleurs, dont les tirs bleus, préfigurent déjà certains choix esthétiques de Panzer Dragoon. À ce propos, le design des ennemis mécaniques est notamment inspiré par le personnage de Vega du film d’animation Harmagedon (Rintarô, 1983). Ce protagoniste a été dessiné par Katsuhiro Otomo, célèbre mangaka à qui l’on doit Akira, ainsi que, entre autres, le film d’animation Steamboy (2004).

Naissance de la Team Andromeda

Les fondations étant posées, SEGA constitue pour l’occasion une équipe de quinze développeurs, dont la majeure partie est issue du monde de l’arcade. À cette époque, la maison mère avait pour habitude de donner des noms issus du Système solaire, et de l’espace en général, à ses projets en interne. Ainsi, la Game Gear était surnommée Project Mercury, le 32X s’appelait Project Mars, etc. À l’image de la dynamique ambiante, cette nouvelle équipe est baptisée Team Andromeda, en référence à la constellation d’Andromède, mais le choix de ce nom n’est pas uniquement dû à ce contexte. En effet, la Team Andromeda est née en même temps que la Team Aquila (Victory Goal) et la Team Ara (Clockwork Knight), et l’ordre alphabétique de ces équipes correspondait au planning de sorties prévu en interne. En d’autres termes, le jeu de la Team ANdromeda devait arriver sur le marché avant le jeu de la Team AQuila, qui était planifié avant celui de la Team ARa – finalement, c’est Clockwork Knight, plus avancé, qui sera publié en premier.

La production du jeu de Futatsugi peut enfin démarrer. Le projet porte dans un premier temps le nom de code Andromeda, avant d’être surnommé « kikô ryû » (littéralement « dragon en armure » en japonais). Très tôt dans le développement, les graphistes du jeu sont